► E.D.I.T.O. Licence et création

On parle souvent de licences (en anglais, franchises ou IP (intellectual properties)), que ce soit dans le cinéma, le jeu vidéo… ou le jeu de société. Notre média favori n’est pas à l’abri de ce genre de procédé. Pourquoi se concentrer sur des œuvres établies plutôt que de créer de nouvelles idées, de nouveaux personnages ?

D’abord, il y a la question – évidente – de la notoriété. Un produit comme Star Wars est si mythique qu’un jeu estampillé Guerre des Etoiles qu’il vendra des boîtes sur ce seul argument. Un peu comme un jeu de Reiner Knizia ou Stefan Feld, ou un titre illustré par Naïade : les VIP du monde ludique vont faire vendre, quoi qu’il arrive, car les consommateurs connaissent. Et il en va de même pour les jeux à licence. Il y a bien évidement une affaire de sous. Il faut acheter les droits d’exploitations à la personne (physique ou morale) qui détient les droits patrimoniaux (l’auteur de l’œuvre source, l’entreprise qui gère ses droits). En échange, on aura accès aux logos de la licence, à son contenu, ses visuels, et on va pouvoir piocher là-dedans pour contenter les fans.

Prenez CIA contre KGB. Un bon petit jeu à deux, qui n’avait absolument pas besoin de se faire absorber par la nébuleuse Star Wars pour devenir Empire contre Rébellion. Pourtant, ce dernier n’est pas si mal, voire même plus riche que son aîné. En tout cas, le sentiment de jeu est très différent. Et ça vend sur Star Wars plutôt que sur la guerre froide.

Godfather-jeu-de-societe

On en parlait y’a pas si longtemps sur le Vox.

 

Il y a une histoire de sous, de communication en boutique aussi, sûrement. Et créer du nouveau contenu narratif, l’installer en boutique, est plus coûteux que de réutiliser du contenu existant. Regardez Warhammer qui se décline avec Blood Bowl, Blood Bowl Team Manager, Chaos dans le vieux monde, Warhammer Quest, Warhammer Invasion, Age of Sigmar… Oui, ils réutilisent les mêmes codes, parfois les mêmes visuels. Mais ici, on parle d’une licence installée par la même entreprise (Games Workshop). Pas de sous à sortir à chaque nouveau produit.

Du coup, la licence vend, certes, mais pousse à la paresse. Cela entraîne des jeux parfois mal travaillés. Je pense à Buffy qui peut se targuer de m’avoir fait rire pendant deux heures, Adventure Time qui n’a pas séduit Izobretenik, ou d’autres titres souvent oubliables. Mais parfois, licence n’est pas synonyme de mauvais game design (et c’est plutôt cool) : Battlestar Galactica semble un exemple évident de ce qui fonctionne. Assaut sur l’Empire (Imperial Assault) est une réussite de haut vol, La Guerre de l’Anneau se hisse en haut des podiums de BoardGame Geek. Simplement, la licence permet de diffuser plus loin que les cadres traditionnels du jeu de société. Ainsi, BSG pouvait toucher les aficionados de la série, le tout neuf Bloodborne touchera les fans du jeu vidéo. De quoi étendre un marché très occupé et grignoter de la visibilité un peu partout.

Et quand on voit l’importance des « vieilles » licences (Dracula, Holmes, Robinson Crusoe), on se dit que l’affaire est bien plus vaste que ça. Et puis si on veut un peu abuser, on peut même dire que la mythologie est une IP comme une autre…

Sommes-nous condamnés à voir des jeux à base de licence envahir les étals et les ludothèques ? Vous avez quatre heures.

 

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19 Commentaires

  1. morlockbob 06/04/2016
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    j ‘hésite à lancer mon Ks sur la franchise « le gendarme de st tropez ». Avec un partenariat, cool mini pour les figs et  Disney pour « le gendarme est les extra terrestres de la lune noire », je pense qu’on peut tout exploser…non?

    • Umberling 06/04/2016
      Répondre

      Ben quand on voit qu’on fait des jeux Princess Bride ou Ghostbusters, alors qu’on pourrait se servir des mêmes ressources pour faire plus ambitieux, ça me fait toujours un peu bizarre…

      • mattintheweb 06/04/2016
        Répondre

        Attention à pas dire de mal de Princess Bride, hein…
        Ça serait complètement in-conce-vable ! 😉

        • Djinn42 06/04/2016
          Répondre

          Tou a toué mon pèle. Plépale toi à moulil.

        • Umberling 06/04/2016
          Répondre

          Jamais. J’aime beaucoup ce film ! Mais je ne suis pas sûr que les jeux qui en sont dérivés soient aussi pertinents que ça.

  2. mattintheweb 06/04/2016
    Répondre

    L’édito évoque bien les enjeux commerciaux et financiers pour les éditeurs et les boutiques, mais ce ne sont pas les seuls aspects de cette tendance, dont la licence n’est que la forme contractuelle.

    En termes de création, imaginer un jeu sur la base d’un univers pré-existant, souvent très codifié, est à la fois une richesse thématique et une contrainte mécanique, ce qui rend à mon avis l’exercice assez particulier pour les auteurs.

    Pour les joueurs, s’il y a le risque de se faire piéger avec un mauvais jeu dissimulé derrière une référence qu’on adore, il y a aussi le plaisir de retrouver des personnages et des éléments qu’on connaît parfaitement, au contraire de créations originales plus génériques, ou en tout cas moins porteuses de sens.

    Just my 2 cts. 😉

    • Umberling 06/04/2016
      Répondre

      Tout à fait d’accord. L’édito était là pour jeter un peu le pavé dans la mare, et c’est cool qu’éditeurs et auteurs viennent en parler ici.

  3. Bruno Cathala 06/04/2016
    Répondre

    Je suis complètement d’accord avec Matthieu…

    Et du côté de l’auteur, il y a un autre aspect à prendre en compte: tout simplement le plaisir de travailler sur un univers qu’on adore !! Par exemple, j’ai fait un « petit » jeu sur un univers qui me fait triper depuis des années. Je l’ai fait juste pour le plaisir, en pensant que jamais ça ne serait possible. Et à ma grande joie, l’éditeur possédant les droits a accepté le projet. Et je peux vous garantir que cette joie est infiniment plus liée au plaisir d’avoir réussi à apporter ma micro-pierre à cet univers, qu’aux éventuelles retombées économiques.

    • fouilloux 06/04/2016
      Répondre

      Ah j’ai du coup une question à ce sujet : j’ai l’impression que travailler sur une licence existante peut faciliter lorsque l’on cherche à faire un thème fort, parce qu’on a  de la matière à retranscrire en mécanisme de jeux. Alors que si l’on invente un univers totalement nouveau, et bien il y aussi tout en univers à imaginer, et ça rajoute une sacrée difficulté il me semble non? (C’est en tout cas comme ça que je le ressens en ce moment en essayant de faire un jeu). Qu’en pensez vous?

      • Bruno Cathala 06/04/2016
        Répondre

        CE qui est important, c’est l’univers sur lequel tu t’appuies..

        Il peut être pré-existant, que ce soit au travers d’une license (Star Wars, Battlestar Galactica….) ou pas (LEs Chevaliers de la Table Ronde, le japon féodal….)

        Il peut aussi être inventé de toute pièce (Abyss)

        Pour Abyss, on a mis un an à trouver quelle histoire raconter avant de commencer à vraiment travailler sur l’architecture du jeu.

        • fouilloux 06/04/2016
          Répondre

          Ok, merci du retour! Surtout que là on part plutôt sur quelque chose presque inventé de toute pièce. (Qui devait à l’origine se passer sous l’eau aussi, mais ça marchait pas)

  4. sony69 06/04/2016
    Répondre

    C’est un débat récurrent valable ailleurs.

    Les jeux video que j’ai délaissés depuis 2 ans (vive les enfants ^^) ont eut la meme reflexion devant le developpment de suites de franchises « bankable » a tire l’arigot. Exemple : gran turismo, splinter cell, call of duty, etc…

    La difficulté est de réussir a se renouveller sans cesse sans tomber dans la facilité de juste recycler un systeme de jeu en deplacant le contexte et/ou le lieu et/ou l’epoque.

    J’espere n’avoir pas été trop hors sujet 😉

    • Djinn42 06/04/2016
      Répondre

      Dans le cas de Abyss, puisque Bruno Cathala est passé par là, c’était intéressant de voir le jeu prolongé en Artbook dès Cannes 2015. Xavier Colette, que j’ai découvert d’abord par la BD, a fait un boulot tellement fabuleux que ça a semblé naturel à tout le monde.

      On imagine sans peine que des jeux de société finissent par être adaptés à leur tour.

      • fouilloux 06/04/2016
        Répondre

        Est ce que c’est pas un peu ce qu’essaie de faire Libellud avec son monde de Xidit? Je trouve ça très sympa en tout cas comme démarche. Mais faut dire que moi ce que j’aime c’est qu’un jeu me raconte une histoire.

  5. Tom Vuarchex 06/04/2016
    Répondre

    Je voudrai juste rebondir sur un point : « Un peu comme un jeu de Reiner Knizia ou Stefan Feld, ou un titre illustré par Naïade : les VIP du monde ludique vont faire vendre, quoi qu’il arrive, car les consommateurs connaissent. »
    Bah, non, je ne suis pas du tout d’accord avec ça. Un bon Knizia se vendra, un mauvais Knizia ne se vendra pas, et c’est tant mieux. Quand à Naïade, j’ai beaucoup de respect pour lui et son travail mais, en dehors des 2000 geeks qui connaissent son nom, les gens qui vont acheter le jeu grâce aux illustrations le feront parce que c’est un style qui leur parle et qu’ils trouvent la boîte belle, pas parce que c’est Naïade.
    Penser qu’un nom sur une boîte fait vendre, c’est manquer un peu de recul par rapport à notre petit milieu, peut-être qu’il y a un effet sur les premiers prescripteurs (et ce n’est pas rien) mais la base de gens concernées est trop faible pour assurer un réel succès commercial, contrairement aux licences célèbres. Cela arrivera peut-être un jour mais c’est encore un peu tôt. Et, franchement, je ne suis pas sûr que ce sera un progrès.

    • Bruno Cathala 07/04/2016
      Répondre

      2000% d’accord avec Tom. D’ailleurs un éditeur ne signe jamais un jeu juste pour le nom d’un auteur. Qui que soit cet auteur, le nombre de ventes garanti ne dépassera jamais les quelques centaines (et encore), chiffre en tout cas toujours totalement insuffisant pour justifier un investissement aveugle sur un nom. Et c’est tant mieux.

      • Umberling 07/04/2016
        Répondre

        Oui, on ne va pas s’y tromper : les gens acquièrent un nom par leur talent. Dans une industrie très concurrentielle, c’est comme ça que marche le système, et c’est un signe de sa santé. D’ailleurs on peut voir ça dans le livre aussi, avec par exemple de gros flops de personnalités politiques (je ne veux pas lancer de débat là-dessus, mais les chiffres sont particulièrement parlants, et les deux milieux fonctionnent de façon assez similaire). Il n’en reste pas moins qu’un créatif (auteur, illustrateur) a ses forces et ses faiblesses, sur lesquelles l’éditeur doit compter. Et chacun a ses projets un peu moins bons que les autres : parfois, on ne sera pas au top, pour une raison X ou Y, intérieure au projet ou pas. Et le jeu s’en ressentira.

        Pour moi, signer un grand nom et travailler avec lui signifie d’abord obtenir un certain résultat : on connait la ludographie ou le book de la personne, on sait qu’on va avoir un boulot clean assez vite. Ou du moins qu’on n’aura pas un jeune auteur ou illustrateur à coacher sur les bases du métier. (C’est aussi comme ça en littérature.)

    • Sha-Man 07/04/2016
      Répondre

      Je suis partiellement d’accord avec toi.

      Ok, on parle de noms connus dans un univers niche et il y a ensuite des effets bouche à oreille encore une fois dans un domaine plus large de connaisseurs / amateurs.

      Malgré tout, quand on voit les volumes de tirage d’un grand nombre de jeux (je ne parle pas de Jungle Speed là ;-)), il y a une sacré réduction du risque financier pour l’éditeur quand on sait qu’on va déjà toucher une base de potentiels prescripteurs qui sont fans.

      Ensuite il y a la notion de communication et de cycle de vie d’un jeu. Certains jeux bons sans designer connu se sont fait écraser par des sorties parallèles de noms connus et par la puissance de com’ déployée (donc oui cela ne tient pas qu’au nom).

      Typiquement, si je regarde les news de Ludovox, qui s’adressent principalement au public averti, et si on parle du prochain Cathala, il y a 5 à 10 fois plus de vues que si on annonce le prochain Michel Gobert (j’ai tiré un nom au hasard, désolé Michel).

      Il y a donc une attente plus forte qui est constatée avec une réponse plus forte d’une frange du public.

      La capacité à se faire « voir » et « connaître » est clef dans notre milieu au vu du nombre de sorties et le fait de savoir qu’une partie déjà correcte va s’y intéresser et donc nous permettre de développer le bouche à oreille plus rapidement / efficacement.

      Il faut voir aussi qu’il y a un effet psychologique sur les boutiques qui auront tendance de prime abord à mettre en avant un jeu avec un nom connu à l’illustration / game design, car elles n’ont pas le temps de jouer à tout.

      Et je ne parle même pas de ce qu’elles choisissent d’acheter lors de l’implantation du jeu en boutique.

      Après je ne nie pas ton propos, clairement un jeu réussi est un jeu qui s’inscrit dans la durée (et donc dans le volume) et ça ne se fera que sur l’appréciation du jeu par le public au final.

  6. zedzed 07/04/2016
    Répondre

    Sauf erreur, 7W Duel a loin d’avoir été accepté par Repo Prod dès la première présentation du proto malgré une licence et deux auteurs emblématiques du jeu de société !

    Après, il y a peut-être aussi des éditeurs plus regardant que d’autres.

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