Flip City, se retourner le cerveau ou pas ?

Flip City, c’est l’histoire d’un petit city builder tranquillou, où l’on joue avec des structures kawaïï et un design à la Minivilles. Sauf qu’en lieu et place de mécanismes de dés, on va deckbuilder. Ça pourrait être un jeu de deckbuilding lambda, mais au final, il y a bien plus fort que ça : toutes les cartes sont recto-verso et on pourra les retourner au cours de la partie. Alors, comment ça marche ? Comment gérer sa main, si elle est double-face ? Répondons ensemble à ces questions, si vous le voulez bien.

 

 

L’indispensable point matériel

Petite boîte, presque une centaine de cartes de très bonne facture, pas de thermoformage, des règles sur une page glacée pliée. Flip City (appellée Design Town dans sa première édition) ne brille pas par la qualité des règles ni par ses rangements, ni par ses illustrations, certes mignonnes mais pas ultra-top non plus. En revanche, question lisibilité, on est dans du très bon, et l’ergonomie est vachement bien foutue : cadre rappelant sur quelle face on est (normale ou améliorée), code couleur, symboles adéquats, même fond, bref, on sait dans quoi on s’engage. De plus, le matériel carte est solide et survivra à de nombreuses parties.

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Le deck de départ, pas jojo.

 

De la construction

Il y a deux façons de gagner : jouer des cartes totalisant 8 points de victoire dans le même tour, ou en jouant un Convenience Store (Supérette) et 17 autres bâtiments. Cela marque alors la victoire immédiate, la fin de la partie. Pas d’égalité en vue, mon capitaine ! Et ça, c’est pas plus mal.

Le deck de chaque joueur est donc symétrique : 4 Residential Areas, 1 Apartment, 1 Convenience Store, 1 Factory, 1 Hospital, 1 Central Park, soit 4 cartes de base + 1 carte de base retournée, et une carte de chaque pile d’achat dans son niveau « de base ». Nous allons le tenir de manière à ne révéler que la carte supérieure de notre paquet !

Le tour se constitue de deux phases : d’abord, on peut jouer ses cartes, et ensuite, on pourra acheter / améliorer ses cartes.

 

Pousse ta chance de là !

Lors de la phase de jeu, on a affaire à un mécanisme de stop ou encore, aussi appelé Push your Luck en bon anglois de chez les autres. Nous allons pouvoir décider ou non de jouer la carte du dessus de notre paquet, et cela nous rapporteras sous, effets particuliers, mais aussi mécontentement. Au troisième smiley mécontent joué, hop, vous remballez, votre tour s’arrête immédiatement et vous n’aurez pas de phase d’achat. Tout passe à la trappe dans les cartes que vous avez joué.

Certaines cartes – nommément les Residential Areas – doivent être jouées si elles sont sur votre paquet. De quoi vous donner les miquettes si vous avez déjà du mécontentement. D’autres, comme le Mall, vous obligeront à continuer à jouer. Des prises de risques difficiles, mais souvent payantes. Passer son tour est toujours très frustrant, surtout à la fin du jeu. Lorsque tout le monde est dans la même mouise, tout va bien ! En revanche, quand on se tire du marasme, et qu’on parvient à tirer parti d’un hôpital, on se sent puissant. Tout le jeu réside dans la réduction, voire la suppression, du facteur chance, et quoiqu’il reste présent jusqu’à la fin de sa partie, il perd de sa prépondérance.

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Début de partie, j’ai déjà deux mécontents. Je pourrais jouer cette épicerie, mais… oui mais non, quoi.

 

Achat perché

Lors de notre phase d’achat, nous avons trois possibilités, et il faudra n’en choisir qu’une :

  • Acheter une carte d’une des piles. Et on la met dans sa défausse. Ma foi, rien de bien sorcier.
  • Acheter une carte et payer son coût de retournement. On la met dans sa défausse du côté amélioré. C’est, de loin, l’action la plus rentable, mais elle demande d’avoir beaucoup thésaurisé. Vraiment beaucoup.
  • Retourner une carte de sa défausse en payant son coût d’amélioration (violet).

 

Les cartes disponibles du côté amélioré de la force sont complémentaires de leur version de base, mais aussi radicalement différentes. Les interactions entre les cartes peuvent sembler plus ou moins évidentes, mais se portent vers un deckbuilding millimétré, semblable à ce qu’on peut retrouver dans un Rune Age : le deck est relativement court, mais le fait d’évacuer la pioche change pas mal de choses. Allez-vous rendre votre deck fort et cher, ou le diluer avec des Supérettes dans l’optique de jouer vos 18 cartes ? Faire un rush à base de central park/station/Mall ? Jouer Church pour espérer faire de plus gros tours, ou peut-être pour jouer les sacro-saintes 18 cartes ? Ne jouer qu’avec des cartes de base comme Central Park et épuiser les Convenience store ? Malgré le nombre très restreint de cartes, les interactions sont très puissantes.

À tout moment, il est possible de rétrograder une carte à sa face d’origine si elle dispose de la flèche de rétrogradation verte ; cela déclenchera un effet bonus en général pas piqué des hannetons, qui ira du simple sou en plus jusqu’à des points de victoire supplémentaires ou des mélanges de paquet pas forcément très orthodoxes. Bref, souvent du contrôle de pioche, souvent des mécanismes de bases, mais le tour se tient très bien ensemble, avec un ensemble thématique à peu près correct.

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Les cartes ennuyeuses, et comment en tirer parti.

 

De la démolition (de l’adversaire)

Dans ces circonstances, facile de trouver l’intérêt multijoueur de Flip City: le micro-deckbuilding étant établi, il ne me reste plus qu’à vous parler de comment on se met des bâtons dans les roues. Car oui, il y a bien de ça. Bien entendu, le blocage par épuisement d’une banque est de mise, mais il n’y a pas que cela : le jeu change de morphologie lorsqu’on prend en compte les cartes de base, à savoir la Zone Résidentielle / Appartement. Vous savez, cette carte que vous êtes obligé de jouer.

Une fois transformée, vous pourrez payer 8$ pour vous vous en débarrasser et la mettre côté zone résidentielle sur la défausse d’un de vos adversaires. Oh, oui, c’est absolument dégueulasse et cela pourrira considérablement le jeu de votre adversaire sur un deck si court. S’il n’a pas d’église ou de centrale électrique pour faire face à la menace des multiples smileys mécontents, l’autre joueur va en pâtir. Autant vous dire que si vous jouez à deux, l’ascendant est critique : à niveau pas tout à fait égal, la partie se pliera très vite. Cependant, à trois ou quatre, un brin de kingmaking viendra vous sauver la mise (ou vous la pourrir si on constate du leader-bashing dans votre groupe).

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Office et Trade Center gère votre deck de façon défensive quand Factory et Power Plant sont bien agressifs comme il faut.

 

Pour autant, ces surpuissantes piques d’interaction ne sont pas très fréquentes et on n’a pas affaire à un jeu ayant pour but d’émuler un conflit frontal.

Dans la boîte américaine est incluse la mini-extension Office, que je considère plutôt indispensable au bon jeu : la mitigation de deck proposée est suffisamment riche pour qu’on ne veuille jamais s’en séparer une fois testée. Cependant, cette mitigation cache certains aspects du deckbuilding car l’utilisation des bureaux est beaucoup plus évident que celui des autres cartes. En revanche, côté amélioré sur le Trade Center, c’est bien plus fin.

 

Ma cité à moi

On peut également jouer en solo. Et c’est plutôt pas mal, comme mode ! On partira sur un jeu très similaire au jeu de base : l’objectif ne change pas. Seulement, on n’a qu’une pile de 4 exemplaires pour chaque bâtiment. Et à chaque mélange de paquet, on sera forcés de retirer un bâtiment de notre ligne d’achat. Le jeu nous incite donc à retourner nos cartes et à changer nos stratégies : l’usine est-elle un bon coup, puisqu’elle réduit la taille de notre paquet ? Le Trade Center qui force le mélange, est-il vraiment si rentable ? Bref, l’économie de moyens est de mise et on se retrouve dans un casse-tête bien agréable, quoiqu’assez facilement solvable.

Bref, de quoi changer vos habitudes, et j’ai même pu jouer dans l’aéroport de Chicago au retour de la Gencon. C’était marrant de voir les gens autour de moi s’interroger sur ce que je faisais…

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Les cartes pour gagner.

 

► Bilan

Flip City est une excellente expérience, je le dis sans ambages. La gestion des cartes, du paquet et l’élément de stop ou encore viennent agrémenter un deckbuilding des plus fins, épuré jusqu’à un point de beauté assez impressionnant. Oui, de beauté. J’ose. Par contre, la puissance des interactions est peut-être légèrement mal dosée : prendre l’avantage est légèrement trop fort. Voire beaucoup trop. Peut-être les fans d’affrontement direct seront-ils déçus par Flip City, qui ne manque pas de grand-chose pour être un grand jeu. Peut-être la rejouabilité est-elle un peu à la ramasse, en revanche ; là où Rune Age proposait différents modes de jeu pour renouveler l’expérience, Flip City tourne un peu court. Cependant, je ne me lasse pas de le faire découvrir, et quelques subtilités m’apparaissent encore. Signe d’un excellent jeu ? Probablement, et pour le prix d’une vingtaine de dollars… ça vaut vraiment le coup. On nous a dit que les droits étaient réservés pour la France, mais on ne saura pas aujourd’hui chez qui. On s’en fiche, nous on a joué, et on a aimé.

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Un jeu de Chen Zhifan
Illustré par Adam P. McIver
Edité par Tasty Minstrel Games
Pays d’origine : Chine
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie : 2015
De 1 à 4 joueurs
A partir de 10 ans
Durée moyenne d’une partie : 30 minutes
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2 Commentaires

  1. atom 24/09/2015
    Répondre

    J’attends le mien qui devrais arriver ce matin. Je t’ai fait confiance 🙂

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