Entretien avec Fred Serval, auteur et passionné de wargames (Partie I)

J‘ai eu le plaisir d’interviewer Fred Serval, auteur et joueur passionné de wargames et de jeux d’histoires, et animateur d’une chaîne YouTube – Homo Ludens – consacrée à cet univers. Dans cette interview, il nous parle certes des wargames et des jeux d’histoire, mais il réfléchit également aux préjugés les plus courants sur ce type de jeux. Cet entretien a été particulièrement riche et intéressant, c’est pour cette raison que nous avons décidé de le publier en deux parties.

 

Pour commencer, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs et nous raconter comment tu t’es rapproché de l’univers des wargames et ce que tu y fais ?

Je vais commencer par vous remercier car il y a très peu de médias français qui me contactent. Cela me fait d’autant plus plaisir que Ludovox est un média généraliste sur le jeu de société.

Je m’appelle Fred Serval, j’ai trente-sept ans et je vis en Angleterre, à Londres. Mon travail n’est pas de concevoir des jeux de plateau. En effet, je travaille au sein de l’industrie du jouet, dans un domaine très différent de la conception de jeux. Mais mon hobby, c’est de concevoir, jouer et parler de jeux d’histoire sur ma chaîne Homo Ludens.

Il y a quelques années, j’ai commencé une activité de conception de jeu et j’ai l’impression que cela ne va pas s’arrêter de sitôt. Mon premier jeu s’appelle Red Flag Over Paris et il a été publié d’abord aux États-Unis par GMT Games. En français, il s’appellera La Commune ou la Mort et sera traduit par Nuts Publishing. Après ce premier jeu, j’ai fait plus de design. Toujours en 2021, j’ai réalisé un jeu de cartes PnP (imprimable librement chez soi) qui s’appelle Gravelotte 1870. Un nouveau jeu va également sortir prochainement chez GMT, et il s’appelle A Gest of Robin Hood

 

I. Qu’est-ce qu’un wargame ?

 

Avant d’entrer plus en détail dans les distinctions, pourrais-tu nous donner une définition générale et globale du wargame ?

Le wargame est compliqué à définir car il s’agit d’une catégorie à l’intersection de plusieurs choses, et moi-même je ne joue pas et je ne m’intéresse pas à tous les wargames. En général, on va mettre sous ce terme tous les jeux qui touchent, à différents niveaux de complexité, à la simulation de conflits armés, ou qui essayent de les représenter.

Dans cette catégorie, on retrouve donc un éventail très large de jeux pouvant aller de Warhammer 40000 (jeu de figurines dans un univers fantastique) à Combat Commander (sans figurines et qui se déroule durant la deuxième Guerre Mondiale). Le matériel, les mécanismes de jeu et le thème traité peuvent être très divers et, bien sûr, entre les extrêmes que j’ai cités, on trouve différentes échelles, niveaux de complexité et sujets.

Combat Commander : Europe de Chad Jensen

 

Personnellement, j’aime les wargames mais, en tant que joueur et concepteur de jeux, je ne dirais pas qu’ils sont mon centre d’intérêt principal. C’est le jeu d’histoire qui, selon moi, recouvre plus que le wargame. Les conflits armés constituent une partie importante des jeux d’histoire car ceux-ci portent toujours sur des moments historiques qui cristallisent beaucoup de fascination, et qui se résolvent souvent par le conflit armé. Mais, heureusement, l’histoire, ce n’est pas que la guerre et cela rend, à mon sens, les jeux historiques beaucoup plus intéressants car, en dehors des conflits, il peut se passer beaucoup d’événements passionnants.

Quand je pense aux jeux que je fais et à ce qu’il m’intéresse de faire dans le futur, je ne voudrais pas forcément toujours me consacrer aux conflits armés. D’ailleurs, dans mon premier jeu (ndr : La Commune ou La Mort), il y a une dimension politique au moins aussi importante – sinon plus – que la dimension militaire). Mon centre d’intérêt principal reste donc l’histoire, et comment un jeu peut la représenter.

 

Si l’on devait simplifier et identifier des différences entre les eurogames et les wargames, lesquelles seraient-elles, selon toi ?

La différence principale que je vois, même si nous sommes bien d’accord qu’il s’agit d’une simplification, c’est que, dans l’eurogame, le système et les mécaniques seront premières et le thème, secondaire – cela vaut en particulier pour les jeux de l’école allemande. Tandis que, dans l’univers du jeu d’histoire et du wargame, le thème est plus important que les mécaniques, dans la mesure où elles sont à son service.

Je pense qu’entre les eurogames et les wargames, le rapport du jeu à son thème est radicalement différent. D’ailleurs, les uns comme les autres attirent des joueurs pour des raisons très différentes. Dans le jeu de guerre, les gens s’intéressent à un jeu d’abord pour son sujet (par exemple, ils veulent l’approfondir ou en savoir plus). En revanche, quand on joue à un jeu d’un auteur comme Stefan Feld, par exemple, on s’intéresse davantage aux mécaniques, au designer, à ce qu’on a entendu dire à son propos ou à propos d’une mécanique particulièrement réussie ou intéressante.

Le rapport à l’intérêt et à l’objet ludique me semble donc radicalement différent, mais cela n’implique pas que les eurogames et les wargames aient une différence de nature. La différence concerne surtout, selon moi, la façon dont ils sont conçus et appréciés par les joueurs comme par les auteurs.

 

Si tu devais conseiller un ou deux jeux d’histoire ou de guerre à un néophyte des wargames, le(s)quel(s) lui recommanderais-tu ?

Par ailleurs, quels sont les eurogames que tu aimes ?

Si l’on étend la question aux jeux d’histoire, il pourrait y avoir pas mal de jeux historiques très accessibles aux joueurs de jeux de plateau, car ils en partagent le fonctionnement. En revanche, si l’on cherche un point d’entrée dans les jeux de guerre accessibles et intéressants pour des joueurs généralistes, il y a deux jeux qui me viennent en tête : Watergate de Matias Kramer (chez Iello) et 300 : La Terre et L’Eau

 

300 : La Terre et l’Eau de Yasushi Nakaguro

 

Il s’agit de deux jeux très accessibles, dont les composants ne sont pas du tout déroutants (cartes, cubes…), qui sont faciles à apprendre et à jouer. Je pourrais également mentionner Undaunted : Normandy de Trevor Benjamin et David Thompson (chez Nuts) – très bon exemple dans un autre style de wargame. Tous ces jeux sont hybrides : en tant que joueur et concepteur de jeux d’histoire, je les reconnais comme des wargames, mais on peut très bien y jouer sans se rendre compte qu’il s’agit de jeux de guerre.

Pour ce qui concerne les eurogames, bon… Root de Cole Wehrle (chez Matagot) est un wargame, du coup ça ne compte pas… En revanche, j’ai beaucoup joué à Inis de Christian Martinez, chez Matagot. Ce n’est pas un wargame pour moi, mais plutôt une sorte de jeu dudes-on-a-map, en plus subtil, où le contrôle de territoires et les combats sont finalement plutôt secondaires.

Récemment, j’ai beaucoup joué à un jeu qui montre que les frontières entre jeux euros et d’histoire ne sont pas aussi clairement délimitées : Obsession qui est un jeu de construction de moteur et de placement d’ouvriers qui se déroule à l’époque victorienne. Quand j’y joue, j’ai vraiment l’impression de gérer ma petite résidence victorienne et ma famille. Cette année, j’ai aussi beaucoup joué à Brian Boru de Peer Sylvester (chez Origames) : bien qu’on les classe dans les jeux de plateaux « traditionnels », ces jeux sont proches du jeu d’histoire ou du jeu de guerre et je m’y reconnais en les jouant.

 

Obsession de Dan Hallagan

 

Pour approfondir notre compréhension des wargames, quels sont les catégories principales de jeux dans cet univers ?

Pour répondre à cette question, il s’agit de distinguer des ensembles et des sous-ensembles. Selon moi, il faut commencer par distinguer trois branches principales qui existent depuis longtemps : le jeu de figurines, le jeu de rôle et le jeu de plateau. Il existe évidemment des ponts entre ces catégories, dans la mesure où elles proviennent d’intérêts et d’une philosophie ludique qui me semblent similaires.

D’une certaine manière, le jeu d’histoire (compris comme jeu de plateau, qu’il soit un wargame ou non) vient aussi de cette philosophie dans laquelle le thème importe plus que les mécaniques. Il s’agit de jeux dans lesquels on demande au joueur d’incarner quelqu’un et, dans cette mesure, tous ces jeux sont des jeux de rôle, bien qu’ils prennent des formes différentes. À l’intérieur du wargame avec figurines, on retrouve des divisions classiques : s’agit-il d’univers imaginaires ou historiques ? Sommes-nous à l’échelle d’un petit groupe d’unités (quelques individus), ou dirigeons-nous une armée complète ?

Le jeu de guerre sur plateau reprend ces échelles, mais peut les pousser à un niveau d’abstraction plus élevé. Comme il est beaucoup plus adaptable que le jeu de figurines, son échelle va de l’escarmouche à la stratégie du président d’un pays ou d’une super-puissance (Churchill qui négocie avec Staline et Roosevelt, par exemple). Entre ces niveaux, on trouvera certes un petit groupe d’unités, mais aussi des enjeux tactiques plus importants voire des réflexions sur des problématiques opérationnelles (déplacement d’une armée, objectifs précis….).

 

Churchill de Mark Herman

 

Grâce au jeu de plateau, le jeu de guerre atteint des niveaux d’abstraction stratégique très élevés, ce qui permet au joueur de prendre des décisions très variées. Si je m’arrête aux jeux de guerre et de plateau, on va d’abord les classer en fonction de leur échelle (tactique, opérationnelle, stratégique, grand-stratégique) pour introduire ensuite des distinctions de mécaniques : utilisation de cartes, de blocs, de pions et d’hexagones. On crée donc des familles de jeux de guerre par l’intersection de l’échelle et des mécaniques qui sont utilisées.

 

En tant que joueur et auteur de jeux, qu’est-ce qui t’attire en particulier dans les jeux historiques et qu’est-ce que tu trouves dans ces jeux, que tu ne trouves pas ailleurs ?

Premièrement, j’aime les jeux de plateau en général, même si j’ai un intérêt particulier pour les jeux d’histoire et de guerre. Je ne suis pas un fanatique et j’aime jouer à plein de types de jeux différents.

J’aime le jeu de plateau en général parce que, contrairement au jeu-vidéo, j’aime bien l’idée selon laquelle le jeu commence dans la tête d’un joueur : si les joueurs autour de la table n’intègrent pas le fonctionnement et le matériel du jeu physique dans leur esprit, le jeu n’existe tout simplement pas. Finalement, ce qui fait le jeu, ce sont les personnes qui y jouent, et je trouve ça vraiment génial. La dimension sociale du jeu est importante pour moi et, en jouant ensemble, on crée le jeu auquel on joue. 

Comme j’aime beaucoup l’histoire et, en particulier, l’historiographie, les jeux historiques m’intéressent car ils montrent l’opinion de l’auteur d’un jeu sur un événement historique particulier. C’est intéressant tout d’abord car cela me permet d’interagir avec l’histoire, d’en apprendre plus et d’être partie prenante dans un événement. Souvent, cela permet de mieux comprendre pourquoi les choses se sont passées au lieu de comprendre simplement ce qu’il s’est passé. D’ailleurs, c’est une approche pédagogique bien connue : expérimenter plutôt qu’apprendre.

Le jeu historique m’intéresse également comme objet historiographique : par exemple, si l’on regarde la représentation du Front de l’Est dans les jeux de guerre des années ’70 à aujourd’hui, on s’aperçoit que l’historiographie a évolué et, avec elle, notre façon de représenter ce Front (en particulier la performance de l’Armée Rouge).
Ce qui me plaît, c’est l’intersection entre l’Histoire et le jeu. J’aime tellement ça que j’ai aussi envie de le faire découvrir. Je suis persuadé que si les gens qui s’intéressent à l’Histoire savaient que ces jeux existent, on serait beaucoup plus nombreux.

À mon avis, il y a un gros problème de méconnaissance de cet univers qui est beaucoup plus fascinant qu’on ne l’imagine. Quand je l’ai découvert pour la première fois – j’ai joué à Twilight Struggle – j’ai été époustouflé et on peut dire que ça a chamboulé ma vie.

 

Twilight Struggle de Ananda Gupta et Jason Matthews

 

 

II. Homo Ludens et la communauté de passionnés de jeux d’histoire

 

Depuis trois ans, tu animes ta chaîne YouTube Homo Ludens dont l’un des objectifs est de vulgariser les jeux d’histoire voire les wargames en général. Pourrais-tu nous la présenter et nous parler des vidéos que tu réalises ?

Homo Ludens est née de l’envie de partager l’univers des jeux historiques que je trouve très fascinant. Quand j’ai commencé, l’audience que je ciblais, c’était mon frère aîné : il est passionné d’Histoire, et il aime les jeux de plateau. J’imaginais qu’il y avait beaucoup de personnes dans le même cas, et c’est à eux que ma chaîne s’adressait. À cette époque, je découvrais que l’univers du jeu d’histoire allait bien au-delà des wargames sur lesquels je m’étais concentré au départ.

En faisant des vidéos, j’ai pu affiner ma perspective, comprendre pourquoi j’aimais certains jeux plutôt que d’autres, connaître les wargames et les jeux d’histoire… Cette chaîne m’a accompagné dans mon propre développement car, souvent, devoir se poser et expliquer quelque chose nous force à prendre du recul et à réfléchir sur ce qu’on aime et pourquoi, quel est cet objet et comment il peut être défini.

Au début, il s’agissait de vidéos classiques. Outre à Wargamology – des vidéos explicatives sur les wargames -, je faisais des recensions. Chaque vidéo demandait énormément de travail et prenait beaucoup de temps de préparation, ce qui n’était pas idéal pour construire une audience sur YouTube. En plus, l’univers des wargames est une niche tellement particulière que l’algorithme de YouTube ne sait pas forcément à qui montrer la vidéo : on ne parle pas d’histoire, mais on ne parle pas non plus de jeux généralistes. 

Je ne fais pas de vidéos pour l’audience, mais quand on met plusieurs dizaines d’heures pour faire quelque chose et qu’on s’aperçoit que très peu de personnes le regardent, ça décourage. Lorsque j’ai déménagé du Danemark à l’Angleterre, je me suis demandé si je n’allais pas tout simplement fermer cette chaîne YouTube, vu qu’elle semblait ne pas marcher. Quelques personnes autour de moi qui l’aimaient – tout particulièrement Shaun, un ami qui teste régulièrement mes jeux et avec qui j’ai fondé le Consim Game Jam – m’ont convaincu de ne pas la fermer tout en m’aidant à réfléchir à son contenu.

 

 

Depuis la chaîne a changé : elle est moins accessible aux néophytes – même si les vidéos du début sont toujours en ligne -,  et plus pointue. Je parle à des concepteurs de jeux de guerre et d’histoire et on ne fait pas un effort de simplification, même si j’essaye de définir les termes plus techniques. Les interviews sont très spécialisées et, d’un point de vue extérieur, on peut se sentir largué. Il y a également des panels où je propose à plusieurs personnes de discuter d’un sujet précis : la représentation graphique, la dimension éthique du jeu de guerre (par exemple, comment on représente la victimisation des civils, l’impact extra-militaire d’un conflit, la responsabilité du concepteur ou du joueur…).

Une meilleure entrée dans le wargame seraient les vidéos Teach & Play (Expli-parties) : je commence par discuter brièvement d’un jeu avec son concepteur (contexte, motivations) et d’autres invités ; l’auteur explique ensuite comment jouer et nous faisons une partie ; à la fin, nous ouvrons une discussion sur le jeu et l’Histoire. Ces vidéos permettent d’apprendre à jouer à un jeu, mais aussi de le découvrir sous différentes facettes, notamment celle de la conception. Parmi les expli-parties, certaines portent sur des jeux complexes, d’autres, sur des jeux accessibles. L’éventail est large.

 

Par ta chaîne Homo Ludens, tu es entré en contact avec de nombreux acteurs (des passionnés, des chercheurs, des auteurs…) de l’univers des wargames historiques, mais aussi d’univers proches, comme le jeu de rôle. Pourrais-tu nous en parler ? À quoi ressemble-t-il ?

En effet, je cherche à créer des passerelles entre les jeux de guerre, d’histoire et de rôle et, plus généralement, entre les joueurs et les non-joueurs. C’est pour cela qu’inviter des historiens (qui ne jouent pas ou jouent à côté) ou des auteurs de milieux différents, ou encore des universitaires (qui s’intéressent aux jeux pour d’autres raisons) est important pour moi. J’ai envie d’élargir la conversation le plus possible et c’est bénéfique pour la communauté de joueurs d’histoire dans son ensemble : il est vrai qu’il s’agit d’une niche, mais notre communauté peut aussi toucher un public plus large.

Dans mon travail, je défends l’idée que cette communauté doit s’ouvrir toujours plus car, à mon sens, elle n’est pas très ouverte, ce qui est normal : il s’agit d’une niche – les passionnés de jeux de guerre historique -, dans une niche – les amateurs de jeux d’histoire – qui est elle-même dans une niche – les amateurs de jeux de plateau. Heureusement, c’est en train de changer, mais cette communauté reste très homogène : sociologiquement, ces gens ont un baggage socio-culturel commun.

Souvent, il y aura des profs, des militaires (officiers), des cadres supérieurs et, quasi-exclusivement, des hommes. Cette homogénéité est très forte mais je ne pense pas qu’il s’agisse d’une fatalité. Si l’on arrivait déjà à atteindre les 20% de femmes dans cette communauté – comme c’est le cas de l’armée française – ça serait déjà mieux que 0% ! En dépit de l’homogénéité sociale évidente – c’est important de la reconnaître -, je trouve que la communauté des wargamers essaye de changer : premièrement, beaucoup de joueurs sont conscients de cette homogénéité et veulent s’ouvrir à de nouvelles personnes et élargir le spectre de joueurs

Plus il y aura de personnes différentes, plus les jeux et les expériences ludiques qu’on va avoir seront intéressantes. Précisément parce que le jeu de société est avant tout une expérience sociale. Beaucoup de joueurs le comprennent et se battent pour que ça change. Et malgré cette homogénéité, il y a de grandes différences d’opinions, des désaccords entre différents courants d’idées. Certains seront très conservateurs et, selon eux, le jeu de guerre ne peut être constitué que de pions, d’hexagones et il ne faut surtout pas rajouter des cubes en bois ou des décisions politiques. D’autres auront au contraire une plus grande ouverture d’esprit sur le jeu d’histoire.

Ces échanges se font dans une bonne ambiance – la plupart du temps en tout cas – surtout ces dernières années, et c’est pour cela que je trouve cette communauté sympa. La plupart du temps, les joueurs sont des passionnés qui ont envie de partager leur passion. Si l’on a envie de tester un jeu d’histoire ou de guerre, on n’a pas besoin d’en acheter : il vous suffit de trouver un joueur dans votre entourage, ou d’écrire un message sur Boardgamegeek ou sur un forum. Je garantis qu’il y aura une dizaine de personnes qui répondra pour vous demander vos intérêts, vos sujets de prédilection, votre lieu d’habitation, et essayeront d’organiser une partie.

Je constate que dans cette communauté il y a une grande générosité et, souvent, les joueurs de jeux de guerre sont des gens calmes et pacifistes : quand on réfléchit beaucoup à la guerre, on réfléchit surtout à ses conséquences et à sa violence. La plupart des gens qui s’intéressent à ces jeux n’ont pas une fascination malsaine pour la guerre en elle-même, mais plutôt un intérêt pour le fait historique du conflit armé, voire pour le fait historique en général. Il est vrai que la guerre dans les jeux reste abstraite, mais ces jeux permettent de se confronter à ses conséquences de la guerre, à sa violence et à la boucherie. Autrement dit, la guerre cesse d’être romancée pour devenir un peu plus concrète.

Pour résumer : c’est une communauté plus sympa qu’on ne l’imagine, très généreuse et ouverte, et, bien sûr, comme partout, il y a malheureusement des idiots ou des relous.

 

En effet. Contrairement à l’impression d’élitisme qu’on peut avoir en lisant les règles de certains wargames, la communauté est accueillante et on y trouve facilement des joueurs prêts à partager leur passion.

Je pense que c’est important de parler de l’élitisme. À mon avis, il y a une incompréhension : beaucoup de gens pensent que les jeux de guerre et d’histoire sont volontairement élitistes. Mon point de vue, c’est qu’ils sont élitistes par défaut, c’est-à-dire que les gens qui les font et ceux qui y jouent n’ont pas volonté à ce que leurs jeux soient élitistes. En réalité, ils voudraient qu’il y ait un maximum de gens qui y jouent et c’est ce qui est transmis par cet accueil. Mais, par défaut, ces jeux nécessitent un niveau de complexité important et moins d’accessibilité.

Il faut aussi se rendre compte de certaines problématiques matérielles : ces jeux sont produits pour un public restreint, ce qui fait qu’il y a peu d’argent. Qui dit peu d’argent, dit aussi moins d’argent disponible pour les graphismes, des règles très illustrées… Pour ces différentes raisons, ces jeux sont durs d’accès. Mais il ne s’agit pas d’une volonté d’élitisme. À partir du moment où l’on joue à des jeux « traditionnels » et qu’on comprend que les jeux d’histoire et de guerre sont élitistes par nécessité et non par volonté, cela permet de changer sa perspective.

 

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Nous publierons très prochainement la seconde partie de cette interview. Dans la suite de cet entretien, nous poursuivrons la réflexion sur l’accessibilité des wargames et Fred nous expliquera les questionnements éthiques et politiques inhérents à la création d’un jeu d’histoire.

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