2021 : un FLIP sous contraintes

Il y a deux ans de cela, je me fendais de ce modeste reportage que je concluais par un chouinage d’enfant ludique gâté. Une année entière à attendre l’édition suivante Festival Ludique International de Parthenay (FLIP), c’était vraiment trop long et trop injuste.

Inconscient que j’étais. Entre temps, un vilain virus est passé par là, oblitérant la possibilité d’une édition 2020 physique. Vingt-quatre mois plus tard donc, même pas mal, le festival rouvrait ses portes du 7 au 18 juillet 2021 pour sa 35ème édition. Rien de moins.

Drastiques adaptations

Alors que plusieurs festivals d’importance aient renoncé une nouvelle fois à se tenir, le FLIP a opté pour une mutation. Il s’agit à la base d’un événement très ouvert sur la ville, éclaté, et en accès libre partout. Le rendre compatible avec les contraintes sanitaires imposées à tout rassemblement de plus de 1000 personnes n’est pas une mince affaire. L’équipe d’organisation a ainsi dû procéder à de douloureuses coupes franches dans les animations proposées.

En termes de lieux, cela signifiait une réduction à seulement trois pôles. Mis en pause pour cette année donc, entre autres : les rues en jeux, le jeu de rôle, les boutiques éphémères, le stand REEL et sa giga-ludothèque, le Village Parallèle Ludique, le jeu vidéo, les soirées « off »…

16 lieux étaient référencés en 2019

 

2021

Un temps pensé sur réservation par créneau de trois heures (une misère dans l’espace-temps FLIPien), l’accès au « Village » principal de la Place du Drapeau a finalement pu être proposé à volonté de 13h à 20h. Pour les plus de douze ans, il se faisait cependant sur présentation du fameux Pass Sanitaire.

Force est de constater que le protocole sanitaire mis en place n’était pas qu’un effet d’annonce. Il a été particulièrement bien tenu. La tente de l’Agence Régionale de Santé, attenante à l’entrée de la place, a rarement désempli. Une équipe dédiée d’animateurs s’est escrimée à nettoyer chaque boite utilisée après usage, selon un manège bien réglé. Les joueurs étaient limités à 6 par tablée bien espacée, et si le port masque n’était pas obligatoire, nous avons été plusieurs fois invités à faire honneur aux flacons de gel positionnés à l’entrée de chaque espace.

 

 

La fermeture des commodités du Palais des Congrès au public aura également eu une conséquence pratique gênante : seulement trois toilettes (dont une en dérangement à partir du milieu de semaine) pour toute la Place du Drapeau, c’est un peu juste à l’heure de pointe.

Question affluence, on restera sur une année très modeste, cette proposition dégradée ayant bien évidemment découragé un certain nombre d’habitués. On aura également observé une moindre présence des centres de loisirs, d’ordinaire en bonne place parmi les visiteurs.

 

Recentrage sur l’essentiel

Dans ces conditions, dire qu’on a profité du FLIP comme que d’habitude serait quelque peu exagéré. Par contre, c’était l’occasion de le vivre différemment, en faisant contre mauvaise fortune bon cœur, et en se contentant de ce qui était à disposition. Après un tel sevrage, c’est franchement tout ce qu’on demandait, et cela fait un bien fou.

Qui dit moins de monde, dit par ailleurs des conditions sonores plus supportables, quasiment aucune difficulté à trouver une table, des animatrices et animateurs FLIP aux petits soins.

Peu d’avant-premières étaient de la partie ? Eh bien justement, c’était l’opportunité d’une bonne séance de rattrapage. Une aubaine quand on a raté pas mal de sorties depuis le printemps 2020, confinement oblige.

Asmodee était très peu représenté ? Qu’importe, il y avait largement de quoi faire sur les stands des autres distributeurs/éditeurs.

La salle des Trophées

Cette édition moins dispersée favorisait les séjours de longue durée dans les tivolis dédiés aux Trophées, judicieusement disposés au centre de la Place du Drapeau. Rappelons que ces Trophées sont de natures différentes.

Les Trophées FLIP Créateurs récompensent des prototypes non édités, dans quatre catégories. Trois d’entre elles sont l’apanage d’un jury de professionnels du monde ludique. Le quatrième et dernier trophée est décerné au jeu plébiscité par le public, qui a également vocation à tester les créations en lice.

Pour cette année 2021, le jury était présidé par Louise D’Hubert (Blackrock Games), au premier rang à gauche ci-contre.

Elle était assistée, de gauche à droite au premier rang, par : Damien Desnoues (boutique Sortilèges et auteur de JDR), Lola Esteve (Blue Cocker), Thomas Cauet (Space Cowboys).
Au deuxième rang, toujours de gauche à droite : Tom Vuarchex (auteur et graphiste), Guillaume Gigleux (Tric Trac), Thomas Cosnefroy (Cocktail Games), Christophe Loyre (27ème FLIP).

Résultats de leurs savantes délibérations :

Catégorie Enfants

Sur le principe du 1, 2, 3 Soleil, les joueurs cherchent à parvenir jusqu’au hibou, en évitant tous les obstacles de la forêt. A partir de 5 ans.

 

Catégorie Divertissement

Un jeu de dessin coopératif avec un chronomètre évolutif : à chaque mot trouvé, les joueurs obtiennent collectivement du temps supplémentaire.

 

Catégorie Réflexion

Ce jeu coopératif et narratif en campagne (6 scenarios de 2h+) est organisé autour d’une « ligne de temps » constituée de cartes, que les actions des joueurs permettent d’influencer.

 

Catégorie Coup de Cœur du Public

Retrouvez qui a volé le trophée du Monstre le plus effrayant de l’année en faisant bon usage de votre boule de cristal, pendule divinatoire, cartes de tarot et marc de café. A partir de 7 ans.

 

Par ailleurs, les Trophées FLIP Éditeurs proposent au public de voter pour ses jeux préférés parmi une sélection de jeux récemment édités. Ces titres ne tombent pas du ciel, mais sont sélectionnés par les animateurs du FLIP lors de leurs séances de préparation en amont du festival.

Là encore, quatre catégories, avec cinq jeux par catégorie. Il fallait donc cumuler pas moins de 20 parties pour faire un tour exhaustif des propositions. Mais pas d’inquiétude : pour chaque vote complet dans une catégorie, un Wuppie est offert. De quoi motiver vos enfants à 300%.

Les titres plébiscités par la foule en liesse sont donc finalement :

Catégorie Enfants
édité par Blue Orange
de Marie Fort, Wilfried Fort, et Bruno Cathala

 

Catégorie Divertissement
édité par Magilano
de Alexander Bernhardt

 

Catégorie Réflexion
édité par Bombyx
de Cédrick Chaboussit

 

Catégorie Eco-ludique *
édité par Ludenbois
de Samy Maronnier et Thomas Planete

 

* : cette nouvelle catégorie met en valeur des jeux de société pour lesquels les éditeurs ont entrepris des démarches de diminution de l’empreinte carbone de leurs produits : mode de transport et distribution, réduction du plastique, choix des matériaux, localisation de la production…

Notons pour finir qu’une version montée de la cérémonie de remise des prix peut être visionnée ici (1h13).

À la moulinette

Après ces résultats factuels, place à la subjectivité la plus totale ! Voici un florilège de jeux essayés, et en quelques mots ce qu’il se dégage des premières impressions.

New York Zoo : Uwe tourne malheureusement en rond dans son registre des jeux à polyominos, et cela se ressent particulièrement sur ce dernier titre. Le challenge pour optimiser les naissances et faire la course aux attractions n’est pas foncièrement désagréable, mais pas sûr d’avoir envie d’en refaire une seconde partie un jour. [Just Played]

 

Varuna : Les changements conséquents apportés à la base de Demeter en font un jeu distinct. Le déplacement du sous-marin fait plutôt sens, les inéluctables dégâts mettent un peu de pression, et la liberté des pistes d’améliorations indépendantes est assez grisante. L’interaction gagne un petit cran, même si elle reste minime, tandis que les enchainements de bonus sont toujours aussi jouissifs. [Just Played]

Marvel Villainous : Sans avoir joué au Villainous Disney, celui-ci a fait directement un gros flop. Il est délicat à prendre en main étant donné l’asymétrie et le peu de clarté des règles. Mais ce n’est pas non plus un jeu Expert tant les interventions adverses rendent l’ensemble chaotique, et encore moins à l’aune de l’importance drastique des différentes pioches.

 

Happy City : Grand succès avec les kids de 9 ans, qui pratiquent pourtant déjà du plus costaud. La partie expédiée en 10 minutes sans trop d’effusion de jus de cerveau s’avère plus exaltante que prévu. Un peu de taquinerie via la défausse/pioche, des bâtiments spéciaux qui introduisent le bon dosage entre opportunisme et plan à moyen terme, Happy City tape vite et juste. [Just Played]

AnLudim : Associer et réassocier au mieux ses cartes à double-valeurs pour réaliser des combinaisons type poker surclassant celles des adversaires, tel est le principe. Ce n’est pas sans rappeler Red 7, en moins épuré. Exploiter jusqu’à l’os sa grosse combinaison en cours ou tout rebooter pour jouer la diversité pose un petit dilemme, lequel nous aura hélas lassé avant même la fin de la première partie. [Test]

 

Lueur : Derrière les choix artistiques remarquables se révèle un opportuniste jeu de parcours à moteur. La phase de choix d’un nouveau compagnon à chaque tour est des plus déchirantes lorsque les bonnes recrues à disposition contredisent l’équipe actuelle. Le peu de prise sur les lancers de dés, malgré les relances possibles, le positionne comme un Familial+, auquel je reviendrais volontiers. [Just Played]

Almadi : Cette pose de tuiles offre quelques surprises avec en particulier les « génies » et leurs jubilatoires effets en chaine. Les contraintes de pose et les règles de scoring à la Quadropolis complètent la réflexion substantielle tout en restant accessible. Choix significatifs, durée contenue, jusqu’à 5, autant de qualités qui appellent d’autres parties.

 

Gorinto : Totalement abstrait, il est mis en valeur par un luxueux matériel qui devrait attirer plus large que les afficionados du genre. En termes de ressenti, je ne suis pas convaincu pour autant. Frustrant à 4 tant les choix s’évaporent vite, il semble a contrario offrir presque trop de coups à 2, comme déjà relevé dans ce [Just Played]

Praga Caput Regni : Le second du Diamant d’Or 2021 n’aura pas déçu. Des choix stratégiques sont à effectuer puisque tous les axes ne pourront être maximisés. Une adaptation tactique reste souvent nécessaire en fonction de ce qui est disponible. Le tour de jeu, la plupart du temps vite mené, s’emballe par moments avec de savoureux bonus enchaînés.

 

Trésors Légendaires : Il est toujours difficile et délicat d’évaluer un jeu évolutif après une seule et unique partie en configuration de base. Toujours est-il que l’intérêt de celle-ci a semblé faible. La dépendance maximum à ce qu’on ramène du fond de l’eau le destine à mon sens et à ce stade exclusivement aux enfants.

Trek 12 : Nonobstant les enveloppes, cette découverte en feuille de base convainc de suite. Le contrôle est relatif et les tirages sont évidemment plus ou moins arrangeants, mais on peut planifier et espérer des choses. À défaut d’interaction, voilà une bonne séance de calcul mental pour des enfants exceptionnellement demandeurs. [Just Played]

 

Turbulences : L’incroyable matériel en bois recyclé sert un jeu de pickup & delivery qui tombe à plat pour moi. Des choix peu palpitants, et une impossibilité de calculer quoique ce soit puisque c’est l’aléa qui décidera par exemple de l’usage possible de mon déplacement spécial au prochain tour. Dommage, car il y a un sacré travail, et les idées autour de la formation des orages notamment semblaient assez intéressantes.

Ricochet : La très sympathique recherche d’associations d’idées sur deux pistes en parallèle est agrémentée d’une contrainte d’alignement des mots, ce qui aiguillonne bien la réflexion. À éviter à trop nombreux à mon avis, même si l’aspect collectif peut fonctionner. Le rébus final reste un petit plaisir qu’on ne boude pas. [Small is beautiful]

 

Skyjo : Belle surprise pour ce jeu sans prétention dans lequel on prend tout de suite plaisir à améliorer sa grille au gré des tirages. Le twist doublant les points (négatifs) du joueur concluant la manche lorsqu’il n’a pas le meilleur tableau est particulièrement redoutable, et source de bien des hésitations.

Atlantes : Combinant un hand-building vu et revu à une prise d’objectifs non moins éculée, le sel du titre se situe dans la bonne gestion des différents effets déclenchables en chaine. Laissant clairement sur sa faim avec les objectifs de base, il prend plus de saveur en configuration avancée, me dit-on dans l’oreillette. [Just Played]

 

Monasterium : Conditionner l’accès à tel ou tel monastère selon la position de sa calèche est une idée séduisante. Seulement, la ruée pour avancer au plus vite semble obligatoire vu la puissance des bonus à ramasser en fin de route. La phase de pose des dés rallonge beaucoup la sauce sans que son apport soit si évident en termes de maîtrise. Trop long et mal réglé : rédhibitoire.

Coatl : L’idée est de maximiser la valeur de chaque serpent (Coatl) en lui associant des objectifs dont les contraintes de couleurs se recoupent au moins partiellement. Ça tourne, mais les sensations tactico-opportunistes sont loin de nous avoir captivé. La fin abrupte laissant certains joueurs avec des serpents inachevés nous a heureusement délivrés.

 

Joraku : Au système de majorité à la El Grande est adjoint un savant jeu de plis. Les cartes jouées dictent à la fois les actions possibles en terme de déploiement d’unités et un mini-décompte à chaque levée. La valeur évolutive des territoires force une impitoyable migration d’Est en Ouest au cours de la partie. Un joyau en 45 min qui mériterait d’être plus connu. [Small is beautiful]

Codex Naturalis : On apprécie d’autant plus la forme que le fond est là. Sans être l’innovation du siècle, les contraintes et possibilités du recouvrement de cartes par les coins créent de petits dilemmes parfaitement en phase avec la catégorie intermédiaire dans laquelle le jeu se situe. [Small is beautiful]

 

Troyes Dice : Le mécanisme central de mise à disposition aléatoire des couples (couleur + valeur) est bien pensé. En revanche, les effets et choix possibles manquent franchement d’intérêt. Les enchainements sont poussifs et on s’ennuie à cocher mollement des citoyens dans une partie sans la moindre interaction. [Test]

Rest In Peace : La gestion de main est à l’honneur dans ce duel où il s’agit de garder les idées claires en évaluant bien les demeures pour lesquelles se battre en vaut la peine. La carte bonus pour céder une demeure est un gambit parfois payant, et crée du beau jeu possible par des effets variés. La dernière manche récompense le joueur le plus prévoyant… sauf si son adversaire réussit à l’emporter avant en jetant plus de forces dans la bataille. Top. [Small is beautiful]

 

Botanik : Le système d’acquisition des tuiles impacte les deux joueurs, de sorte que surveiller les possibilités adverses est une nécessité de tous les instants. Le système de scoring induit de la prise de risque : grouper les couleurs suppose souvent de poser des tuiles non reliées au réseau, qui ne vaudront rien si elles ne le sont toujours pas en fin de partie. L’importance des tirages reste acceptable pour une partie cette durée. [Just Played]

 

On remet ça

Bien que tronquée, cette édition aura donc réussi le tour de force de préserver l’essentiel du FLIP tout en respectant les contraignantes obligations liées au contexte sanitaire. Évidemment, on a tout de même hâte de retrouver un centre-ville transcendé par les rues en jeux, ainsi que toutes les animations habituelles, notamment le soir.

Mais il en faut peu pour être heureux, et on prend de bonne grâce ce que cette cuvée avait à offrir. La prochaine, c’est désormais dans à peine plus de 10 mois, du 13 au 24 juillet 2022, si tout va bien.

Et on y sera, pour sûr !

 

 

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6 Commentaires

  1. matga 05/08/2021
    Répondre

    Pour contrebalancer sur Trésors Légendaires :le jeu évolue beaucoup avec les enveloppes cachées (bien évidemment ca ne devient par TI4) mais idéal pour jeux de fille de joie à 4 (il est moins efficace à 2 et 3).

  2. TheGoodTheBadAndTheMeeple 05/08/2021
    Répondre

    Ahah, tu n’as pas aime l’aggressivite de Coatl ou tu peux justement decider de la fin pour couper l’herbe sous le pied des autres ? Moi j’adore, c’est un aspect strategique et interactif que j’apprecie.

  3. morlockbob 05/08/2021
    Répondre

    Joli ce petit village… Ah oui Joraku, encore un qui est passé trop vite

  4. cottrant 04/09/2021
    Répondre

    les dates 2022 annoncées par le flip sont différentes !
    Sinon très chouette synthèse , rapide à lire et pourtant diversifiée

    • Grovast 04/09/2021
      Répondre

      En effet je me suis un peu avancé au jugé dans l’article, mais ça sera du 13 au 24 juillet 2022

      Merci pour ce retour (intéressant votre Gite, je note 😉 )

      @shanouillette possible de modifier dans l’article ?

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