FLIP un jour, FLIP toujours

Du 10 au 21 juillet 2019 se tenait la 34e édition du Festival Ludique International de Parthenay, le FLIP. Une édition anniversaire à titre personnel, puisqu’il s’agissait de la dixième pour votre serviteur. Dix ans, c’est à la fois peu à l’aune de ce grand ancien [voir notamment notre rétrospective à l’occasion des trente ans], et suffisamment pour avoir vu évoluer lentement la bête.

Chaque édition apporte en effet son petit lot de changements, tout en restant fidèle à ce qui fait sa force tranquille de « grand petit festival ». Ainsi cette année, les matinées « enfants » se déroulaient tous les jours dès 10h, permettant d’accéder à des jeux familiaux, même entre adultes. Au Village Parallèle, on s’est désormais constitué en collectif d’associations, ce qui a permis de proposer, en libre-service, plus de boîtes issues des éditeurs. Et ainsi de suite. Des petits ajustements qui ne crèvent pas forcément les yeux pour le profane, mais qui consolident progressivement l’expérience FLIP, déjà excellente, et montrent que le festival ne se repose pas sur ses lauriers.

Le décor

Parthenay donc. Mais attention, un Parthenay de gala.

Sa place du Drapeau est invisible sous la forêt mi-tivolis, mi-barnums colorés. Son Palais des congrès grouille de plus ou moins jeunes (video)gamers. Et ses rues sont en jeux, n’en déplaise aux devantures commerciales en berne, pour l’occasion refoulées au rang de minorité.

 

Ses venelles chargées d’Histoire ne sont pas en reste. Elles font si bon accueil à un Escape Game, planté là le temps des festivités. Et attention : du très bon dans le genre. Son jardin médiéval, d’ordinaire idéal pour méditer seul au monde, voit défiler auteurs et autres énergumènes ludiques en goguette. Son château, son Thouet et sa Prée délaissent l’ombre crépusculaire pour s’enflammer du traditionnel feu d’artifice national.

 

Son cadre pittoresque n’est en vérité qu’un simple bonus par rapport à l’essentiel. Car malgré l’ambiance champêtre qui règne dans les grandes largeurs, l’événement n’est pas destiné qu’aux promeneurs et aux familles. Ça joue gras sous les tonnelles. Ça enchaîne dur à l’explication. Ça envoie du tournoi au Village Parallèle, en veux-tu en voilà. La place de la Mairie, à première vue envahie de pygmées à casquettes, est un trompe l’œil en contrebas duquel joueurs velus de tous horizons trouvent à qui parler.

 

Les boutiques éphémères, concept émergeant il y a de cela quelques années à peine, font dorénavant partie des piliers de la manifestation. Au nombre d’une dizaine, dispatchées sur l’axe de circulation principal, elles dynamisent les rues, de leurs plus beaux atours parées. Si l’on retrouve souvent les mêmes éditeurs fidèles au poste, les emplacements peuvent varier d’une fois sur l’autre, ce qui donne l’impression de redécouvrir à chaque édition.

La salle des Trophées

À l’écart – ou pas – du tumulte de la plèbe ludique, professionnels et créatifs sont à pied d’œuvre. Ça explique, ça présente, ça réfléchit, ça déblatère et ça rigole. Ça évalue, ça débriefe, ça ergote et ça transige.

Deux types de trophées sont décernés :

  • d’une part, les Trophées FLIP Créateurs récompenses des prototypes, dans 4 catégories.
    Pour cette année 2019, le jury était présidé par Mathilde Spriet (Gigamic), épaulée par Thomas Cauet (Asmodee – Space Cowboys), Christophe Loyre (présent sur le FLIP depuis 1992!), Damien Desnous (responsable de la boutique Sortilèges Nantes), Matthieu d’Epenoux (Cocktail Games), Tom Vuarchex, (auteur et graphiste) et Martin Vidberg (dessinateur/blogueur). Et les lauréats sont :

 

    Catégorie Enfants : Plouf! de François Gaudin
    Catégorie Divertissement : Gargouilles de Virginie Tacq
    Catégorie Réflexion : Magic Rabbit de Romaric Galonnier, Julie Dutois, Ludovic Simonet et Cécile Ziégler
    Catégorie Experts : Ashraka de Jean Charton et Céline Jacob

 

 

    A signaler par ailleurs le Coup de cœur du public : Hybris de Damien Chauveau

 

 

  • d’autre part, les Trophées FLIP Éditeurs proposent au public de voter pour ses jeux préférés parmi une sélection établie par les animateurs du FLIP (20 nommés parmi 482 jeux évalués!), là encore dans 4 catégories (mais avec 5 jeux nominés par catégorie). Les titres plébiscités par la foule sont :

 

    Catégorie Enfants : Galapa Go – MJ Games
    Catégorie Divertissement : Draftosaurus  – Ankama
    Catégorie Réflexion : L’île au trésor – Matagot
    Catégorie Exposants : Cosmic Factory – Gigamic

 

Au banc d’essai

On vous l’a dit et redit, c’est un festival particulier. De ceux qui offrent en tout cas le rare luxe de prendre son temps. Point n’est besoin de faire la queue ou de trop stresser pour trouver une table, mais en contrepartie, ce n’est pas là que vous trouverez le plus d’avant-premières sur des jeux du futur.
Au rythme actuel des sorties et sauf à jouer à temps plein, il y a de toutes façons plus que largement de quoi faire en termes de rattrapage avec des titres plus ou moins récents. D’expérience, sachez qu’une semaine de présence sur place ne suffit en fait pas du tout. Ce n’est jamais assez. Ceci étant, vous trouverez ci-dessous quelques nouveautés qui vont sortir incessamment sous peu à la rentrée 2020, marquées du symbole .

Montmartre : La direction artistique hors des sentiers battus cache un jeu de majorité et gestion de main finalement assez sobre dans ses rouages et enjeux. L’ensemble s’avère cependant plutôt frais et surtout bien filou dans la pratique, avec opportunisme et interactions au rendez-vous. Simple, mais pas simpliste, et encore moins dénué de vice.

 

Kingdomino Duel : Cette mouture deux joueurs succombe aux sirènes du roll&write, dans un boîtage compact idéalement transportable. Le résultat tient la route sans être fou : selon les tirages, les choix manquent parfois d’épaisseur, malgré la bonne idée des pouvoirs spéciaux. Situé dans la même gamme cible, nul doute qu’il devrait profiter du sillon tracé par son glorieux aîné.

Obscurio : Ce nouvel opus de communication par les images tente de renouveler Mysterium en introduisant un traître parmi les récepteurs. Sans surprendre outre mesure tant on est maintenant habitués au genre, le feeling un brin parano s’avère relativement différent. Le talent de Xavier Collette et du studio M81 aux pinceaux n’est par ailleurs pas démenti.

 

Little Town : L’évidence de ses principes de récolte/construction fait mouche, tout en laissant de la place à quelques choix, principalement tactiques. Si l’activation fréquente des bâtiments adverses renforce quelque peu l’interaction, la profondeur reste modeste. Les experts risquent de s’en lasser assez rapidement. Plaisant mais pas vraiment indispensable à mes yeux.

La cour des miracles : Prise de quartiers à base de majorité et confrontations mâtinées de pouvoirs spéciaux rendent la partie pour le moins vivante. Le sentiment de manque de contrôle aura toutefois dominé cette première partie à 4, tant les agissements adverses chamboulent potentiellement les positions entre deux tours de jeu. Une foire d’empoigne « pour le fun ».

 

Compagnons : Le petit format et le visuel sommaire cachent des règles plus fournies qu’il n’y parait. Collecter dans une rivière commune puis placer avec des contraintes de chainage des compagnons de plus en plus lucratifs se fait avec grand plaisir lors de la découverte. L’impression d’en avoir fait peu ou prou déjà le tour limite par contre l’envie d’y revenir trop souvent.

Mu : Ce jeu de draft propose un mini-twist avec la mise en réserve d’une carte d’une main sur l’autre. Bonne idée qui est malheureusement trop seule pour lui conférer une vraie originalité, le reste étant des plus conventionnels. La présentation réussie à mon goût ne suffit pas à le sortir de la masse des OK games.

 

Reef : Les composants choupinous à la limite du jeu pour enfants sont partiellement trompeurs, car les nœuds au cerveau arrivent vite. Y Jouer en mode optimiseur fou plutôt qu’en dilettante demande un investissement mental certain. Sans être désagréable, l’expérience relève par contre plus du casse-tête solitaire tant l’interaction est discrète.

L’aube des tribus : Ce 3X (sans exploration) light est difficile à évaluer en une unique partie. À deux joueurs, la voie pacifique a rapidement permis de boucler la course au développement et objectifs, sans avoir à déclencher des affrontements dispendieux ni subir trop d’événements aléatoires.

 

Michel Strogoff : L’immersion dans l’histoire de Jules Verne transpire tout au long de la partie, au prix d’une règle légèrement alambiquée. La gestion de main draine son lot de choix intéressants. Un peu de veine aux tirages reste ceci dit la bienvenue pour vaincre le vil Ogareff avant les autres.

Incubation : Quoi de mieux que des œufs de dragon pour captiver les enfants ? L’unicité de la relance possible dynamise la partie. Mine de rien, il y a moyen de mal jouer, et la concurrence sur les objectifs est sévère. Malgré son orientation résolument familiale, il réussit ainsi à ne pas oblitérer immédiatement l’intérêt des adultes.

 

Trapwords : Le principal twist de cette revisite du Taboo consiste à définir soi-même les mots interdits. Redoutable ! D’autres détails et surprises (catch up tout du long et « pouvoir » du boss de fin) viennent pimenter un peu la partie. On apprécie aussi la possibilité du champ lexical geek, activable selon les profils en présence.

Neta-tanka : En dehors du principe des liaisons, ce jeu de pose d’ouvriers reste plutôt très classique. Et pourtant, c’est tellement bien ficelé que l’expérience s’avère étonnamment enthousiasmante. Sans doute pas la claque du siècle, mais certainement un bon jeu sur une durée contenue, y compris, il faut le signaler, en configuration 2.

 

Kero : Excitant les premiers tours, le camion-sablier si thématique devient lourdingue au fur et à mesure qu’on se lasse de « faire faire le plein » à l’adversaire. Dommage, car la phase d’action et le mélange mécanique dans sa globalité (collection, majorité, bonus divers…) sont plutôt réussis.

Wingspan : Beaucoup, beaucoup trop long pour ne pas déconseiller vivement d’y jouer à 5. La production est clinquante, voire démesurée. L’univers thématique est original et retranscrit dans certains effets, contrebalancés par l’abstraction globale du « tableau » d’oiseaux. Si tout est mécaniquement plutôt bien agencé, difficile de mettre le doigt sur quoi que ce soit d’exceptionnel.

 

Big Monster : Les bons jeux compétitifs jusqu’à 6 en équipes et en moins de 20 minutes ne sont pas si nombreux. Passé la mise en place malaisée, ce draft mâtiné de rapidité est vraiment malin, tant il récompense la clairvoyance et l’anticipation. Assez unique sur ce segment, c’est un des rares titres joués que l’on connaissait déjà. Juste pour le plaisir de le faire découvrir à d’autres.

Piste noire

Quand on vit une expérience aussi plaisante, aussi prenante, quasiment hors du temps, le principal problème, c’est celui de la redescente. Quelques twittos #j2s en font ainsi le nostalgique constat.

Ressasser sur les réseaux sociaux n’est généralement pas suffisant pour évacuer un tel cafard. Aussi, certains s’organisent. Essayent des trucs pour tromper la détresse, généralement en allumant un contre-feu ou en combattant le mal par le mal.

patrc

 

Allez courage, la prochaine, c’est désormais dans à peine plus de 10 mois, du 8 au 19 juillet 2020.

Et devinez quoi ? on y sera !

 

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5 Commentaires

  1. TheGoodTheBadAndTheMeeple 20/08/2019
    Répondre

    beau reportage merci 🙂

  2. Fredovox 21/08/2019
    Répondre

    J’ai beaucoup aimé le debrief super rapide et efficace des jeux dans la 2eme partie. C’est chouette

  3. Shanouillette 21/08/2019
    Répondre

    <3

  4. Zuton 25/08/2019
    Répondre

    Merci Grovast pour ce beau reportage ! Ca donne envie, à chaque fois que je planifie mes congés d’été, je me dis qu’il faut me programmer ce festival à part pour le coupler à la visite de la région, et chaque année je me retrouve loin du FLIP ! Un jour , je compte bien y arriver ! 🙂

  5. Alexia 27/08/2019
    Répondre

    « Oh, un article sur le FLIP ! Voyons, voyons… »
    Parthenay, la ville, les jeux…
    « Mmmmm, ça fait du bien de retrouver l’ambiance le temps d’une lecture… »
    « Piste noire ? Qu’est-ce que… MAIS MAIS MAIS… C’est ma tronche ! Et mon tweet ! Hahahahahaha…!  »
    ça, c’est fait !

    A l’an prochain à Parthenay, assurément !

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