Ratapolis : À bon chat, bon rat

Ratapolis, le nouveau jeu de Julien Griffon est une compétition acharnée mais bon enfant pour la maîtrise de territoires et la récolte des points qu’ils offrent. Moins interactif que Yokaï du même auteur (sorti en 2019), qui était une sorte de memory coopératif et amélioré, Ratapolis reste un titre convivial et prend place dans un univers animé et plutôt fun.

Les illustrations d’Olivier Derouetteau (qui a travaillé sur le Roll & Write Captain’s War) s’inscrivent dans la lignée de la maison d’édition Bragelonne Games. Si l’éditeur a coutume de proposer des illustrations au style clivant, elles ont souvent au moins le mérite d’assumer un parti pris visuel tranché, avec une profusion d’animaux personnifiés et de scènes aux tons vifs (Donjons et Siphons, La Vallée des Marchands,…). Ratapolis, avec sa ville aux bâtiments désuets et cartoonesques, ne déroge pas à la règle. La référence au film Ratatouille est ici assez évidente et plutôt de bon aloi pour développer le thème du jeu.

La branche jeux de société de Bragelonne a fermé ses portes, mais le jeu est toujours distribué et disponible en boutique.

Jouez au Chat et à la souris

Ce que propose Ratapolis, c’est d’abord une dose de programmation, pas énormément, juste deux actions par tour sans réel besoin d’anticiper les tours suivants. Intervient aussi un principe de majorité de placement pour s’accaparer des bonus mais surtout pour gagner les emplacements les plus rentables. Jusque là, vous gardez un certain contrôle sur votre destin, mais ensuite, vous devrez compter sur une part non négligeable de hasard pour survivre aux aléas, tout en gérant un peu les risques. En somme, cela en fait un titre pour « enfants joueurs » : l’âge indiqué est de 10 ans, certains enfants habitués pourront y trouver leur compte dès 8-9 ans ; quant aux adultes, seuls certains pouvoirs des Tuiles-bonus pourront occasionnellement gêner les moins joueurs d’entre eux.

 

Les Rats quittent le navire

Le jeu vous invite à incarner un clan de Rats dans une ville, Ratapolis donc, qui coulent des jours heureux et harmonieux : la densité de population et le taux de mortalité sont relativement faibles, et surtout, il y a peu de gêneurs pour vous retirer le Fromage de la bouche. Bref, la concorde règne. Tant de Rats en ville, on se croirait presque à Paris, non ?

Tout va changer très vite : les habitants, lassés de subir les vols et les dégâts causés par les rongeurs, décident de faire appel à un service de dératisation, c’est ainsi que débarque en ville le sinistre Balthus, flanqué de sa horde de Chats zélés. C’est la panique chez les Rats, qui doivent désormais se cacher pour échapper aux prédateurs. Ils vont aussi entrer en concurrence pour trouver des endroits sûrs et du Fromage. C’est la fin de l’abondance !

 

Balthus, nettoyeur !

 

Vous êtes faits comme des Rats

Vous commencez avec une ville composée d’une vingtaine de tuiles polygonales (la plupart sont des rectangles) représentant des quartiers, sur lesquelles les Rats sont équitablement répartis : un Rat de chaque clan sur chaque tuile, pas de jaloux ! Pendant huit tours de jeu, vous allez programmer vos actions pour trouver un lieu accueillant et parfois jouer des coudes en mode « Pousse-toi de là que je m’y mette ! » : deux actions à noter sur sa Feuille de planification, à l’abri derrière un Paravent. On résoudra ces actions simultanément : tout le monde résout la première action, puis tout le monde résout la seconde. Le choix est simple : soit vous déplacez tous vos Rats présents sur une tuile vers une tuile adjacente, à condition qu’il y ait assez de place pour vous incruster, soit vous attaquez un Rat sur une tuile où vous êtes présent et vous le retirez du jeu.

Les meilleures places sont chères ; les tuiles les plus petites sont celles qui rapportent potentiellement le plus de Fromage, mais on y est à l’étroit : en tout, on peut y placer autant de Rats qu’il y a de joueurs, pas plus. Autant vous dire que c’est le mode « J’y suis, j’y reste » qui sera ici activé ! Et si vous ne faites pas partie des heureux élus arrivés les premiers, vous n’aurez plus qu’à vous en remettre à une attaque de Chats qui fera sombrer la tuile corps et biens, pour le malheur de vos adversaires. Cruel, mais… nous sommes en guerre !

 

Mort aux Rats !

Qu’en est-il justement de ces félins génocidaires ? En fait, ils n’attaqueront qu’une fois par tour, donc huit en tout, mais la tuile attaquée sera immédiatement éradiquée et tous les Rats qui la peuplent trépasseront avec elle. Cependant, les Rats ont leurs espions, et des rumeurs vont courir sur le lieu présumé de l’attaque qui aura lieu en fin de tour : chaque joueur aura reçu en début de tour une carte Indice qui donne le nom d’une des tuiles qui risque d’être attaquée par les Chats. Selon le nombre de joueurs, une ou deux autres cartes Indice seront posées à la vue de tous. La tuile fatidique sera tirée au sort parmi ces cartes.

 

On raconte en ville que les Chats vont attaquer en L… ou en Q… ou en R… enfin, ils vont attaquer, quoi !

 

Ainsi, quand vous consulterez vos cartes, vous serez peut-être tentés de déguerpir rapidement des tuiles en question, mais vous pourrez aussi jouer les téméraires en priant pour que cela ne tombe pas sur celle où votre population de Rats est importante. Après tout, les infos que vous avez glanées ne sont pas totalement fiables. Bref, vous allez devoir gérer le risque, compter un peu sur la chance, mais aussi vous souvenir des cartes qui sont déjà passées : les Chats n’attaqueront plus ces tuiles avant la moitié ou avant la fin de la partie, toutes les cartes étant remises en jeu à mi-parcours.

 

Le Chat parti, les souris dansent

Une fois la tempête passée, les greffiers mignons retourneront tranquillement à leur sieste et vous aurez le champ libre pour reprendre vos manœuvres et manigances. Une seule chose aura changé : les dératiseurs ayant fait leur œuvre, une tuile aura disparu. Entre temps, vous aurez pu collecter des Tuiles-bonus sur certains emplacements, à condition que les Rats de votre Clan y aient fini le tour en majorité. Elles vous accorderont un pouvoir, utilisable tant qu’elles seront en votre possession, c’est-à-dire tant que vous conserverez la majorité. Ces Tuiles-bonus sont de force inégale, et leur facilité d’utilisation est également assez variable ; vous pourrez en vrac regarder la carte Indice d’un adversaire, traverser des emplacements nettoyés par les Chats, attaquer sur une tuile adjacente, etc. Des effets classiques qui mettent un peu de piment, mais qui, pour certains, déséquilibrent un tant soit peu les rapports de force.

 

Il y a déjà eu du dégât ! Cette ville est un vrai gruyère…

 

Vous allez ainsi développer une tactique pour sauver un maximum de Rats des griffes des Matous et placer les survivants du mieux possible sur les emplacements qui grouillent de Fromage. En fin de partie, chaque Rat récoltera entre 1 et 5 Fromages selon la tuile où il se trouve et le joueur qui en aura collecté le plus sera désigné vainqueur. À cause des attaques de Chats, il pourra donc y avoir du suspens jusqu’au bout.

 

Pas de quoi fouetter un Chat

Le jeu met à disposition différents scénarios, avec un assemblage donné des tuiles de départ et des règles parfois modifiées. Vous pourrez aussi créer vous-même votre ville en agençant les tuiles à votre goût.

Comme tous les jeux de majorité, Ratapolis est plus excitant et tendu à 4 ou 5 joueurs, bien qu’à 5, il soit parfois difficile de compter le nombre de Rats (on rappelle que les places sur les tuiles sont limitées !). La présence d’un automa qui simule une faction permet d’y jouer à deux, et même si ce n’est pas la configuration idéale, ça fonctionne plutôt bien. S’il fallait faire un compromis entre fun, chaos et maîtrise, c’est sans doute à 4 que le jeu aura le plus de saveur, bien que ce soit la seule configuration que je n’ai pas essayé (je laisse de côté celle à 6 joueurs, possible dans le cas d’un scénario unique, donc pas applicable à l’ensemble du jeu).

 

Quelques quartiers de Ratapolis. C’est joyeux, c’est coloré, c’est foutraque…

 

À vous de vous faire un avis à propos de la direction artistique du jeu ; on peut le trouver un peu chargé visuellement. Il n’échappe pas à quelques lourdeurs, comme ces dessins resserrés et parfois criards et surtout ces icônes qui donnent le nombre maximum autorisé de Rats sur une tuile sous la forme d’une multiplication par le nombre de joueurs. Même en connaissant bien ses tables, on s’y reprend souvent à plusieurs fois pour connaître le nombre exact autorisé !

 

Appelons un Chat un Chat

Ratapolis, pour moi, sera tout de même à classer dans le rang des réussites. Il a les qualités pour satisfaire un large public : illustrations colorées, règles accessibles, nombreux rebondissements, tout petit twist joueur avec les Tuiles-bonus (qu’on peut se permettre de négliger si on est fin tacticien ET chanceux), temps de jeu dépassant à peine la demi-heure, même si 8 manches, cela peut sembler long et répétitif aux plus impatients (il existe un scénario à 6 manches si on le souhaite !). Thématiquement, on n’est pas dans une originalité folle (des Chats et des Rats, on a déjà eu l’occasion d’en croiser dans pas mal de jeux), mais le gameplay fait sens. Le joyeux bazar qu’il met en scène donne parfois le tournis, avec ces lieux qui grouillent de rongeurs mais redeviennent très calmes quand le dératiseur est passé par là.

D’ailleurs, vous diriez plutôt « Il n’y a plus un Chat » ou « Il n’y a plus un Rat » ?

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1 Commentaire

  1. cys 30/11/2023
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    Un des jeux que j’ai adoré cette année, parfait en famille, avec une juste dose d’aleatoire qui donne une chance aux plus jeunes. Le matériel est top, l’ambiance foutraque à souhait, un jeu dans mon top de l’année !

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