Entretien avec un organisateur d’Alchimie du Jeu de Toulouse

Du 3 au 5 mai 2024 prochain aura lieu la 21e édition de l’Alchimie des Jeux, festival majeur dans le panorama ludique français (troisième plus gros événement en termes de fréquentation) qui se tiendra au MEETT de Toulouse.
On vous propose aujourd’hui d’aller à la rencontre de Steeve Caston, l’un des organisateurs, qui a répondu à nos questions au cours de cet article où l’on va vous présenter les coulisses du festival, ses enjeux et ses défis à venir, et quelques chiffres aussi. L’Alchimie, c’est parti !

 

Affiche réalisée par Camille Chaussy

 

Ludovox : Bonjour Steeve, peux-tu nous présenter le festival ?

Steeve : Le festival est né en 2002 grâce à quatre étudiants de l’ESC Toulouse. Ce fut leur projet de fin d’année. Pour l’organiser, ils ont contacté Bruno Desch le fondateur de la boutique du Passe-temps. Cette première édition en chiffres : 6 bénévoles, 500m² de surface, 800 entrées. L’année suivante, le Passe-temps a contacté les différentes associations ludiques toulousaines pour renouveler l’expérience. De là est née l’Alchimie, de ce mélange des trois associations toulousaines. 20 ans plus tard, en 2023, ce sont 470 bénévoles pour près de 40 associations impliquées qui occupent 12 000 m² (dont 4 000 en extérieur), et nous avons accueilli 20 600 visijoueurs. Attention, tous ne sont pas toulousains, loin de là !

 

L’équipe de la relation éditeurs du festival. De gauche à droite : Mélodie, Steeve, Bruno, Elisa et Boris.

 

LV : Comment est organisé le festival, il y a un fort côté collégial entre les bénévoles ?

Steeve : Oui, le côté collégial se retrouve autant au sein du comité où toutes les décisions sont discutées, qu’au niveau des responsables qui ont une grande latitude pour proposer des projets. Le comité, composé de 9 personnes, est le bureau qui gère l’organisation du festival et s’appuie sur une équipe de plus de 70 responsables. 

En 2022, quand nous avons décidé de relancer l’aventure alchimique, nous ne savions pas où nous allions car le principal réservoir de bénévoles se trouve dans les associations. Or, la crise a fait qu’elles n’ont pas fonctionné. Nous n’avions aucune certitude sur le fait que les anciens bénévoles reviendraient et que nous pourrions en retrouver de nouveaux. C’est à cette époque-là que nous avons lancé ce que nous appelons les tribunes de l’Alchimie, un rendez-vous mensuel avec le comité, les responsables de pôles et des bénévoles motivés mais ne souhaitant pas nécessairement avoir l’étiquette de responsable. La crise COVID nous a obligé à repenser notre mode de fonctionnement et de communication envers les bénévoles. 

Les tribunes se déroulent de la façon suivante : le comité expose les avancées faites sur l’organisation générale du festival (finances, plan, consignes générales, …), puis il y a un temps de questions/réponses, un temps d’échanges entre les participants au gré des besoins en cours. Ces temps d’échange sont très importants, car les différents responsables d’espace peuvent discuter entre eux et de nouvelles idées naissent et peuvent se concrétiser ainsi. Cela crée beaucoup de liants entre les équipes.

 

LV : Comment fonctionne l’organisation, combien de bénévoles ? combien de pôles différents ?

Steeve : L’organisation ne change pas beaucoup depuis la crise : 

  • Le comité se réunit fin août début septembre pour faire le bilan de la précédente édition, établir le rétro-planning et se répartir les différents pôles.
  • organisation d’une journée de remerciements aux bénévoles. Sur ce temps, il y a un peu d’affichage du bilan et quelques ateliers pour préparer la future édition, mais l’essentiel est d’offrir un moment de retrouvailles à tous les bénévoles où ils peuvent jouer ensemble sans forcément penser au festival.
  • une réunion mensuelle du comité.
  • une réunion mensuelle de la tribune.
  • une AG en novembre.
  • un briefing en avril.
  • le festival !
  • une réunion comité pour faire le débriefing.
  • une réunion format tribune pour faire le débriefing avec les responsables d’espace.

Il y a environ une cinquantaine d’espaces différents à gérer.

 

 

LV : Et toi dans tout ça ?

Steeve : Je suis co-responsable sur le comité de l’Alchimie du Jeu. J’ai commencé en tant que bénévole, grâce à l’association dont je faisais partie, il y a près de 15 ans avant d’intégrer l’équipe chargée de la relation éditeurs. Je suis rentré au comité il y a maintenant 6 ans. Mon rôle actuel au sein du comité est multiple : référent sur le pôle des professionnels ludiques : essentiellement contacter les éditeurs pour savoir s’ils souhaitent participer à notre manifestation, référent sur le pôle événements (mettre en place un planning d’animations (dédicace, rencontre, débat, partie, …) avec les illustratrice.eur.s et les autrice.eur.s présent.e.s. Et enfin référent suppléant sur la partie communication externe (contacter les médias, répondre à différents messages, aide à l’élaboration de contenus sur les réseaux sociaux).

 

LV : Quelle est la différence entre un salon et un festival ? 

Steeve : Un salon est un rendez-vous essentiellement professionnel. Un festival est une manifestation orientée vers le grand public. Nous tenons véritablement à rester un festival et certains professionnels sont surpris par notre réponse quand ils demandent à avoir un accès professionnel.

 

LV : Pour toi quelle est la particularité, le poumon du festival ? Comment l’Alchimie se distingue-t-il des autres festivals ?

Steeve : Tous les intervenants extérieurs qui viennent sur notre festival sont surpris par le nombre de bénévoles, leur énergie, leur accueil, … aussi par l’organisation. Par exemple, l’année dernière, malgré le fait qu’il fallait servir plus de 300 repas le samedi midi, l’attente n’a pas duré plus de 5 minutes. Le festival est reconnu comme celui où les bénévoles et les invités mangent le mieux (avec celui d’Epinal). Ce sont des auteurs et éditeurs qui le disent. ;).

Le poumon du festival, ce sont vraiment les bénévoles qui le composent. Quand j’ai commencé à être bénévole, j’ai été surpris par toute cette énergie positive mise en commun pour organiser un événement à destination de tous les publics. C’est avant tout une formidable aventure humaine en tant que bénévole.

Le festival se distingue aussi par son rapport à l’accessibilité. Depuis très longtemps, l’inclusion est au centre de nos réflexions. Nous tenons à pouvoir accueillir tous types de public. Cela passe notamment par : 

  • l’accès libre au festival. Toute personne peut venir passer plusieurs heures sur le festival sans dépenser d’argent.
  • des bénévoles signants en LSF facilement identifiables pour les personnes malentendantes.
  • un partenariat avec Accessi’jeux qui propose des jeux adaptés aux personnes ayant une déficience visuelle.
  • l’accueil cette année d’Access+, le studio d’Asmodee spécialisé dans les jeux pour les personnes atteintes de troubles cognitifs.
  • des allées et un espace entre les tables larges pour favoriser le déplacement des personnes à mobilité réduite.

 

 

LV : Et il faut une grande énergie pour sélectionner les jeux de demain et accueillir tous les auteurs et autrices. Une cinquantaine de jeux de demain, et un trophée au bout pour certains. C’est le public qui vote ?

Steeve : Oui, tout à fait, il faut une belle énergie pour cet espace notamment en début d’année quand les inscriptions sont ouvertes pour participer. Durant 2 mois quasiment, l’équipe de responsables reçoit une centaine de candidatures. Il faut lire chaque règle de prototype envoyée et évaluer son potentiel. À la fin vient le moment douloureux de faire une sélection pour n’en retenir qu’une cinquantaine. C’est parfois difficile car des projets sont écartés alors que si nous pouvions offrir plus de tables à cet espace, ils seraient aussi légitimes.

Durant le festival, le public peut aller tester tous ces prototypes et voter pour ceux qu’il a préféré. Ces jeux sont répartis en deux catégories : famille et initié.

Un peu avant la fin du festival, un dépouillement des votes est réalisé et les deux vainqueurs sont récompensés par la remise d’un trophée et une récompense. Jusqu’à cette année, c’était un pass pour participer au protolab du FIJ.

Et en ce qui concerne les jeux de demain, pour la petite anecdote, nous aurons pour cette édition, la joie de recevoir en tant qu’éditeur Karen Nguyen et David Carmona qui ont remporté en 2022 le prix du prototype famille avec Nékojima. D’ailleurs, si vous regardez la boîte de ce jeu, vous verrez l’autocollant qui y fait référence et nous les en remercions chaleureusement.

 

 

LV : Le 20e anniversaire du festival s’est déroulé à l’extérieur de Toulouse, dans un nouveau lieu, comment ça c’est passé, qu’est-ce qui a changé ? 

Steeve : L’ancien parc des expositions où se déroulait le festival a été fermé pour démolition, il a fallu investir un nouveau lieu, repartir d’une feuille blanche et repenser un nouvel espace. Le nouveau parc des expositions se trouve excentré de Toulouse, non loin de l’aéroport. C’est un grand changement par rapport à l’ancien lieu qui était situé en plein cœur de la ville. 

Le changement s’est plutôt bien passé en sachant que la première dans ce nouveau lieu s’est déroulée après deux éditions annulées pour cause de COVID. Des ajustements ont été nécessaires sur l’édition suivante mais pas de grande révolution non plus. Cette année encore, le plan du festival va connaître quelques petites modifications, et cela va permettre d’augmenter la surface aux visiteurs. 

Nous avons aussi observé que le nouveau lieu a entraîné un changement du public. Nous avons maintenant un public beaucoup plus familial et périurbain qu’il ne pouvait l’être auparavant. Nous avons certainement des personnes qui ne souhaitaient auparavant pas se rendre dans Toulouse le week-end et pour lequel l’accès au MEETT (le nouveau Parc des expositions) est beaucoup plus facile. 

 

Les tournois

 

LV : En tant qu’ancien bénévole je trouvais le parc des expositions déjà bien étendu, mais je ne me figure pas les différences, quelles sont-elles ?

Steeve : Par rapport à l’ancien Parc des expositions, nous n’avons plus qu’un seul hall ; auparavant, nous en avions deux séparés par un espace extérieur. L’espace extérieur se trouve maintenant devant l’entrée qui sert d’accueil au public. Les possibilités de stationnement sont également bien plus nombreuses qu’auparavant. En revanche, les gens ne peuvent plus venir à pied et plus difficilement en vélo. Au niveau des transports en commun, il est possible d’arriver en tram ou en bus. Ce bâtiment est également plus lumineux et offre un confort sonore bien meilleur que le précédent Parc des expositions.

 

 

LV : Quel est le plus grand défi pour vous maintenant ?

Steeve : Le plus grand défi qui se pose à nous est la gestion de l’espace proposé au public. L’année dernière, nous avons connu une telle affluence le dimanche que des visiteurs se sont retrouvés à jouer par terre. Cette année, nous avons réussi à libérer un peu plus d’espace au prix d’un effort financier, mais notre équilibre reste fragile car nous tenons à notre gratuité.

 

 

LV : Si l’entrée est gratuite, en dehors des stands et tables payantes pour les éditeurs, la buvette, avez-vous des subventions ou une aide institutionnelle ?

Steeve : Nous devons diversifier nos sources de revenus afin de parer à toute éventualité d’un défaut. Nos principaux apports viennent : 

  • des institutionnels : métropole, municipalité de Toulouse, région, département, municipalités voisines du MEETT
  • des professionnels du milieu ludique / éditeurs et distributeurs
  • les espaces restauration 
  • la bourse aux jeux
  • la tombola
  • notre boutique goodies

 

Bourse aux jeux

 

Pour cette année, nous allons aussi proposer une innovation : nous sommes co-éditeur d’un jeu qui se nomme Dédale. C’est un jeu mené en partenariat avec le MALT (Mouvement des Auteurs Ludiques Toulousains) et l’éditeur Subverti. Nous avons lancé un appel à projet auprès du MALT et certains de leurs adhérents se sont prêtés au jeu. Nous avons testé plusieurs prototypes pour finalement en retenir un développé par Jérémy Partinico et Romaric Galonnier. L’éditeur Subverti nous a aidé pour la réalisation finale.  Au départ, ce jeu devait être uniquement en vente sur le festival mais Subverti croit en ce projet et le fera vivre après cette période.

Pour le présenter brièvement, Dédale est un jeu coopératif de 1 à 4 joueurs d’une durée de 10 minutes à partir de 8 ans. Il propose des niveaux de difficulté croissants. Les illustrations finales ont été réalisées par Baptiste Perez.

L’envie de sortir un jeu estampillé “Alchimie du Jeu” était présente depuis plusieurs années et cette année, nous avons décidé de nous lancer. Cela répond aussi à une question qui revenait fréquemment de la part du public : “comment pouvons-nous vous soutenir ?”. Cette année, ce sera possible grâce à l’achat du jeu sur le festival au prix de 10€. Grâce à Subverti, 50% de ce prix sera reversé directement au festival.

Nous tenons vraiment à remercier les auteurs du MALT (en particulier Jérémy et Romaric), Subverti et Baptiste. Sans eux, ce projet n’aurait jamais pu voir le jour !

 

 

LV : Le festival de Paris qui est un festival majeur également,  Paris Est Ludique n’aura pas lieu cette année en raison de la tenue des JO à Paris. Vous attendez-vous à un afflux de joueurs et pro qui ne pourront aller à PEL cette année ?

Steeve : Une affluence pro supérieure, de toute évidence oui. Nous le voyons au nombre d’éditeurs qui nous ont sollicité et à la taille de l’espace qu’il souhaite.

 

Nous avons agrandi l’espace pour absorber la quasi-totalité des demandes de réservation formulées par les éditeurs. Malheureusement, nous ne serons pas à 100% de demandes honorées. Pour le public, il est difficile de se projeter car nous ne serons pas en période de vacances et entre deux jours fériés. Il y a de l’incertitude sur ce point, mais nous voyons que nous sommes bien suivis sur les réseaux sociaux et nous avons reçu très tôt (par rapport aux années précédentes) des messages, nous demandant des renseignements sur notre manifestation.

 

 

LV : Avec tous ces chiffres, vous pensez être à quelle place dans les festivals de jeux en France ?

Steeve : L’année dernière, au vu du nombre d’entrées, nous sommes derrière Cannes et Parthenay en termes de fréquentation. Cela nous place en 3ème festival ludique le plus important, et le premier entièrement bénévole.

LV : Faites-vous partie du groupement pro des festivals, la Ruche ludique ? Quelles aides ou avancées vous ont-elles apportées ?

Steeve : Oui, nous faisons partie de la ruche ludique. Un des membres de notre comité en est même co-président. C’est un espace d’échanges d’informations très riche. Chaque participant parle librement de son festival, son fonctionnement. Tout le monde pose des questions et chacun y répond sur un très grand nombre de thématiques. En ce moment, un des sujets qui intéresse certains de nos responsables sont l’organisation des tournois : comment faire pour capter le public, quels types de jeux … Ça permet de voir ce qui marche ou pas chez d’autres et donne des pistes de réflexion très diversifiées. 

Il y règne aussi une très bonne ambiance où les gens sont curieux de ce qui se fait mais aussi très portés sur les échanges. Il n’y a aucune concurrence et une belle entraide. Il y a même des projets communs et cela pourra se voir sur la prochaine édition du FLIP !

 

LV : Merci Steeve, nous souhaitons une belle Alchimie, RV du 3 au 5 mai, le programme est ici, et encore plus pratique, l’application du festival.

 

Entretien mené par Atom et Natosaurus.

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1 Commentaire

  1. Morlockbob il y a 9 jours
    Répondre

    On s y voit ?

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