Take Time, la Genèse : du proto à l’édition
Comment fait-on un jeu ?
Avant d’arriver dans nos boutiques préférées, le jeu passe par plusieurs étapes, les auteur-ices matérialisent une idée dans leur tête, puis la transforme en carton, carte, meeple, plateau etc, Puis il est testé par des cohortes de joueurs, jusqu’à ce qu’un éditeur s’intéresse à son cas. Enfin après des mois de développement, le jeu arrive sur nos tables.

Genèse de la genèse
Pour cet article j’ai voulu raconter la genèse de Take Time à travers mon expérience du jeu que j’ai pu découvrir à plusieurs étapes, mais aussi et surtout à travers les yeux des auteurs Alexi Piovesan et Julien Prothière, c’est donc une interview un peu particulière.
Il y a un peu moins de deux ans, sur un petit festival dans la Drôme, les deux auteurs arrivent avec ce proto fait de cartes et de chiffres, un jeu coopératif dans lequel la communication est limitée à sa plus simple expression.
On s’est laissé emporter par le jeu et on a joué et rejoué encore ce qui était bon signe. Puis on a eu l’occasion de tester le jeu à différentes étapes, que ce soit dans d’autres festivals, Cannes, Vichy, ou d’autres plus modestes. Ce qui m’a permis de voir un peu toutes les évolutions du jeu. Depuis le jeu a été signé chez Libellud, et on a pu le découvrir avec les illustrations de Maud Chalmel, ça fait tout bizarre quand on l’a connu en version monochrome 🙂

Festival La côtière s’amuse à Dagneux (2025)
Il n’est rien au monde d’aussi puissant qu’une idée dont l’heure est venue
Difficile de déterminer comment naît une création, Alexi Piovesan a toujours été fasciné par le temps, tout petit il avait une montre avec laquelle il s’amusait tout le temps. En juin 2023, il débute un nouveau proto nommé la Suite, avec comme souhait principal, créer un jeu “Tour de magie”.
Alexi : On disposait sur la table une carte emplacement devant chaque personne en cercle, puis en fonction du niveau en question on distribuait une ou plusieurs cartes à chacun, numérotées de 1 à 9 en deux couleurs. Le principe était de jouer en temps réel une carte face cachée devant n’importe quel emplacement, et à la fin révéler les cartes en formant une suite croissante.

Prototype la suite
Les deux idées majeures à ce moment-ci étaient le fait d’avoir le choix de jouer devant son emplacement ou devant les emplacements des autres, et le moment révélation de “magie” que j’affectionne tout particulièrement. J’avais pensé le jeu au tout début pour 3 à 6 joueurs avec des niveaux évolutifs (quand on sait qu’il est devenu de 2 à 4 haha).
Comme souvent, je commence par simuler une partie et j’essaie rapidement de le faire jouer à mes proches. Il y avait encore beaucoup à travailler, mais tout de suite j’ai senti une atmosphère différente et des sensations beaucoup plus intéressantes et fluides que ce que j’avais observé dans mes créations jusqu’à présent.
Je prépare plusieurs niveaux de difficulté et je fais rapidement tester fin juin dans le collectif d’auteurs.autrices en ligne des SPN (SuperProtosNumériques), et une première fois en soirée bar à jeux au Fou de la Dame (Romans-sur-Isère 26).

Prototype la suite
La rencontre avec Julien
Alexi : Fin août, j’ai l’opportunité de le faire jouer à Julien pour la première fois, dans une soirée proto chez Kévin (aussi auteur de jeu de notre collectif A.R.B.R.E.) où Julien me fait ses premiers retours et encouragements. Je me souviens notamment de conseils comme “ajouter plus de cartes” ou encore faire attention à “épurer la mise en place du jeu”, car il y avait une distribution parfois particulière des cartes emplacements suivant les niveaux.
J’étais très content de sentir une attractivité du jeu de la part des testeurs et d’un auteur très expérimenté comme Julien ; qui plus est, auteur spécialiste dans cette typologie de jeu coopératif où l’on essaie de développer notre empathie avec autrui.
Julien : Le principe du jeu était intéressant, il y avait quelque chose qui m’a tout de suite attiré, et je me disais que cela correspondait tout à fait à ce que j’aimais faire, et je voyais assez bien comment je pouvais apporter ma pierre à l’édifice.Mais je trouvais le concept trop proche d’un “The Mind” et surtout j’avais des tas de protos en cours et je m’étais promis à moi-même (et un peu aussi auprès de ma famille) de ne pas m’en rajouter. J’ai donc eu envie de lui dire que j’aimerais le travailler avec lui, mais je me retiens. Et je suis même content parce que j’arrive à garder ce sentiment pour moi alors que cet exercice est souvent difficile.

Alexi : Je refais un test mi-septembre dans notre bar à jeux ; dans cette version on avait des cartes allant de 1 à 25 en une seule couleur. Julien testait également ses protos sur une table à côté, je le voyais regarder ma table de temps en temps avec une forme de curiosité. Et c’est en fin de soirée qu’il me propose de développer La Suite ensemble.
Julien : Il y avait sans doute quelques petits changements dont je ne me rappelle plus, mais surtout la même sensation que ce jeu m’attirait, que je devais me proposer en tant que co-auteur. Cette fois, je me suis donc permis de lui proposer mes services. Chose qu’il a accepté assez rapidement.
Puis tout de suite après, fin octobre – début novembre 2023, Alexi m’envoie deux mails où il détaille toutes les idées qui fourmillent en lui, et ce que notre temps d’échange lui a fait cogiter de nouveau ! Il est prolixe, enthousiaste, et je me dis qu’avec l’intensité de mon travail sur Fil Rouge (à l’époque on était en train de boucler la démo pour Cannes), ça va être chaud de le suivre.

Le choix du thème
Le thème d’un jeu est central, car il permet de coller une mécanique au jeu et la rendre plus fluide, compréhensible.
Julien : À ce stade, il me semblait important d’arrêter un thème qui pourrait nous inspirer dans les mécaniques.
Plusieurs idées ont été évoquées, l’une d’elles paraît particulièrement pertinente, celle de l’horloge et du temps qui passe. Nous avons un découpage en 24 cartes qui correspondent aux heures, et 6 zones sur le plateau. Avantage de ce thème, cela a un rapport avec le jeu et son gameplay, car il y a clairement une notion de rythme.
C’est à ce moment que les deux auteurs ont cherché un nom de code pour leur proto, plusieurs propositions ont émergées : The Time, Time Walk, About time ou Take Time en anglais. En français ils ont pensé aussi à : “à temps”, “le temps d’un instant”, “le temps passe”. Pour le moment, les propositions anglaises ont leurs préférences.
Alexi : Lorsque Julien m’a énuméré des titres possibles, Take Time a été celui qui m’a directement séduit. J’aime beaucoup ce que cela raconte dans le propos du jeu et mon rapport contextuel avec le temps, en plus d’apprécier le son que ça génère en le prononçant ; une sorte de “Tic Tac inversé” qui fait écho à l’opposé du “TicTac”, connoté à la frénésie du temps. Nous avons été heureux par la suite d’apprendre que Libellud a souhaité ce même titre !
Julien : Le thème est arrivé assez rapidement lorsque l’on a commencé à travailler ensemble. Pour moi, il paraissait essentiel de trouver quelque chose thématiquement à ce stade du développement du jeu pour structurer les règles du jeu. Lorsque l’on crée un jeu, il y a quatre entrées principales possibles selon moi : le thème, le matériel, le gameplay et l’intention. Mais quelque soit l’entrée que tu prends, le processus se poursuit très souvent en passant d’une entrée à l’autre, au fur et à mesure du développement.

Ici, le thème nous a donné énormément d’assise dans la construction de la règle de base et a rendu l’ensemble très digeste. D’ailleurs, le gameplay est très lié au thème avec ce chiffre magique “12” qui revient sans cesse.
Alexi : C’est d’ailleurs assez curieux car le souhait du thème était présent depuis très longtemps en termes d’expérience de jeu autour du tempo et de la magie du temps, mais le choix du thème s’est manifesté consciemment après avoir pris le temps de construire la mécanique centrale du jeu. Lorsque nous l’avons présenté à Libellud, nous étions confiants de l’expérience mécanique du jeu mais encore en rodage sur le pitch thématique où nous expliquions “incarner des horlogères et horlogers devant réparer des horloges pour remettre le temps en ordre” en attendant de trouver mieux..
En novembre 2023, je découvre le prototype déjà bien évolué qui m’évoque The mind avec sa structure sans tour de jeu. La temporalité était importante, créait des situations intéressantes, mais aussi quelques problèmes.

Julien : On a mis quelques semaines à définir le cadre structurant du jeu en termes de règle. Un travail loin d’être évident car on a rapidement vu que ce jeu était une véritable boîte de “Pandore” ! (surtout avec le cerveau foisonnant de mon co-auteur!).
Il fallait donc trier entre les idées mécaniques qui allaient être notre socle, la base des règles à laquelle on ne dérogerait pas pour accompagner les joueurs en sécurité dans la progressivité du jeu, et les idées mécaniques qui proposaient de nouveaux challenges, transformant la manière d’appréhender la stratégie du jeu, mais sans le dénaturer.
La question du tour par tour ou du simultané faisait partie de ces interrogations. On a rapidement vu que notre système était plus intéressant en tour par tour (d’autant que cela l’éloignait d’un The Mind), mais on a cru pendant un temps que le simultané pouvait être un mode de jeu plus tard dans l’évolution du jeu. Puis, on s’est aperçu que ce mode n’était finalement pas très intéressant : il poussait certains joueurs à tenir un rôle de leader un peu caricatural. On a notamment fait quelques parties avec Olivier, le président de l’association Ludicoop qui nous héberge dans les locaux où nous nous retrouvons Alexi et moi pour travailler, et Olivier avait la fâcheuse tendance à jouer toutes ces cartes tout de suite et à dire ensuite, “et bien maintenant débrouillez-vous !”.

Alexi : C’est donc naturellement que nous avons opté pour le tour par tour ; cohérent avec l’identité de TakeTime. Le flux du temps se déroule depuis la discussion jusqu’à la première carte posée qui introduit le ralentissement avec la pose d’une carte chacun à notre tour, qui résonne temporellement et sensoriellement le rythme périodique du groupe.
J’ai testé plusieurs évolutions, au début il y avait 24 cartes, et puis est arrivé le concept des cartes Jour et Nuit. Une évolution qui semble mineure mais qui a changé pas mal de choses.
Julien : Effectivement, une fois le thème choisi, on a d’abord retenu 24 cartes allant de 1 à 24 pour parler des heures de la journée. Très rapidement, dans les premiers tests, on s’est aperçu que c’était difficile à appréhender pendant la partie, mais surtout pénible à compter en fin de partie, et qu’il fallait avoir de moins grandes valeurs. Grâce au thème je pense, nous avons eu l’idée de le découper en 2 fois 12 cartes allant de 1 à 12 pour symboliser les heures du matin et les heures de l’après-midi, comme sur une horloge finalement. Et puis, nous avons opté pour des cartes blanches et des cartes noires pour clairement les identifier mais aussi pour parler du jour et de la nuit qui sont également des notions du temps.

Le jeu ne s’arrête pas à une expérience et propose des niveaux et des mondes différents avec chacun leurs contraintes. Un peu comme Bombusters et ses 66 niveaux. Comment avez-vous créé ces niveaux ?
Julien : Une fois le cadre structurant défini (12 cartes, tour par tour, 6 emplacements, croissant, un nombre limité de visibles) on s’est attaché à construire les niveaux progressivement. Pour cela, on a défini une nouvelle fois ce que l’on allait retrouver de manière transversale dans tous les niveaux (la grammaire), et ce qui allait constituer une spécificité à un moment donné sans pour autant être prégnante pour la suite.
Les 3 premières enveloppes constituent la grammaire. Les 7 niveaux suivants proposent des challenges surprenants. Ensuite, pour les gérer dans la difficulté, on a beaucoup beaucoup joué, testé, échangé avec Matthis, le game designer de Libellud, qui nous suivait sur le projet, afin de définir ce qui allait être l’ordre de progression.

Bomb Busters
Dans Take Time on est frappé par la diversité des contraintes. Comment avez vous évité les situations impossibles ?
Alexi : J’ai pris le temps d’observer manuellement chaque horloge (retenue ou non) que nous construisions, en me posant à chaque fois la question : quel serait le ou les tirages les plus extrêmes possible de cartes ? Pour identifier jusqu’où nous pouvions repousser les contraintes du jeu. C’était important selon moi de transmettre que même s’il y a une infime chance, l’épreuve est possible, pouvant entretenir des moments magiques où l’on se surprend ensemble à réussir une partie perçue surréaliste.
Nous avons quand même intégré de rares horloges qui comportent 99,999% (seulement) de tirages possibles car nous les jugeons significativement intéressantes. Le jeu ayant une mise en place quasi instantanée et la presque totalité des impossibilités de tirage reposant sur les couleurs de cartes présentes, il n’y aucune friction à jouer/rejouer.

J’ai souvenir d’une version où l’on terminait un niveau, et le jeu nous proposait deux voies, deux possibilités qui menaient à deux enveloppes différentes. Principe assez excitant car on ne savait pas trop où le jeu allait nous mener.
Alexi : Dans ce mode, les personnes choisissaient presque systématiquement la même option, et on trouvait dommage que certains chapitres soient exclus, et causés plutôt par leur apparence que par le plaisir propre. Nous avions à cœur de faire jouer chaque chapitre.
Comment les contraintes de communication ont évoluées ? J’aime bien les deux phases, l’une ou l’on peut élaborer une stratégie, mais sans regarder ses cartes, et l’autre où le silence est de mise.
Alexi : À la toute base, il n’y avait pas de phase de discussion, et l’équipe disposait seulement d’un certain nombre de cartes “joker” visibles puis qui se débloquaient au fur et à mesure des niveaux atteints sur un socle semblable à celui de The Mind.
Très rapidement, nous avons retiré cette structure de gain et perte pour construire peu à peu l’identité Take Time. Nous avons ensuite aussi stabilisé le nombre de cartes visibles pour chaque niveau. Il était de mémoire à 2 cartes, puis assez rapidement nous avons opté pour autant de cartes que le nombre de personnes. Cela permettait en plus d’équilibrer la communication en fonction du nombre de joueurs et nous apprécions beaucoup son élégance.

Je crois me souvenir d’un moment où nous avons commencé à nous conseiller mutuellement sur comment on pourrait jouer un niveau. On discutait et je disais à Julien qu’à travers mes études de psychologie, j’avais lu que le cerveau adorait anticiper une situation qui se réalise ensuite. Julien m’a ensuite proposé “et si finalement on faisait un jeu de conventions ?!”.
L’idée m’a tout de suite beaucoup emballé, ayant commencé à créer des jeux après avoir découvert le jeu Hanabi d’Antoine Bauza (où il existe toute une communauté qui propose des conventions). Et nous avons ainsi construit des niveaux de difficulté favorisant la discussion en amont. L’occasion ainsi d’appuyer encore sur l’écho Take Time pour prendre du temps ensemble pour communiquer autour de la table. Tout comme cela appuie les cycles d’échos de révélations ; la révélation lors de la prise de nos cartes en mains confirmant ou non nos discussions, la révélation finale des cartes posées au centre de l’horloge et la révélation de l’horloge suivante nous faisant changer de stratégie, ainsi de suite, etc.

Comment avez-vous géré l’effet leader ? (la grande question que l’on se pose pour tous les jeux coopératifs).
Julien : L’effet leader comme tu dis a été pas mal débattu entre nous car c’est quelque chose que l’on a envie de maîtriser dans nos créations. Non pas qu’on veut à tout prix l’effacer, mais plutôt le polir pour qu’il soit changeant, mouvant, surprenant.
C’est une des raisons qui nous a fait arrêter la simultanéité. La position du leader était trop caricaturale. Mais donner l’occasion à chaque joueur d’être parfois leader, en jouant une carte face visible par exemple, nous a paru essentiel.
Selon moi, le jeu est un espace idéal pour permettre au joueur d’expérimenter des postures qu’il pratique peu dans la vie de tous les jours. Il est important de donner aux personnalités plus réservées la possibilité de devenir leader le temps d’une partie ou au contraire proposer aux extravertis de se mettre en posture de compréhension d’un “coup” d’un partenaire.
Dans Take Time, il y a une notion d’apprentissage forte, et un peu à l’instar de Celeste (le jeu vidéo indépendant), la défaite est rarement vécue comme telle, mais nous pousse à recommencer encore et encore. On ne perd jamais, soit on gagne soit on apprend. On revient tout de même avec un avantage nouveau, une carte visible supplémentaire.

Celeste
Julien : ce catch up a été trouvé pendant le développement avec Libellud. La philosophie de cet éditeur est de vraiment donner du feel good aux joueurs, de prendre soin d’eux. J’ai beaucoup aimé ce qu’ils ont pu nous faire affiner autour de la manière dont l’échec et la nouvelle tentative sont vécus dans ce jeu avec cette carte visible supplémentaire mais aussi avec l’enveloppe des regrets.
Ces deux règles de rejouabilité donnent la possibilité aux différents groupes d’assumer leurs préférences de jeu : certains ne veulent surtout pas entendre parler de cartes visibles supplémentaires, là où d’autres au contraire ne se privent pas car ils veulent être dans la réussite le plus souvent. Idem pour l’enveloppe des regrets qui n’est pas du tout utilisée de la même manière suivant les joueurs autour de la table.
Je trouve qu’ici l’intention prend peu à peu la place sur la rigidité de la règle et donne une plus grande responsabilité aux joueurs. C’est le sens que je vois dans l’évolution des jeux de société. On a un public de plus en plus mature et qui peut faire des choix qui lui semble juste pour sa partie en cohérence avec les intentions de l’auteur.
Alexi : Nous avons réfléchi très longtemps à la typologie de TakeTime sur ce qu’il se passait en cas de ‘victoire/défaite’ avant et pendant le développement avec Libellud. Nous sommes passés par plusieurs idées pour définir même quand terminait une partie de Take Time. Je suis très fier que les personnes soient autant libres de jouer des sessions de Take Time de 12 min comme de 4 heures, et l’idée de croire que tout puisse continuer à l’infini.

À travers mes études de psychologie, j’ai longtemps réfléchi sur comment altérer la perception du temps des personnes dans un jeu pour s’approcher de l’expérience optimale de flow de Mihaly Csikszentmihalyi. D’autant plus dans un jeu comme TakeTime où le temps est au cœur du propos ! Je me souviens avoir écrit un mail à Julien en octobre 2023 avec l’intention d’aucune pression d’échec de performance. Les idées décrites par Julien durant le développement avec Libellud appuient aussi cette absence de pression à l’erreur et encouragent également les personnes à oser discuter de stratégies avec moins de craintes.
Du proto à l’édition
Comment s’est passé le développement ?
Julien : Matthis, le game développeur de Libellud avec qui nous avons travaillé a été très présent pendant la phase de développement des mondes du jeu. Nous étions véritablement une équipe de 3 personnes dans le développement du gameplay. ça a été très simple de travailler avec lui et son recul nous a fait beaucoup de bien. C’est lui par exemple qui a trouvé la petite règle supplémentaire à 2 joueurs qui rend ce mode de jeu particulièrement pertinent à mon sens.

Take Time au Flip
Le travail d’illustration, au-delà du visuel magnifique, amène une cohérence d’ensemble pour chaque niveau. Quel était le cahier des charges pour l’illustratrice ?
Alexi : Nous avons été extrêmement satisfaits de la tournure artistique de Libellud. Maëva Da Silva (directrice artistique chez Libellud) nous a présenté un superbe exposé en abordant Take Time comme une invitation du temps vers un voyage interprétatif cyclique de chapitre en chapitre, composé chacun d’une identité propre à la nature des sensations qu’il incarne mécaniquement. L’impression que les pendules thématiques de notre jeu étaient remises à l’heure et même sublimées ! Ce fût une magnifique surprise telle un moment de révélation magique ; comme si nous avions vécu une partie de Take Time en dehors du jeu !

Alexi : Maëva Da Silva (directrice artistique de Libellud) et Maud Chalmel (illustratrice de TakeTime) s’exprimerait certainement mieux que nous sur ce sujet, mais dans les visio, il était question d’associer les sensations des niveaux de jeu avec un champ lexical approprié à l’illustration. Par exemple le premier chapitre n’a pas de limite de sommes totales et aiguille les personnes pour découvrir Take Time et sa grammaire de première contraintes, donc il y avait comme adjectif de la douceur, la naissance, qu’on retrouve dans les illustrations : teintes douces et légères violettes du lever du soleil. Il y a eu un grand travail de recherche de liens entre les chapitres, développant un voyage cohérent à travers l’ensemble des 12 chapitres et aussi au sein individuel de chacun d’eux apportant son identité singulière propre à ses mécaniques.

Alexi et Julien au moment de la signature.
Il est temps de conclure
Deux ans, plusieurs mails, quelques centaines de parties tests, le jeu est enfin arrivé en boutique.
À l’origine le projet est né d’Alexi et on était dans du temps réel, puis les deux auteurs se sont rencontrés, ont échangé, et l’expertise et l’expérience de Julien a permis de construire un cadre ensemble et le jeu est passé en tour par tour.
Pour Julien c’était un rôle pas facile à tenir, il ne fallait pas que l’expérience devienne un argument d’autorité, mais qu’elle serve à cadrer le projet tout en laissant assez d’espace à son co auteur dont c’était le premier jeu, c’était son bébé. À l’inverse, Alexi aurait pu se reposer sur cette expérience. Au contraire, ils se sont tous les deux tirés vers le haut.
Avec le recul, ils ont réussi à être complémentaires, à mélanger le côté foufou, créatif et perfectionniste à la fois d’Alexi à cette expérience.
Cette belle osmose entre deux caractères différents leur a donné envie de continuer à travailler ensemble. Les deux auteurs ont des projets futurs en commun. On imagine aisément des extensions.
À suivre …
Quelques liens pour aller plus loin :
- L’état de Flow – Mihály Csíkszentmihályi (dans un cadre très général)
- Meet up Game Lab 2025 (le flow dans le jeu de société)
- Le flow (source wiki educ tech)
- ► E.D.I.T.O. Ceci n’est pas un jeu (le cas de the Mind)
- ► E.D.I.T.O. Du jeu coopératif sur nos tables
Les jeux dont on parle :
- Take Time – tempus Fugit
Hanabi, un ami qui vous veut du bien - What you gonna cut ? Bomb Busters !«
- Celeste », le jeu qui tutoie les sommets
D’autres articles sur la création :
- Apiary, la genèse : du proto à l’édition
- Tracks : Du proto à l’édition – Partie 1
- Tracks : du proto à l’édition – Partie 2
- Carnet d’auteur : Precognition
- Carnet d’auteur : Sierra (1/2)
- Carnet d’auteur : Sierra (2/2)
- Carnet d’auteur : Akropolis
- Carnet d’auteur : Fictions : mémoires d’un gangster
- Carnet d’auteurs : Rêvelune
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Scezck 13/10/2025
Quel matraquage médiatique…
Umberling 15/10/2025
Ça marche, on vous écoute, la prochaine fois on produira des articles moins approfondis sur des jeux qui nous paraissent moins marquants et moins forts. Ou alors on se complaira dans le fait de traiter des jeux médiocres. (Pardonnez le sarcasme, mais comprenez que nous pensons qu’il s’agit d’un des jeux importants de 2025.)
atom 15/10/2025
Je peux comprendre l’agacement quand un jeu sort et que tout le monde en parle.
Pour ma part, j’ai découvert le jeu dans sa phase prototypale et j’avais envie de montrer les différentes phases de la création de ce jeu, parce que ça me passionne justement et que je voulais partager cela avec des lecteurs curieux qui voudraient rentrer dans l’horlogerie du jeu.
Fabrives 15/10/2025
Merci, superbe article d’un jeu extraordinaire.
atom 15/10/2025
Merci beaucoup 🙂
AkoaTujou 15/10/2025
Super passionnant ! Merci beaucoup à Atom et aux auteurs pour le partage de cette génèse !
atom 15/10/2025
Merci beaucoup, c’est long et prenant mais intéressant à faire.
Mr Gumby il y a 28 jours
Toujours étonnant de voir les gens qui n’aiment pas un truc se sentir agresser par celles et ceux qui le défendent.
Merci beaucoup pour ce très bel article sur un très beau jeu. A la maison, nous n’en sommes encore qu’à mi-parcours mais nous sommes déjà conquis. Ce serait très intéressant d’avoir une interview de l’illustratrice dont le travail est aussi délicat que somptueux.
atom il y a 26 jours
Merci beaucoup, j’ai adoré faire cet article et j’aimerais en faire d’autres sur la création, mais ça prend du temps et de l’énergie. On a un gros article sur la série Pandemic qui va arriver (avec Groule). Pour l’illustratrice pourquoi pas, il faudrait trouver un angle intéressant à aborder.
Je peux comprendre l’idée de saturation. Ici c’est un peu violent de le résumer à “matraquage”, parce que j’estime qu’il y a du travail derrière tout cela, il me semble que c’est plus que cela.
atom il y a 26 jours
On a cette interview de Maud Chalmel qui avait été réalisée par El Duderino en 2024.