Siggil – Le septième sceau en action

J’ai pu tester Siggil lors de la dernière journée Iello organisée au Ludopole de Lyon (peu avant sa fermeture 🙁 ). Siggil est le prochain jeu de Capsicum Games, il sortira le 15 septembre, et sera distribué par Iello (vous vous en doutiez peut-être, au vu du contexte). Pour rappel, la firme pimentée compte déjà dans ses rangs l’inénarrable Fleet Commander (Pause de midi et just played à retrouver sur la fiche) et l’épuré et revampé Speakeasy (preview). Et, pour rompre la plus pure tradition de ses précédentes boîtes, Siggil n’est pas un jeu strictement jouable à deux. (À l’époque, c’était encore le cas. Diantre ! C’est que le jeu a bien bougé.) Ici, on pourra taper du carton de un à quatre larrons. Et qui est responsable de tout ça, me direz-vous ? Rien de moins qu’Henri Kermarrec, qui commence à avoir quelques jeux à son actif (dont l’excellent Boom Bokken), et qui a une actu fort chargée (Crabz et Ekö, en sus de celui-ci !).

 

Inside Siggil

Dans Siggil, on dispose sur la table une grande variété de cartes pour former un siggil, soit un sceau de départ. Les cartes vont se chevaucher et être à disposition de tout le monde. Rappelant le Mah-jong, ces formes permettront plus tard de changer un peu le gameplay de la partie. (Comme au Mah-Jong, en fait ; d’ailleurs, Kermarrec ne cache pas cette inspiration et c’est tant mieux : ça donne à l’ensemble son sceau de qualité. Blague.)

Le jeu est constitué de sept familles de sept valeurs, plus un esprit par valeur. 56 cartes, donc. Le tout tient dans une toute petite boîte.

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La même blague dans la langue de Marlowe.

 À quoi ça ressemble ? 

Le Passage, disposition de base de Siggil. Quelques esprits sont déjà prêts à s’échapper dans le pourtour du plateau…

 

Lors de son tour, on va simplement prendre une carte accessible – qui n’est recouverte par rien d’autre. Et si jamais une carte face cachée devait se retrouver face accessible, on va la retourner face visible. Le but est de récupérer un certain nombre d’esprits, ou d’en avoir le plus lorsque la partie se termine (lorsque toutes les cartes sont prises).

 

Les esprits

Les esprits ont un symbole et un chiffre. Lorsqu’une de ces cartes devient accessible, on l’extrait du jeu, car elle s’échappe du sceau magique. On peut alors capturer cet esprit, en plaçant trois cartes de la même valeur que l’esprit ou du même symbole que l’esprit en question. Mais ce serait trop facile de jouer dans son coin s’il n’était pas possible de capturer les esprits des autres… Il vous faudra 1 carte de plus que votre prédécesseur pour capturer un esprit déjà contrôlé. Cependant, il sera possible de faire des allers-retours : en jouant des cartes supplémentaires par deux sur des suites déjà formées, on pourra reprendre le contrôle de nos esprits favoris.

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Solitaire

A noter qu’il existe un mode solitaire que je n’ai pas testé. Avant de sélectionner une carte, on écarte une autre carte de son choix. Deux modes de difficulté sont proposés : soit il faut contrôler tous les esprits, en dépensant les 3 cartes habituelles par esprit, soit il faut contrôler 6 esprits sur les 7, mais en dépensant 4 cartes à la place. Et c’est apparemment beaucoup plus corsé ainsi.

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Stratégie & courbe d’apprentissage

Siggil est un jeu à l’abord très simple. Un peu comme Speakeasy ou Fleet Commander, qui pouvaient enjôler n’importe quel non-joueur, ce titre-ci s’apprend en une partie ou peu s’en faut et dès les premiers choix, on commence à comprendre ce qui se trame dans les rouages du jeu. Et pas besoin d’être un pro des jeux de gestion : votre pote Georges un peu réticent à jouer (parce que t’sais, c’est un truc de gamin pas mature, le jeu) saisira le concept en 30 secondes, et l’aimera en 1 minute.

Cependant, sous ses dehors très libres de choix permanents dans un univers semi ouvert et semi lisible, Siggil est un authentique jeu de blocage, un peu à la manière de Splendor. Les stratégies qui s’offrent, à mi-chemin entre les classiques du draft (puisqu’on sélectionne dans un pool commun en privant les adversaires d’une carte unique) et du blocage, me font d’ailleurs beaucoup penser à celles du titre de Marc André chez les Space Cowboys (d’autant plus que le jeu me semble partager la même cible). Vous pouvez essayer de capturer le plus d’esprits neutres possible, mais au risque de vous faire capturer. Vous pouvez jouer de façon défensive. Vous pouvez jouer de façon à obliger les autres joueurs à vous ouvrir le jeu, et enfin, vous pouvez jouer pour capturer les esprits adverses. Ces façons de jouer peuvent bien entendu être mâtinées ensemble, pour un ensemble opportuniste mais pas trop, calculatoire mais pas trop. Le sentiment ludique qui dérive de ça est assez particulier, et à la fin des courtes parties émane un climat de flottement très particulier. Sûrement un des contrecoups de cet océan de liberté dans lequel on nage !

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Avant, on appelait ça un open the box. Mais ça, c’était avant. (Oui, le jeu sera transportable.)

 

Le sentiment du bois

Dans Siggil, on ressent ce goût particulier de l’univers chamanique/onirique : les illustrations éthérées y sont pour quelque chose, certes, mais ce n’est pas tout. (D’ailleurs, la première partie, le jeu semble peu lisible. Cela s’améliore un peu avec le temps, mais les esprits auraient pu être un tout petit peu mieux identifiés.)

Entre l’interaction plutôt douce à laquelle on fait face malgré un certain nombre de coups bas possibles et l’univers trippant et instable, il est indéniable que Siggil a une personnalité bien à lui. Je l’ai trouvé peut-être un peu trop léger. Pas qu’il soit trop simple ou simpliste, ça non. Je crois simplement que j’ai peur de m’en lasser vite, mais de devoir le sortir (avec plaisir) quand des non-joueurs viennent à la maison. Comme Splendor, ou Seven Wonders quand mes non-joueurs veulent un truc un peu corsé. Mais si Siggil tient la barre haute à ces ténors-là, eh bien… en fait, c’est très bien. D’ailleurs, en termes de complexité, le jeu de Kermarrec est le plus simple des trois. Mais j’ai hâte de le faire tester, ça oui ! J’espère simplement que quelques variantes apparaîtront dans les lieux les plus cool d’internet, pour renouveler un peu l’expérience. 

En plus de tout cela, on se plaît à s’imaginer chamane, à passer de lieu en lieu pour honorer les esprits, et les invoquer lors de rituels obscurs. Et il faut saluer le travail graphique de Maud Chalmel, l’illustratrice, qui donne au jeu ce cachet si sauvage. Entre règne animal et humanité, entre figuratif et onirisme, les illustrations de Siggil savent embarquer leur monde. Quoi qu’on peine à construire une véritable histoire, hein : il s’agit d’un jeu aux frontières de l’abstrait.

 

En bref

Siggil est un jeu particulier, accessible et léger, qui ne manque pas d’élégance. Avec un peu d’expérience, il devient un peu plus retors et profond, car son aspect de blocage et de draft prend de l’ampleur. J’émets cependant quelques réserves sur la rejouabilité du titre, quoiqu’elle puisse être facilement améliorée par de nouvelles figures, des règles additionnelles ou de nouveaux modes de jeu (qui fleuriront peut-être sur le web). Mais peut-être ce présupposé volera-t-il en éclats. En fait, je l’espère, même, parce que j’apprécie bien le feeling qui se dégage de ce jeu moderne aux influences d’antan. Et que je suis certain que la mayonnaise prendra avec les moins joueurs de mes amis. Mais pour cela, il faudra attendre le test bien plus extensif et froid, quand nous aurons mis les mains sur une boîte ! J’ai hâte. Non seulement pour voir comment ça tourne à 4 et à 1, mais aussi pour le plaisir de me replonger dans cet univers onirique.

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Close-up de l’esprit du bois (cerf). L’illustratrice a une bonne patte, hein ?

 

Fiche de Siggil

Un jeu de Henri Kermarrec
Illustré par Maud Chalmel
Edité par Capsicum Games
Distribué par iello
Langue et traductions : Francais
Date de sortie : 11/09/2015
De 1 à 4 joueurs
A partir de 8 ans
PPC : 14,99 euros.
Durée moyenne d’une partie : 20 minutes

 

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5 Commentaires

  1. fouilloux 27/07/2015
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    C’est vrai que l’ illustratrice a fait un super travail. Mais le jeu est plaisant aussi.

    Et alors, quid de la réponse à LA question: bord blanc sur les cartes ou pas? (Je suis perso dans la team pas de bord).

    • Umberling 27/07/2015
      Répondre

      A l’époque où je l’ai vu, il était encore en ballotage concernant les bords et était encore strict 2. Monsieur Didier a apparemment opté pour l’option lisibilité avec des bords blancs.

  2. atom 27/07/2015
    Répondre

    J’aime beaucoup le style de l’illustratrice, ce vrai parti pris, cette ambiance étherée. Le jeu, j’ai du mal a dire si on y jouerais, j’aime bien cette idée de bloquer des cartes sous d’autres cartes, un peu comme dans 7 Wonders Duel. Je vais surveiller et si j’ai une occasion d’y jouer je la louperais pas.

    • Umberling 27/07/2015
      Répondre

      C’est à essayer ! Mais pour moi c’est plus à destination des joueurs occasionnels que des tarés de jeu. 🙂

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