Leaders prend position (et il le fait bien)

Si vous n’aimez pas les échecs, Champ d’Honneur ou Onitama, vous devriez peut-être cliquer sur la petite croix en haut à droite de cet article : Leaders s’adresse en premier lieu à ce public-là, qui aime les duels abstraits où chaque coup compte et où les déplacements de pièces font tout le sel de la confrontation. 

Pourtant, je me dois d’ajouter aussitôt que Leaders a ses singularités qui font qu’un public peu échiquéen dans l’âme pourrait y trouver son compte – tout en rebutant les plus gros fans de Champ d’Honneur qui n’y trouveront pas les mêmes sensations. Tant mieux, si c’était pour faire la même chose…  

Personnellement, j’apprécie, mais je ne suis pas le cœur de cible de ce genre de jeux, qui me donnent l’impression qu’il faut tout contrôler dès la première minute sur tout ce que l’on va faire durant l’entièreté de la partie (Quoi !? tu as fait cette ouverture ? s’en est fini de toi ! mouhahahaq) et pourtant, Leaders m’a clairement donné envie d’y retourner. Sûrement car si certains choix peuvent parfois s’avérer fatals, le fait de ne pas perdre de pièces durant la partie permet souvent des retournements de situation, avec cette sensation que rien n’est jamais joué. Cette ouverture, cette versatilité, sera précisément ce que d’autres regretteront, signalant le manque de tension croissante qu’ils décèlent dans les jeux avec perte de pièces progressive.   

Pas besoin de grandes armées pour être un grand jeu 

L’idée de Leaders est que vous recrutiez des champions qui vous aideront, grâce à leur déplacement et à leurs capacités, à encercler le leader ennemi. La première personne à avoir deux champions adjacents au leader de l’adversaire ou à encercler le leader (par des pièces amies et/ou ennemies) sortira vainqueur du duel. Pour emmener tout ce petit monde, des règles d’une grande simplicité. Vous recrutez jusqu’à avoir quatre nouveaux personnages, mais vous commencez à jouer immédiatement, avec une démultiplication croissante des options (surtout si vous recrutez bien), sans jamais être trop exponentiel pour autant. 

Au fur et à mesure de la partie, on va tenter de resserrer notre piège pour bloquer le Leaders adverse. Stratégie et tactique sont de mise : mieux vaut planifier notre approche mais rester flexible face aux réactions des personnages adverses. Et oui, tous s’activent (potentiellement) à chaque tour, autant dire que les choses peuvent bien virevolter. Heureusement, les effets des personnages sont épurés au maximum. Cette grande clarté permet vraiment une impressionnante accessibilité et un plaisir spontané. Selon les personnages en lice, la partie durera 20, ou plus rarement, 35 minutes. On danse, on s’attrape, on s’évade, on resserre la prise, puis le couperet finit par tomber… et on prend sa revanche.     

Un autre point fort que j’ai apprécié dans Leaders réside dans ce tutoriel qui ne dit pas son nom (et passe crème). Le mode de jeu que vous allez appréhender sur vos parties découvertes, le temps de comprendre tous les personnages (et leurs capacités uniques) est en fait un tuto qui vous ouvre les portes vers le réel horizon du jeu : son mode “avancé” où vous aurez votre mot à dire sur les personnages en lice. Car oui, sans cela, vous comprendrez assez vite que certaines combinaisons de personnages sont trop puissantes. Les tuto sont en général ma bête noire dans les jeux de société : rien de pire qu’une version ultra vanilla d’un gameplay qui aura perdu tout son sel par une ultra simplification, ne vous donnant plus du tout envie d’y retourner. Pas de cela ici. La découverte se fait dans le plaisir. Dès lors qu’on commence à se dire “hey mais, ça va être complètement déséquilibré s’il y a ce tirage !” c’est que vous êtes prêt à ce que le jeu vous révèle sa règle de draft avec bannissement.    

Un mot sur l’édition

On apprécie grandement l’édition : la boîte est un bel écrin pour ces 19 personnages qui restent bien lisibles sur le plateau (sans plastique) avec son tiroir pour les poser tous une fois la partie terminée. Classe. Oui, les finitions sont assez soignées, il faut bien le dire, on nous chouchoute : Vernis sélectif, dorure, socles en bois…

Sans oublier tous ces personnages qui ne manquent pas de personnalités et dont les effets collent bien avec leur style (comme le sombre assassin qui peut faire le sale boulot tout seul) pour une meilleure assimilation des règles. Impossible de ne pas mentionner les apports de Naïade sur Leaders (nous y avons d’ailleurs consacré une interview) qui a remporté le prix de l’illustrateur à Montpellier pour l’occasion. Et puis, cette idée tout simple d’avoir des standees blanc d’un côté, noir de l’autre, c’est franchement malin.   

“Un véritable leader ne cherche pas le consensus, mais contribue à le former” (Martin Luther King Jr)   

Beaucoup de personnes ont comparé Leaders au très apprécié Champ d’honneur. La parenté semble évidente – pourtant pas de bag building ici, pas d’élimination de pièces on l’a dit, pas de contrôle de zone mais plus une situation échiquéenne d’échec et mat, bref, les deux ont clairement leur propre identité. Leaders se veut sans nul doute plus facile d’accès. Plus léger aussi qu’un Onitama. Selon vos accointances – et les appétences de votre binôme également – vous trouverez l’un ou l’autre plus adapté.

Une chose est sûre : avec Leaders, Hugo Frénoy grimpe élégamment le premier barreau de l’échelle du jeu abstrait. Pour une première création, le résultat donne clairement envie de suivre ce que l’auteur nous réserve à l’avenir.

 

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