Dungeon Legends – On adore quand un gameplay se déroule sans accroc !
Przemek Wojtkowiak, l’auteur de Chronicles of Avel revient en force, avec un produit 100% Polonais, dans le même univers et avec la même maison d’édition : Rebel Studio. Paru en 2024 en France, ce nouvel opus ne s’inscrit pas tout à fait dans la même lignée que son prédécesseur. Là ou Chronicles of Avel permettait l’accès aux jeux d’aventures coopératifs à la famille (voir le Just Played), Dungeon Legends propose un nouveau système de jeu et se veut accessible au public tout juste initié.
Les joueurs devront ensemble franchir des réseaux souterrains du château d’Avel pour y découvrir le mal qui les ronge, mais aussi quelques merveilles. Dans ce jeu coopératif, il sera question de scénarios, de deckbuilding, d’actions, de combats contre des créatures et de récompenses. La recette semble classique, a-t-elle bon goût et qu’apporte-t-elle de nouveau ? C’est ce que nous allons voir ensemble.
La découverte : OLNI ou déjà vu ?
Le premier plaisir arrive dès l’ouverture de la boîte. Après une séance de dépunchage et de pliage de carton, on découvre une belle organisation de rangement avec des petites boîtes individuelles prêtes à recevoir les différents éléments du jeu… Et avec suffisamment de place pour tous les ranger dans la boite ! Également, un beau tapis en néoprène épais est fourni en guise de plateau de jeu. Pleine satisfaction matérielle donc, avec une proposition qualitative autant sur le plan matériel que visuel, grâce au illustrations signées Bartłomiej Kordowski (Between Two Castles of Mad King Ludwig, Chronicles of Avel). En résultat, le jeu disposé sur la table est superbe et agréable à manipuler.
Pour bien cerner Dungeon Legends, il convient de comprendre dans quelle catégorie l’on pourrait l’inscrire et à quel public il s’adresse. Je vous l’annonce déjà : la tâche n’a pas été évidente pour moi ! Je vais donc vous dévoiler cette enquête en le découvrant au fil de l’article.
La boîte contient 5 scénarios, chacun ayant un ensemble règles spéciales et bien sûr un objectif de victoire qui lui est propre. Au départ, chaque joueur choisit un personnage à jouer. Le jeu se manipule essentiellement à travers des paquets de cartes (actions, monstres, événements, lieux, actions avancées…). Chaque scénario ajoute des lieux, des événements et des créatures aux paquets de base.
Est-ce un jeu d’aventure ? Officiellement oui, mais pour moi, non. Il n’y a pas « d’aventure » si l’on pense à de la découverte, à du narratif, ou encore à des décisions influençant le déroulement d’une histoire. Le jeu est essentiellement mécanique. Chaque scénario se joue sur le même plateau, mais ses cartes Lieu et ses objectifs de victoire vont différencier le gameplay. Dans tous, il sera question de gestion des priorités, entre s’occuper des ennemis, récupérer quelques avantages donnés par certains lieux, ou avancer vers l’objectif de victoire. La partie narrative se résume à un texte d’introduction en début de chapitre. D’ailleurs, cette courte narration peine à susciter l’immersion. Le contexte, l’univers n’est pas vraiment détaillé. L’histoire de l’exploration des sous-sols sort un peu de nulle part, mais passons. Pas de réelle aventure donc.
Un Dungeon Crawler ? Pas vraiment non plus. Il n’y a pas de stimulation par l’exploration, pas de salle à découvrir, ni de surprise à ouvrir, ni de génération procédurale aléatoire du plateau de jeu. Plus fondamentalement, le jeu n’est pas basé sur une collection de matériel, de points d’expérience, ou sur une évolution de vos personnages. Un système de campagne est prévu mais je le trouve factice : hériter d’une carte avancée d’une partie sur l’autre, c’est comme commencer chaque partie en en gagnant une du paquet.
Nous ne sommes pas plus avancés à ce stade, mais cela dit, nous gravitons tout de même atour de ces deux genres dans l’ensemble pour commencer à nous faire une idée.
Dans le temps qu’il leur sera imparti, les joueurs devront atteindre l’objectif de victoire avant qu’une condition de défaite se réalise : soit le temps est écoulé, soit les monstres s’accumulent trop jusqu’à atteindre les portes du château.
Le jeu se veut simple et fluide sur l’ensemble de ses mécaniques. « L’accessibilité avant tout » est même la pierre angulaire du jeu que l’on retrouvera à tous les niveaux. Les joueurs choisiront un personnage parmi les 4 disponibles. Ils auront à leur disposition un paquet de cartes propre à lui. Chaque carte propose un ou plusieurs types d’actions parmi quelques-unes : se déplacer, attaquer, se défendre, récupérer de la Poussière (sorte d’énergie à dépenser pour activer des actions), ou de la santé. Certaines vont pouvoir affecter vos coéquipiers. Simplicité oblige, ces paquets ne vont différer que légèrement entre les personnages. Il y aura l’éclaireur avec plus de déplacement, le guerrier avec plus de combat, la mineuse avec plus de jetons Poussière, et la magicienne, polyvalente.
À chacun de leur tour de jeu, les joueurs piocheront 5 cartes et pourront les dépenser à leur guise. A la fin du tour, tout est défaussé, puis on pioche de nouveau. Durant la partie, les joueurs pourront gagner de nouvelles cartes parmi une offre disposée sur le plateau. Le principe de deck building se voulant très basique, toute carte gagnée arrivera sur le dessus de sa pioche, et il ne sera pas possible d’en détruire.

Contrairement aux deck builders classiques, lorsque l’on gagne une des cartes avancées, on la place directement sur le dessus de sa pioche. Pas de prise de tête.
À l’aide de ces actions, les joueurs pourront soit interagir avec des lieux, soit avec des monstres. Les lieux sont propres à chaque scénario. Ils proposent d’effectuer une ou deux actions génériques (gagner de la Poussière, attaquer des montres, etc.) ou thématiques : Par exemple, ils permettront de retirer un jeton incendie lors du premier scénario et ainsi d’avancer vers l’objectif de victoire.
Enfin, après que chaque joueur ait joué, c’est le système classique des jeux coopératifs contemporains : on pioche une carte qui va imposer un événement (éboulement, menace supplémentaire…) ou l’apparition d’un monstre aggravant la vague de ceux déjà présents. Ce paquet générique va être alimenté par une dizaine de cartes propres au scénario et le thématiser quelque peu. La partie s’enchainera donc jusqu’à ce que les joueurs parviennent à suffisamment bien organiser leurs actions pour remplir l’objectif de victoire, ou bien se faire submerger par les monstres, ou bien vider le fameux paquet adversaire.

Quelques effets à usage unique offriront de légers avantages : une tuile de compétences en début de partie, et des fées que l’on pourra gagner le long de l’aventure.
De l’huile dans les rouages
À la description de toutes ces mécaniques, les joueurs aguerris pourront remarquer que le système de jeu est relativement classique. Pourtant, il a un caractère propre et il n’est pas évident de le rapprocher d’autres titres existants. S’il fallait en nommer, je penserais à Familiar Tales ou à Wonder Book, mais sans partie narrative et dans un style bien plus épuré et efficace.
En effet, un des points forts de Dungeon Legends c’est la simplification du gameplay et de la maintenance. Les tours de jeux glissent littéralement : on joue nos cinq cartes, on pioche une carte événement ou monstre et c’est tout. Les auteurs ont fourni un véritable travail d’’ajustement à tous les niveaux pour alléger le tout. À part les quelques questions de règles lors de la découverte, quasiment rien n’est pénible. Malgré un système quelque peu simpliste, on prendra plaisir à comparer les options à notre disposition, face à notre main de cartes. Passer de l’une à l’autre est facile, et notre tour de jeu se déroule en un éclair. Je défausse, je me déplace, j’active, je récupère… Le flux de jeu durant la partie est donc satisfaisant.
Autre fait qui le différencie des jeux à campagne : chaque scénario est une variante mécanique du jeu. On oublie bien vite l’histoire pour se focaliser sur les actions. Ils peuvent donc être rejoués dans n’importe quel ordre, et plusieurs fois. C’est même comme cela que je recommanderais de les aborder.
Un bémol est à signaler. Si le livret de règles est bien aéré, plutôt bien construit, il est parsemé d’informations manquant de précision. On n’échappera donc pas aux petites questions. Il n’y a pas d’index sur les mots clés, et les informations sur un sujet précis seront groupées dans un paragraphe ne traitant pas directement du sujet. On va donc passer en long en large et en travers, deux fois, trois fois, tout le livret pour trouver la réponse, ou pas. Si vous êtes des joueurs débutants peu habitués au genre, c’est définitivement le drame qui peut vous perdre. Heureusement, le jeu étant simple, ce travail désagréable disparaitra avec l’accomplissement du premier scénario, où l’on essuiera quasiment tous les plâtres. En renfort, Paul Grogan (auteur de deux extensions de Mage Knight) est venu à la rescousse en proposant une FAQ. Pour clore ce paragraphe, si j’avais un souhait à faire auprès des éditeurs : s’il vous plait, un index dans chaque livret de règles, et surtout, des règles les plus explicites possibles ! Tant pis pour la longueur : 30 secondes de plus à lire valent mieux que 10 minutes perdues à chercher sur internet ! En revanche, le dos de couverture nous sauve la vie, avec un rappel très pratique sur les effets de chaque icône.
Accessible veut-il dire facile ?
C’est ici que je risque de vous perdre ! Nous l’avons vu, Dungeon Legends semble s’adresser prioritairement aux joueurs initiés, ou découvrant le genre, avec des règles simplifiées. Le sujet de la difficulté est pourtant différent et même surprenant ! Si les deux premiers scénarios peuvent paraître enfantins, le troisième monte en gamme (disons de difficulté comparable à un Pandemic), le quatrième est clairement difficile, et le cinquième… Est juste infaisable.

Le scénario 4, avec sa lave, son cadran, ses limaces infernales, est un des plus challengeants et intéressants de la boite.
Que peut-on dire de cela ? Sans doute que les auteurs ont voulu s’adresser au plus de monde possible. Je me pose cependant la question du public ciblé. Que feront les débutants au-delà du chapitre 3, qui verront un jeu sans pitié avec eux ? Similairement, que feront les experts en dehors des chapitres 4 et 5, qui n’auront que peu d’intérêt à essayer les trois premiers ? Le conseillerais-je à ces deux publics ? Je dirais plutôt que non, même s’il est possible que l’un et l’autre adhèrent à la proposition dans son ensemble, si leur recherche est portée sur un beau jeu au gameplay simple.
Enfin un message d’avertissement pour les râleuses et les râleurs. La difficulté va dépendre fortement de la mise en place. Dans chaque scénario, une des cartes Lieu sera importante et nécessitera de s’y déplacer régulièrement. Son placement aura un impact énorme sur la difficulté de la partie selon si cette dernière est située aux extrémités (difficile) ou au centre du plateau (très pratique). De même, le cours des événements pourra radicalement changer à une carte près. Dans un certain scénario, si l’évènement qui placera une carte malédiction dans votre paquet survient au début de la partie, ce sera également le début de l’enfer pour vous ! Malgré tout, c’est un trait commun à beaucoup de jeux, mais il m’est apparu prononcé ici.
Finalement, j’arrive à la conclusion de cet article en m’étant torturé l’esprit pour comprendre qui appréciera le plus Dungeon Legends, mais au moins je viens de trouver ma réponse ! Si vous êtes des joueuses et joueurs initiés désireux d’un jeu très qualitatif, très épuré, fluide, dans un thème médiéval fantastique, et ouverts à toutes les difficultés, vous avez donc trouvé votre Graal !
On remet tout à plat !
Dungeon Legends surfe sur cette vague plutôt récente de jeux épurés, super efficaces, sans accroc, où absolument tout est fait pour les rendre accessibles et fluides. C’est un titre assez remarquable en ce sens. Il l’est également pour son édition : les illustrations, la qualité du matériel et l’organisation du rangement en font un très bel objet, agréable à manipuler. Il vous occupera pour une dizaine de parties tout au plus, idéalement à 2 ou 3 joueurs, avec des scénarios variés. Pour chacun d’entre eux, le gameplay sera intéressant et on les parcourra avec plaisir.
L’accessibilité à un prix. Le deckbuilding est simplifié à l’extrême : pas de destruction de carte, et seulement 5 ou 6 icônes croisés sur l’ensemble des cartes (textless). Même chose pour tous les effets que l’on pourra croiser dans le jeu : pas de cas exceptionnel, ni d’attaques de feu, d’invisibilité, de résistances aux caries ni d’autres capacités spéciales, ni d’objet réellement hors du commun. L’ensemble tend à être lissé au profit de la simplicité. Vous l’avez compris, un public cherchant de la profondeur, de la diversité ou une abondance de surprises pourra être déçu.
Également, la grande différence de difficulté entre les 5 scénarios proposés fait que pour les plus débutants ou les plus expérimentés d’entre vous, seul environ 60 % de son contenu sera exploitable ou compatible avec vos attentes.
À ces deux particularités près, le reste du public initié ouvert à tous les défis pourra y trouvera son bonheur avec un titre très qualitatif qu’il sera difficile d’oublier par sa justesse et sa beauté.
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