Chronicles of Avel : exploration en famille

Przemek Wojtkowiak est peut-être un nom qui ne nous dit encore rien, mais qu’il faudra certainement surveiller d’un œil avare (c’est pourquoi certains à la Rédac s’entraînent secrètement à le prononcer). Le jeu qui nous intéresse ici, le coopératif Chronicles of Avel, s’est d’ailleurs distingué à plus d’une reprise, en particulier par la rétribution du prix gateway “Gioco dell’Anno” 2022. Comprenez que ces Chroniques ont manifestement été développées avec grand soin, dans le but d’initier les familles aux saveurs du Tower defense sauce exploration et équarrissage de monstres. 

Ni une ni deux, il n’en fallait pas plus pour nous rassembler autour de la table, Sha-Man, MiniSha (12 ans) et votre humble serviteuseresse, connus pour être de grands pourfendeurs de reptiles chelous, crustacés poulpesques, et autres troipattes volants. C’est qu’Avel, coin assez peu paradisiaque finalement, s’avère riche de son propre bestiaire. 


Aux portes du château 

La boîte nous accueille par une historiette qui nous plonge dans le bain, L’aube de la lune noire. Nous sentons bien que l’auteur souhaite nous emmener dans son univers med-fan à lui, et que l’éditeur (Rebel) l’a suivi à chaque étape et sans traîner la patte. Le tout est emmené par les illustrations chaleureuses de Bartłomiej Kordowski dont nous reconnaissons bien la patte (Dream Home, Spy Club…). 

Quelques éléments d’édition attirent aussi d’emblée notre regard, tout particulièrement ce plateau héros conçu de façon fort ludique. L’équipement que vous trouverez durant la partie sera pioché dans un sac en tissu : vous y tâterez à l’aveuglette les formes des jetons (armes, boucliers, casques et fioles) du bout des doigts en récitant une formule magique qui a pour but de limiter le temps de fouille tactile, la récitation durant normalement 5 secondes. “Que les monstres vivent dans la peur, de la magie je sens la valeur ! ” (inutile de préciser que nous avons savamment modifié la formule au fur et à mesure de la partie, pour le meilleur et pour le pire). 

 

 

Après quoi, vous placerez vos éléments soit directement sur votre héros à l’emplacement idoine, soit dans la partie “sac à dos” du plateau, à condition de pouvoir tout faire rentrer (léger Tetris inside). Et oui, c’est ça la vie d’aventurier, à moins d’avoir un sac supercaliflawjalistique (mais Avel ne connaît manifestement pas Mary Poppins) : il faudra organiser son bazar et parfois refiler des objets aux camarades.
Autre point remarquable, certes totalement inutile mais ô combien ludique, votre fiche personnage est conçue pour être coloriable et customisable si bien que l’on passe une partie des premiers tours à réfléchir distraitement à notre blason ou à la couleur des lunettes (de ski pour ma part) que l’on souhaite se peindre. 


 

What do we do in the shadows? 

Mais concrètement, qu’est-ce que nous allons devoir faire à part bidouiller notre héros ?      

Explorer le monde bien sûr ! Cela pour vaincre les viles créatures qui traînent un peu partout, histoire de s’équiper donc, et de se préparer au grand final : à savoir l’apparition et l’avancée inarrêtable du boss de fin. Notre héros/héroïne va donc se déplacer, pour révéler progressivement les tuiles du jeu et y découvrir les actions possibles, dont surtout, du combat mené aux dés. Selon notre équipement, nous aurons le droit de lancer et relancer certains dés, plus ou moins généreux en symboles (blessure / défense), sachant que des monstres à la peau plus épaisse peuvent occasionnellement neutraliser certains de nos avantages dûment acquis. Le système de combat se veut épuré et fonctionnel (et heureusement, étant donné le public cible) mais pourra aussi, en cas de guigne collante, affadir l’ambiance auprès des plus malchanceux – le contrôle sur l’issue de l’affrontement restant tout de même en grande partie entre les mains de dame Fortuna (prévoyez quelques prières).

L’exploration est de prime abord un ingrédient fort excitant : on avance sur une tuile pour la révéler et découvrir, outre des créatures à mauvaise haleine lâchement tapis dans l’ombre, tantôt des cercles de pierres (permettant de fermer des repaires de monstres), tantôt une carrière (utile pour ériger des murs de défense au château), mais on peut aussi tomber sur nos voisins les Elfes qui nous vendent des pièges (indispensables pour contrer la bête ultime), le Lac aux souhaits ou la place du marché qui permettent tous à leur façon de récupérer de l’équipement. 

 

 

Point commun de ces lieux forts accueillants au demeurant : ils ne fonctionnent que moyennant finance. Autrement dit, tuer du monstre pour récupérer des sous-sous s’avère une obligation. Cela va résolument scripter les parties, qui risquent de devenir répétitives à la longue (plus ou moins rapidement selon l’enthousiasme et la fraîcheur de votre public). D’autant que deux choix de game design – que l’on jugera frustrants de notre côté – ont été opérés, l’un au sujet des déplacements, l’autre au sujet de la mécanique d’apparition des monstres. Ces derniers réapparaissent systématiquement sur leurs repaires selon une logique prévisible (inscrite dans le marbre ou sur la piste des tours de jeu) ce qui casse nettement l’arc narratif et évente un brin la sensation de progression. Surtout que côté déplacement, nous devons payer bien cher notre mobilité. En effet, un déplacement d’une seule tuile coûte une action. Il n’est donc pas si rare de passer un tour complet à … déplacer son pion. Ou, à l’inverse, de renoncer à l’exploration pour stagner dans un coin à monstres, histoire d’éviter de perdre la moitié de notre temps à se déplacer (ce qui, après la non-action du repos, reste le choix le moins passionnant à faire).  

 

 

Ainsi, un groupe aguerri verra rapidement comment mettre en place des stratégies pour optimiser chaque action et ainsi augmenter les chances d’obtenir à la fois un meilleur équipement et des aides externes (seaux, pièges, murs). A contrario, un public plus découvreur ou plus jeune se verra certainement bien challengé par la proposition, qui trouve un très bel équilibre malgré certains aspects répétitifs. 

Il est à noter que Przemek Wojtkowiak devait bien être conscient de cette faille sans quoi il n’aurait pas aussitôt soumis trois extensions : New adventures, généreuse, propose trois scénarios (potentiellement jouables en campagne) et trois modules, Adventurer’s Toolkit offre du renouvellement plus orthodoxe (nouveaux objets, lieux, monstres) dont les bottes qu’on aurait bien voulu avoir, et Hero’s Treasures, mini-extension venant avec trois nouveaux équipements.
Sachez, si vous êtes client de mode solo, que le généreux Avel en est également pourvu dans sa boîte de base. 

 

 

Avel’dire à tout le monde 

Le Gioco dell’Anno ne s’y trompe pas, Chronicles of Avel s’avère une proposition très recommandable pour les familles avides d’aventures coopératives, amatrices de roulages de dés pourfendeurs de bêtes et férues de voyages en terres inhospitalières. Nul doute que l’ensemble a été édité avec amour, et la prise en main s’opère avec bonheur. Reste que, malgré tout le soin apporté au titre, certains choix de game design continuent – rabat-joie que nous sommes – à ne pas combler parfaitement nos expectatives. Évidemment, il ne faut pas pour autant vous détourner du titre : selon votre cible, il pourrait bien coller à vos attentes étant donné ses qualités évidentes et multiples (sans oublier un tarif tout à fait raisonnable). 

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