Bruxelles 1893 Belle époque : Renouveau

Bruxelles 1893 de Etienne Espreman est sorti en 2013 chez Pearl Games, un éditeur qui a récemment fermé ses portes hélas, après nous avoir donné de grands titres avec souvent une belle prise de risque, ce qui a peut-être fini par lui donner le coup de grâce. Bon, n’enterrons pas trop vite Pearl Games, il se pourrait bien qu’ils nous surprennent (en tout cas, on l’espère) !

2013 – 2014 de grandes années ludiques. On compte des titres fameux comme Zhanguo dont on parlait il y a peu (avec son retour), mais aussi Concordia, Lewis And Clark, Istanbul, etc. Bruxelles avait même remporté l’As d’or expert de l’année 2014. Il est réédité pour son dixième anniversaire chez Geek Attitudes Games, la maison d’édition d’Etienne Espreman (on n’est jamais mieux servi que par soi-même).

Un jeu de gestion avec de la pose d’ouvriers, des enchères qui peuvent être très tendues et plusieurs types de majorités. Bruxelles est un jeu très interactif nous allons le voir. Une bonne richesse de jeu aussi avec de multiples axes stratégiques. Cette nouvelle version intègre aussi une extension avec des pavillons et de l’asymétrie, nous en parlerons également. 

 

 

Bruxelles Architect

Nous sommes à Bruxelles en 1893, et nous allons incarner un de ces grands architectes de la Belle Époque, à commencer par Victor Horta, son chef de file, mais aussi d’autres grands noms, comme Paul Cauchy, Paul Hankar, Paul Saintenoy et Gustave Strauven. Nous allons influencer le monde de l’art en construisant des édifices, en créant et vendant des œuvres d’art, mais aussi en soudoyant quelques notables. En fin de partie (au bout de cinq manches), le joueur ou la joueuse qui aura le plus de points de victoire l’emporte.

 

 

Compas dans l’œil

En tout premier lieu, le premier joueur va devoir placer le compas sur le plateau Art Nouveau pour délimiter la zone de jeu de cette manche, en fonction de la carte de la manche. Eh oui, on a un grand plateau, mais on ne jouera jamais sur la totalité de celui-ci.
Chacun notre tour, nous allons poser un de nos ouvriers soit sur le plateau Art Nouveau organisé sous forme de matrice d’actions, soit sur la zone Bruxelles. Sur la partie Art Nouveau, nous allons devoir payer pour pouvoir nous placer ; on peut placer 1 Franc Belge (minimum) mais on peut payer bien plus si on le souhaite.

Voilà un des premiers dilemmes du jeu. On se place pour l’action que l’on désire réaliser, mais aussi pour remporter des majorités. En fin de manche pour chaque colonne, on attribuera une carte qui offre un bonus au joueur qui aura le plus contribué : autant dire que l’on peut vraiment s’écharper sur ce plateau. Entendez bien que Bruxelles n’est pas un jeu sympathique !

On positionne donc son Meeple chapeauté afin de créer une œuvre, vendre une œuvre, récupérer deux matériaux, construire un édifice ou encore rencontrer un notable, mais aussi pour ces majorités. Nous voilà potentiellement face à un triple dilemme, car une fois les majorités en colonne réalisées on va aussi marquer des points pour des majorités par zone (on va décompter les Meeples autour de chaque Iris (une majorité en carré)).

 

 

 

Attention jeu méchant ! 

Bruxelles est un jeu résolument interactif, de par ses majorités croisées, et la pose d’ouvriers qui peut bloquer des emplacements, mais pas uniquement. Quand vous construisez un bâtiment, vous devez le faire avec les ressources demandées par le maître d’œuvre ; au début il faut de la Pierre et du Bois, mais une fois que vous avez réalisé votre édifice, vous devez déplacer une des aiguilles du Compas et souvent (tout le temps) on choisit en regardant comment on va pouvoir embêter nos adversaires. Tu avais pris du bois ? Désormais il faudra construire avec de l’acier. Ces bâtiments une fois construits, vont être placés sur le plateau Art Nouveau et nous octroient des bonus quand un adversaire s’y place.

 

 

De même concernant les ventes des œuvres où l’on va déplacer le curseur du marché de l’art, ce qui peut réduire les gains d’argent et de points de victoire, mais pire encore, vous ne pouvez pas vendre une œuvre déjà présente dans le marché. Si vous venez de vendre votre œuvre verte, Viktor votre voisin ne pourra plus le faire avant que celle-ci soit remplacée, et en général on le fait à dessein.

 

Ici je ne peux pas vendre d’œuvres bleues et vertes tant qu’elles ne sont pas remplacées

 

L’argent, ressource non négligeable…

Le combat sur les majorités peut être âpre, enfin, cela dépend des joueurs, il arrive parfois que l’on trouve un terrain d’entente avec un ou deux joueurs et que l’on décide de partager les gains, ce qui permet à tout le monde d’évoluer sur les pistes ou de reprendre un Meeple au Palais de Justice par exemple. Un accord qui évite les grosses dépenses. Mais on rechigne rarement à mettre un sou de plus quand cela prive notre (ou nos) adversaires d’un gain, et ils ne s’en privent pas non plus. C’est d’autant plus rageant quand vous avez placé 5 ou 10 francs belge qui peuvent grandement vous manquer pour la suite et qu’en plus vous n’obtenez rien.

La gestion de son argent est primordiale car il faut au moins 1 franc belge pour activer une de ces cases. Plus, si l’on veut remporter les majorités en colonne (les gains sont connus en début de manche évidemment).

Si vous n’avez plus d’argent, ou si les actions que vous souhaitez faire sont prises, pas de panique vous pouvez vous rendre à Bruxelles, c’est gratuit. À la Bourse, vous allez pouvoir gagner de l’argent (cela dépend de la carte de la manche), à la Grand Place vous allez pouvoir activer vos notables, mais cela dépend de votre avancée sur cette piste, sur l’action du Cinquantenaire, vous allez réaliser un des 5 actions de votre choix, enfin, à Sainte-Catherine vous allez pouvoir prendre 3 cubes joker, idéal pour vos constructions quand les ressources demandées changent (mais ce n’est pas bien vu de construire avec du béton :)). 

Se rendre à Bruxelles a un coût, le ou les joueurs avec le plus de Meeples en perdrons un à la fin de la manche – il va rendre des comptes au Palais de justice. Vos manigances ont attiré l’attention des autorités, vous allez devoir vous expliquer. Ce qui est “marrant” c’est que quand un joueur s’y rend, cela va attirer les autres joueurs qui se disent qu’après tout, le risque est moindre.

 

 

La majorité

Je reviens sur les majorités de fin de manche qui sont très disputées. En cas d’égalité tout le monde en profite et les joueurs peuvent selon les cartes disposées, récupérer un Meeple à la cour de justice, ou monter une de ses 3 pistes sur son plateau et chacune a son importance. Cependant, si un seul l’emporte, il peut au lieu de prendre le bonus de la carte, décider d’adjoindre cette carte à son plateau perso pour son bonus multiplicateur. En fin de partie, il gagnera des points en plus, et cela peut être un axe stratégique (au lieu de gagner 1 point par œuvre différente en ma possession, je peux gagner 3 points et plus encore).

Les axes stratégiques sont légion, construire des bâtiments et monter la piste Architecte pour gagner jusqu’à 10 points par bâtiments construits, fabriquer et vendre des œuvres au meilleur moment, se placer finement pour les majorités d’Iris (les majorités en carré) en montant la piste idoine. J’aime bien avoir plein de notables que je peux activer, mais il faudra les payer en fin de partie sans quoi on perdra des points de victoire.

 

 

Une édition de caractère

On s’est amusé à comparer les deux versions, en terme de game design (si l’on excepte l’extension) il n’y a que deux petits changements : les œuvres ne sont plus prises au hasard, mais choisies (c’est plus logique). Le premier joueur de la manche qui passe prend une carte qui va lui donner des sous à chaque fin de manche, et potentiellement le moyen d’être premier joueur à la manche suivante. Une sorte de catch-up bien trouvé.

Dans la version de 2013, on retrouve en couverture la maison de Victor Horta qui est aujourd’hui un musée avec au premier plan le grand architecte. Les illustrations d’Alexandre Roche donnent à l’ancienne version un charme certain avec sa piste de points de victoire (malgré ses 80 points) et ses fioritures classieuses, tandis que l’illustration d’Ammo Dastarac nous ouvre les portes fenêtres sur les toits de Bruxelles, le tout encerclé d’arabesques aux reflets mordorées dans le ton de l’époque.

 

Pour ma part je ne saurais trancher, les deux sont tout aussi cohérents avec le jeu.

Si l’on n’y n’y prête pas trop d’attention, on pourrait se dire que le thème est peu présent, juste en fond, alors qu’en réalité l’auteur et l’éditeur ont fait un très gros travail de thématisation qui rend le jeu unique à mes yeux. Non seulement les architectes que l’on incarne ont existé, mais on retrouve aussi de vrais bâtiments sur nos plateaux personnels ou ceux sur le plateau Bruxelles, avec son majestueux Palais de justice. Les notables que l’on va activer ont bien sûr existé. Georges Brugmann est un banquier, Ernest Solvay un grand chimiste dont les applications industrielles ont été utilisées dans la fabrication du verre et la métallurgie(dans le jeu on transforme une ressource joker en deux ressources de notre choix). Émile Vandervelde nous permet de récupérer un Meeple au Palais de Justice, ça tombe bien, il faut savoir qu’il fut ministre de la justice.

 

Retour au jeu

Extension Belle Époque : Nous avons éprouvé l’extension et l’asymétrie des personnages, et après quelques parties il est compliqué de donner un avis sur celle-ci. J’ai tendance à penser que le jeu de base n’en a pas besoin, cependant ces ajouts ne complexifient pas le jeu, mais offre de nouvelles possibilités, de nouvelles ouvertures avec l’ajout des Pavillons qui nous donnent des bonus pour la partie et le verre qui est une nouvelle ressource dont on aura besoin dans les constructions et notamment pour les Pavillons.

Bruxelles 1893 Belle Époque tient bien sur ses fondations, tout en restant dans un corpus de règles très simple. Le jeu peut s’expliquer en 15 minutes et les parties à 4 bruxellois durent en dessous de l’heure et demie. Le timing est hyper important ici, l’interaction acérée dépendra des joueurs.
Un jeu riche et profond avec ses dilemme multi-niveaux permanents et ses majorités croisées, le tout complètement servi par son thème.
De la belle ouvrage.

Pour aller plus loin :

 

 

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