► E.D.I.T.O. Quelle différence entre gagner et ne pas perdre ?

Certains jeux de société poussent la définition du mot « gagner » dans vos retranchements. Il y a particulièrement pour cela, les semi coopératifs. Ils vont souvent dérouler une certaine expérience sociale, avec des questions bien particulières, notamment quand un traître s’invite à la table. 

chevaliers de la table ronde

Dans les semi-coop on doit jouer ensemble, coopérer contre le jeu, ou sinon tout le monde perd. L’un des plus anciens (le grand ancien ?) à proposer un tel contexte ludique à ses joueurs date de 1990, paru sous le nom de The Republic of Rome (Descartes l’a édité chez nous en 92, puis Edge l’a repris pour une seconde édition en 2011 – en français on le connait sous l’appellation de Res Publica Romana). D’un côté les joueurs doivent gérer ensemble les affaires de la République de manière à ce qu’elle survive aux agressions extérieures et aux désastres multiples qui la guettent ; de l’autre côté chacun espère remporter la partie en voyant un des membres de son parti devenir Consul à Vie, et pour cela il faudra apprendre à jouer des moyens donnés par la République… 

On a ensuite eu les Chevaliers de la table ronde (2005) avec l’option félon, Cutthroat Caverns (2007) qui a été plutôt mal compris en France (sous le nom de Sang Rancune) un jeu social où tout le monde tape sur les vilains mais un seul l’emporte, l’indétrônable Battlestar Galactica du grand Corey Konieczka (2008) puis Castle panic (2009)…

Tout ça nous mène jusqu’à l’un des plus récents, Dead of Winter, qui pousse peut-être le vice encore plus loin. Un peu comme dans Battlestar Galactica, les conditions de victoire personnelles engendrent des dynamiques sociales fortement typées et des questionnements presque philosophiques.

battlestar galactica 1

Dans Dead Of Winter, nous incarnons une colonie qui tente de survivre face à une invasion de zombies. Tout le monde gagnera si la colonie survit, mais chacun possède en plus de ça, un objectif secret. Rajoutez par-dessus le marché, l’option du traître et vous avez un sacré nombre de possibilités. Mais, en gros, à la fin, soit un joueur gagne tout seul, soit tout le monde l’emporte soit tout le monde perd.

Question : si vous voyez que votre colonie va survivre mais que vous ne réalisez pas votre objectif secret, qu’allez-vous faire ? Allez-vous aider la colonie quand même, en vous disant que c’est le moins que vous puissiez faire ? Oui, certes, il y a déjà une certaine gratification dans le fait de faire gagner tout le monde… Mais c’est une « petite » victoire. Ou est-ce même carrément un… ex-aequo ?

L’autre option qu’il vous reste : en mode « après moi, le déluge », vous sabotez tout : si vous ne gagnez pas, personne ne doit gagner !

Mais les auteurs imaginent-ils qu’il y a plusieurs « catégories » de victoires avec une certaine hiérarchisation pour les joueurs ? La victoire où tout le monde gagne est-elle équivalente à celle où tout le monde perd ? Vaut-il mieux perdre tous ensemble que de voir un autre gagner seul ? La victoire a t-elle encore un sens catégorique en ce bas monde ? 

giphy

Do not panic mister Gaius, tout le monde n’aura pas la même réaction face à ces questions et c’est normal. Mais du coup, mon interrogation est la suivante : devons-nous trouver un compromis sur la définition de « gagner » la partie avant d’en entamer une ?  

Dites nous comment ça se passe pour vous : Vous mettez-vous d’accord avant la partie pour être sûr de jouer à la même chose, ou jetez-vous les joueurs dans l’arène et attendez de voir ce que le jeu va produire sur eux ?

 

 

UP-review-v2

 

  • On a eu quelques problèmes techniques avec l’hébergeur du site mercredi, du coup l’édito passe jeudi, mais je suis sûre que vous vous en remettrez. En plus, à la place, on a désormais un gros article sur Oceanos, le futur Bauza. Alors vous n’allez pas vous plaindre quand même. Tttt ttt !
  • Time Bomb va arriver en version Sherlock versus Moriarty chez les Minis Iello et ça sera… de la bombe bébé ! Pour vous faire une rapide idée du jeu, il y a désormais un Ludochrono
  • 1, 2, Krôa un petit jeu rigolo qui attira mon attention cette semaine, si vous voulez en savoir plus, y a une news
  • C’est important, il faut aller voter pour les protauteurs qui vous font le plus rêver ! C’est par ici que ça se spams. Il y a un nouveau Junta, un Lanternes et un Pagode à gagner en plus. On vous gâte trop, n’y prenez pas goût !

 

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26 Commentaires

  1. eolean 09/06/2016
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    Derrière le fait de « gagner », il y a pas mal de chose. Dans mon cercle de joueur par exemple, on partage tous le même sens au fait de gagner. A savoir qu’on joue pour gagner, on est content quand on gagne, mais ça ne nous dérange pas de perdre. En ce qui me concerne, la seule chose qui pourrait me déranger sur une partie c’est quand je joue mal et que je m’en rends compte. Et je me suis rendu compte qu’on se rapproche facilement des joueurs qui ont la même valeur du mot gagner. J’ai déjà joué avec des ultra-compétiteurs, et s’ils étaient adorables par ailleurs, la tension, l’atmosphère autour de la table n’était pas ma préférée…

    Mais par contre, je joue toujours pour gagner. C’est selon moi la différence entre un divertissement et un jeu. Je peux m’amuser avec des amis au resto ou au ciné, comme dans un jeu. Mais dans un jeu, il y a un but, un objectif, et je ferai tout pour l’atteindre. Quitte à sacrifier une colonie !

    Je me souviens d’une anecdote à ce sujet sur un ancien jeu (un jeu sur la mafia si mes souvenirs sont bons). Une sorte de semi-coop où soit un joueur gagne, soit tout le monde perd. Et bien je n’ai eu aucun scrupule à prendre un risque disons avec 5% de chances d’y arriver pour gagner seul tout en faisant perdre tout le monde s’y je n’y arrivais pas. S’en est suivi une discussion houleuse (je ne jouais pas avec ma table habituelle) où on me reprochait mon attitude… Je n’ai jamais compris pourquoi :p

    • atom 09/06/2016
      Répondre

      Je te rejoins totalement, il m’est arrivé de jouer avec des gens qui ne jouent pas pour gagner c’est agaçant,  il n’y aucune tension, ils jouent mais ils feraient autre chose en même temps ça serait pareil. Pire ils créent du king making puisque leur façon de jouer va ouvrir des pistes a d’autres joueurs. En plus si l’on vient a gagner on en retire aucun plaisir (a vaincre sans péril on triomphe sans gloire). je préfère perdre en ayant tout donné en tenant tenant tête a mon adversaire qu’exploser mon poursuivant parce qu’il joue en dilettante. Comme toi je peux râler mais contre moi surtout, ptain mais pourquoi j’ai joué ça arghh. Bon je confesse que certains jeux peuvent me faire couiner. Les joueurs qui jouent leur vie et sont en mode tremblotte, en sueur j’ai du mal aussi.

      • Shanouillette 09/06/2016
        Répondre

        Ha oui rien de pire que quelqu’un qui… ne joue pas le jeu. J’ai connu ça aussi, on est d’accord, c’est l’horreur. Mais du coup quand vous jouez à Dead of Winter, vous prévenez vos joueurs de ce qui peut se passer ? À ma première partie, j’étais typiquement dans cette situation où je n’allais pas arriver à faire mon objectif perso, j’ai continuer en mode « coop » pour faire gagner la colonie, mais le fait est qu’à la fin un joueur a gagné seul et je me suis dit après coup que j’aurais peut-être du saboter la colonie quitte à passer pour une sale traitre !

  2. PrimeSinister 09/06/2016
    Répondre

    Alors je vais faire une distinction aussi entre jouer pour gagner et ne jouer QUE pour gagner. Je dirai que quand je joue, je vais faire tout ce qu’il faut pour gagner mais je ne vois pas cela comme la finalité ultime du jeu. Je joue avant tout pour passer un bon moment avec des gens que j’aime (c’est pour cela que je n’aime pas trop jouer en club ou faire des tournois parce que l’ambiance ne me sied pas), si je gagne c’est cool, si je perds, c’est pas bien grave.

    Mais je suis d’accord que jouer avec des gens qui ne jouent pas le jeu peut être déroutant (et je rejoins parfaitement ce qui a été dit sur le « kingmaking » mais bon on retrouve cela aussi dans certains jeux lorsqu’il y a une différence de niveau). Cela dit je pense qu’il faut accepter les différentes conceptions du jeu que chacun peut avoir et je trouve à ce sujet que les « gros joueurs » sont parfois un peu élitistes et pas toujours très patients avec les novices ou les joueurs occasionnels 🙂

  3. Djinn42 09/06/2016
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    Dans mon cercle de joueur j’ai rencontré un profil particulier. Pour lui, ne pas perdre consiste à être deuxième. Quitte à aider quelqu’un qu’il considère comme le vainqueur potentiel. Autant dire que les jeux à king-making marqué sont un véritable régal avec lui… quand on a compris comment il fonctionne.

    • atom 09/06/2016
      Répondre

      Il a la gloose, la gloire du loser, tuer le 3éme pour passer deuxième plutôt que d’essayer de faire tomber le premier ^^.

    • Clbrun 09/06/2016
      Répondre

      j’avoue ne pas comprendre ce genre de comportement… je crois que ça me saoulerait profondément de jouer avec ce genre de joueur, peu importe que je sois le bénéficiaire ou la victime de son kingmaking !

      j’ai quand même déjà été confronté à une variante « moins grave », les joueurs « défaitistes » : quand un autre joueur part trop bien, ils continuent de jouer histoire de finir la partie, mais sans essayer de retourner la situation. du coup c’est assez frustrant quand on essaye encore de se battre de son coté et que les autres disent « mouais c’est sûr que le seul espoir de revenir dans la partie, ce serait de faire ci ou d’empêcher le leader de faire ça, mais à quoi bon… du coup je vais me contenter de faire ça, même si ça arrange bien le leader… »

      en tout cas quand je joue, j’essaye de faire mon max pour gagner mais toujours à la loyale (je ne trahis jamais ma parole, par contre il arrive que certains interprètent mal mes propos, genre « j’ai dit que je ne t’attaquais pas le prochain tour, mais j’ai rien dit concernant le tour actuel » 😀 mais même ça c’est rare) et avec fair play (il m’arrive régulièrement de dire « bon là je me tire une balle dans le pied, mais tu pourrais peut-être faire ça pour me bloquer sinon je vais trop me gaver », même si parfois les gens ne me croient pas). en fait je joue de la façon dont j’aimerais voir mes adversaires jouer ! 🙂

      • Djinn42 09/06/2016
        Répondre

        Toi, tu n’as pas joué à Metal Adventure.

        • Shanouillette 09/06/2016
          Répondre

          Haha oui certains jeux sont bien basés sur la trahison… Coucou Intrigue !

          • fouilloux 10/06/2016

            N’oubliez pas les naufragés de Titanic. Moi j’en suis à une moyenne de une partie=un ami de perdu.

        • Clbrun 12/06/2016
          Répondre

          pas à métal adventure non, mais un de mes surnoms c’est « le félon » donc je pense avoir déjà démontré mes talents dans les jeux qui font couiner…

          je parlais surtout de mentalité, il y a une différence entre trahir pour tenter de gagner quitte à ce que ca fasse gagner une tierce personne si on se loupe (ca fait partie du jeu), et faire gagner un autre mec juste pour pouvoir dire « eh t’as vu je t’ai aidé donc en fait c’est un peu comme si j’étais dans le camp du vainqueur et donc j’ai pas complètement perdu ».

          pour moi quand on joue il faut essayer de gagner, sinon ca fausse la partie…

  4. Umberling 09/06/2016
    Répondre

    Comme pas mal de gros joueurs, j’ai le droit à l’arbitrage par la table : comme je connais le jeu / que j’ai des mad skillz / que je fais partie de l’intelligentsia ludique / que j’ai pas ramené des chips parce que les boîtes pesaient lourd (ou autre excuse bidon), le but de la table est que je n’arrive pas premier. Du coup, il faut jouer la gagne pour satisfaire l’objectif des autres joueurs (et les rendre encore plus contents s’ils gagnent, car non, je ne gagne pas tout, loin de là). Et en fait je m’en fous, d’arriver premier ou deuxième ou dernier. Je cherche à :

      – m’amuser avec des gens que j’aime, comme Prime Sinister. C’est pour moi la raison #1 de jouer ;
      – avoir une belle partie : ça veut dire de la compétition, ou de la coopération forcenée. Je ne suis pas contre la diplomatie un peu agressive, mais c’est oublié une fois la partie finie. Pas de hors-jeu, de râlerie trop forte, mais je fais mine de jouer pour gagner, car c’est souvent ce qui donne les parties les plus acharnées ;
      – pousser le jeu dans ses retranchements. Par exemple, je n’ai pas gagné une certaine partie de Dominion, mais marquer cinquante points avec seulement huit cartes dans mon deck, c’était très très fun.

     

    Pour ce qui est de la victoire « en compagnie de » ou « en traîtrise », j’apprécie vraiment la dynamique sociale ainsi créée. Battlestar Galactica se fonde notamment sur la paranoïa et l’observation. Avec une bonne connaissance du jeu, il est facile de pousser les cylons à faire ce que vous voulez. L’idée de tordre la notion de victoire en cours de partie, comme dans Dead of Winter, je trouve ça très audacieux et plutôt intéressant : on a toujours une échappatoire jusqu’à la fin. Un peu comme dans la vie où on peut changer de direction, en fait ! Et ainsi, toutes les victoires n’ont pas la même saveur.

    • Djinn42 09/06/2016
      Répondre

      Pareil que le chat dans tous les points abordés.

      Un de mes meilleur souvenir à Lewis et Clark, par exemple, c’est d’avoir perdu mais accroché la victoire en virant le Pow Wow dès le début. Juste pour voir si c’était viable. Pousser les jeux dans leur retranchement et me rendre compte que certains sont équilibrés au poil. C’est une partie du plaisir de jouer.

      L’autre c’est que même un jeu moyen peu donner de bonnes parties avec les joueurs qui vont bien.

  5. PrimeSinister 09/06/2016
    Répondre

    Cela pose le problème de certains jeux où l’on sait rapidement que l’on ne gagnera pas… Il faut avouer qu’à partir de ce moment là, le plaisir est diminué et c’est plus compliqué de continuer à se battre en vain 🙂

    • Djinn42 09/06/2016
      Répondre

      Y a toujours le moyen de donner un bon coup de pied dans la table et envoyer voler le plateau. C’est pas très classe mais efficace.

  6. Jetseb 10/06/2016
    Répondre

    Il ne faut pas confondre les semi-coopératifs et les jeux par équipes. Le seul semi-coopératif ici est Dead of Winter les autres sont des jeux par équipes ou deux clans s’affrontent.

    Pour moi les semi-coopératifs ne peuvent pas marcher car chez nous on est du style à planter la partie si on ne peut pas gagner.

    L’explication d’un jeu commence toujours comme ça (à quelques exceptions près):

    « Le but du jeu c’est de gagner et pour gagner il faut (avoir le plus de points/argent/…) »

    • Shanouillette 10/06/2016
      Répondre

      Tu penses auxquels quand tu dis « les autres sont des jeux par équipes » ?

      • Jetseb 10/06/2016
        Répondre

        « BSG » et  « Les Chevaliers de la table ronde » sont pour moi des jeux par équipes pas des semi-coops.

        • fouilloux 10/06/2016
          Répondre

          Ah, et du coup c’est sur quoi que se base la différence pour toi?

          • Shanouillette 10/06/2016

            Pour moi : Sol, Flick em up,  ou Codenames sont des jeux par équipe ; BSG et Chevaliers sont des semi coop car il « peut » y avoir un traître, mais pas nécessairement, donc on peut très bien être tous ensemble du début à la fin. Le « semi » se situe justement là.

             

          • fouilloux 10/06/2016

            D’accord avec ça.

          • Jetseb 10/06/2016

            Pour BSG il y a deux clans qui s’opposent, ils ne sont pas forcément défini dès le début mais à la fin c’est bien un clan qui l’emportera sur l’autre. Pour moi c’est donc un jeu par équipe Cylon Vs Humain.

            En extrapolant un peu, je fais le même constat pour les chevaliers (en version avec félon) même si dans ce cas on est sur du un contre tous.

            edit intégriste: BSG ça se joue à 5 (voir 6 à la limite), il y a forcément deux équipes.

            Il n’y a donc pas de possibilité de faire perdre tout le monde. C’est forcément une équipe/clan qui gagne. Et c’est pour moi un détail qui change tout par rapport à un semi-coop.

             

             

          • TheGoodTheBadAndTheMeeple 10/06/2016

            le semi coop c’est une condition commune cooperative mais chacun un but different. pour determiner le vainqueur. CO2 dans le meme genre a une condition commune de defaite mais le plus richou vaincra.

            BSG , LCDLTR tu as aucune condition commune,  c’est chacun pour sa team.

  7. Shanouillette 10/06/2016
    Répondre

    Une condition commune coopérative avec chacun un but différent, je te rejoins. Les cartes allégeance sont tirées au hasard, tout le monde peut se retrouver clean, mais on ne le sait pas au début, donc on se méfie : pour moi c’est une ambiance sociale très spéciale qui n’est pas du tout la même que lorsqu’on se lance dans un « vrai jeu d’équipes » (où l’on détermine clairement qui est avec qui avant de jouer, comme dans les exemples cités ci-dessus, de Codenames à Sol). Après voilà je crois qu’on s’est compris. 😉 C’est toujours compliqué pour mettre tout le monde d’accord sur des définitions ludiques, car il y a toujours des tas de jeux qui touchent et jouent avec les « frontières ».  😉

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