Schotten Totten : les écossais décortiqués

Schotten Totten (qui signifie « écossais têtus » et se prononce « choteune toteune », sources : Matthieu Bonin de chez Iello) est un jeu de cartes de Reiner Knizia (Tigre et Euphrate, Korsar, Râ…). Sorti initialement en 1999, la VF précédente était jusqu’alors proposée par Edge.

Iello a choisi de racheter les droit d’édition et de « rafraîchir » Schotten Totten dont beaucoup reprochaient au jeu ses graphismes vieillots et peu inspirés (impossible de ne pas y voir un hommage aux travaux d’Albert Uderzo pour la légendaire BD « Astérix et Obélix »). De plus, son format et son prix permettent à Iello de l’intégrer dans leur gamme de « mini-jeux » (Welcome to the dungeon, Wa-cha-bi, Héros à louer…) où il y a fort à parier qu’il y aura un statut de star.

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Le design de la précédente édition de chez Edge

 

Schotten Totten est un jeu de cartes pour deux joueurs uniquement qui vous propose d’incarner un chef de clan écossais, qui va envoyer ses membres (des cartes numérotées) lutter pour étendre son territoire (récupérer des petites tuiles rectangulaires, les « bornes »).

La partie prend fin lorsque l’un des joueurs prend possession d’une borne créant 3 bornes adjacentes ou lorsqu’il récupère une 5e borne.

 

Kilt? Ok ! Cornemuse? Gonflée ! Soquettes ? Remontées !

S’agissant d’un mini-jeu à prix mini, le matériel est… minimaliste. On retrouve donc dans la boîte 54 cartes de clan (numérotées de 1 à 9 dans 6 couleurs différentes, je vous laisse faire le calcul pour vérifier), 10 cartes « tactiques » (pour la version « expert » du jeu) et 9 petites tuiles rectangulaires « bornes ». 

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La boîte et tout son contenu

 

Les tuiles sont de qualité en carton bien épais. En ce qui concerne les cartes, j’aurais apprécié qu’elles fussent toilées (plus résistantes), mais on se contentera ici de cartes lisses de type « plastic coated ». Les illustrations ont effectivement été remises au goût du jour par l’illustrateur Djib dans un genre fantasy-comic (à la Lord of Xidit/Looney Quest) dans un style plus enfantin (chacun se fera son opinion).

 

Des règles simples : tartan gueule à la récrée !

Les 54 cartes sont mélangées et disposées dans un pile face cachée. Chaque joueur en tire 6. Les tuiles « bornes » sont disposées de manière à former une frontière qui séparera les deux joueurs.

À son tour, chaque joueur doit jouer une carte de sa main sous l’une des bornes (de son côté) en piocher une nouvelle (de manière à toujours en avoir 6) et passer la main à son adversaire.

Le but est d’avoir la combinaison (très inspirée du poker) la plus forte sur une borne pour en revendiquer la propriété (sachant que l’ordre de pose des cartes n’a pas d’importance pour évaluer la combinaison à la fin, en gros, si je pose un 4, un 3 puis un 5, j’ai quand même une suite).

Voici les combinaison par ordre croissant de force : somme (cartes quelconques dont on additionne les valeurs) < suite (trois cartes de valeurs qui se suivent) < couleur (trois cartes de même couleur) < brelan (trois cartes de même valeur) < suite-couleur (trois cartes de valeurs qui se suivent ET de même couleur).

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Si vous avez déjà joué au poker, les combinaisons ne vous dérouteront pas !

 

Les cartes sont posées sous les bornes en respectant les règles suivantes :

  • On ne peut poser plus de trois cartes sous chacune des bornes (de son côté) ;
  • On ne peut réclamer la possession d’une borne que pendant son tour et juste après avoir joué sa carte, avant de piocher ;
  • On ne peut réclamer la possession de la borne que si trois cartes ont été posées de chaque côté ;
  • On peut réclamer la possession de la borne même si trois cartes n’ont pas été jouées de chaque côté, sous réserve d’être en mesure de prouver que l’adversaire ne pourra pas faire mieux que notre combinaison et uniquement avec les cartes visibles sur la table (on ne prend pas en compte les cartes dans nos mains). J’insiste sur le « faire mieux », car si l’adversaire peut faire aussi bien que moi, cela ne lui permettra pas de revendiquer lui aussi la borne. Il doit forcément essayer de me battre, pas de m’égaler. Exemple : « j’ai une suite-couleur 1-2-3 verte, tu as posé 4-5 rouge, mais comme le 3 rouge est déjà posé ici et le 6 là-bas tu ne pourras pas faire de combinaison plus forte que la mienne, donc je revendique cette borne. Si j’avais eu le 6 rouge ou le 3 rouge en main, je n’aurais pas pu revendiquer la borne même si je savais que l’adversaire ne pouvait pas me battre. »
  • En cas d’égalité sur le type de combinaison, on additionne la valeur des cartes de chacun sur cette borne, celui qui possède le plus grand l’emporte (exemple : j’ai une couleur 2-7-6 rouge, tu as une combinaison 9-5-3 bleue, tu gagnes 17 contre 15).

 

La partie prend fin lorsqu’un joueur a pris possession d’au moins 3 bornes adjacentes ou de 5 bornes disséminées. Il est recommandé de jouer en plusieurs manche afin de « gommer » les effets de la variance.

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Le même dessin pour la même valeur, seuls les couleurs des tenues des personnages changent

 

Version expert : on ajoute les 10 cartes tactiques à la pioche et chaque joueur pioche 7 cartes (au lieu de 6). À son tour chaque joueur peut au choix jouer une carte tactique ou une carte classique avec la seule restriction qu’une carte tactique ne peut être jouée qu’à condition que l’adversaire en ai joué autant que vous avant celle-ci.

Exemple : j’ai joué 2 cartes tactiques, mon adversaire aussi, je peux en jouer une 3e. Par contre, je ne pourrai pas en jouer d’autre avant que lui aussi en joue une 3e.

Les cartes tactiques permettent tout simplement d’outrepasser certaines règles du jeu (exemple : on n’additionnera que les valeurs des cartes posées sans prendre en compte les combinaisons, ou « on jouera 4 cartes sur cette borne au lieu de 3 »).

 

Ils se battirent en guerrier et en poète.

Ils se battirent en écossais et gagnèrent leur liberté.

Bien au chaud devant le bow-window du salon de notre BnB dans le Connemara nous contemplons la lande qui s’étend devant nous, une tasse de thé fumant à la main. Sous l’oeil intrigué de notre hôte nous jouons à Schotten Totten.

Le tirage est clément avec moi, je n’ai que des petites cartes en main mais j’ai déjà une suite-couleur toute faite et une autre qui se fera sûrement car j’ai un tirage suite-couleur par les deux bouts.

Je commence. Stratégiquement je place une carte de ma suite-couleur sur la borne centrale (je suis quasiment sûr de gagner cette borne, sa position centrale me permettra d’essayer d’avoir 3 bornes adjacentes). Laureline défend en plaçant un 9 (la valeur la plus forte) en face de la mienne (hahaha la sotte, elle ne sait pas ce qui l’attend).

Je me débarrasse de mes cartes inutiles pour faire tourner mon jeu sur des bornes éloignées du centre et je récupère finalement la carte me permettant de faire une 2e suite-couleur. Mon adversaire enchaîne les combinaisons de brelan essentiellement et finit par prendre de l’avance tandis que je me focalise sur les bornes adjacentes. Mais elle ne pourra finalement rien faire face à mes deux suites couleurs.

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On se dispute d’entrée de jeu la borne centrale !

 

On entame une deuxième partie, cette fois-ci c’est madame qui commence. Etonnament elle délaisse le centre et joue sa carte sur une borne excentrée. Je suis encore bien parti je n’ai que des cartes comprises entre 1 et 4 mais avec une suite-couleur en main. Cela bataille sévère, la partie est agressive.

Chaque ouverture sur une borne et immédiatement suivi par une carte de valeur supérieure jouée par l’adversaire. Sur certaines bornes nous jouons tous les deux le même brelan… Qui sera le premier à réussir à le compléter? Laureline a un coup d’avance sur moi, elle avait en main certaines cartes que je convoitais et m’a laissé m’acharner sur des combinaisons dont elle savait parfaitement qu’elle n’aboutirait jamais. Elle fera facilement ses 5 bornes.

Nous avions décidé de jouer en 2 manches gagnantes, le perdant paye sa pinte, nous sommes à 1 manche chacun. Celle-ci sera décisive. J’ai l’initiative et ma main de départ est correcte, la moitié de ma main est entre 7 et 9.

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Chacun essaie d’avoir 3 bornes adjacentes

 

J’attaque le centre avec un 9 rouge, j’ai un autre 9 en main et le 7 rouge. Je peux viser la suite-couleur, le brelan ou la couleur. Laureline pose un autre 9 en face du mien !

Malheur, la connaissant elle doit avoir au moins un autre 9 ou un tirage suite-couleur. J’ai pioché un 8 que je me décide à jouer sur la borne adjacente et j’en repioche un. Laureline pose une nouvelle fois un 8 en face du mien. Je la maudis, les noms d’oiseaux volent (dans la bonne humeur). Je décide de temporiser et je fais des ouvertures un peu partout.

Madame me lâche les baskets et fait elle aussi des ouvertures de son côté. Entre-temps j’ai pioché les cartes qui me permettront de faire ma suite-couleur sur la borne centrale. Je ne la joue pas tout de suite, je veux que Laureline mette au moins un autre 9 sur celui qu’elle a déjà posé (afin de lui faire gâcher une bonne carte). Ça y est c’est bon, son deuxième neuf est posé, je me décide à faire ma suite-couleur. La zone de jeu est remplie de cartes, les bornes sont réclamées  » Et bim, vu que j’ai posé le 3 bleu tu pourras pas faire ta suite-couleur, ni même une couleur vu que tous les bleus sont sortis alors je gagne avec ma somme de 13, MOUHAHAHAHAHA » (je vous assure battre un tirage suite-couleur avec une somme c’est jouissif).

« Ouais bah je m’en fiche, parce que moi je pose le dernier 8 pour faire un brelan, donc tes deux 8 ils servent à rien ! Buuuuuuurrnnnnn ». Nous nous retrouvons à 4 bornes chacun, je suis obligé de poser une carte qui ne m’arrange pas du tout et qui offre la victoire à ma femme.

Nous nous sommes bien tirés la bourre et avons joué la partie la plus stratégique et intéressante de ces 3 manches.

La théière est vide, la brume recouvre la lande, il est l’heure d’aller au pub déguster une pinte de Smithwicks. 

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Débrief de comptoir

Le Guys Bar de Cliffden est bondé, je joue des coudes avec une famille de touristes qui a essayé de me piquer mon tabouret.

Laureline me dit que Schotten Totten, déjà c’est imprononçable et qu’en plus cela fait penser à une marque de sandalette pour les gens qui ont des oignons aux pieds… Elle se demande pourquoi ils n’ont pas appelé cela « Ecossais Bornés » (ouais, c’est pas faux et je connais ce mot là, je vous vois venir). Qu’en plus, elle a trouvé le jeu trop aléatoire, que sur nos trois partie, la première qu’elle gagne lui a semblé très facile, que son jeu était évident. Sa main de départ et les cartes tirées dans les premiers tours s’articulaient bien. La seule partie qui lui a plu était la dernière qui fut très tendue et nécessita des efforts de réflexions quant au choix (Casser une combinaison plus forte pour en faire 2 moins fortes ou pas ? Dévoiler son jeu ou temporiser au risque que l’adversaire fasse sa combinaison avant moi ?).

Je lui rétorque que sa 2e partie lui a semblé facile, mais qu’à mon avis, au-delà du tirage clément, elle a bénéficié de mes erreurs (trop confiant en ma main de départ) et de mon acharnement à vouloir faire 3 bornes adjacentes.

Elle me lance que de toute façon, elle a toujours moins d’indulgence avec les jeux qui ne racontent pas d’histoire, que là ce serait des lapins ou des bananes et pas des écossais cela serait pareil, qu’elle se demande même pourquoi avoir perdu du temps et de l’argent à faire des dessins alors que des cartes de UNO (et là j’ai mis deux frites en croix) cela suffirait. Je dois lui reconnaître qu’elle n’a pas tort.

Nous finissons par conclure que Schotten Totten est un sympathique jeu à deux, dont les règles sont simples et qui propose tout de même une petite profondeur stratégique au travers de choix souvent cornéliens.

Son caractère opportuniste et aléatoire pourrait néanmoins rebuter les plus control freak d’entre nous. La mousse de ma Smithwicks tapisse le fond de mon verre, il est temps de laisser le tabouret à un autre derrière.

 

Schotten Totten

Un jeu de Reiner Knizia
Edité par Iello
Langue et traductions : Français
Date de sortie : 2016
2 joueurs uniquement
A partir de 8 ans
Durée d’environ 20 minutes

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6 Commentaires

  1. fouilloux 31/08/2016
    Répondre

    Du thé? En Irlande? Qu’est ce qui est arrivé à la bière?
    Sinon j’avoue que je rejoins Laureline sur son impression. Il fait parti de ces jeux à deux avec Kahuna qui ont un succès incroyable mais qui me moi ne me parlent pas du tout.

  2. PrimeSinister 31/08/2016
    Répondre

    Entre 14h et 17h faut bien boire autre chose quand même 😀

    Schotten Totten reste un jeu sympa à deux, il mérite son titre dans sa catégorie (jeu à 2 facile à sortir et qui fait la part belle à l’opportunisme avec un hasard bien présent mais en partie maîtrisable).

    J’y joue avec plaisir, mais ce n’est pas non plus ma tasse de thé (esprit d’à propos, quand tu nous tiens).

  3. TheGoodTheBadAndTheMeeple 01/09/2016
    Répondre

    Je trouve perso le jeu très bon dans sa catégorie, pas de prise de tête. Alors oui, on ne controle pas tout, mais comme un cités perdues, on fait au mieux.

    Ce n’est pas un jeu stratégique pur, et je pense qu’il ne s’affiche pas ainsi 🙂

    Le style colle à la ligne éditoriale Iello. Je préfère la BD de la précédente version. Mais c’est plutot joli par rapport a certaines autres productions iello.

  4. chrisaugwai 01/09/2016
    Répondre

    Bel article, très agréable à lire.

    Je suis assez d’accord avec Mme Sinister sur l’impression de ne pas contrôler grand chose (que l’on gagne ou que l’on perde d’ailleurs), impression plus prononcée que sur Les Cités Perdues où le fait de pouvoir temporiser au milieu notamment donne plus de lattitude.

    Après quelques parties je suis un peu déçu de ce jeu dont j’avais entendu beaucoup de bien. A essayer avec la variante expert pour affiner la chose.

  5. PrimeSinister 01/09/2016
    Répondre

    Merci pour le commentaire chrisaugwai. J’ai ressenti la même impression de déjà vu en jouant aux Cités Perdues. Mais Schotten Totten reste plus agréable à mon goût 🙂 La vaiance y est moins présente selon moi (ou du moins à un incidence moindre sur le jeu).

    Je joue volontiers à Schotten, les Cités je renâcle grave !

  6. luc 04/10/2020
    Répondre

    le regle avec les cartes tactiques change t elle au niveau de la revendication des bornes avant les trois carte et même apres. en effet tant qu’il reste des cartes tactiques on peut toujours se dire qu une meilleure combinaison reste possible avec un joker ou autre chose. comment résoudre la règle ? on ne prend pas en compte les cartes tactiques pour l’évaluation d une potentielle meilleure combinaison ?

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