Minuit, Meurtre en Mer – La croisière est morte de rire

C’est l’histoire de 13 passagers sur le même bateau. Ils se connaissent tous, ils s’en veulent passablement, et ils sont tous logés ensembles dans la section VIP. Stupeur ! Au bout de quelques jours, l’un d’eux est retrouvé mort dans sa suite. Il reste 12 suspects, parmi lesquels un meurtrier qui attend sournoisement que le navire regagne le port pour disparaître dans la nature. C’est sans compter sur la présence inopportune d’une bande de détectives en goguette. Bah oui, commettre un meurtre sur le navire qui héberge le congrès mondial des détectives, c’est pas finement joué, monsieur le tueur !

Dans ce jeu d’enquête, 2 à 6 joueurs vont donc pouvoir rivaliser d’astuce pour établir qui est le meilleur détective du lot. Un peu de chance, un peu d’intuition, un peu de mesquinerie, tout ça tassé en une grosse heure de jeu et vous avez la recette d’une croisière réussie !

 

Le décor est posé. La chasse peut commencer.

Le décor est posé. La chasse peut commencer.

 

Prise en main : élémentaire, moussaillon !

À première vue, le jeu a l’air énorme et complexe : grosse boîte, livret de règle grand format et deux livrets d’accompagnement d’une épaisseur de mauvaise augure, gros plateau avec une myriade de zones numérotées, feuilles d’enquêtes avec plein de champs à remplir… Mais ne vous laissez pas abuser par ces dehors ronflants, la mécanique est d’une désarmante simplicité et les éléments avec lesquels vous devrez interagir sont très faciles à gérer.

Commencez par choisir un crime à résoudre. Les deux livrets d’enquêtes sont là pour ça : un livret pour débutant et un pour joueurs experts. Chacun comporte une dizaine d’enquêtes d’une difficulté croissante, ce qui vous fait un paquet de parties. N’oubliez pas de lire le briefing sur l’affaire avant de commencer à jouer, il disparaît aisément derrière la jaquette !

 

Alors, cher confrère? Allez-vous choisir le livret des enquêtounettes du dimanches, ou celui des vrais prises de tête?

Alors, cher confrère ? Allez-vous choisir le livret des enquêtounettes du dimanche, ou celui des vraies prises de tête ?

 

À chaque tour, chaque joueur dispose de 4 actions. Il peut s’en servir pour se déplacer d’une partie du navire à l’autre en respectant les zones connectées entre elles, ou pour mener l’enquête là où il se trouve. Mener l’enquête signifie interroger un des 12 suspects s’il est présent, ou fouiller l’endroit pour y trouver des indices qui viendront infirmer ou confirmer les témoignages récoltés.

En fonction du nombre d’actions accordées à l’enquête, le résultat ne sera pas le même. Pour 1 action, vous y allez comme un butor. Vous risquez de vous retrouver bredouille, et en cas de succès tous les joueurs prendront connaissance de l’indice en même temps que vous. Pour 2 actions, vous risquez toujours d’échouer mais vous seul aurez connaissances de l’indice. Pour 3 actions (mon dieu c’est cher !) vous réussissez automatiquement votre enquête et gardez l’indice rien que pour vous.

« Mais quel indice ? » me direz-vous.  Eh bien il faut vous reporter à votre livret d’enquête. La deuxième page de chaque enquête liste tous les suspects et les lieux à fouiller, et pour chaque investigation possible il vous donnera un petit code chiffré qui vous permettra de retrouver la bonne info plus loin dans le livret sans se spoiler pour la suite de l’enquête. Simple, mais il fallait y penser !

 

3 questions à poser à 12 suspects, plus 24 lieux à fouiller... La taille de la feuille d'enquête fera pâlir plus d'une bleusaille. Rassurez-vous, un bon détective n'a besoin que d'une fraction de ces informations pour résoudre le mystère.

3 questions à poser à 12 suspects, plus 24 lieux à fouiller… La taille de la feuille d’enquête fera pâlir plus d’une bleusaille. Rassurez-vous, un bon détective n’a besoin que d’une fraction de ces informations pour résoudre le mystère.

 

Armé de cette connaissance nouvelle, vous pouvez l’inscrire sur votre feuille d’enquête pour ne pas l’oublier. À vous de faire correspondre ces informations pour reconstituer dans votre tête les événements qui ont eu lieu. Lorsque vous croyez tenir le coupable, il vous suffit de vous rendre au Grand Salon et dire « Preums ! » pour mettre fin à la partie.

 

On assiste alors à un débriefing exhaustif digne des plus grands Agatha Christie. Les joueurs couchent sur papier leur théorie sur qui a tué la victime, pourquoi et comment. On consulte la réponse fournie à l’arrière du livret d’enquête, et en fonction de l’exactitude de ses conclusions chacun marque des points. Celui qui a le meilleur score remporte la partie et se voit décerner un toast par ses confrères un brin jaloux.

Il y a aussi quelques impondérables qui viendront compliquer la tâche des détectives. Par exemple, l’Officier de Bord se déplace aléatoirement sur le paquebot à chaque tour. Il ne voit pas d’un très bon œil que l’on importune ses passagers ou que l’on fouille ses poubelles, donc les détectives devront aller enquêter plus loin. Une carte événement est également révélée à chaque tour, ce qui fait avancer le navire vers la fin de partie ou peut mettre quelques grains de sable dans l’avancée de l’enquête. Comment ça, tous les détectives sont convoqués dans la cale ?!

 

Damné steward, toujours là où il ne faut pas! Il faudra attendre son départ pour fouiller le quartier VIP.

Damné steward, toujours là où il ne faut pas ! Il faudra attendre son départ pour fouiller le quartier VIP.

 

La partie : il est gros, ce paquebot !

Le corps a été découvert, le coup de sifflet a retenti, tous les détectives sont partis en chasse ! Au début, tout le monde se jette un peu sur tous les passagers qui se trouvent autour du point de départ et les harcèlent de question, puis tour après tour chacun part farfouiller dans son coin. 

Le bateau est vaste. Le parcourir est une corvée dont nos enquêteurs se passeraient bien, vu que cela gaspille leurs précieux points d’actions qu’ils préféreraient utiliser à poser des questions indiscrètes. Alors on soutire le plus d’informations possible de ce qu’on a sous la main, on convoque des suspects plutôt que d’aller les chercher (et on s’assure qu’ils soient trop loin pour que nos confrères puissent faire de même)… Bref on joue les petits chefs mesquins, et c’est assez plaisant.

Une grosse partie du jeu consiste à être le plus efficace dans la poursuite des témoins. Les rassembler au même endroit pour les interroger à la chaîne est souvent payant.

Une grosse partie du jeu consiste à être le plus efficace dans la poursuite des témoins. Les rassembler au même endroit pour les interroger à la chaîne est souvent payant.

 

Le système d’interrogation est une réussite. Le premier joueur à poser une question va souvent payer le prix fort pour garder la réponse pour lui. Idem pour le second. Mais les derniers joueurs, s’ils se sentent lésés par cet indice qui leur manque, pourront poser la même question pour une bouchée de pain sans que les autres n’y gagnent grand-chose. L’écart entre les détectives est ainsi limité, chacun apprenant très vite ce que les autres savent déjà. Les informations sont parfois similaires d’un témoin à l’autre, ce qui permet à chacun d’arriver aux mêmes conclusions par une multitude de chemins.

La pression du bateau qui risque de toucher terre à tout moment interdit également de faire traîner l’affaire. Les détectives doivent aller au plus direct, optimiser leur moindre déplacement et faire quelques rapprochements risqués, quitte à commettre quelques amalgames. Au final, tout est fait pour que tous les joueurs puissent dire « Euréka ! » à peu près en même temps. C’est alors une belle cavalcade à qui arrivera le premier au salon pour clamer haut et fort ses conclusions. J’aime bien imaginer mon détective se caressant  la moustache d’un air important, tout en essayant de cacher la sueur qui coule à grosse goutte sur son front rougeaud.

"Hé oui, mes chers confrères, c'est ainsi que j'ai résolu le mystère de la chambre jaune." "Bien joué, cher confrère. Vous reprendrez bien du thé?"

« Hé oui, mes chers confrères, c’est ainsi que j’ai résolu le mystère de la chambre jaune. » « Bien joué, cher confrère. Vous reprendrez bien du thé ? »

 

Conclusion – Une époque remise au goût du jour

Avec ce jeu, on retrouve toute la truculence d’un Hercule Poirot des grands jours. Les intrigues des 20 scénarios sont délicieusement bourgeoises, les détectives trottinent dignement du pont supérieur à la salle de piano et les témoins sont de vrais pipelettes. Le jeu est simple à assimiler, la partie légère et dynamique. Certains joueurs regretteront le manque d’opportunité de faire des crasses à ses rivaux, d’autres apprécieront au contraire cette compétition courtoise. Les seuls à se plaindre seront les joueurs les plus frileux du stylo, pour qui la corvée de remplir sa feuille d’enquête lorsqu’on obtient des indices sera rébarbative. Mis à part ce bémol, on se laisse très facilement porter par l’expérience.

 

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Minuit, meurtre en mer

Un jeu de Alain Luttringer
Illustré par Baptiste ReymannFabrice WeissJulie Bellule
Edité par Multifaces éditions
Pays d’origine : France
Langue et traductions : Français
Date de sortie : 2017
De 2 à 6 joueurs 
A partir de 12 ans 
Durée d’une partie entre 60 et 90 minutes 

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6 Commentaires

  1. morlockbob 15/11/2017
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    je pense la même chose. Acheté par dépit (y a pu de Sherlock) c’est une bonne surprise, légère, où on se fait avoir.

    On monte à bord avec plaisir

  2. Karanek2b 15/11/2017
    Répondre

    J’ai 3 livres d’enquêtes ! C’est un livre bonus.

  3. Ratamiez 15/11/2017
    Répondre

    Personnellement, je n’ai pas accroché au côté compétitif de l’enquête, je préfère le faire en full coopératif. Une enquête (experte) jouée, une intrigue sympa, mais malheureusement pas de chance au tirage des cartes évènement, 3 tours de jeu seulement avant que le bateau n’arrive au port !

  4. Djinn42 15/11/2017
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    Si on passe sur la partie graphique qui pique franchement, le jeu est original et fonctionne très bien avec une grande tablée.

    Bonne surprise aussi.

  5. Laurent Denis 15/11/2017
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    j’ai un avis un peu différent. Même si les enquêtes sont sympa les tours de jeux sont vraiment longs et rébarbatifs, le jeu est même injouable à partir / au delà de 4 joueurs. Quel dommage de n’avoir pas prévu que chaque joueur puisse rechercher ses indices en simultané (à la manière d’un watson et holmes) même s’il aurait fallu multiplier les livrets (ou trouver un autre système). Ca aurait transformé ce jeu en petit bijou.

  6. Cédric 19/11/2017
    Répondre

    Excellent jeu, découvert dans sa version proto finalisée avant de le pledger sur KS. Plus tard, invité sur notre festival de jeu angevin après sa sortie, le jeu a eu un excellent accueil, au point d’entendre certains joueurs de passage se debrieffer leur partie au bar du festival. Parce que c’est là sa force : une histoire qui tient la route à chaque partie, et qu’on prend plaisir à décortiquer.

    Son accessibilité en fait un excellent jeu à partager entre amis et en famille avec différents calibres de joueurs.

    Si les tours peuvent paraître longuets quand on joue à plus de 4 joueurs, ceci peut fortement être compensé par un poil de rôle play que les joueurs se feront un plaisir de mettre en place. Ajoutez-y de quoi partager un petit apéro dînatoire, un petit fond musical et le tour est joué pour une soirée au top.

    Le côté non coopératif sans toutefois être trop agressif fans la compétition amène un challenge intéressant. Contrairement à un Sherlock, possédé aussi, mais qui pour le coup est bien plus complexe et long pour des joueurs occasionnels.

    Sans compter que, sans être simplistes, les enquêtes sont bien fichues, bourrées de références et de clins d’oeil bien sentis qui ajoutent à l’ambiance générale et peuvent, selon, servir le scénario ou juste faire office d’élément d’ambiance.

    Pour finir… le plateau. Étant graphiste de formation et aimant les jeux bardés de détails graphiques, hauts en couleur avec du matériel hyper travaillé, je reconnais que le design du jeu peut en refroidir certains.

    Cependant, cette simplicité de façade permet de se projeter aisément dans le jeu. Le côté « plan d’évacuation » du navire permet de se repérer facilement et d’oublier le plateau, qui devient alors un véritable outil au service de la partie en cours. Pas de fioriture, des illustrations simples mais jolies, suffisamment pour mettre dans l’ambiance.

    En conclusion, les règles sont d’une simplicité remarquable. Lancer une partie avec des néophytes ne prendra que 5 minutes, découpe de saucisson et ouverture des bières comprise.

    Elles sont claires, ne laissent pas de doute et toutes les réponses s’y trouvent, sans compter la chouette FAQ dispo su le site de l’éditeur et qui ajoute encore à la qualité globale de la mécanique du jeu.

    À posséder, sans aucun doute.

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