Warp’s Edge, Scott Almes en solo

Scott Almes, le fameux créateur des Tiny Epic « mettez le mot que vous voulez derrière et vous avez le nom d’un jeu », remet le couvert avec Warp’s Edge sous la houlette de Renegade Game Studios et Origames. Ce jeu vient dans la collection « Serie Heros solo » entamée l’an dernier avec Le Défi de la Reine de Kane Klenko et Monica Valentinelli car oui, il propose une expérience ludique purement solitaire. Si pour vous le jeu de société ne se conçoit qu’à plusieurs, passez votre chemin, il n’est clairement pas imaginé pour vous.

Le pitch est plutôt simple, mais colle bien avec les mécaniques (à moins que ce ne soit l’inverse…) : vous êtes pilote d’un petit vaisseau et vous vous trouvez nez à nez avec un énorme navire amiral alien et toute sa flotte. La bataille s’engage mais vos forces sont trop faibles pour espérer ne serait-ce que la fuite avant d’être détruit. Cependant la chance est avec vous car vous profitez d’un trou noir et de sa distorsion temporelle pour vous retrouver au tout début du combat. Mais cette fois avec un avantage : vous avez appris de vos ennemis, vous avez pu renforcer vos forces et combler vos lacunes, votre vaisseau est donc plus puissant et repartez au front.

Vous disposez ainsi de plusieurs « warp » au cours desquels vous tenterez d’adapter au mieux votre stratégie et d’améliorer votre vaisseau pour arriver à finalement vaincre le boss alien.

Tout repose donc ici sur une succession de batailles qui rappellent franchement les bons jeux consoles des années 80 et en particulier Aliens Invaders avec ses vagues d’ennemis qui foncent sans cesse face à vous et que vous devez détruire avant de l’être vous-même.

Et ça marche comment ?

La mécanique centrale du jeu est basée sur le bag-building, comme celle d’Orléans (si vous n’y avez pas joué, foncez !). Un sac donc, contenant divers jetons, dans lequel vous allez en piocher 5 au hasard à chaque début de tour. Ce seront vos forces.

Chaque jeton représente, avec plusieurs niveaux de puissance possibles, des tirs laser (pour casser la mâchoire de ces vilains aliens), des manœuvres (pour esquiver ces mêmes vilains aliens parce que là quand même ça craint trop), des énergies (qui vous permettront d’acheter de nouveaux jetons plus puissants ou de réparer votre bouclier) ou bien une série de pouvoirs spéciaux, nommé P.O.W.E.R, propres à votre vaisseau (il y a quatre vaisseaux différents dans le jeu de base et deux de plus dans l’extension).

Une fois les 5 jetons devant vous, vous devrez faire preuve de stratégie et de planification pour tenter de vous en sortir au mieux sachant que chaque vaisseau ennemi vous demande un certain niveau de puissance laser ou de manœuvre pour le détruire totalement ou l’esquiver.
En revanche il suffit de tirer ou de manœuvrer une fois face à un ennemi pour « neutraliser » ce dernier. Dans ce cas, il n’est pas détruit, mais gros avantage, il ne vous tirera pas dessus à la fin du tour, même s’il reste en jeu.

Si vous parvenez à détruire ou esquiver un alien alors vous gagnez la plupart du temps une récompense sous la forme de nouveaux jetons à ajouter à votre sac et ainsi augmenter votre puissance pour les prochains tours.

Mais vos forces s’amenuisent au fur à mesure que les tours s’enchainent car le nombre de jetons présents dans votre sac diminue à chaque fois. À un moment, vous ne pourrez plus tirer les 5 jetons requis au chaque début de tour. C’est là que le fameux Warp s’active et qu’une sorte de reset se met en place pour revenir au début de la bataille.

Vous reprenez alors tous vos jetons dépensés lors du warp précédent et les remettez dans votre sac. Puis tous les aliens que vous aviez réussi à détruire ou à esquiver reviennent dans leur deck (n’oubliez pas que vous revenez dans le temps et que vous vous retrouvez au début de la bataille !).

Et c’est reparti pour un nouveau warp ! Mais cette fois vous êtes mieux armé et connaissez mieux vos ennemis…

Chaque vaisseau mère vous autorise un nombre de warps différents, à vous de vous adapter et agir au mieux pour le détruire avant la fin du jeu.

Alors qu’est-ce que j’en pense ?

Warp’s Edge propose un thème classique et une mécanique déjà connue, le bag-building, mais assemble le tout de manière cohérente et intéressante. La montée en puissance de votre vaisseau au fil des warps qui s’enchainent est bien présente.

Même si la diversité des actions est limitée (en gros je tire ou je manœuvre), il faudra les réaliser dans un timing précis et décider si l’on doit jouer une simple neutralisation ou bien une destruction pure et simple de tel ou tel ennemi sera très importante pour votre survie.

Vous bénéficierez également de cartes tactiques (vous en gagnerez une par Warp) que vous pourrez activer grâce à vos jetons. Le dilemme entre affectation de jetons sur une telle carte pour pouvoir l’utiliser à tout moment par la suite ou bien affecter ces jetons pour abattre vos ennemis sera lui aussi bien présent. Ces cartes peuvent avoir des effets dévastateurs dans les rangs aliens ou bien vous sauver d’une mort certaine par moment, apprendre à bien les choisir et à les utiliser au moment opportun fera aussi partie de la courbe d’apprentissage du jeu.

Question difficulté, certains défis proposés seront vraiment corsés : vous avez le choix en début de partie entre 5 boss et 4 vaisseaux (7 et 6 si vous avez l’extension). Cela donne au final 20 combinaisons différentes avec la boite de base. Un bon point pour la rejouabilité du titre.

Il est clair que dans le lot certaines combinaisons seront plus accessibles que d’autres, mais je n’ai jamais réussi à vaincre un vaisseau mère en moins de trois essais, même le plus facile noté 1/5 en difficulté. Et je n’ai pas encore réussi à vaincre les plus difficiles classés 3, 4 et 5, malgré quelques tentatives (je dirais même si j’étais transparent que je me suis fait défoncer, mais on a sa fierté…).

Il y a évidemment une part d’aléatoire bien présente dans le jeu : le tirage des jetons dans votre sac en premier lieu qui peut vous aider ou pas selon les circonstances, le tirage de la flotte ennemie et l’ordre dans lesquelles les cartes vont sortir à chaque tour qui peut vous être plus ou moins favorable également, mais aussi les cartes tactiques dont vous allez bénéficier (vous en aurez trois par partie maximum sur les 18 présentes dans la boite). Ce sont autant d’éléments avec lesquels vous devrez composer et vous adapter pour ne pas finir désintégré au fond de l’espace (où je vous le rappelle personne ne vous entendra crier comme chacun sait…).

Mais c’est aussi tout le sel du jeu. Apprendre de vos ennemis, vous adapter aux circonstances et faire les bons choix en fonction des atouts dans votre main. La gestion des dégâts pourra également être importante car chacun d’eux infligé par l’ennemi à votre bouclier vous obligera à perdre un jeton, définitivement. Punitif parfois… mais aussi une excellente méthode pour épurer votre sac des jetons les moins puissants et ainsi tirer plus fréquemment ceux qui vont vraiment faire mal à ces satanés aliens.

Bref, ce jeu propose une certaine richesse et profondeur eu égard à la simplicité apparente des mécaniques.

Je soulignerai la rapidité de mise en place et la qualité des composants matériels qui y participe, en particulier le système de rangement des jetons qui permet pendant la partie de retrouver ultra vite ce que l’on cherche et de maintenir tout cela en place dans un espace très réduit. Malin et pratique ! La boite ferme sans que les composants glissent outre mesure à l’intérieur.

Avant de vous laisser retourner à votre table de jeu, je me dois tout de même de soulever trois points qui me chagrinent un peu face à ce titre :

La règle est jolie, bien illustrée et mise en page MAIS n’est pas assez précise et vous laissera dans le flou sur certains points importants (en plus de contenir quelques fautes d’orthographe…). Pire, son glossaire (ce qui est en soi une excellente idée !) peut vous induire en erreur (ce qui n’est pas le but recherché avouons-le !).

Problème dans l'écriture des règles : exemple avec le mot Ennemi

Exemple le plus frappant pour moi, le mot « Ennemi ». Dans le glossaire il désigne « les cartes ennemi », mais en exclut explicitement le « vaisseau mère ». Ok, c’est clair : le vaisseau mère n’est donc pas un « ennemi », c’est… « le vaisseau mère ». Mais lors de l’étape 2 d’un tour de jeu qui décrit les actions du pilote, tout fait référence aux « ennemis ». Vous pouvez affecter des tirs aux « ennemis », manœuvrer face aux « ennemis », neutraliser un « ennemi », etc. En suivant la règle à la lettre, je ne peux donc jamais tirer, esquiver ou neutraliser le vaisseau mère puisque ce n’est pas un ennemi ! Et jamais ailleurs dans le tour de jeu je n’aurai l’occasion de le faire… Comment donc battre le boss si je ne peux jamais lui tirer dessus ?
Et bien tout simplement parce que la règle n’est pas correctement écrite et que le mot « ennemi », bien que l’auteur ait pris la peine de le définir précisément dans le glossaire (et c’est tout à son honneur), ce mot n’est pas utilisé dans le corps de la règle avec cette même définition… Vraiment dommage et très confusant lors de la première partie.

 

Autre point à mentionner, l’impression diffuse de faire un peu toujours la même chose. Comme je l’indiquais, il existe sans nul doute une certaine profondeur pour bien gérer ses jetons face aux hordes ennemies, mais il n’en reste pas moins que l’on répète sans cesse trois mêmes actions (tirer, esquiver, neutraliser) ce qui peut paraitre un peu redondant sur le long terme. Le relativement faible nombre de cartes ennemis peut jouer également.

Enfin, signalons l’inutile totale du livret de 27 pages censé nous donner un set-up de la partie personnalisé, sous la forme d’un livre dont vous êtes le héros. Une aventure vous est contée et selon vos choix, le livret vous indique quel vaisseau et carte tactique utiliser et quel vaisseau mère mettre en place. Pour être honnête, même si l’écriture est correcte, cela semble totalement inutile une fois lu. Cela a du représenter un travail (et un coût) considérable qu’il aurait été plus judicieux à mon sens d’investir dans de nouveaux vaisseaux, plus de cartes ennemis ou d’autres boss… Qui va se donner la peine de lire près de 30 pages bien denses avant chaque partie, alors même qu’elle se lance sans cela en 5 minutes maximum (ce qui est clairement un gros point fort du jeu) ? Personnellement, je sais bien que le concept de la gamme est d’être narrative, mais j’oublie ce livret instantanément. Dommage.

En deux mots 

Warp’s Edge est donc un jeu avec une thématique et des mécanismes plutôt classiques, mais bien maitrisés et qui est tout à fait plaisant à jouer. Mise en place rapide, matériel de qualité, tension face au tirage dans le sac, réflexion et anticipation seront ses atouts majeurs.  

Je me suis surpris à enchainer les parties pour arriver à vaincre un boss, ce qui est toujours bon signe. Si le côté « death and retry » en solitaire ne vous effraie pas, vous pouvez tenter l’expérience et ce ne sont pas les quelques défauts plutôt mineurs de l’édition qui doivent vous arrêter. Pour l’aspect narratif, je suis personnellement passé à côté, mais peut-être que votre amour pour la SF vous fera plus apprécier cette dimension que moi. 

 

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2 Commentaires

  1. TheGoodTheBadAndTheMeeple 31/03/2021
    Répondre

    As tu essaye coffea roster ? un solo avec un excellent bag building aussi. les jeux se comparent-ils ?

  2. Alstar 01/04/2021
    Répondre

    Non, je n’ai malheureusement jamais eu l’occasion de tester ce jeu sur le café. Mais en effet cela semble dans la même veine au niveau mécanique en tout cas si j’en crois ce que notre ami Keltys en disait dans son article « Solo is Beautiful », il y a tout juste un an…

    Coffee Roaster

    Si le jeu passe sous mes mains, je ne manquerai pas de voir ça de près !

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