Régicide – Sur le fil de l’épée
Ah ça ira ça ira ça ira, les aristocrates à la lanterne ! Si vous avez des envies d’insurrection et que vous aimez taper le carton, ce petit Regicide (1-4 joueurs) signé Paul Abrahams, Luke Badger & Andy Richdale, pourrait bien vous surprendre. Dans un marché où tout le monde essaie de sortir son jeu de cartes qui fera la différence, celui-ci dénote, peut-être par ses origines Print n’ play – n’importe qui vous dira qu’il peut se jouer avec un jeu classique de 54 cartes. Oui, si vraiment vous ne pouvez pas soutenir la création d’un chouette jeu étonnamment stratégique pour 12 €, personne ne vous en voudra d’y jouer avec votre paquet Ducale un brin défraîchi. Mais perso, la DA marquée en couleurs pastel avec ses personnages stylisés de héros de fable moderne (signé D. J. Phillips, aka Sketchgoblin) offre une richesse visuelle qui me séduit bien plus que les figures à l’ancienne. Même si certains regretteront la fragilité des cartes physiques (sleeves fortement conseillés) et l’absence d’assez d’aides de jeu pour tout le monde, l’édition vaut bien nos deniers, d’autant qu’elle propose une super app compagnon, facultative mais excessivement bien codée.
Régicide propose une expérience coopérative de gestion de main avec ce fameux goût de reviens-y si recherché. Vous incarnez des héros bien décidés à couper quelques têtes véreuses. Votre but : venir à bout des familles d’aristos corrompus qui nous gouvernent, en passant successivement au fil de l’épée les valets (J), puis les dames (Q) et enfin, les rois (K). Les règles sont accessibles mais nécessitent un peu de concentration tout de même car ne manquent pas de menues subtilités qui feront la différence entre victoire et défaite.
On a tout d’abord un système de base aussi simple que redoutable : chaque joueur dispose de cartes en main qu’il utilise pour combattre, un à un, les ennemis couronnés. Un valet aura 20 points de vie et 10 en valeur d’attaque, ce qui signifie que vous devrez être capable de vous défausser pour une valeur de 10 ou plus de votre main s’il vous botte les fesses avant que vous ne lui asséniez 20 de dégâts. Si un joueur faillit à encaisser les dégâts, game over pour tutti. L’impression en jeu est un peu comme si on avait en permanence un seul point de vie. Sur le fil.
Pour nous aider dans ce sale mais nécessaire travail révolutionnaire, vous pouvez aussi jouer deux cartes d’un coup, à condition qu’elles ne dépassent pas 10, ce qui redonne un peu de peps aux petites valeurs. Surtout, chaque couleur possède une capacité spéciale (♠️ pique : affaiblit l’attaque ennemie ; ♥️ cœur : recycle la défausse ; ♣️ trèfle : double l’attaque ; ♦️ carreau : pioche supplémentaire). De plus, jouer un As permet de combiner deux couleurs et donc deux effets, ce qui ouvre d’autres possibilités tactiques.
Mais attention, les figures sont des saletés : elles bloquent les effets de leur propre couleur. Il va falloir anticiper. “Il nous reste plus beaucoup de cartes en main, le roi de carreau n’est pas encore sorti, comme on sait qu’il va nous empêcher de piocher, c’est peut-être le moment de jouer du beau carreau pour se refaire”. Pareil avec le fait de recycler notre défausse, qui permettra potentiellement de récupérer des grosses cartes. En effet, les figures vaincues vont dans notre défausse. Tactique… mais aussi stratégique : impossible de faire face aux grosses figures qui arrivent sans avoir construit son deck en amont.
Mais une autre règle bien sentie vient ajouter du sel à tout ça : si vous infligez pile poil les bons dégâts à une figure, elle va sur le dessus du deck plutôt que dans la défausse. Cela peut changer la donne surtout si on a du carreau dans la foulée. Ainsi, on peut parfois être tenté de passer son tour pour qu’un camarade donne le coup parfait – mais attention à ne pas prendre trop de risques, si tout le monde passe, on a perdu !
Enfin, dernière petite règle qui peut vous sauver les miches : les Jokers annulent les pouvoirs des ennemis – donc à conserver sous la main pour les moments les plus tendus.
Et avec tout ça, j’ai omis une règle fondamentale : on ne peut pas se dire ce qu’on a en main. Et c’est très bien comme ça. C’est grâce à cela qu’on apprend à lire le jeu, qu’on apprend à anticiper ensemble, et qu’un potentiel effet Leader est tué dans l’œuf. Mais c’est difficile. Surtout au début, sur les premières parties. Mais bon, c’est ce qu’on attend d’un coopératif, non ? Une fois qu’un groupe commence à bien jouer et qu’il enchaîne les victoires, le jeu perd de son attrait ; heureusement, l’ami BGG regorge de modes de difficulté supplémentaire qui ne font pas rire du tout ! On aurait bien aimé qu’au moins un mode avancé ou deux soit introduit dans la règle officielle, mais on ne peut pas vraiment en vouloir aux auteurs : ils planchent déjà sur une version Legacy qu’on a backée sur KS et qu’on a fort hâte de découvrir.
Regicide progresse dans une dynamique qui lui est propre. Les premiers ennemis semblent d’abord une petite balade, sauf que ! si on ne profite pas de ces moments de détente pour construire nos mains pour la difficile guerre à venir (le roi de pique, brrrr), aucune chance d’arriver au bout. Certaines situations peuvent rapidement se retourner. La tension monte, il faut surveiller le paquet, et chaque victoire – surtout quand on parvient à donner le coup parfait – agit comme une libération.
Qui aurait cru qu’un jeu aussi modeste en apparence, né d’un simple paquet de cartes, puisse briller d’un éclat aussi singulier ? Avec son look de Banner Saga minimaliste, Regicide sait nous donner une sensation de familiarité tout en proposant du neuf. Une partie dure environ 15 minutes, donc on peut facilement en faire plusieurs à la suite, n’importe où. Et c’est bien ce que nous faisons, avec les variantes BGG en poche (du type : Lorsque vous tuez un ennemi, si vous ne lui infligez pas les dégâts exacts, il sort du jeu au lieu d’aller dans votre défausse).
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elniamor il y a 25 jours
Merci pour la piqure de rappel ! C’est une découverte pour ma part, disponible sur BGA et c’est hyper addictif (joué en solo uniquement pour ma part). Une courbe d’apprentissage très satisfaisante.
Shanouillette il y a 22 jours
Avec plaisir !