Neptun – Et vogue la galère !

Quand la team Ludovox m’a proposé de tester ce jeu, j’avoue que je n’en avais jamais entendu parler. Par contre je connaissais très bien son créateur étant donné qu’il est le géniteur d’un de mes jeux préféré, Alhambra ! Un sacré boost dans ma motivation est donc venu titiller mes neurones et c’est avec impatience que j’ai attendu de pouvoir faire ma première partie…

Mais commençons par le début, un petit peu d’histoire ne fait de mal à personne.

Neptun est un jeu édité par Queen Game via Kickstarter, comme désormais trop souvent, en particulier pour cette société qui visiblement à bien compris le filon en ne prenant aucun risque particulier et faisant financer ses jeux par les backers alléchés par quelques goodies.

Ici, cela a encore une fois bien fonctionné puisque le projet a été financé à 341% avec plus de 34 000$ récoltés ! La plupart des acheteurs attirés certainement plus par le nom de l’auteur que par le gameplay… Mais bref, passons sur le procédé pour nous concentrer sur l’essentiel : il est comment ce jeu ?

De quoi ça parle en fait ?

Le thème est plutôt classique, pas désagréable au demeurant bien qu’un peu bancal au final.

Vous jouez des marchands romains qui vont tenter de s’enrichir le plus possible en commerçant dans toute la méditerranée. Par la même occasion vous tenterez de vous faire bien voir des dieux en apportant vos marchandises dans toutes les villes côtières de notre belle bleue.  Quel rapport entre remplir un contrat et s’accorder la faveur des dieux me direz-vous ? Aucun selon moi mis à part que la puissance d’une religion se mesure souvent à la richesse de ses arcanes majeures, mais je ne veux soulever aucune polémique sur le sujet, après tout le pape n’est toujours pas l’homme le plus riche de la planète après 2 000 ans… Bref passons !

Donc tout ceci vous amènera des points de victoire synonymes de… victoire pour les plus malins ou chanceux d’entre vous. Chanceux me direz-vous, il y a des dès dans Neptun ? Non aucun cube à lancer, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de hasard, nous y reviendront plus tard.

couverture

On aime ou pas les graphismes… moi, je n’adhère que très moyennement

 C’est comment qu’on y joue ?

Le jeu va se dérouler en 3 manches. Chacune d’elle comportera 3 phases. Et chaque phase se jouera en 5 tours. Vous commencez à entrevoir le premier problème de ce jeu, sa longueur. Mais nous y reviendront également, ne me perdez pas, je vous explique comment ça marche d’abord.

Donc une manche comporte 2 phases.

 1ère phase : Choisir des contrats

Il s’agit d’étaler faces cachées, des séries de 3 cartes (autant de séries que de joueurs +1) à côté du plateau de jeu (prévoyez un peu de place, vous allez pas mal manipuler ces cartes et il vaut mieux être à l’aise !

Dans chaque série vous aurez :

  • Une carte ville : Elle vous dira où vous devez vous rendre pour réaliser le contrat et ce que vous gagnerez (de l’or ou des points de temple) en amenant telle ou telle marchandise à bon port.
  • Une carte marchandises : Elle vous indiquera justement la marchandise concernée par le contrat. Ça peut être du raisin, des olives, du miel, du blé ou du sel (ah bon ce ne sont pas des diamants ? Ben non, dans la règle il y a marqué « sel » même si l’illustration représente bien plus un diamant en effet… En même temps on n’a pas acheté ce jeu pour ses illustrations !).
  • Une carte rames : Ces cartes vous donneront 2 informations distinctes. La force des rameurs lorsque vous la jouerez (donc la distance que vous pourrez parcourir) et l’influence sur le vent que vous aurez pour le tour suivant après l’avoir jouée. Oui, vous influencerez les alizés pour tenter d’aller le plus loin possible ou au contraire calmer les ardeurs de vos adversaires.

 

les contrats

Là c’est pour 3 joueurs, à 5 prévoyez de la place !

Donc une fois ces séries bien étalées sur la table, vous retournerez la première (les cartes sont fines et non toilées, prévoyez des ongles si vous êtes sur une surface lisse !). Le joueur a alors 2 possibilités : soit prendre ce contrat s’il lui convient, soit retourner la série suivante pour découvrir un nouveau  contrat. A nouveau il peut le prendre ou bien passer au suivant et ainsi de suite jusqu’au dernier contrat qu’il sera alors obligé de prendre si aucun autre ne l’a inspiré.

On a donc là à faire avec une sorte de « stop ou encore » basique : soit je prends un contrat (même s’il ne m’intéresse pas trop ou qu’il intéresse trop un autre joueur) et je laisse les non visibles aux autres, soit j’en découvre d’autres ce qui facilite le choix des suivants tout en ne me garantissant pas un meilleur contrat au final…  

Et chaque joueur va faire de même pour prendre un contrat. Chacun d’eux devra être placé sur votre manifeste, sorte de réglette notée de 1 à 5. Les numéros ont une importance capitale car vos contrats devront être remplis dans l’ordre ! Et c’est là tout le diamant (non, sel !) du jeu ! En effet vous devez choisir avec précaution l’emplacement de chacune de vos destinations de façon à ne pas avoir à traverser tout le méditerranée à chaque tour, ça risque de faire un peu loin et vos galériens pas assez costauds pour assurer une arrivée en temps voulu !

Le contrat qui n’aura intéressé personne (souvenez-vous il y a autant de séries que de joueurs +1) recevra 1 or en bonus et on recommence l’alignement des séries de cartes et le choix des contrats 4 autres fois.

 Il est à noter également que la force des rames que vous prendrez décidera de l’ordre du tour suivant. Ainsi si vous prenez une carte rame puissante à 10 vous serez sûr de jouer dernier et donc de ne pouvoir choisir que parmi les 2 dernières cartes restantes, quasiment assuré alors qu’elles ne vous plairont que très moyennement…

piste ordre tour

La piste d’ordre du tour

 

Au bout des 5 tours, vous aurez donc tous 5 contrats. On passe alors « enfin » à la phase 2, la résolution des dits contrats.

 

2ème phase : (tenter de) remplir ses contrats

On passe ici sur le grand plateau central qui représente donc la méditerranée et ses ports les plus notables (Marseille, Rome, Alexandrie…), il y en a 15 en tout (3 de 5 couleurs différentes). Chaque couleur représente un pays : Espagne, Italie, Grèce, Asie Mineure et Afrique.

Driiing ! Allo ? Oui ici maitre Capello qui vous appelle en se retournant dans sa tombe d’une telle ignorance ! Mais mon brave ne savez-vous donc pas que l’Afrique et l’Asie mineure ne sont pas des pays ? Si bien sûr que je le sais, mais Dirk Henn lui, il a pas l’air de le concevoir très précisément… Mais bon en même temps c’est un allemand, alors la méditerranée, son soleil, ses oliviers, ses cigales et sa géographie générale ce n’est pas forcément son domaine de prédilection… Mais je m’égare !

les temples

La mer, ses routes et les ports

 

Vous partirez tous de Crète, ne me demandez pas pourquoi des marchands romains partiraient systématiquement faire leur courses depuis la Crête… encore une fois Dirk n’a pas forcement le compas dans l’œil à ce niveau… Bref, vous partez tous du même endroit et on enchaîne sur une série de 5 nouveaux tours.

Dans chacun d’eux les joueurs choisiront une carte rames de leur main et tous la révèleront en même temps. Un petit calcul s’opère alors : on fait le total de la partie haute des cartes pour déterminer l’influence que nous aurons en commun sur la force du vent au prochain tour. Plus le chiffre sera élevé plus Eole sera vigoureux et vous portera rapidement vers votre prochaine destination.

Driiiing ! Allo ? C’est encore Maitre Capello… Ne savez-vous pas qu’Eole est un dieu grec et non pas romain ? Le dieu du vent romain est Aeolus ! Oui bon on s’en fout m’sieur, Eole tout le monde connait alors qu’Aeolus… Bon vous m’excuserez j’ai un just played à terminer moi !

Puis chacun ajoute la force du vent actuel à celle de ses rames et cela vous donne jusqu’où vous pouvez vous rendre. En effet, de petits jetons placés au hasard (tiens tiens…) sur le plateau vous indique le nombre à atteindre pour aller d’un point à un autre. Ces nombres vont de 3 à 13, tout de même…

bateau

Mon bateau fait escale en Sicile, direction Carthage

Et chacun son tour vous allez déplacer vos petits pions bateaux en bois vers votre destination suivante. Si vous le pouvez bien sûr car si vos rameurs sont trop crevés ou que le vent est trop faible, vous ne pourrez pas arriver à bon port, mais là vous aurez mal joué, disons-le !

Si vous parvenez dans un port où vous avez un contrat à remplir, il ne vous reste plus qu’à prendre votre dû, or ou points de temple.

Après 5 tours, ceux qui le souhaitent autours de la table pourront jouer un 6ème voire 7ème tour pour tenter de terminer tous leurs contrats, synonyme de 2 points de victoire supplémentaires. Mais attention vous ne pourrez jouer ces tours supplémentaires qu’une fois lors des 3 manches.

 

3ème phase : on score !

Chacun va prendre les jetons points de victoire selon sa position sur les échelles des différents temples. Et ceux qui sont les plus riches également avec les points dédiés. A noter que notre ami Dirk à repris le système de décompte d’Alhambra (une bonne idée donc !) avec lors de la première manche, uniquement le premier joueur qui marque, puis à la deuxième manche, les deux premiers puis à la troisième manche… Les trois premiers ! Bravo !

les jetons

Les différents points de victoire. A noter le +2 en forme de bateau si vous avez rempli vos 5 contrats dans le même tour

 

 

Vous l’aurez compris, c’est long à lire comme cela, mais c’est finalement assez simple avec un livret de 12 pages bien illustrées, des exemples et un texte faisant à peine la moitié de la largeur des pages finalement… C’est du familial +, même si les plus jeunes auront peut-être un peu de mal à anticiper suffisamment le placement de leurs contrats sur leur manifeste pour être vraiment optimal.

 

Qu’en est-il du matériel

La boite de format classique propose une couverture quelque peu… surannée. Bon d’un autre coté on ne joue pas avec la boite. J’ouvre le capot et je découvre un grand plateau de jeu à l’illustration quelque peu… surannée. Ah mince c’est plus gênant !

La mer si belle au naturel ressemble plus ici à la toile cirée bleue de ma grand-mère Paulette… Au moins c’est parfaitement lisible, écrit gros pour le nom des villes avec des couleurs qui ne peuvent pas se confondre, sauf peut-être pour les daltoniens. 

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Tableau général de la chose

 

Voyons les carte alors : là aussi je dirais que les illustrations ne sont pas formidables (non je n’ai pas dit surannées). Autant les cartes rames avec les galères romaines ne sont pas moches, autant les marchandises… Comment dire, on dirait des images sorties tout droit de l’abécédaire de mon gosse de 3 ans !

M comme ? MIEL ! Bien !

R comme ? RAISIN ! Bien !

S comme ? DIAMANT ! Mais non! SEL ! Ouiiiinnn… Papa il est pas gentil avec moi !

Quant aux cartes destinations, leur principal problème vient de la lecture du nom de la ville justement. Prévoyez un bon halogène juste au-dessus de la table car les cartes vertes sont écrites en… vert, les cartes violettes sont écrites en… violet, etc. ! Tu veux savoir où tu dois aller ? Rapproche-toi de la carte ou prends ta lampe torche !

manifeste

Celui qui arrive à lire les 5 noms de ville sans plisser les yeux gagne 2 points bonus !

 

Vous l’aurez compris, les graphismes ce n’est vraiment pas ça…

 

Au final tu t’es amusé pendant ta partie ?

Après mes deux premières parties, j’avoue qu’au final je n’ai pas trouvé ce jeu foncièrement mauvais. A ma troisième partie, je l’ai trouvé très moyen. A la quatrième, ben… on n’a même pas terminé la deuxième manche…

Quel est le problème alors ?

Selon moi il repose sur plusieurs choses un peu bancales dans ce jeu :

  • Sa longueur : annoncé comme 45 minutes, nous n’avons jamais terminé en moins de 90 minutes au final. Vous me direz, comme d’habitude avec mon groupe de joueurs ! Oui, j’avoue. Quand le jeu est vraiment bon et qu’on ne s’ennuie pas ce n’est pas un problème, mais là…
  • Son coté aléatoire que je ne maitrise pas : la phase de choix des contrats peut-être particulièrement frustrante. Je commence à choisir une direction et dès lors aucun choix ne me permet plus d’optimiser mes actions futures car rien ne correspond. Que puis-je faire pour compenser ? Rien du tout ! Je suis obligé de prendre ce qui est caché à la dernière colonne des contrats et ce n’est toujours pas mieux… Sans compter les contrats qui ne ramènent que de l’or alors que ce sont les temples qui chiffrent le plus en point de victoire.
  • Son manque d’interaction avec les autres joueurs : mis à part piquer un contrat sous la barbe de votre adversaire, rien, nada, nenni… Franchement c’est tout à fait le genre de jeu qui irait parfaitement dans la section « Ecrans » de Ludovox pour une super partie contre des IA. Mais si vos amis sont du genre « joueurs agressifs », passez votre chemin !
  • Ses graphismes : disons-le clairement, il est plutôt moche. Rien de rédhibitoire c’est vrai, mais encore une fois si le fun était là, ça passerait toujours mieux.

 

le plateau

Début de partie. La Crête est mon amie !

 

Conclusion :

Je suis peut-être sévère avec ce jeu, mais je m’attendais à beaucoup mieux de la part du créateur d’Alhambra et de Shogun. Ce n’est pas que le jeu soit véritablement mauvais, ni buggé, ni totalement austère, ni déséquilibré. Non, c’est qu’il est juste… « moyen moins ».

Le genre de jeu auquel on joue une fois, deux à la rigueur pour se donner bonne conscience et lui lasser sa chance, puis qui aura du mal à sortir si vous jouez avec des amis plutôt pointus en jeu de plateau. Des débutants sans autre référence pourront le trouver agréable, mais il y a tellement mieux ailleurs, qu’au final, il est sans risque de parier que celui-ci ne fera pas une grande carrière. Malheureusement pour Dirk, mais je suis certain qu’il fera mieux la prochaine fois !

Allez, courage Dirk, je sais que tu vaux mieux que ça !

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14 Commentaires

  1. Grovast 12/12/2014
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    Merci pour la franchise de ce Just Played 😉

    J’avoue que ça confirme l’avis que je m’étais fait en lisant les règles, mais on est parfois surpris (dans les deux sens) en situation réelle.

    Je reste donc sur mon opinion (ceci a déjà été débattu dans la news sur la campagne Neptun) : Queen Games exploite KS pour sortir énormément de jeux, sans risque, just in case. Mais résultat, beaucoup sont très moyens.

  2. eolean 12/12/2014
    Répondre

    Je trouve vraiment cette pratique des plus pernicieuses.  J’ai de plus en plus la sensation avec Queen Games d’avoir affaire à une boite à fric et pas à un éditeur de jeu de société fait par et pour les joueurs.

    Je ne pledge pas, mais je trouve ça génial que des gens qui croient en leur projet puissent le proposer et le faire éditer grâce à la communauté. Mais le fait qu’un professionnel aussi solide (il suffit de voir la taille du stand à Essen…) utilise ces pratiques et les galvaudent en rendant qui plus est un produit à la qualité tout à fait discutable (je ne me suis toujours pas remis de ma règle d’amérigo), je ne cautionne pas du tout.

    Maintenant pour ce qui est de Neptun, ton article (fort bien au demeurant, merci !) ne fait que confirmer mes soupçons. Des sensations déjà éprouvés et un manque de charisme cruel… Il n’a pas l’air mauvais et j’aimerai bien l’essayer mais c’est pas assez pour moi pour déclencher l’acte d’achat.

  3. Shanouillette 12/12/2014
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    Des parties looongues & répétitives avec ce côté (dont tu parles très bien) push-your-luck sur l’obtention des contrats qui peut être super dommageables après, du coup c’est trop random pour des eurogamers, trop complexe pour une famille, trop vide de sens pour un ameritrasheur… oubliable pour moi.

  4. Alstar 12/12/2014
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    Excellente analyse de Shanouillette qui résumé le tout en une phrase.

  5. Alstar 12/12/2014
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    Merci Grovast et Eolean pour vos commentaires encourageants. C’était mon premier juste played, y’avait un peu la pression… 😉

  6. Jiba 12/12/2014
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    Article intéressant sur un jeu qui l’est moins !

    • Alstar 13/12/2014
      Répondre

      C’est déjà ça… Tout l’enjeu était de faire un article intéressant sur un jeu qui ne l’est pas… 😉

  7. Antony 12/12/2014
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    A la fin de notre trop longue première manche, on a vite rangé tout ça dans la boite pour passer à autre chose moins ennuyeux…

    • Alstar 13/12/2014
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      Ah, on est pas les seuls alors… Ça me rassure je croyais être trop dur envers le jeu…;)

  8. Zuton 12/12/2014
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    Merci pour cet article fort instructif sur un jeu dont je n’avais pas du tout entendu parlé… et pour cause, il ne semble pas au top. Le titre de l’article est bien trouvé et semble à lui seul résumer les sensations du jeu !

    En revanche, côté graphismes, je ne le trouve pas si moche que cela : j’ai déjà vu pire… pas vous ?

    Pour ce qui est de l’abus de QG pour Kickstarter : no comment car je vais aussi et encore tirer sur l’ambulance…

    @eolean : rassures-toi, tu n’es pas le seul à avoir pesté à la lecture des règles d’Amerigo truffées d’erreurs …

    • Alstar 13/12/2014
      Répondre

      C’est vrai, on a vu plus moche, mais on voit aussi souvent beaucoup mieux… Et comme je dis dans l’article, tu es plus sévère si en plus le jeu n’est pas vraiment à la hauteur… Le problème est là en fait.

  9. Simon Murat 30/12/2014
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    Héhé, au final, nous sommes d’accords et ce, bien que je n’ai pas pris la peine de jouer à Neptun. Et un jeu de plus dans l’océan ludique, un !

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