Les secrets de Mana

La semaine dernière Natosaurus nous parlait de Yoxii de Jeremy Partinico chez Cosmoludo, un jeu abstrait qui ne manque pas d’élégance et qui peut par certains côtés nous faire penser au Go (toute proportion gardée bien sur). Mana avait été édité chez Jactalea et avait disparu de la circulation, jusqu’à ce que Cosmoludo, éditeur spécialisé dans les jeux abstraits, qui fait la part belle aux créations de Claude Leroy comme Pantarei, Hokito, Gyges et tant d’autres, le remette dans une boîte.

Partons à la découverte des secrets de Mana.

 

 

La tribu de mana

Mana a connu trois éditions. Une toute première en 1988 chez Fi Du Dé, sous le nom de Escampe, puis en 2005 chez Jactalea, un éditeur spécialisé dans le jeu de société abstrait aux tirages ultra confidentiels puisqu’on pouvait les trouver uniquement sur le site de l’éditeur ou en festivals. Celle dont nous parlons est la troisième itération.

Avec son plateau en forme de damier et ses pièces noires et blanches, Mana nous évoque immédiatement les Échecs. Comme dans le jeu millénaire, pour l’emporter, il faut capturer le roi adverse, nommé ici Daïmio, à l’aide de nos pions, nos “ronins”. Contrairement aux Échecs justement, ici il n’y a que deux types de pièces, les soldats et le roi. Un ludochrono est disponible pour plus de précision.

 

 

 

Au lieu d’avoir plusieurs pièces avec plusieurs règles de déplacements, nos pions, et même notre “roi”, se déplacent en fonction de la case où ils sont positionnés. Les cases sont de trois types, un trait, deux traits, et trois traits. Un principe cher à Claude Leroy :  la trinité, Bruno Cathala nous en parlait dans une de ses vidéos. 

Ainsi si le pion est sur une case 1, il pourra faire un déplacement, dans la direction de son choix. Sur une case 3, il devra faire trois déplacements. Il aura plus de latitude, mais devra néanmoins dépenser tout son mouvement, et impossible de faire demi tour évidemment.

 

L’art né de la contrainte.

On est souvent soumis à une contrainte, c’est même une base du jeu de société. Contrainte dans le placement, le manque de ressources etc, et c’est en jouant avec celle-ci que l’on essaie de tirer les marrons du feu.  

Ici, la case où l’on va atterrir va déterminer le type de déplacement que l’adversaire va devoir jouer. Pour le dire autrement, si je termine sur une case 2, mon adversaire devra jouer une de ses pièces présentes sur une case 2. Un peu comme dans Quarto où l’on donne la pièce que l’adversaire va jouer, lui laissant la liberté de la jouer où bon lui semble.

 

 

Fais comme l’oiseau

L’oiseau Mana, une pièce neutre dorée, sert à indiquer à l’adversaire quel type de déplacement il peut effectuer. En jouant de ces contraintes et en anticipant, on va le pousser à jouer de manière à ce qu’il nous impose le déplacement que l’on souhaite. Le plateau n’est pas disposé au hasard, 1 déplacement se terminera forcément sur une case 2 ou 3, un 2 sur une case 1 ou 3, et un 3 sur une case 1 ou 2. L’oiseau Mana a deux fonctions, en plus d’indiquer le type de déplacement autorisé, il peut aussi être utilisé pour bloquer une case.

C’est d’ailleurs une légère évolution des règles depuis sa sortie, car dans l’ancienne version on déposait le Mana (une tige qui s’insérait dans un cône) sur le pion que l’on venait de jouer, il n’avait pas cette fonction de blocage. Cette petite évolution peut ajouter un peu de temps mort, le joueur réfléchissant ou placer l’oiseau pour contraindre un peu plus l’adversaire, néanmoins il ajoute un élément tactique. Pour plus de fluidité je conseille de le placer sur son pion au début, car l’oiseau n’a que peu d’impact au commencement et la partie avançant de s’en servir de blocage.

Si l’on termine sur une case avec un pion adverse, on le capture. Plus le plateau se vide et plus on a de latitudes pour mettre en échec le Daimyo adverse, Oui mais pas seulement, car un pion adverse peut revenir. Un peu comme au Shogi, ce jeu traditionnel japonais qui partage beaucoup de règles avec les Échecs.

 

la version cuir de Jactalea

 

Petit élément stratégique subtil, si votre adversaire vous contraint à un déplacement que vous ne pouvez pas réaliser, parce que vous n’avez pas de pion sur la case 2 par exemple, vous pouvez soit faire revenir un de vos pions capturés où vous souhaitez sur le plateau, soit déplacer n’importe lequel de vos pions (en respectant la case de départ tout de même). C’est en jouant de ces contraintes que l’on remporte la partie.

Dans une partie contre ma compagne, j’ai créé la situation inextricable qui fait que quoiqu’elle joue, je prenais son Daimyo, elle était échec et mat. 

 

Si blanc peut faire un déplacement de 2, il capture le roi.

 

Attention, si la comparaison avec les Échecs paraît évidente, elle a toutefois ses limites, Mana est plus tactique que stratégique, on planifie et anticipe beaucoup moins nos coups.  Il est aussi beaucoup plus vif, tout en restant cérébral. La capture des pièces adverses est un peu à double tranchant, car elles peuvent revenir sur le plateau et c’est un élément tactique à ne pas négliger, il ne faut pas oublier que le but est de prendre le roi (Daimio) et non de capturer toutes les pièces adverses.

 

Mana ne met pas en échec les joueurs.

Nous avons joué avec deux types de joueur, mon fils qui est un joueur d’Échecs, avec un petit niveau puisqu’il a remporté le tournoi de son collège cette année (mais on ne connaît pas le niveau, ni le nombre des participants), et sa sœur qui déteste jouer contre son frère, car il a acquis une certaine maîtrise et connaissance du jeu, et qu’elle n’a absolument aucune chance à moins d’étudier les coups, ou de s’entraîner dans son dos ^^.

Mana n’ayant que trois ou quatre règles, Clémentine (9 ans) a vite compris le jeu et ses finesses et elle s’avère rapidement redoutable. Elle n’est pas mise en échec par le jeu. Timothée (13 ans) regardait le jeu avec circonspection, mais a rapidement été tenté par la proposition et a vite montré sa maîtrise et sa lecture du jeu. On voit que son appétence pour les Échecs ou le Go est est un atout, il lit très facilement le damier et sait en tirer avantage.

Comme ma fille, je ne suis pas amateur d’Échecs à cause de ce trop long apprentissage, j’ai l’impression que pour être au niveau, je vais devoir lire des tonnes de bouquins m’apprenant les types d’ouvertures etc. Mana est très rapidement intégré avec ses règles simples, et pourtant il offre une belle profondeur de jeu, il n’a pas le côté intimidant. Une belle proposition qui n’a pas à rougir des années.

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2 Commentaires

  1. Meeple_Cam 14/09/2022
    Répondre

    Le titre de l’article ne serait-il pas un petit Easter egg sur une madeleine de Proust ?

    • atom 14/09/2022
      Répondre

      🙂
      en même temps je pense pas être le seul à la faire, mais c’était un peu obligé 🙂

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