Le Cartable Ludique fait rimer apprentissage et jeu
Rencontre avec les fondateurs du Cartable Ludique, une initiative qui fait rimer apprentissage et jeu
Aujourd’hui, nous partons à la découverte du Cartable Ludique, une jeune entreprise qui entend dépoussiérer la manière d’aborder les devoirs à la maison. Nous rencontrons ses fondateurs, Simon Villiot et Peggy Guettman, à l’origine de ce concept innovant : un abonnement à des jeux de société proposé aux familles par l’intermédiaire des écoles.
L’idée est simple mais ambitieuse : soutenir les apprentissages scolaires des enfants en transformant les devoirs en moments de jeu et de partage. Les établissements scolaires y trouvent aussi leur intérêt, en constituant progressivement leur propre ludothèque. De quoi aider à changer la donne dans la relation entre école, famille… et plaisir d’apprendre.
Shan : Pouvez-vous nous présenter le concept plus en détail et les origines du projet ?
Simon : Le Cartable Ludique est une offre d’abonnement de jeux de société stimulants à destination des familles, pensé pour créer des moments de partage et de complicité autour du jeu, loin des écrans. Chaque enfant abonné reçoit, à l’école, avant chaque période de vacances scolaires, un jeu de société stimulant soigneusement sélectionné. C’est pile le bon moment pour apprendre un nouveau jeu et y jouer en famille !
Peggy : Un autre aspect du Cartable Ludique, c’est de soutenir des compétences scolaires réputées “fondre” pendant les vacances. Et pour cause : puisqu’elles sont scolaires, elles sont très peu utilisées pendant les vacances. Le Cartable se propose humblement de venir en soutien des fameux devoirs de vacances qui sont pénibles, voire un bras de fer pour beaucoup, et d’en faire un moment de partage ludique, comme son nom le laisse penser !
À l’origine du projet, un petit noyau de rêveurs du monde ludique, convaincus qu’il y a beaucoup à partager par le jeu, bien au-delà de l’occupation du temps, qui souhaitaient les mettre en lumière. Dans le pot de notre idéal, nous avons versé des valeurs communes, et pourtant parfois quasiment opposées, mais toutes nécessaires à un bon temps de jeu : plaisir et effort, défi et détente, partage, force du collectif comme engagement personnel, tout cela pouvant mener à motivation et estime de soi.
Shan : Qui peut s’abonner ?
Simon : Le concept sera proposé par les écoles inscrites à la rentrée à tous les enfants. C’est donc bien aux familles que l’abonnement s’adresse. Mais l’école y trouve aussi son intérêt, elle pourra agrandir sa ludothèque gratuitement si elle réussit à avoir au moins 5 abonnés !
Peggy : Cependant, de nombreux partenaires, enseignants, ergothérapeutes, centres socioculturels, assurant l’aide aux devoirs, etc, qui participent au soutien des apprentissages, se sont montrés très enthousiastes pour abonner leurs structures.
Shan : Quels éditeurs sont concernés ? Combien de jeux avez-vous dans votre collection et comment les choisissez-vous ?
Peggy : Chaque année, 10 jeux sont choisis (2 abonnements de 5 envois) à la lumière du socle commun de compétences. Concrètement, nous nous penchons plus précisément sur une compétence réputée fragile, et nous mettons en quête de jeux qui obligent à utiliser souvent ce geste mental durant les parties. Nous sélectionnons au final un jeu pour lequel l’éditeur souhaite s’engager avec nous dans ce projet. Cette approche nous garantit une indépendance à laquelle nous tenons, tant en termes d’éditeurs que de distributeurs. Pour le moment, il y a donc 10 jeux dans la collection, et elle devrait augmenter de 10 par an !
Simon : Cette année nous avons une très belle sélection, avec notamment Odin, l’As d’Or 2025. On est très fiers qu’ils nous suivent dans ce projet.
Voici la liste des éditeurs : Atalia, Blue Orange, Cocktail Games, Flip Flap, Gigamic, Helvetiq, Oka Luda et Yaqua.
Shan : Allez-vous proposer des sélections par tranche d’âge, sur le modèle des livres jeunesse ?
Peggy : Nous allons proposer des abonnements plus larges que les livres jeunesse. Nous n’avons pour le moment que deux sélections, calées sur l’aisance de la lecture ou non. C’est-à-dire, un abonnement pour les CM2 – CM1 – CE2, et un autre pour les CE1 – CP – GS. Les exploitations prévues visent évidemment l’âge central, et nous compléterons de petits tips matériels ou de règle pour bien ajuster aux besoins et aux capacités de chaque enfant, sur le site internet. La priorité étant toujours de pouvoir jouer en confort : sans stress et sans ennui.
Shan : Pouvez vous nous parler de l’enjeu pédagogique, donner un exemple de jeu et de l’accompagnement proposé pour les professeurs ?
Simon : Le Cartable a deux ambitions fortes bien qu’il ne soit constitué “que” d’un jeu de société par envoi. Le guide permet d’accompagner les parents et les enfants tout au long de l’apprentissage du jeu. Dans un premier temps, il va permettre de simplifier leur prise en main. Ensuite, grâce à d’autres activités autour du jeu, les compétences utilisées par les enfants lors des parties sont verbalisées et exploitées afin de voir sa progression et d’être hyper valorisant.
Peggy : Pour rentrer dans les détails, nous savons le nombre de parties avortées à cause du temps d’imprégnation de la règle. La rigueur nécessaire ne la rend pas toujours facile à lire quand une fratrie d’enfants s’impatiente autour de l’adulte. C’est la raison pour laquelle le livret comprend également une approche plus narrative de la découverte du matériel de la boîte, avant de plonger dans le jeu à règles à proprement parler.
Il y a ainsi deux strates de jeu dans chaque envoi : un jeu d’imagination avec le matériel, et le jeu en lui-même, tel que son auteur l’a créé. Le Cartable Ludique se démarque des boxs de jeux ou des cahiers de vacances dans le sens où il permet de continuer à s’entraîner en dehors du temps de classe, en en ayant conscience. Il provoque un usage authentique des réflexions et savoir-faire attendus en classe que le joueur est alors capable de repérer. Ce qui peut alors être utilisé à l’école pour des temps de remédiation par exemple.
Par exemple, avec le jeu Oh mon château de Blue Orange, nous avons remarqué dans nos tests et animations que la question du repérage dans le tableau est souvent un peu difficile à appréhender. Elle est donc reprise dans la partie d’imagination pour laquelle chacun incarne un architecte du royaume qui se met en quête des matériaux nécessaires à la réalisation du château. Si dans la partie narration, il s’agit de s’imaginer récolter bois et pièces d’or, par exemple, dans la partie “règles”, il est alors repris que cette récolte (que l’on maîtrise grâce à l’histoire) et se fait au fil des lancers de dés.
En termes de transfert de savoir-faire scolaire, en revanche, Odin peut nous permettre un éclairage de classement de nombres par ordre croissant ou décroissant très courant dans les fichiers et cahier du jour des enfants. Nous proposons alors un zoom sur un instant de la partie avec une question précise. Ici, avec une main particulière qui permet une visualisation très claire, nous amenons l’enfant à bien identifier pourquoi 6743 est plus grand que 853, alors qu’il commence par un chiffre plus petit. C’est une erreur vraiment très courante, mais nos petits aventuriers ludiques pourront alors par la suite s’appuyer sur ce souvenir à chaque fois qu’ils en auront besoin à l’école.
Et puis plus particulièrement pour les enseignants, des séquences pédagogiques sont pensées pour des remédiations ou des découvertes avec le matériel du jeu. Il ne s’agira pas de séances de jeux à proprement parler mais dans un premier temps, nous étudions surtout des activités de manipulation avec le matériel des jeux. Par exemple, une séance relative est dédiée à la compréhension de la valeur de position d’un chiffre, et donc aux conversions, avec les vikings d’Odin.
Shan : Êtes-vous accompagnés d’orthopédagogues pour le choix et l’accompagnement à l’exploitation ?
Simon : Oui. D’orthopédagogues, et d’autres spécialistes de la remédiation de l’apprentissage. Notamment, nous avons dans notre équipe Peggy, notre ludologue experte en pédagogie, qui après une vingtaine d’années d’enseignement spécialisé, a choisi de se consacrer encore plus particulièrement aux leviers que permet le jeu dans les apprentissages et l’autonomie de la réflexion. Son petit truc en plus, c’est son diplôme de ludothécaire.
Peggy : J’ajouterai, à ce que dit Simon, que je ne suis pas seule pour ce travail. J’ai des soutiens et des relectrices, que je remercie vivement, du monde de l’orthopédagogie et du monde du jeu. Entre autres, je propose qu’on cite Anick Pelletier, orthopédagogue au Québec qui est très emballée par le projet, au point de nous offrir d’utiliser une partie de ses travaux de recherche.
Shan : Les abonnements commenceront pour la prochaine rentrée scolaire ? Les écoles peuvent-elles déjà engager la démarche en cette fin d’année ?
Simon : Oui ! Si tout se passe bien l’abonnement sera lancé dans les écoles et les établissements inscrits dès le mois de septembre. Nous devons en fédérer 1 500 pour que le projet puisse se concrétiser à la rentrée de 2025. C’est toujours un gros défi pour le moment, et on aurait encore besoin de quelques appuis. Tous les établissements peuvent s’inscrire, ça se fait très simplement sur notre site web.
Peggy : Quand Simon dit “simplement”, c’est vraiment, mais vraiment cela. Le nom et le mail d’un référent pour le projet, les coordonnées de l’établissement, et hop. Le groupe en est déjà plusieurs centaines, c’est le moment où jamais de venir grossir encore les rangs. On compte sur vous !
Shan : Merci et bonne continuation !
Doc.Fusion il y a 17 jours
Merci pour cette information très pertinente.
Et je suis particulièrement heureux de constater que ma curation est efficace puisque je dispose déjà des jeux sélectionnés par Le cartable ludique ! 🙂
Conan le berbère il y a 15 jours
Pas sûr de valider le terme d’orthopédagogie qui si j’ai bien compris différencie remédiation et apprentissage, et donc risque de fixer chez certains l’idée que l’erreur n’est pas un chemin d’apprentissage, mais l’initiative a l’air sympa, si on évite les anglicismes inutiles: un tip c’est une astuce, un conseil, pas besoin de rajouter un terme supplémentaire.
La règle peut également dans les classes, à partir de 9-10 ans je dirais, faire l’objet d’un projet de compte-rendu de lecture: expliquer à ses camarades une règle, c’est devoir maîtriser l’écrit et l’oral, et notamment, en cycle 2 l’implicite et les pronoms anaphoriques. Donc on peut contourner le côté difficulté de gestion du temps d’imprégnation.