Interview illustrateur : Djib

Chose promise, chose due ! Je vous avais parlé de la Nuit du Grand Poulpe, je vous avais dit qu’il y aura une interview du monsieur doué qui était aux pinceaux, et c’était sans savoir que nous étions presque voisins ! Et bien nous y sommes.

Rencontre avec le sympathique, le talentueux et le prolifique Jean-Baptiste « Djib » Reynaud.

A geek was born

Bonjour Djib,
Peux tu nous dire comment tu es devenu illustrateur de jeux ? Quel est ton parcours ?

Bonjour Shanouillette !
Alors…il va falloir que je commence par la fameuse et très classique phrase : « Tout petit déjà, je dessinais beaucoup »… Je suis né peu de temps après la sortie au cinéma de l’épisode 4 de Star Wars, en 1977, et naturellement, j’ai été très tôt attiré par tous les univers fantastiques que proposaient par exemple les programmes jeunesse de l’époque à la télé : Fraggle Rock, Cobra, les Cosmocats, etc… Voilà, ça, c’est pour situer rapidement le contexte, la naissance d’influences « geek » d’enfance.

Ado, chez mon librairie de petite ville de 20 000 habitants, je suis tombé sur le premier numéro de White Dwarf, consacré aux figurines Games Worshop : les orks, les space marines, les tyrannides,… tout ça m’a très vite parlé, même si je ne comprenais rien aux règles de ce genre de jeu, même si je ne connaissais personne avec qui partager ce monde.

Pendant toutes mes années lycée, j’ai alors énormément recopié les illustrations de ce magazine, inventé mes propres personnages, commencé à développer mes propres BD.

L’ouverture au jeu de rôle

Et puis, en 1995, Bac L en poche, gros choc lors de ma venue à Lyon pour débuter mes études de dessin à l’école Emile Cohl : je rencontrais tout un tas de gens (pour la plupart, aujourd’hui, mes meilleurs amis) qui se disaient rôlistes… Enfin des gens avec qui partager tous ces univers qui m’appelaient depuis tout gosse et qui m’ouvraient désormais les bras ! :)

J’ai commencé ma « carrière » de rôliste avec une partie de Stormbringer ( je n’avais jusqu’à présent jamais entendu parler d’Elric, ni de son auteur), puis Shadowrun ( 2ème édition !), Kult,…Des moments forts, inoubliables, qui ont forgé mon imaginaire et qui continuent encore d’alimenter mon travail. Chaque personnage créé m’inspirait un dessin, une histoire à développer en illustration, en BD,… Je dessinais évidemment aussi les personnages des copains, entre deux travaux à rendre pour l’école, bien sûr : les études avant tout :)

Concept artist

Et après tes études ?

Et bien après avoir terminé mes études en 1999, j’ai fais un passage obligé sous les drapeaux, chez les Chasseurs Alpins. Les joies de la montagne en plein hiver…où j’ai tout de même pas mal dessiné aussi. Puis, fin 2000, j’ai intégré un studio de jeux vidéos à Lyon, Eden Games, en tant que concept artist sur un jeu de fantasy (Kya : Dark Lineage, sorti sur PS2 en 2003). Le secteur était en plein boom à l’époque, les formations spécialisées dans ce domaine n’existaient quasiment pas en France : on pouvait encore y entrer en tant que graphiste avec « juste » un bon portfolio dessin. Les jeux vidéos et les univers développés m’attiraient évidemment beaucoup, c’était une suite logique à mes aspirations, et aussi, pour être tout à fait franc, je cherchais un travail me permettant de rembourser au plus vite l’emprunt que j’avais fait pour pouvoir me payer mes 4 années d’études.

Tombé dans le chaudron

Tu es resté combien de temps là-bas ?

Je suis resté 7 ans dans ce studio avant de voler de mes propres ailes en tant qu’illustrateur freelance. Entre temps, j’avais appris la 3D sur le tas, et j’ai commencé quelques travaux d’illustrations en parallèle pour Black Book Editions, avec Pavillon Noir, et pour Asmodee, avec la 3ème saison de COPS et le livre de règles du jeu de figurines Hell Dorado.

En 2007 donc, grand saut dans le vide : j’ai continué à travailler pour Black Book Editions en diversifiant les univers (Polaris, Chroniques Oubliées, Shadowrun), mais aussi pour Play Factory, avec le magazine Dragon Rouge pendant quelques numéros.

A partir de 2008, et jusqu’en 2011, j’ai régulièrement collaboré sur feu-le magazine « Chaudron Magique », chez Milan Presse : un mag’ vraiment génial que j’aurais rêvé découvrir étant gosse. et qui traitait de tous les univers fantastiques, sous tout supports, et parlant à toutes les générations. Là aussi, cette collaboration sans accroc, avec notamment Igor Davin ( qui depuis a fondé ID&AL Editions : Burdigala, Kahmaté,… ), a été hyper formatrice : du pain béni pour dessinateur ! D’ailleurs, Miguel Coimbra, Vincent Dutrait, Christophe Swal,… ont aussi collaboré sur le Chaudron.

Ultimate dessinator

Mais je restais encore globalement « dans » le jeu de rôle, gravitant autour du secteur un peu plus « grand public » du jeu de société…

C’est en 2010 que Guillaume Blossier (Labo Ludik, The Adventurers, Wordz, Rush and Crush,…) est venu me chercher pour illustrer mon premier jeu : Ultimate Warriorz. Et là aussi, la collaboration fut parfaite ! :)

Guillaume est quelqu’un de très exigeant, très précis ( ce qui me convient très bien ) et qui m’a laissé aussi une bonne latitude d’intervention, d’avis sur son jeu, ses mécaniques. Certaines de mes illustrations lui ont parfois donné des pistes pour des modifications de règles, des ajouts de matériel, etc… Bref, c’était très agréable pour un dessinateur d’être un peu impliqué dans ce processus et de ne pas être « juste » la petite main qui fait les dessins : je suis très reconnaissant à Guillaume pour tout cela. Personnellement, étant joueur lorsque j’ai le temps, j’aime connaitre les règles des jeux sur lesquels je collabore. Cela permet d’aller encore plus loin, de toucher plus juste quand il s’agit par exemple de réaliser la couverture, et de transmettre alors au futur joueur/acheteur, l’ambiance du jeu, voir son gameplay, et ce, de la manière la plus efficace possible.

Bravo pour les illustrations d’Ultimate, elles sont très vivantes et en effet très adaptées aux personnages ! A chaque fois qu’on sort le jeu, c’est un plaisir…

Merci !… Oui, le jeu est sorti fin 2011, a reçu de très bonnes critiques, tous les exemplaires imprimés ont été vendus, et des gens continuent encore aujourd’hui à nous dire tout le bien qu’ils pensent de ce jeu familial et fun.

Qu’est-ce qu’il s’est passé après ça?

Par la suite, j’ai beaucoup travaillé pour Péoléo et leur jeu de cartes en réalité augmentée Drakerz ; là aussi, un vrai plaisir que de bosser sur cet univers original, de participer à sa genèse.
Et donc, début 2013, Antoine Davrou, le boss de Superlude m’a contacté ; on a pas mal discuté, on s’est reconnu sur beaucoup d’univers communs, et ça a donné…la Nuit du Grand Poulpe !

Du poulpe frais s’il vous plait

Bravo également pour ton travail sur la nuit du grand poulpe.
Cela n’a pas du être facile de faire quelque chose d’à la fois punchy et … « cthulien ».
Quelles étaient tes contraintes ?

Merci !
Le Grand Poulpe est tombé à pic : je cherchais à diversifier mes univers (le med-fan reste quand même une des valeurs les plus sûres dans le secteur :) ), et à changer un peu de techniques de dessin.

C’est Igor Polouchine, d’Origames, mon directeur artistique sur ce projet, qui m’a proposé de travailler en « full numérique », sans mon habituel cerné « BD ». Et ça m’a fait le plus grand bien !

L’idée d’Antoine et d’Igor était de faire du « Cthulhu frais », avec une palette de couleurs attrayantes, un côté fun et loufoque, tout en gardant le côté « horreur gothique » des univers associés au Grand Ancien. En gros, garder un certain respect à la référence de base, mais en version toon/familial, accessible. Tout cela m’allait parfaitement ; le défi m’a tout de suite botté !

Etais-tu un fan de Cthulhu ?

A part quelques parties d’Horreur à Arkham, de Demeures de l’épouvante, et lu quelques nouvelles de Dagon, je n’avais pas une grande connaissance de l’univers de Lovecraft. Bien sûr, en tant que rôliste, je connaissais toute l’imagerie qui tournait autour, mais je n’avais par exemple jamais lu les nouvelles clés de l’auteur, ni joué à une seule partie de JDR de l’Appel de Cthulhu.

Je me suis donc pas mal documenté, en écoutant notamment des créations radiophoniques sur France Cthulhture (avec dialogues, bruitages, musiques,…) des « Ombres d’Innsmouth » et de « la couleur venue du ciel », histoire de me mettre dans l’ambiance.

La démarche poulpique 

Peux-tu nous parler des différentes étapes ?

Je me suis tout d’abord fait la main sur les composantes à récupérer dans le jeu : comme un échauffement, ça m’a permis de rentrer dans l’univers du projet, et chercher le style recherché, le ton demandé. Pour ces objets, j’ai tâché de placer un motif de tentacule, ou de référence à Lovecraft, dans chaque visuel, histoire de garder une cohérence dans la thématique « poulpique »… « Poulpesque » ?! 

La couverture, elle, a été un plus gros travail. Mais pour être honnête, Igor Polouchine m’a un peu mâché le travail en me soumettant un premier croquis pour la compo générale : on y retrouvait les cultistes qui se bagarrent au centre, le cultiste de premier plan, l’équilibriste sur sa tentacule, et le Grand Poulpe surplombant le tout. J’ai repris tout ça à ma sauce, poussant les designs des différents protagonistes et proposant la palette colorée finale.

Le souci de la lisibilité, de l’efficacité d’une couverture, d’une illustration, de quelque chose qui se lit vite et qui doit être percutant, est une préoccupation qu’on nous a enseigné assez tôt dans ma formation. Devant l’avalanche de nouveautés, il faut pouvoir arriver à accrocher le regard rapidement, pour que l’acheteur/joueur potentiel puisse aller plus loin en se renseignant sur les règles par exemple, savoir si le jeu est fait pour lui, etc…

Zoom sur les détails

Est venu ensuite le vrai gros morceau du matériel a fournir : le plateau de jeu. Je n’en avais jamais réalisé de si grand et de si complexe jusqu’à présent : l’arène d’Ultimate Warriorz était assez simple, composée essentiellement d’un travail de textures de pierres, de sable. Là, je devais faire tenir 6 lieux bien distincts dans ce cercle en respectant les différentes connections, tout en donnant un côté bizarre à toute l’architecture, avec des escaliers tordus, des points de fuite peu logiques,…
Et comme je n’ai pas pu m’empêcher de truffer le plateau d’un tas de clins d’œil, de références geeks, de détails qui apportent un peu de vie,… et bien tout cela m’a pris un certain temps à organiser, en jonglant entre les éléments foisonnants et la lisibilité. Je voulais que les joueurs découvrent de nouvelles p’tites choses à chaque partie, que chaque joueur, quelle que soit sa place autour du plateau, ait un lieu, une partie d’un lieu ou de plusieurs bien orientés dans sa direction. Qu’ils en aient pour leur argent, quoi ! :) J’espère avoir un peu réussi… J’ai ensuite travaillé les boussoles, les lieux extérieurs puis les pions, dont une version plus « ado » des rejetons, une version plus menaçante que mon « Squidy » de la couv’, tellement meuugnon :)

Euphoria et grand Vomitron

As-tu des projets ?

Oui, en effet ; je surfe sur une bonne vague en ce moment :) Je travaille actuellement sur un projet de jeu fantasy pour Euphoria Games (Titanium Wars), dont certains visuels sont montrés sur la page FB de l’éditeur (ou sur la mienne). Je retourne donc sur du med-fan, mais avec un côté très fun, tout en gardant et poussant la même technique employée sur « le Poulpe ». Et je m’éclate encore bien !
Je reçois aussi d’autres propositions de jeu pour la suite, mais c’est encore bien tôt pour en parler :)
Et puis, entre deux jeux, je tâche de faire avancer un projet de BD qui me tient très à cœur, « Cloaca Maxima » chez l’éditeur bordelais Akileos : l’histoire de trois petits monstres, trois frères, perdus au fin fond des égouts, et qui vénèrent une divinité qu’ils nomment le Grand Vomitron. A suivre…

Spéciale kassdédi

Seras-tu à Cannes pour quelques dédicaces ?

Et oui ! Je vais arriver en véritable « noob de Cannes », du samedi midi au dimanche soir, pour dédicacer les boîtes disponibles en avant-première de la Nuit du Grand Poulpe sur le stand Superlude. Pour dédicacer, mais aussi pour discuter (et pourquoi pas jouer aussi un peu) avec toutes les personnes qui voudront bien venir :)

Et …

Un dernier mot à ajouter ?

Un très grand merci à toi de m’avoir accordé cet espace sur votre site !!

The honor is mine ! Reviens quand tu veux…!

 
LUDOVOX est un site indépendant !

Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :

Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :

acheter la nuit du grand poulpe sur espritjeu

Laisser un commentaire