Demeter : Matrice Ludique

Qui n’a pas joué au Yahtzee dans sa tendre enfance ? Et oui, le roll and write dont nous avons de cesse de parler ces deux dernières années est en réalité un genre qui remonte aux années 50, mais il a véritablement explosé en 2018 avec la sortie de Welcome to de Benoît Turpin. Tous les éditeurs ou presque se sont mis à en proposer avec plus ou moins de réussite. Faut dire que le genre a plus d’un atout pour séduire. Déjà, le côté papier-crayon, et cette sensation charmante de pouvoir laisser sa trace. Welcome l’a bien compris puisque l’on peut personnaliser sa ville en la nommant. Enfants et parents aiment cette impression de construire quelque chose. Et puis la simultanéité aussi n’est pas étrangère à ce succès : pas de temps mort puisque tout le monde joue son action en même temps (comme en son temps le draft de 7 Wonders). 

Mais personnellement, je suis assez peu réceptif à cette mécanique : en général, je trouve ça assez froid. Cela dit, j’avais beaucoup apprécié la fraîcheur de l’expérience de Welcome to, un titre idéal pour jouer en famille, d’autant plus qu’il offre un thème bien intégré et une profondeur tout de même conséquente. La même année, Très futé (Wolfgang Warsch) caracolait au Spiel des Jahres catégorie expert, avec un gameplay beaucoup plus neuronal que la moyenne des roll & write, et ses beaux effets à la chaîne, mais trop abstrait pour moi. Demeter sera-t-il le chaînon manquant ?

 

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Demeter, planète fertile

Demeter de Matthieu Verdier prend place dans l’univers de Ganymède du même éditeur, Sorry We Are French. En résumé, le pitch est le suivant : on a déniché une planète assez semblable à notre terre. Chic ! Mais on ne débarque pas n’importe comment avec nos pataugas bien crados, non on est civilisés désormais. On y envoie donc nos meilleurs Scientifiques pour y découvrir une faune peuplée de Dinosaures (ceux qui ont disparu de notre planète bleue si lointaine désormais).
Concrètement, on va colorier nos Meeples Scientifiques et nos Observatoires pour étudier les Dinosaures sur notre feuille de marque, tout cela pour marquer un maximum de points de victoire. Puisque l’on parle de points de victoire, sachez qu’en début de partie, on tire 4 objectifs au hasard, et cela va probablement diriger toute notre stratégie… #oupas.

 

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Ces 4 objectifs sont communs à tout le monde et vont nous rapporter entre 5 et 10 points chacun, donc 40 points potentiels. Mais ce n’est pas si simple ! Pour y prétendre il faudra accomplir un prérequis et nous n’avons que 12 tours pour y arriver. On retrouve ce principe des objectifs communs visibles dans des jeux comme Isle of Skye ou Marco Polo : L’avantage est de commencer à programmer sa partie dès le premier tour, de tout de suite se projeter dans le jeu.

 

Demeter, planète accueillante

Nous avons tous une feuille qui représente notre planète.
À nous de choisir comment on va la peupler. Ça manque de dino sur votre planète de dino ? Coloriez-en si ça vous fait plaisir ! Mais attention, c’est pas cela qui rapporte des points… Ou pas seulement…

 

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La feuille représente donc votre planète avec des régions (zones) différentes : celle des diplodocus, des tricératops, etc. Chacune comprend des Meeples Scientifiques et des Observatoires. Elle représente les éléments que l’on va pouvoir griser (ou colorier si vous aimez les couleurs) en fonction des cartes que l’on choisira, et bien entendu, chaque élément aura son importance en fonction de la stratégie que l’on souhaite mener.

Tous en même temps, nous allons d’abord choisir une carte parmi 5 piles de cartes différenciées. On colorie alors tout simplement l’élément du type de cartes choisi : des Scientifiques, des Laboratoires, ou encore des cases de la piste scientifique, etc.

 

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Ensuite, on va cocher la case correspondant à la couleur de la carte sur notre feuille et réaliser un deuxième effet : celui là est lié simplement à la couleur de la carte que l’on aura choisie. Si j’ai joué la carte bleue alors je vais pouvoir cocher un Meeple n’importe où sur ma feuille (ou presque). Mais ce n’est pas tout : à la prochaine carte bleue que je jouerai, je ferai cette action là deux fois. À la troisième, trois fois, etc. Cela vous dit quelque chose ? Ce système est hérité de Ganymède qui lui-même s’est inspiré de Deus de Sébastien Dujardin (point culture appelé aussi point confiture ^^).

 

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Explosif et réaction en chaîne

Ce système-là permet de programmer de jolies combinaisons en chaîne. Attention, il se heurte aussi aux contraintes du jeu : on peut colorier un Meeple n’importe où sur sa feuille mais, quelle que soit la zone choisie, on devra le faire sur la case la plus à gauche. Par exemple, cela implique d’avoir d’abord noircit la case de l’Observatoire. Et oui il faut construire l’observatoire avant d’installer des scientifiques ! Dit avec un peu de thème, c’est pas de refus après tout.               

Mais ce qui est jouissif, c’est qu’en grisant certaines cases on peut aussi réaliser des belles combos – ou actions gratuites – et parfois cela déclenche encore d’autres effets, comme la construction d’un bâtiment, le grisage/coloriage d’une autre partie de dinosaures, etc.

 

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Ainsi, en ayant colorié le 3e diplodocus et ayant tracé les deux traits, je découvre deux nouveaux dinosaures.

 

Les bâtiments aussi offrent des bonus sympathiques, puisqu’une fois construits, on aura un petit bonus. Par exemple le centre de recherche nous permet de monter d’une case de plus sur la piste de science quand on jouera un symbole science. Etant donné que c’est comme cela que l’on pourra prétendre aux décomptes des objectifs il serait intéressant de partir dans cette voie. Mais chaque bâtiment à son intérêt et tout dépendra de la stratégie que vous avez mis en place.

 

2020-05-13

 

 

Liberté chérie !

On n’est pas coincé dans un carcan : si on va jouer sur telle piste de recherche lors de la première partie, on réalisera ensuite que l’on a d’autres moyens pour arriver à nos fins. Et puis a-t-on besoin d’aller sur tous les objectifs ? Non, d’autant qu’on n’a que 12 tours ! D’ailleurs, j’ai par exemple déjà réussi à faire un score honorable sans m’intéresser aux objectifs du tout. C’est nous qui choisissons notre voie, nos scorings et il faudra bien se casser la tête pour optimiser chaque coup. Attention d’ailleurs à pas se laisser griser par cette liberté car on risque la dispersion.

 

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En fin de partie, on marquera des points selon plusieurs critères, une bonne salade de points de dinosaures ! En général je trouve les salades de points un peu indigestes, mais ici ça passe plutôt bien car cela s’intègre dès notre stratégie de départ d’une part et c’est aussi ce qui donne une bonne profondeur au jeu d’autre part.

La mécanique de sélection est intéressante : chaque pile propose des choix difficiles à arbitrer. Ce qui fait un bon jeu c’est la sensation de dilemme. Je déteste quand un jeu me propose plusieurs choix mais qu’il y a en un qui semble évident. Ici ce n’est jamais le cas, sauf peut-être le dernier coup qui parfois entérine (de dinosaures) une stratégie.

 

La riche Demeter

Lors de ma première partie je me suis retrouvé perdu devant cette feuille : des dinosaures partout, des meeples, des barres à colorier… Je me souviens avoir pensé que c’était quand même sacrément fouillis avec toutes ces couleurs. Pourtant, une fois que l’on a terminé une partie, tout devient évident, les zones sont clairement délimitées, l’iconographie devient logique… mais il faut bien ça pour l’apprivoiser.

De la même façon, si on ne sait pas trop vers quelle direction stratégique on va tendre la première fois, le jeu s’appréhende mieux les sessions suivantes. Les voies à suivre ainsi que les moyens pour les mettre en œuvre deviennent nettement plus limpides. 

 

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J’ai découvert Demeter sur le stand de l’éditeur à Cannes et j’avais beaucoup apprécié, mais quelques questions restaient en suspens. Quid de la rejouabilité ? Quid de l’interaction ? Celle-ci est limitée, comme dans beaucoup de jeux du genre, c’est indéniable. De toute façon, quand la boite indique de 1 à 50 joueurs c’est que l’interaction sera probablement présente par petite touche, et c’est le cas ici : le premier qui aura colorié tous les dinosaures d’un même type marquera les points maximum, les autres pourront le faire mais ce sera minoré de deux points. Mais mine de rien, on se surveille un peu en coin. 

Concernant la rejouabilité, il faut savoir que nous avons 15 cartes de chaque type et que nous jouons qu’avec 12 d’entre elles à chaque partie. En fonction des objectifs, de l’ordre des cartes, on ne jouera pas de la même façon. Et une partie dure 15 à 20 minutes chronomètre en main. Je me surprends d’ailleurs à y jouer en solo régulièrement alors que je ne suis pas friand de ce mode de jeu. Ici la mise en place est rapide et pousse à recommencer pour s’améliorer.

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Quand c’est ma fille qui colorie, c’est quand même plus joli^^

 

Welcome to était un excellent jeu pour jouer en famille mais je dois avouer qu’entre joueurs confirmés, il me manque quelque chose. Demeter s’adresse plutôt aux joueurs plus habitués, on n’a que 12 tours pour optimiser et apprécier les combos en chaîne. Il est beaucoup plus nerveux et explosif. Pas de temps mort et du dilemme permanent, de la frustration en juste dose, celle où l’on se rend compte qu’il nous a manqué une action pour finir en apothéose.  Une mécanique pure et combinatoire avec une bonne profondeur et une envie de rejouer pour essayer d’autres stratégies, tout en restant accessible malgré tout. Bref, vous l’avez compris, moi je retourne de suite griser des cases sur ma planète… 

 

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2 Commentaires

  1. Liou 13/05/2020
    Répondre

    Je déteste quand atom écrit un article sur un jeu 🙁 il me fait dépenser des sous avec ses explications et son analyse. Bref, Demeter précommandé! Pas merci atom!

     

    (mais bravo pour ce super boulot, toujours un plaisir à lire ces articles)

  2. Lt_Remus 13/05/2020
    Répondre

    Précommandé hier! 🙂

    Visiblement je ne le regretterai pas!

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