Block and Key : des constructions en perspective

Que ne ferait-on pas par amour ! Passez une soirée devant Twilight, assistez à un spectacle du Cirque du Soleil sans switch, jouez à un jeu de placement. Parce que les jeux de placement ce n’est pas mon dada, cela me fait ploper le cerveau, j’ai l’impression d’être face à plus de choix que sur le catalogue Netflix. Par amour, j’ai tout de même accepté de jouer à Block and Key, et moralité…

Petit mais costaud

Au moins la boîte ne prend pas beaucoup de place dans les étagères, pourtant elle pèse son pesant de cacahuètes. Et vu les images du jeu, je me demande comment tout cela tient dedans. Aurait-il utilisé la même technologie que le Tardis ? Pourtant une fois déballé, tout est là. Premier coup de génie, ce sont le couvercle et la base de la boite de jeux qui servent de plateaux de jeu. En quelques secondes, la structure centrale en 3D est montée, les blocks, plutôt massifs, sont rangés dans un sac de très belle facture.

 

Un plateau original

 

La notice est intrigante : la première de couverture se déplie pour dévoiler, côté gauche de votre notice, les exemples qui viendront illustrer les points de règles. Vu que différentes langues sont présentes dans le manuel, ce système malin est à la fois écolo et économique, vu qu’il permet de réduire de quelques pages le manuel, et s’avère efficace dans la lecture des règles (une fois que j’ai compris comment cela marchait ^^). D’ailleurs, la mise en page des règles est très dynamique, avec des fléchages et des illustrations, et même des QR codes vers des vidéos d’explication. J’aime les éditeurs qui prennent des risques, sortent des sentiers battus, et finalement le manuel m’a donné envie d’essayer ce titre en espérant quelques autres belles surprises.

 

Un manuel qui ne suit pas les règles du genre

 

Une fois la mise en place effectuée, l’envie d’y jouer est encore plus présente. Les blocs sont assez massifs, ce qui permet de bien les manipuler, et assure une bonne stabilité des constructions pendant la partie. Ce grand plateau central sur deux étages en impose ! Derrière une apparente fragilité, il est très stable, gage une nouvelle fois que l’éditeur a très bien fait son boulot. A-t-il une réelle utilité in game, ou telle la figurine géante d’un projet sur kickstarter est-ce seulement un bel appât à joueurs ?

 

Briquer Briquer Briquer

Les règles du jeu sont très simples : à son tour un joueur va soit prendre des briques dans le marché (l’étage inférieur de la structure 3D), soit poser une brique sur l’étage supérieure. Les règles de pose imposent :

  • Soit de coller la brique angle à angle avec une pièce déjà posée.
  • Soit de coller votre brique A face à face à une brique B déjà posée, à condition que A soit plus haute que B.
  • Soit poser des pièces sur d’autres pièces avec une hauteur maximum de 6 faces (et oui ce n’est pas Meeple Circus), et rien qui débordent dans le vide.

 

Le marché couvert

Une fois la pièce posée, le joueur vérifie s’il a réussi une clé. Les clés sont des cartes objectifs qui représentent des motifs en 2D, et c’est là que tout est question de perspective. Le fait d’avoir une structure support n’est pas anodin, cela permet de mettre l’étage supérieur à hauteur des yeux des joueurs, sachant que chaque participant va jouer avec son côté du plateau de jeu. Si le bloc que vous venez de poser permet de retrouver le motif d’une ou plusieurs de vos clés sur un plan 2D (i.e. quelque soit la profondeur, même si les blocs ne sont pas côté à côte), ces clés sont validées, et vous pouvez en piocher de nouvelles (soleil pour les noobs, lune pour les adeptes d’Esher). Posez de la 3D pour valider avec une vision en 2D, n’est pas un exercice aisé pour tout le monde.

 

Les clés du succès

Et c’est là que le bât blesse, ou au contraire que l’extase naît. Soit vous allez vous éclater à chercher des poses alambiquées pour valider plusieurs cartes en même temps, soit votre vision spatiale vous permettra tout juste de valider les cartes les plus simples, et vous n’allez pas forcément avoir un gros goût de reviens-y.

 

Le monde en perspective

Seul au monde

Je dois avouer que je ne me suis pas trop soucié de ce que les autres joueurs faisaient. Ce n’est pas un mal en soit parce qu’il me fallait bien le temps de jeu des trois autres pour réfléchir à mon potentiel futur coup, et finalement si la pièce jouée par un adversaire avait chamboulé mon jeu le temps de réflexion qui en aurait suivi eu pu être dommageable. Comme chacun joue avec son côté du plateau, et que les cartes clés des adversaires ne sont pas visibles, nous sommes surtout centrés sur notre partie, notre vision et finalement mon interaction avec les autres s’est limitée à me lever et admirer la maestria d’un adversaire qui vient de valider deux cartes d’une seule pièce.

 

De briques en Briques

 

D’ailleurs, le jeu propose une variante solo. Je ne l’ai pas testé mais vu les sensations en jeu et les mécaniques, je pense qu’il y a moyen de se faire de beaux challenges tout seul.

Toutefois des joueurs experts sauront peut-être plus facilement jouer du côté des adversaires, afin de venir un peu perturber leur plan tout en réalisant leur propre objectif.

 

Les points qui débloquent

Bien que je salue l’innovation et la qualité globale de l’édition, certaines bonnes idées mériteraient à l’avenir une meilleure réalisation.

Les règles sont rappelées sur le plateau de jeu façon hiéroglyphes. D’un côté j’ai adoré ce design qui intègre directement dans la ligne artistique du plateau l’aide de jeu, d’un autre côté, elle manque de contraste et de lisibilité à mes yeux (ce n’est pas bien grave, les actions réalisables ne sont pas non plus super compliquées à retenir).

 

Professeur, nous sommes tombé sur une aide de jeu

 

Plus gênant c’est le choix des couleurs sur les blocs : autant sur les cartes clés, les couleurs sont bien tranchées et associées à un motif de fond qui donne une excellente clarté, autant sur les blocs 3D ne figure pas le motif de fond, et les couleurs font moins tranchés. Nous avons dû ajouter une lampe de chevet près de la table pour bien distinguer les couleurs, surtout pour les blocs du marché situés sous le plateau supérieur qui cachait la lumière du luminaire. À noter toutefois que nous y avons rejoué dans une pièce mieux éclairée (une salle de réunion), et que le problème ne s’est pas posé.

Pour ce qui concerne l’âge sur la boîte (8+) je suis dubitatif. J’ai testé avec mon fils de 7 ans, qui a l’habitude d’écouter des règles, et niveau règle pas de souci. Par contre pour la perception spatiale, c’est un exercice très difficile d’anticiper le rendu 2D après avoir posé une pièce dans une structure en 3D. Visuellement il arrive à valider une carte clé, mais planifier la pause de la pièce qui permettra de créer l’agencement désiré n’est pas encore à sa portée. Vu la forme des pièces et les règles pour les poser, il est quasi impossible de simplement les empiler. C’est d’ailleurs ce qui fait le charme du jeu et le démarque des concurrents : être obliger de jouer en profondeur pour obtenir le bon rendu 2D. 

Si vous voulez vous faire un avis concernant d’autres jeux sur la construction 3D, il y a La Bocca récemment réédité sous le nom Recto Verso (on vous en parle ici), ou encore le jeu de déduction Break the cube (là).

 

Une question de point de vue

Je ne vais pas me précipiter pour rejouer à Block and Key. Tout simplement parce que je n’ai pas éprouvé un grand plaisir à poser mes blocs pour réaliser mes clés. Mais c’est une sensation toute personnelle. L’idée est plutôt originale, l’édition de belle facture, et d’autres joueurs autour de la table ont apprécié de se creuser les méninges pour trouver le meilleur agencement possible, d’autant que les règles sont très accessibles. Je l’ai d’ailleurs fait tester à d’autres joueurs qui ont beaucoup aimé leur partie.

Faut reconnaître qu’il mobilise pas mal de ressources cognitives. D’abord la perspective 3D / 2D, mais les grands joueurs planifieront également les coups à venir pour optimiser leur placement et valider plusieurs cartes en un seul coup, clé du succès.

Si vous êtes fan d’Esher et que vous dormez en jouant à Tetris, ce jeu devrait vous ravir. Dans le cas contraire je vous conseille de l’essayer car il mérite le détour. À voir si vous serez à bloc !

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