Andor – Voyage vers le Nord, des aventures polaires !

Andor, pour ceux du fond qui ne suivaient pas, est un jeu coopératif allemand (lire notre test du jeu). Conçu et habillé par Michael Menzel, on incarnait un groupe de valeureux aventuriers prêts à sauver Andor des hordes de montres qui l’assaillaient. Ses originalités étaient contenues dans une scénarisation progressive, qui installaient le jeu peu à peu, et expliquaient les mécanismes un à un. Sa première extension, la légende de Gardétoile, renouvelait le jeu et corsait la difficulté avec un scénario aléatoire très ardu (notre article ici).

Voyage vers le Nord est une extension plus trapue, au poids similaire à la boîte de base !

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Matériel

Point matériel indispensable ! Cette extension n’est pas un stand-alone, mais demandera un peu de la boîte de base. Personnages, objets, quelques Gors (gobelins). VVLN apporte un nouveau plateau double-face, une palanquée de nouveaux monstres marins, des objets spéciaux, et un nouveau personnage, le Guerrier des îles embrumées. Celui-ci viendra remplacer le nain, dont la stratégie de base était pauvre et répétitive. De plus, ce VVLN étant centré sur le voyage en équipe, on a du mal à vouloir du nain, plutôt solitaire. C’est une bonne chose qu’il tire sa révérence !

Nous disposons aussi d’un joli navire en bois, et d’un panneau pour l’améliorer. Bien entendu, le paquet de cartes mission sera énormissime, et assorti de nombreux éléments permettant d’y jouer. En revanche, moins d’éléments en relief comme dans le jeu de base et Gardétoile.

Il faut noter la présence d’un livret d’introduction, avec une petite BD et une description vertigineuse du matériel. Pratique, car certains pions n’ont pas un nom très… évident. (ce n’est pas indiqué dessus, hein).

Bel effort, Kosmos s’est payé les services d’un groupe de folk pour lui faire une bande son ! Elle est téléchargeable directement sur Internet et sa durée correspond peu ou prou à celle d’une partie (70 mn). On y entendra quelques notes de musique discrètes accompagnées de bruits marins : mouettes, craquement de bois et ressac sont au rendez-vous. Agréable, sans pour autant être indispensable à une bonne expérience de jeu.

Par contre, le temps d’installation se démultiplie à chaque fois, et c’est ultra-pénible. J’ai eu l’impression de passer 30 minutes d’install’ et 20 de rangement pour 60 à 80 de partie, à chaque fois.

 

Narration

Comme Andor est un jeu à scénario, je préfère vous avertir : c’est ici que je vais spoiler. Pas que ce soit très important, hein, mais je sais qu’il y a des fous qui n’attendraient que ça pour me sauter à la gorge.

VVLN, c’est l’histoire des aventuriers qui, guidés par une vision, viennent explorer les îles embrumées pour trouver un cartographe qui seul sait où se trouve Hadria, une île septentrionale très isolée, apparemment menacée par les forces du mal. Les trois premiers scénarios prennent place dans les îles embrumées, et le quatrième sur Hadria elle-même. Eh ben… les îles embrumées se résument à plein de missions FedEx : apportez ceci à telle ville, transportez les nains dont la mine est inondée, etc. Autant dire que ça ne m’a absolument pas accroché l’œil.

Sur la face Hadria, c’est bien plus dramatique – dans le bon sens du terme ! On a le choix entre aider des mages conservateurs et d’autres plus progressistes, mais aucun des camps n’est parfait. Et ils finissent par s’unir contre le grand méchant, qui n’est autre que Varkur, le mage noir ! L’ennemi de toujours meurt, mais non sans dire qu’il est la vision responsable de ce voyage vers le Nord et de toutes ces quêtes FedEx. Et, selon ses dires, il a profité du temps libre pour saccager Andor une fois de plus.

 

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Le big boss va prendre une chiée.

 

FIN DES SPOILERS. C’est bon, vous pouvez lire sereins.

Non seulement le twist final est rageant, mais la narration perd son côté enchanteur. La gentille naïveté que l’on voyait dans Andor s’efface peu à peu pour laisser place à du texte d’ambiance pas passionnant. La narration échoue donc à créer un climat chaleureux. Du moins chez moi et mon groupe de joueurs, ça aura échoué. Le travail de Michael Menzel manque de profondeur de ce côté. C’est tellement dommage que le monde soit monté de façon si bancale, et qu’il se repose trop sur les superbes illustrations de son créateur ! L’univers graphique créé est effectivement de toute beauté. Au moins aussi enchanteur que celui d’Andor, mais tout en eaux et en neige, il fourmille moins que la contrée rurale qui entoure Chaumebourg, mais offre une unité superbe. Et les figurines sont à l’aune de tout cela !

Je regrette tellement qu’un écrivain ou scénariste plus sérieux ne se soit pas penché dessus…

 

Nouveautés

Tout d’abord, une nouvelle condition de défaite apparaît ! Le prestige du groupe devient important, et la partie est perdue si la jauge de prestige atteint zéro. Elle baisse si des monstres atteignent la terre ferme ! Notez que certains Gor feront surface directement sur terre, et déclencheront quasi automatiquement les pertes de prestige. Pour gagner du prestige, hors récompenses de scénario, il est possible d’en acquérir en tuant un monstre, comme de l’or et de la volonté.

En revanche, la piste de temps est assouplie : le scénario est toujours perdu si le narrateur atteint la case finale de la piste, mais les monstres tués ne font plus avancer le narrateur aussi vite. Il en faudra deux pour une case dans les îles embrumées et trois pour une case à Hadria. Ainsi, tuer des ennemis n’est plus pénalisant, mais tend à simplement faire avancer l’histoire. Finie la retenue artificielle ! A présent, tuer ou pas un monstre est surtout une décision de tempo et de prestige : peut-on le faire ? Y a-t-il plus urgent à faire ?

Le nouveau personnage est un marin. Un peu à la ramasse niveau combat, il tire entre deux et trois dés, mais surtout, il dispose d’un avantage lorsqu’il manipule le bateau : il peut le déplacer d’une case lorsqu’il effectue une action en mer, permettant de louvoyer entre les récifs et les côtes, fort utile pour économiser de précieuses heures.

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Un scénario sur les îles. Notez que le plateau est plus épuré, plus lisible, que celui du jeu de base. Crédits photo : BGG.

 

Le bateau fonctionne sur un mode tout à fait inédit : il se déplace selon une rose des vents, révélée à chaque nouveau tour. Une boussole permettra de jouer avec cette rose pour optimiser les déplacements ! Quelques tempêtes viennent rompre l’habitude vite prise et peuvent se parer d’un bouclier, à l’instar des événements du jeu de base. Peut-être ces tempêtes sont-elles un peu trop nombreuses : il n’est pas rare d’en essuyer deux ou trois d’affilée. Le bateau est donc une réussite, tant pour son déplacement que pour ce qu’il apporte en termes de combat et de narration.

Les monstres marins sont vraiment plus forts que les terrestres, mais le bateau donne des avantages certains : entre la proue qui donne + 4 en force, la baliste de poupe qui permet d’additionner les dés et le fait qu’on soit a priori en groupe, il n’est pas si impossible de défaire les trolls des mers à 12 en force en début de partie.

L’équilibre entre innovation et tradition de VVLN est donc très réussi : les nouveaux mécanismes, originaux, apportent énormément de contenu au titre.

Oh, et tant qu’on en est là, l’ergonomie progresse : pour les combats en groupe, une piste permet de suivre la force totale des groupes et donc d’éviter les « alors tu as combien en force ? Non, mais sans ton dé. » Des dés blancs viendront visualiser la force des monstres marins. Ce sont des D6, identiques aux dés rouges, mais comme les monstres marins ne jettent pas le même nombre, la distinction est bienvenue.

 

Les îles embrumées

Les îles embrumées ne paraissent pas bien reluisantes, avec leur narration – disons-le franchement – trop faible pour créer un climat tendu autour de la table. Quant à la partie ludique elle-même, on constatera des à-coups de difficulté créés assez artificiellement par des objectifs rajoutés à la dernière minute ; dès qu’on les aura accomplis, dans l’urgence, il suffira de rétablir la paix de l’archipel en tuant les monstres qui n’auront pas manqué d’apparaître jusqu’à l’apparition de l’objectif suivant. On a l’impression que le bateau crée un déplacement trop rapide sur le plateau, et que celui-ci ne suffit plus à contenir le jeu. Dommage, donc !

Une fois les à-coups surmontés, le jeu est assez facile, quelque part entre les premiers scénarios d’Andor et le très ardu Gardétoile. La difficulté globale est donc rehaussée, mais pas trop.

 

Hadria

L’île d’Hadria renouvelle encore le jeu : non seulement son scénario à embranchements est répétable à l’envi, à l’instar des scénarios aléatoires d’Andor ou de Gardétoile, mais en sus, l’île se veut inhospitalière et froide. Il neigera sur toutes les cases à chaque tour, et on devra déblayer chaque case une à une, se fatiguant souvent ! Et si vous passez la nuit dehors, gare à vous ! L’hiver vous prendra de nombreux points de volonté.

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Superbe, très zen, mais aussi très hostile. Crédits photo : BGG.

 

L’hostilité polaire de l’Hadria est fort plaisante : on se sent obligé d’optimiser ses mouvements, de prendre des risques, et cela est fort bon. Je regrette en revanche les à-coups de difficulté, comme pour les îles embrumées : alors que tout allait TRÈS bien dans notre scénario, il nous a fallu nous regrouper, rejoindre l’autre bout de la carte et combattre trois fois des mini-boss (qui bien entendu remplissaient la jauge monstre-temps), en deux tours. Autant dire que c’était mission impossible sur ce coup-là. Aux deux tiers de la partie, on a désespérément cherché un portail de téléportation dans la neige, mais c’était peine perdue : tous les joueurs ont souhaité surmonter l’injustice du jeu et « tricher ». Parce que perdre sur ce pic de difficulté, juste avant le grand boss, c’était un peu triste. Après ça, le grand boss ne nous a posé aucun problème…

 

Verdict

Voyage vers le Nord est donc une réussite esthétique, mais pas forcément ludique : le jeu devient de plus en plus chronophage à installer, fait des caprices pour vous compliquer la vie, mais de façon injuste et artificielle, et la narration ne suit pas tellement. Restent les mécanismes de bateau et ceux d’Hadria, très bons, et la tonne de possibilités qu’offrent ces nouvelles cartes : si l’on veut créer ses propres aventures, ou si l’on est absolument fan d’Andor, Voyage vers le Nord est un indispensable. Sinon, le scénario sur Hadria vaut vraiment le coup, twist final excepté. C’est un peu dommage pour Andor : le jeu parvient à se renouveler, mais se crée de nouveaux écueils.

> Voyage vers le Nord

Un jeu de Michael Menzel
Illustré par Michael Menzel
Pays d’origine : Allemagne
Langue et traductions : Allemand, Anglais, Français
Date de sortie : 12/10/2014
De 2 à 4 joueurs
A partir de 10 ans
Durée d’une partie entre 70 et 110 minutes

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2 Commentaires

  1. Alexgodlex 10/01/2015
    Répondre

    Dommage de ne pas en faire un standalone je trouve

  2. Umberling 10/01/2015
    Répondre

    En fait, ça aurait fait beaucoup de règles pour un néophyte total d’Andor. Mais question matériel, c’était réalisable, c’est clair.

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