The Game, autrement appelé l’alien du Spiel

The Game, c’est quoi ?

Ben, c’est l’histoire d’un type… euh, d’un jeu. Qui n’est pas votre ami : c’est dit dans le titre. Alors, déjà, en bons critiques que nous sommes, nous levons un sourcil quant au simple titre de ce jeu : The Game, vraiment ? C’est comme appeler son chat « Matou », sa progéniture « Gamin » ou son roman « Mon livre ». Mais bon, passons cette prémisse à la noix, qui nous informe que le thème de The Game est aux abonnés absents.

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La mise en place : 10 secondes. On est loin des standards de 25 minutes imposés par Andor.

 

Dans The Game, nous avons 102 cartes : Deux 1, deux 100 et 98 cartes allant de 2 à 99. Tout simplement. Une illustration sans fioriture nous montre de quoi il retourne : un chiffre, un vague crâne de mauvais augure sur fond orange et noir. Ça m’a un peu fait penser à la salle piégée de Room 25 : pas très imaginatif, et pas très non plus très alléchant. Mais bon, soit, ça se tient. Et, il faut bien l’admettre, le tout est d’une lisibilité assez impressionnante : on ne cherche pas l’info cent sept ans, et tout se repère du premier coup d’œil, que ce soit pour les daltoniens, myopes ou presbytes. Certains diront le jeu austère. D’autres… Quant à la facture, c’est de la carte toilée tout à fait correcte, sans pour autant casser des briques. Heureusement, la boîte est transportable à l’envi.

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Passons là cette étape matérielle fort superficielle pour passer au cœur des choses : comment ça se joue.

Eh bien, je dois m’avouer assez impressionné par le peu de règles. Chaque joueur commence avec un pool de cartes en main (dépendant du nombre de joueurs) et il faudra en jouer deux par tour minimum, et finir son tour en complétant sa main à la taille initiale. La partie s’arrête quand toutes les cartes de la pioche et des mains sont jouées (victoire) ou quand un joueur est bloqué (défaite). On ne vous a pas dit que c’est du coopératif ? Ah, eh bien, maintenant, vous savez.

On joue une carte sur une des deux piles descendantes (de 99 à 2) ou ascendantes (de 2 à 99), en descendant ou montant sur la carte précédente, comme indiqué par la pile. ET C’EST TOUT. (Ou presque.) La coopération indique qu’il ne faut pas parler de valeurs, et on peut contrevenir à la règle de la descente infernale dans un seul cas : si l’on possède une carte exactement 10 unités inférieure ou supérieure à la dernière posée, on peut « remonter le temps » et, par la même, une pile, pour se rapprocher un instant de la valeur initiale.

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Ici, la pile sentait mauvais avec ce 41 de mauvais aloi, mais avec de jolis 51 et 61 en main, je remonte le temps de 20 points. Vraiment pratique et jouissif.

 

Au final, la mémoire s’avère cruciale, car il faut se souvenir si les cartes sont ou non passées dans les piles, dont seule la dernière valeur est présente.

Échec cuisant : j'oublie une partie des règles qui tiennent sur une feuille de tabac à rouler
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C’est tout de suite plus lisible. Mais vraiment illégal.

Variante fail pratiquée lors du live Ludovox spécial Essen : on laissait toutes les cartes jouées visibles, comme des boulets ! Mais c’était drôle aussi, ça nous amenait à pas mal de communication autour des valeurs déjà passées. En fait, ce n’était pas si mal, comme échec. Ça nous permettait de communiquer sur d’autres choses, et de calculer un peu. Une autre dynamique, mais c’était rigolo.

 

Jeu d’ambiance ou jeu de calcul ?

La part entre calcul et ambiance est savamment dosée, pour le coup. Chaque joueur va jouer des valeurs au mieux de ses possibilités, pour peu à peu se retrouver avec une main vraiment très très mauvaise. Et, au final, on se retrouve dans un casse-tête en forme de réussite qui n’est pas sans rappeler Hanabi dans sa forme et son format : coopératif, rapide, dépendant de sa pioche. Mais ce jeu des valeurs montantes m’a singulièrement rappelé Six Qui Prend (oh, un autre jeu allemand sans thème avec 100 cartes numérotées !), car l’espace de jeu se resserre au fur et à mesure des cartes jouées.

La tension monte très vite au fur et à mesure que les joueurs entament l’infernale ronde des tours. Et croyez-moi, la chute est dure dans The Game. Jouer des valeurs trop basses sur la pile descendante ? Que nenni, fou ! Les autres joueurs ne se priveront pas de vous adresser des remontrances dès que vous allez un peu trop loin.

Mémoire, déduction et communication sont de la partie, et, de façon surprenante, ce mélange épuré de règles fait son office, et on se prend à donner des ordres-conseils qui partagent le leadership en autant qu’il y a de joueurs. Plutôt positif qu’un coopératif n’aie pas cet effet dictateur du plus expérimenté… Après, pas dit que ça ne puisse pas arriver. Un joueur plus chevronné pourra effectivement mener la partie de façon beaucoup plus active, mais comme on n’a pas le droit de parler de valeurs, le débat sera coupé assez rapidement. Mais on voudra réserver des piles pour remonter quand on aura pile la dizaine qu’il faut…

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Une réussite (ou un échec retentissant), certes, mais lisible et bien orchestré.

 

Au final, cette histoire de valeurs cachées calme bien son monde. Impossible d’optimiser quoi que ce soit dans ces conditions, et de remonter quand il le faut : délais trop longs, colonnes manquées, rien n’est facile dans the Game. Peut-être faut-il tenter des approches alternatives, comme une colonne paire et une impaire dans chaque catégorie ? En tout cas, la pioche a beau être déterminante dans la réussite de la partie, il n’en existe pas moins une courbe d’apprentissage, mélange de mémoire, probabilité et communication assez particulier.

 

The Game sortira-t-il le grand jeu au Spiel ? (combo x3)

Je pense que récompenser The Game serait un peu comme donner une seconde récompense à Hanabi. Trop similaire. De plus, il est trop faible thématiquement, mais aussi trop peu… sexy. Et puis commercialement, c’est un plan un peu moyen : potentiel d’extensions au plus faible, pas de goodies possibles, zéro présence en boutique en face d’un Minivilles so kawaii ou d’un Colt Express qui vous vend du rêve avec sa 3D. Bon, après, il est thématiquement interchangeable avec n’importe quelle licence (on peut imaginer des The Game Star wars ou des The Game Princess Disney et compagnie) et le style coopératif sait séduire le public visé par le Spiel (la famille allemande). 

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Deux illustrateurs/graphistes ont planché sur ce jeu. Impressionnant. Et plus gothique que Dark Gothic. Surtout sur ma table noire.

 

Bilan

L’heure est sombre. Je ne comprenais absolument pas cette sélection au Spiel. Contre toute attente, c’est pas si mal. Je comprends un peu mieux : ça correspond mieux au public allemand que les autres sélectionnés, mais The Game n’est pas à la hauteur à mon sens. Bien qu’il tire son épingle du jeu, il ne me semble pas mériter tous ces honneurs. Est-ce peut-être un manque dans le jeu familial allemand cette année ? Un retour à l’abstrait ?

En tout cas, en soit, ce n’est pas si mal réussi. Et malgré les a priori que j’entretenais à la vue de la boîte, de la prémisse inexistante et des principes de jeu à base de réussite ultrasimples, je dois admettre un certain charme à The Game. Limite, c’en serait attrayant. J’ai bien envie de m’en faire une ou deux parties de plus. Pas des caisses, hein, juste quelques-unes, histoire d’en faire le tour.

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Fiche de The Game: Spiel…so lange du kannst! (The Game : le jeu n’est pas votre ami !)

Un jeu de Steffen Benndorf
Illustré par Oliver Freudenreich, Sandra Freudenreich
Edité par Nürnberger-Spielkarten-Verlag
Pays d’origine : Allemagne
Langue et traductions : Allemand
Date de sortie : 02/2015
De 1 à 5 joueurs
A partir de 8 ans
Durée moyenne d’une partie : 20 minutes

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7 Commentaires

  1. Strix 03/07/2015
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    Puis en plus on n’a pas gagné

  2. Shanouillette 03/07/2015
    Répondre

    Ouais je pense quand même qu’en voyant toutes les cartes c’est pas la même ! :p au début tu te souviens bien mais quand t’as 50 cartes posées vas-y pour te rappeler si le 38 ou le 39 est déjà passé. La mémoire joue un rôle clef, et la mémoire c’est pas mon truc. Colt express est tellement plus fun ! Et Minivilles plus sexy ! Non mais regardez moi ces têtes de mort, comment ça peut avoir le spiel avec un packaging pareil ?

    • Umberling 03/07/2015
      Répondre

      Ah bah pour nous Colt Express a vachement plus de chances de gagner, hein. Résultat lundi de toute façon. ^^

      • Fendoel 04/07/2015
        Répondre

        Clair que Colt Express est clairement bcp (bcp bcp) plus fun !

    • atom 03/07/2015
      Répondre

      Parce que c’est un jury allemand ? (je suis déjà sorti avec mes préjugés).

  3. TheGoodTheBadAndTheMeeple 04/07/2015
    Répondre

    Tout cela ne veut rien dire, tu peux avoir une excellent jeu de petit calibre comme Non merci ou Take 5 ! Qui sont aussi bon qu’un Colt Experess !

    Comme tout prix on compare ici des choux et des carottes 🙂

    Tant que c’est pas miniville ça me va. Déconnez pas les gars !

    Celui ci en tout cas me tente car je suis friand de ces petits jeux de cartes malins …

  4. Olfenw 05/07/2015
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    Je trouve The Game plutôt pas mal dans son genre et … plutôt dangereux dans l’attribution du Spiel (vous savez, cet ancien prix international qui récompense des jeux allemands …). J’espère aussi que cela sera Colt Express mais j’ai un petit doute. Wait and see…

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