The Faceless montre le bout de son non-nez

Vous savez ce que l’on dit des jeux : jeu à mécanique, jeu à univers, jeu à matos, effet wahou… Le monde de l’édition regorge de termes pour parler de sa production, et les boutiquiers, de termes pour les vendre. Eh bien, The Faceless pourrait allumer tous les voyants.

Jeu coopératif dans un monde où des enfants sont à la recherche d’un de leurs amis dans un monde crépusculaire et sont pourchassés par un monstre qui les réduit en esclavage (mais quel est donc ce petit air de Stranger Things, dites ?), cet opus italien n’a pas que son pitch pour lui. Le groupe d’enfants que nous incarnons est représenté par une boussole qui navigue sur un plateau. Et les méchants, eux, sont représentés par des aimants. Comme le groupe se dirige en fonction de la flèche rouge de la boussole, on va être guidés par… le nord ? Eh non, mes bons. Les méchants, ceux qui sont autour du plateau et celui qui est sur le plateau (et qui traque les têtes blondes) sont représentés par des aimants comme je vous le disais. On va faire tourner l’aiguille rouge en faisant tourner ces aimants autour du plateau, mais aussi les en faisant tourner sur eux-mêmes.

L’effet wahou a été garanti.

Note : les photos du jeu représentent le prototype que l’éditeur nous a envoyé. Il ne s’agit en aucun cas d’un produit fini, surtout que le projet passe par Kickstarter (jusqu’au 7 juin).

 

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Nos vaillantes têtes blondes qui partent sauver leur pote.

 

 

Le visage de Faceless

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les visuels de The Faceless ont leur style. On aime, on n’aime pas ce côté cartoon, naïf, disproportionné. Pour ma part, je le trouve ici malheureux et cela a quelque peu nui à mon immersion. Mais ceci est un proto, n’oubliez pas. 

En revanche, s’il faut pour l’instant donner un avis sur l’édition de The Faceless, on ne pourra pas lui reprocher une excellente lisibilité et une certaine élégance dans l’économie de matériel. N’y voyez aucun sarcasme : vraiment, le plateau est limpide et, personnages-joueurs exceptés, on n’a que cinq types de cartes en tout et pour tout, et celles-ci tiennent sur le plateau de jeu. Bref, un jeu qui se tient bien et qui confine presque au minimalisme. Pourquoi pas ?

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Le bad guy, Billygoat. Flippant, non ?

 

La chasse au souvenir

Le but de The Faceless, donc, est de choper tous les souvenirs éparpillés de notre pote Ethan avant qu’il perde toute contenance et qu’il se transforme en sans-visage (les esclaves du vilain Billygoat, un monstre tout moche qui sort des cauchemars d’un auteur ou d’un directeur artistique visiblement torturé).

On gagne si on récupère tous les souvenirs d’Ethan. Perdre peut arriver dans plus de cas : si le temps s’écoule (la pioche s’est vidée et Ethan est perdu), c’est fini. Si le Billygoat rattrape le pion boussole de notre groupe, il nous transforme en Sans-visage. Si nous tombons dans un obstacle laissé là par le Billygoat et qu’on n’a plus de jokers à dépenser pour l’éviter, même sort. Dommage.

 

À notre tour, on va, au choix :

  • jouer une carte de notre main, visible ;
  • échanger une de ses cartes avec celle d’un autre joueur ;
  • remplir sa main jusqu’à sa taille limite de trois ;
  • ou enfin, passer.

 

Et une fois l’action jouée, on renforcera les ténèbres : une carte sera piochée depuis la pioche d’événements et placée dans l’emplacement ad hoc sur le plateau. Et cela déclenchera des effets (j’y viendrai).

 

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Prototype

 

Parlons un peu de ce qu’un joueur fait lorsqu’il joue une carte.
En fonction de la couleur de la carte, il accomplira une action avant de déplacer le groupe dans la direction de l’aiguille rouge de la boussole, du nombre de cases indiqué par la carte. L’action accomplie est véritablement le cœur du jeu : on va par exemple déplacer un des trois Sans-visage aimantés qui tournent autour du plateau pour faire changer la polarité de l’aiguille.
Mais attention ! Les Sans-visage n’ont pas une portée illimitée, et si le groupe s’aventure trop profondément dans le monde crépusculaire (comprenez, au centre du plateau), il n’y aura que le Billygoat pour tourner autour d’eux et faire bouger cette satanée aiguille rouge !

 

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Prototype ; par rapport au cliché ci-dessus, il y a eu un petit changement de polarité…

 

Car, si vous connaissez un peu la physique des ondes, vous savez que le champ d’un aimant a deux polarités. Et dans The Faceless, cela veut dire que le groupe est attiré par les personnages qui lui font face. On se déplace vers le Billygoat par défaut ! Heureusement (ouf !), on peut exécuter des rotations pour que les figurines nous tournent le dos.

 

Le premier problème de The Faceless survient lors des déplacements. Parfois, il est véritablement impossible de savoir où l’on doit aller car l’aiguille pointe pile entre deux cases. Il est alors aisé de se dire que l’on va faire de la coopératriche et qu’on va bouger un tout petit peu les aimants pour obtenir une direction correcte. D’autres règles, notamment celle qui gère les « sorties » du plateau, ne sont pas bien marrantes. Bon, bref. C’est un peu dommage., mais ça pourra être repris dans la version finale.

 

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Les accidents à base d’aimants arrivent. Et ils ont même une petite section dédiée dans la règle.

 

L’opposition

Lors de la fin de tour, on construira donc un tableau des forces néfastes avec les cartes événement révélées, et chacune aura un pouvoir néfaste en fonction de sa couleur : faire des rotations de Sans-Visage, déplacer le Billygoat vers le groupe en le remettant face au groupe (et donc en ré-attirant le groupe vers lui), déplaçant le groupe ou carrément en rajoutant des cartes dans le tableau. La gestion de ce tableau est primordiale car les cartes et les effets s’ajoutent : par exemple, le Billygoat avance d’une case par carte rouge dans le tableau si vous révélez une carte rouge en tant qu’événement. De quoi vous rattraper en galopant si vous laissez la menace s’accumuler.

Surtout que plus on va au centre du plateau, plus il faut se servir du Billygoat pour se déplacer ! Le flirt avec le danger.

 

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Le tableau de menace est vraiment lisible.

 

Néanmoins, vous aurez la possibilité de retirer des cartes de ce tableau au moment où vous décidez de remplir votre main.
Ainsi, vous piochez les cartes depuis la pioche que vous souhaitez, vous constituant une main à la fois pour maîtriser votre déplacement et pour endiguer la menace qui grimpe. C’est là où se situe, à mon avis, la plus grande force de The Faceless : on doit constamment équilibrer ses choix d’action et de déplacement avec l’info parfaite offerte par le tableau. On sait les risques qu’on encourt, mais on aura toujours (ou presque) l’incertitude duquel se déclenchera. En piochant, on pourra vider les piles au mieux.

 

Voilà de quoi, donc, faire plaisir aux aficionados de contrôle : on mesure beaucoup, mais on peut être perturbé (notamment par les cartes bleues qui rajoutent de nouvelles menaces au tableau).

 

Des pouvoirs magiques !

Chaque joueur incarne un personnage avec un pouvoir particulier, que nous avons trouvé beaucoup trop fort en l’état. Avoir une taille de main augmentée, faire des actions d’échange gratuites, ou jouer deux cartes d’un seul coup donnent des avantages trop flagrants.

En revanche, cela typait bien notre jeu, ce qui apporte un tantinet de rejouabilité. Puisqu’on joue ensemble et sur le même espace, on est en symbiose et on doit penser aux pouvoirs des autres. La négociation permanente est de mise et il est au final très simple de trouver le meilleur chemin possible avec les ressources qu’on a. Du moins en est-on vite convaincu.

 

Les souvenirs de notre pote Ethan agissent également comme des jokers, avec des pouvoirs uniques à déclencher au cours de la partie en consommant l’objet. Ils permettent également d’éviter de perdre si d’aventure on devait rentrer dans un obstacle laissé par le Billygoat.

Les pouvoirs déclenchables sont ultra-forts. Vraiment, vraiment ultra-forts. Mais le jeu est un prototype, on l’a dit, et il y aura peut-être des ajustements là-dessus, ou sur l’équilibrage global du système. Et si vous êtes un power gamer, il existe déjà plusieurs niveaux de difficulté (qui ne changent rien aux règles). S’ils sont pour l’instant relativement faciles, on peut imaginer que l’éditeur, Alter Ego, trouvera comment corser le mélange.

 

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Aussi, en combinant les pouvoirs des joueurs et ceux des souvenirs, nous sommes arrivés à faire des tours excellents qui réduisaient à néant la menace du Billygoat. La collecte des souvenirs n’a alors été qu’une formalité et la partie fut pliée en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.

 

Conclusion

Eh ben les amis, je suis mi-figue mi-raisin sur ce The Faceless. Le jeu est bon, intelligent, plaisant, malgré quelques hics dans les déplacements. L’économie matérielle est agréable et l’utilisation des cartes événements pour construire la menace et faire agir les joueurs est ma foi très très maligne. L’effet wahou du magnétisme n’est pas qu’un gadget et une véritable cohésion mécanique suinte de l’utilisation de l’aimant.

Mais la tension aura fait défaut dans notre partie. Au début, on expérimente avec les aimants, on essaie de comprendre le système, avant de le rationaliser. Lorsque la maîtrise de ce système d’aimants et de direction est venue, on a affaire à un puzzle d’un type nouveau, mais d’un puzzle trop maîtrisable. Et je ne suis pas certain que la rejouabilité soit au rendez-vous : on risque de se lasser une fois la phase de découverte des aimants passée. En effet, l’aléa et le contenu additionnel ne sont pas très développés. Encore une chose qui pourrait peut-être changer grâce à Kickstarter.

Mais ! Malgré les 14+ annoncés par la boîte, je crois que The Faceless a clairement une carte à jouer en famille. Que le jeu peut s’adapter aux plus jeunes. Disons… 10 ans et plus ?

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L’éditeur, Alter Ego, fait montre d’audace avec un concept neuf, qui, je l’espère, ne prendra pas la poussière. Je souhaite donc du succès au Kickstarter qui démarre aujourd’hui même et, même si je n’ai pas été totalement convaincu par le jeu, celui-ci ne démérite pas. De plus, du prototype que j’ai pu tester au produit fini, il y a sûrement de quoi faire des aménagements plutôt sympathiques. À suivre. 

 

 

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