Freedom: The Underground Railroad, les Chemins de la liberté

Comme je vous l’annonçais récemment, Freedom va bientôt arriver dans une traduction française grâce à un passage sur Kickstarter (lancement de la campagne aujourd’hui le 25/09 à 18h – EDIT : lien), l’occasion pour Asyncron Games de tester la plateforme de crowdfounding sur une opération purement francophone, puisque le jeu existe déjà en anglais (quelques boites se promènent sur l’hexagone avec des règles traduites glissées à l’intérieur, mais le jeu en lui-même comporte aussi du texte…).

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voilà la bête

 

Il s’agit là d’un jeu purement coopératif assez calculatoire où les joueurs incarnent des abolitionnistes qui oeuvrent sur un réseau « underground » (comprenez clandestin) de libération d’esclaves. Il faudra envoyer les esclaves du sud des Etats-Unis vers le Canada où ils seront enfin libérés-délivrés (voilà ça, c’est fait).

Pour l’emporter, vous avez 8 tours à la fin desquels l’équipe devra avoir sauvé un certain nombre d’esclaves (dépendant du niveau de difficulté du jeu) sans en avoir perdu trop en cours de route.

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Les esclaves sauvés

 

Arrivages du marché

Chaque tour, le marché aux esclaves se remplit : on retourne une carte qui nous dévoile combien d’entre eux vont débarquer dans les villes du sud. Concrètement, on peut voir les 3 prochaines survenances, donc on n’est jamais pris au dépourvu question planification des actions. Une petite touche de surprise à ce niveau rendrait le jeu moins calculatoire, ce qui plairait aux amateurs de sensations fortes et déplairaient aux fins stratèges…

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En tout cas, dans Freedom, on pourrait dire qu’on peut contrôler totalement le hasard. Les dés Chasseurs apportent une zone d’imprévus mais elle est aisée à contenir en amont : ces dés vont dévoiler les déplacements des vilains chasseurs à chaque début de tour.

Les Chasseurs ? Ceux qui essayent d’endiguer la libération de nos esclaves en les attrapant sur les routes selon un mécanisme à la fois simple et retors, j’y reviendrais (méca qui rappelle ce qu’on voit dans Cornish Smuggler, sorti l’année suivante).

L’arrivée des cartes (événements & personnages célèbres) va aussi granuler la physionomie de la partie, mais celles-ci restants en place un certain nombre de tours, on aura le temps de réfléchir à nos actions/réactions et de s’adapter. 

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Villes du sud

 

“Si l’esclavage n’est pas mauvais, rien n’est mauvais.” (A. Lincoln)

Donc on pose les cubes symbolisant les esclaves en les répartissant comme on veut sur les villes du sud. Si jamais on n’a plus de place, ces cubes seront perdus et ça, c’est pas bon pour nous. Il faut donc faire de la place, et pour cela on organise l’évacuation vers le Nord sans tarder. Ce côté-là du jeu est bien rendu et plutôt prenant je dois dire. On a vraiment l’impression de gérer le déplacement des hommes et on est soulagés quand ils passent finalement la frontière sains et saufs (Hmm ? Ça fait écho à l’actualité dites-vous ?).

Après on pourrait fantasmer sur des stands-up pour rendre les Chasseurs plus vivants (à la place des gros polyèdres en bois), et rêver de jetons avec des visages humains à la place de cubes en bois qui rappellent un peu trop des biens meubles, cela rendrait un feeling moins froid à mon sens…   

 

New-York New-Yooork !

Comment accompagne-t-on nos esclaves vers le Canada ? Grâce à des jetons Déplacements pardi, qu’il faudra acheter puis activer. Certains permettent de bouger par exemple deux esclaves d’une case, d’autres, deux esclaves de deux cases, etc… Pour acheter ces jetons Déplacements indispensables, il nous faudra de l’argent – le nerf de la guerre, comme toujours n’est-ce pas ? On a quelques piécettes en début de partie, mais si on ne trouve pas un moyen de remplir les caisses rapidos, l’équipe va vite se retrouver impuissante.

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Qu’à cela ne tienne : on va procéder à des levées de fonds (c’est là aussi un jeton Levée de fonds, à acheter et activer). Mais pour que cette action-là soit véritablement utile, il nous faut des esclaves dans les villes centrales. En effet, chaque esclave présent là, en cas de levée de fonds, rapportera une pièce.

On va donc devoir évacuer nos gars des plantations, mais pas les envoyer non plus trop vite tout au Nord, sous peine de faire des levées de fond peu rentables. Autre moyen de récupérer quelques sous : placer nos esclaves dans certaines villes, telles que New York ou Détroit. Dès qu’on en place là, on empoche quelques menus dollars, c’est pratique d’autant que les grandes villes peuvent accueillir plusieurs cubes esclaves, contrairement aux autres. Ça arrondit les fins de mois !

Remplir les villes centrales pour faire des levées de fonds reste le moyen le plus fructueux pour nous. Sauf que, petit à petit, les esclaves vont engorger les départs de route. Si je résume, il faudra donc timer les déplacements afin qu’il y ait à la fois toujours de la place pour les futures arrivées, du monde au centre en cas de levée de fonds, mais pas d’engorgement tragiques aux départs des villes sudistes. Dans notre partie, nous devions sauver au moins 16 personnes sans en perdre 18, et avoir acquis tous les Soutiens. C’était un mode initiation, et je dois dire que nous avons gagné, sans être d’ailleurs loin de le réussir en mode normal finalement. Un peu trop facile ? Ou on est vraiment trop forts ? Faudrait essayer au-delà d’une partie pour voir, en utilisant notamment les spots d’esclaves plus limités dans les plantations.

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► Avoir de l’argent nous permet d’acquérir nos jetons Déplacements et nos jetons Levées de fonds, mais aussi un dernier type de jeton, capital : les Soutiens. Mauvaise nouvelle, ceux-ci sont chers (10 $) ! Ils permettent néanmoins de débloquer des paliers du jeu où les jetons Déplacements & Levées seront plus efficaces. Sans eux, point de victoire possible. Il va donc falloir se répartir les actions entre nous de façon bien coordonnée : ceux qui déplacent les esclaves et ceux qui renflouent les caisses pour avoir accès aux Soutiens nécessaires sans perdre de temps.

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La nuit des Chasseurs

Cette partie-là du jeu est celle que j’ai trouvé la plus originale et intéressante. C’est bien intégré et plus thématique qu’il n’y parait – même si très mécanique concrètement. Il y a plusieurs Chasseurs (les gros qui se promènent en suivant des routes qui traversent toutes les villes du nord, certaines villes sont traversées plusieurs fois. Dès qu’on place un esclave quelque part sur ces routes, le Chasseur correspondant sera attiré dans cette direction. Ils vont donc se déplacer d’une case par ci, une case par-là, et c’est à vous de faire en sorte qu’ils ne tombent jamais nez à nez avec les hommes que vous tentez de sauver, sinon couic ! 

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Faire passer nos esclaves en évitant les Chasseurs est un vrai petit casse-tête. On a vraiment l’impression de devoir attirer les Chasseurs pour faire diversion et évacuer nos hommes de l’autre côté pendant qu’ils regardent ailleurs. On ressent parfois des situations de tenaille assez paralysantes, mais rien n’est jamais bloqué définitivement. En s’y mettant à plusieurs, on trouve toujours une solution et l’aspect coopératif bat son plein – même si finalement un mastermind un peu rompu à l’exercice pourrait tout régler à lui seul et que l’effet alphagamer n’est ici pas inconcevable.

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Berger ou conductrice ?

Chaque joueur va choisir un rôle qui lui apportera un pouvoir tellement majeur qu’on aura du mal à ne pas jouer la stratégie qu’il nous dicte. Ceci dit, cela colore notre gameplay et le différencie des autres joueurs de façon intelligente puisqu’on a toujours, malgré ça, pas mal d’options à notre tour. Cela apporte aussi pas mal de rejouabilité du coup.

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Nous avions deux personnages capables de booster le déplacement des hommes, tandis que le 3e était axé sur les finances. Donc nos capacités de mouvements étaient assez grandes, mais faire de l’argent pour acheter du Soutien était toujours un peu tendu. On imagine qu’avec une équipe différente de perso, les dilemmes se seraient déplacés ailleurs. 

As I went down to the river

Reste à vous dire un mot sur les cartes, qui n’est pas un détail dans le jeu. Une rivière de cartes défile lentement en bas du plateau, certaines présentant des effets positifs, d’autres (rouges) des effets négatifs. À la fin de chaque tour, la carte la plus à droite est retirée du jeu. Il ne tient qu’à vous de voir si ça vaut le coût de les acheter, sachant qu’elles seront à 3$ en arrivant, passeront à 2$ et finiront à 1$ avant de disparaître.

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Une carte par exemple, nous a posé une question d’ordre éthique assez marquante. On pouvait en l’achetant, prendre un jeton Soutien gratuitement. En échange de quoi ? De l’innommable mes amis, de l’innommable ! Nous devions autoriser les Chasseurs à faucher tous les hommes qui se situaient autour d’eux. Comme il n’y en avait pas beaucoup, c’était « rentable ». Mais j’étais foncièrement contre cette idée et je ne pardonnerais jamais à mes partenaires ce lâche et immoral compromis. La victoire a parfois un goût amer, sachez-le ! En tout cas, ces cartes vont apporter pas mal de rejouabilité et pourront modifier le niveau de difficulté (ce qui est bienvenu). 

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Thème et variations

Vous le voyez, on n’oublie pas complètement que nos cubes sont des esclaves – en tout cas moi pas, mais j’ai l’imagination fertile parait-il – ceci dit, on peut se la jouer de façon très mathématique aussi. Le choix du thème est un point fort du jeu, je pense qu’il lui a d’ailleurs sûrement permis d’accéder à sa ribambelle de récompenses américaines (n’oublions pas qu’aux Etats-Unis la question de l’esclavage est encore aujourd’hui un sujet très chaud). Ceci dit, il est pas mal rendu via un certains nombre de mécanismes comme nous l’avons souligné précédemment avec brio.

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Bilan à chaud

► Le tout tourne au poil, nul doute là-dessus, l’équilibre de l’ensemble est des plus sérieux. L’ambiance aussi. J’aurais peut-être aimé une bouffée d’aléatoire supplémentaire pour augmenter le stress, réduire l’aspect puzzle-à-plusieurs, et ajouter une dose de fun, mais c’est un ressenti personnel. Là, on est concentrés, on gère nos déplacements, on optimise nos pouvoirs personnels, c’est prenant mais pas surprenant – car il n’y a pas d’inconnue dans l’équation.

Nonobstant des règles suffisamment élégantes pour être expliquées même à des néophytes ludiques, le système des jetons nécessitera une certaine planification qui, associé au reste, nichera le jeu un chouïa hors de leur portée. En clair, vaut mieux qu’ils se fassent la main sur un Désert Interdit, au pire un Pandémie.

Après une seule partie découverte, je dirais qu’en bon ambassadeur de la cause politiquement correcte (imaginez un jeu où l’on jouerait des esclavagistes, la bonne blague !), Freedom de Brian Mayer saura séduire les amateurs de jeux aux mécanismes agilement ficelés, intéressés par les défis bien calculatoires. Son look old-school (joli, mais old-school) lui donne un genre eurogame un peu élimé alors que le thème est finalement plutôt bien rendu. À voir si la difficulté sait évoluer avec le niveau des joueurs, si la rejouabilité tient sur le moyen/long terme et si le leadership d’un joueur ne peut pas trop atténuer le plaisir coopératif. 

 

>> La fiche de jeu

 

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10 Commentaires

  1. TheGoodTheBadAndTheMeeple 25/09/2015
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    Belle présentation ! Ca fait envie !

    A force d’attendre, je me demande perso si le KS va fonctionner pour cette traduction qui est déjà réalisée in fine… En tout cas perso, je n’ai pas pu essayer le jeu a Cannes puisqu’Asynchrone n’avait pas daigné l’amener donc ce sera sans moi.

  2. kokaz13 25/09/2015
    Répondre

    Décidément, la ligne éditoriale d’Asyncron a une classe folle, je serai de l’aventure KS dès ce soir !

  3. fouilloux 25/09/2015
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    C’est vrai que ça donne sacrément envie. A quand des jeux aboutis comme ça à l’école?

  4. Alstar 25/09/2015
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    Je pense que je vais craquer des ce soir. Le jeu me faisait de l’œil depuis longtemps et sa francisation a fini par me convaincre.

    +1 à ma collection de jeux jouables en solo… 🙂

  5. atom 25/09/2015
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    C’est tentant mais j’attendrais sa sortie boutique. D’autant plus que Mare Nostrum  Ks est annoncé avec un retard (Cannes 2016) donc un peu échaudé.
    Pour Freedom vu ce que tu dis Shanouillette sur l’absence de hasard, ne peut t’on pas en ajouter un peu du hasard, pour le rendre aussi un poil moins calculatoire ?

    • Shanouillette 26/09/2015
      Répondre

      Sûrement si, j’imagine qu’on pourrait tenir les futures cartes ´marché’ face cachée pour ne pas connaître les prochains arrivages par exemple.

  6. Alstar 25/09/2015
    Répondre

    aaarggg!! Arrivé 30 minutes trop tard… Y’a plus rien de dispo… Dégouté ! 🙁

    • TheGoodTheBadAndTheMeeple 26/09/2015
      Répondre

      mais qu’est-ce que c’est que cette campagne ? c’est juste WTF ! tout est limité et évidemment épuisé en moins de temps qu’il fallait pour le dire… sérieux… oublions. Et laissons Asynchron dans ses délires.

  7. Wraith75 25/09/2015
    Répondre

    Pour l’avoir essayé en compagnie de Nicholas Bodart, je trouve qu’il m’a fait l’effet d’un… sais plus comment ça s’appelle, ces puzzles où il manque une pièce et où on doit déplacer toutes les pièces autour du « trou » afin de reconstituer l’image (merci de me rappeler le nom de ce truc =) ).

    Bref, j’ai moyennement apprécié, et je trouve que cela dessert le thème qui, lui, m’avait vraiment attiré vers ce jeu.
    L’immersion était un peu gâchée par trop de réflexion « sèche », le calcul faisait qu’on ne s’intéressait que moyennement aux événements historiques et qu’on avait du mal à voir autre choses que des cubes, plutôt que de s’impliquer dans une aventure humaine.
    Un peu dommage vu le travail de recherche accompli pour ce jeu.

    Bon, ce n’est qu’un avis après une partie, mais ça ne m’a pas donner envie d’y revenir malheureusement, pourtant j’aime beaucoup les coops.

  8. Shanouillette 28/09/2015
    Répondre

    Du coup j’ai demandé à l’éditeur pourquoi une si petite quantité de boites. Voici leur réponse !

     « La raison est simple: nombreuses sont les boutiques qui nous ont exprimé leur mécontentement vis-à-vis de certaines de nos campagnes à financement participatif.

    Alors puisque pour cette campagne nous le pouvions, nous avons décidé de réserver un maximum de boîtes pour la vente en boutiques.

    Notre besoin de financement pour cette édition étant limité, nous avons limité le nombre de pledges de boîtes à 160.
    « Malheureusement » (c’est étrange de dire cela), nous ne pensions pas que cela partirait aussi vite (sinon, nous n’aurions pas mis une durée de 14 jours) et créerait pour certain cette déception, que nous regrettons. Les personnes qui n’ont pas pu participer peuvent tout de même se rassurer : le jeu sera disponible en boutique dès sa sortie. Le seul élément exclusif de la campagne (les pions chasseurs en bois) est totalement dispensable. Le plaisir de jouer à Freedom et la qualité du matériel sera la même !
    Cependant, nous tâchons toujours d’être à l’écoute. Nous attendons de connaître l’accueil des boutiques vis-à-vis de cette campagne atypique. Suite à cela, nous dresserons le bilan et en tirerons les conclusions nécessaires. « 

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