Food Chain Magnate : Les magnats de la mal bouffe

Food Chain Magnate est un jeu qui a fait sensation à Essen dans le monde des geeks ludiques, ou dirons nous dans le petit monde des joueurs prêts à s’arracher les cheveux des heures à gérer sa petite affaire. En effet Splotter, son éditeur, est particulièrement connu pour faire des jeux de stratégie complexes, en petite quantité, tels que Zimbabwe, Indonesia ou les très célèbres Antiquity et Roads & Boats [À lire : Une présentation bien complète de la ligne éditoriale de Splotter depuis Roads & Boats par T).

De plus, ce sont des jeux difficiles à dénicher car n’existant pas en français. On peut les trouver à Essen, par correspondance (frais de port élevés) ou dans quelques boutiques pratiquant l’import. Bref, des jeux pas vraiment grand public mais qui ont leurs fans, et qui, de part un public mondial et leur qualité, sont régulièrement réédités.

Ne connaissant que Antiquity, je n’ai pas pu résister à l’envie d’y jouer lorsqu’on me l’a proposé. Nous voilà donc partis pour monter notre chaîne de Fast Food, inonder le marché de nos produits, écraser la concurrence et finir le plus riche. Ok, le thème peut rebuter, que ce soit les amoureux de la bonne gastronomie que nous sommes sensés être, ou les réfractaires au système capitaliste. Mais nous sommes dans un jeu n’est-ce pas ?

L’essentiel est dans la mécanique et la stratégie….

Oui parce qu’on ne peut pas dire que la matériel fait envie de prime abord. Petit jeu : laquelle des deux photos ci-dessous illustre un prototype et laquelle un produit édité et vendu ?

FCM-protoFCM-plateau

Et oui, la photo de droite est bien celle du plateau de Food Chain Magnate et celle de gauche un prototype qui était joué ce soir-là dans notre club.

Pourtant, j’aime bien les différentes cartes dans un style sobre mais rappelant les publicités des années 30

FCM-princingFCM-Waitress

Je trouve dommage que le plateau n’ait pas été un peu plus travaillé et dans le même style. On dira que la fonctionnalité a été privilégiée sur l’apparence. Je reviendrai d’ailleurs sur ce point plus tard.

Ah oui, dernier point : il nécessite une graaaande table !

FCM-Table

Allons donc à l’essentiel….

Parlons donc du jeu. L’objectif est d’établir sa chaîne de fast food et d’écouler un maximum de produits en faisant le plus de profits possible, le vainqueur étant le plus riche à la fin de la partie. On commence avec un restaurant et on pourra en construire deux autres.

Les différents employés, représentés par des cartes telles que celles montrées plus haut vont nous amener des possibilités d’actions. Il va donc falloir embaucher diverses collaborateurs qui nous aideront, moyennant salaire, à développer notre activité. Comme on est dans un modèle bien capitaliste, les moins qualifiés ne seront pas payés. Ils n’avaient qu’à aller à l’école !

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On retrouvera bien sûr des cuisiniers pour fabriquer hamburgers ou pizzas (attention ils sont spécialisés, on ne mélange pas la gastronomie italienne avec l’américaine), des livreurs pour les boissons, mais aussi du marketing, des gestionnaires de prix… Et pour finir des managers.

L’originalité c’est qu’on ne pourra pas les jouer tous. Il faudra à la fois posséder une équipe diversifiée mais aussi à chaque tour, sélectionner ceux qui iront bosser pendant que les autres se prélassent à la plage. Ceci déterminera quelles actions pourront être entreprises à ce tour-ci. Le choix est cependant limité par la taille de l’équipe que l’on est capable de gérer. Ceci est représenter par une pyramide hiérarchique dont la taille, et donc le nombre d’employés actifs, dépendra de nos managers, qui devront eux-aussi être intégrés dans cette pyramide.

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Mettre au repos des employés peut permettre de les former et donc de les faire monter en grade et en compétence (mais il faudra les payer ensuite). On a donc un arbre de progression comme certain jeux possèdent un arbre technologique. Former un employé prend du temps et occupe : une place dans la hiérarchie pour le formateur, et un employé en formation et donc inactif. Mais c’est presque indispensable tout en faisant attention à la masse salariale. Un cuisinier expérimenté sera capable de produire bien plus de pizzas ou de hamburgers qu’un cuisinier débutant. Attention les plus gradés sont les plus rares et tout le monde ne pourra pas en avoir.

Autre particularité, on produit, mais pour vendre il faut qu’il y ait de la demande. Il est donc nécessaire de faire de la publicité pour susciter l’envie chez les clients (vous croyiez avoir votre libre arbitre ?). Ainsi dans la situation de la photo ci-dessous, une publicité pour les hamburgers a suscité une envie de hamburger dans les maisons avoisinantes. 

FCM-burger

Mais rien n’est facile au pays de la concurrence, et celui qui fait de la publicité n’est pas forcément celui qui vend. Le client n’est pas reconnaissant et il ira simplement au moins cher. Le coût de base est le même pour tout le monde mais on doit y ajouter un surcoût du à la distance maison-restaurant.

On peut également choisir de faire monter les prix ou les baisser selon les employés mis à la tâche. Un discount manager fera chuter les prix et permettra de vendre au nez et à la barbe de son concurrent. Les serveuses permettent de départager les égalités (un petit relent de misogynie ou de réalisme économique ?). 

On devine ici que le jeu peut être méchant. On pourra préparer une belle campagne de publicité sur ses produits et au final ne rien vendre car un concurrent installera un nouveau restaurant au plus près ou aura une politique de discount désastreuse pour vos ventes. Et bien sûr les produits sont périssables, donc perdus s’il ne sont pas vendus le tour même.

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À cela on rajoute les Milestones, des objectifs qui apportent des bonus non négligeables sur lesquels il faudra rusher en début de partie car la plupart sont atteignables rapidement.

Plus encore quelques détails et subtilités qu’il serait fastidieux d’évoquer ici. Le jeu est donc bien un jeu riche, complexe, qui semble offrir de nombreuses possibilités.

food

Parties & impressions

Je tiens à rappeler en préambule que je n’ai fait que deux parties, et que je suis loin d’être un spécialiste des Splotters. Mes appréciations sont donc à prendre pour ce qu’elles sont : des impressions à chaud. pic2649623_md

Comme dit plus haut, le jeu est riche. Très riche. Et encore, je n’ai fait qu’effleurer l’essentiel des possibilités offertes. La variété des stratégies est impressionnante.

Comme vous l’avez deviné le jeu peut être très méchant. Par exemple, sur ma première partie, je pars assez mal. L’emplacement choisi pour mon premier restaurant s’est avéré être assez mauvais. J’ai décidé de partir sur du management pour avoir une grande équipe d’employés peu formés (et donc pas payés !) mais je vois les autres se développer beaucoup plus vite. L’un vend à tour de bras des hamburgers grâce à son cuisinier expérimenté et un publicitaire efficace. L’autre, après un départ assez lent axé sur la formation, commence à embaucher des employés experts dans tous les domaines et lui aussi à vendre à tour de bras.

Le troisième a un départ plus timide, avec un développement diversifié, mais son affaire reste bien plus rentable que la mienne, notamment parce qu’il peut stocker dans sa chambre froide ses marchandises et donc éviter de gaspiller. La mi-partie arrive (point où le cash à la banque est épuisée, et où on détermine le nouveau cash en fonction des choix en début de partie des joueurs qui auront pu choisir peu de cash pour une partie rapide ou beaucoup pour une partie plus longue). Je suis à la traîne et la partie sera assez courte. Je décide donc de profiter de mes managers pour les former en directeur régionaux (je ne me souviens plus du titre exact) permettant d’établir en un tour des restaurants. J’embauche un discount manager et des jolies serveuses. Ce sera la guerre commerciale !

J’implante mes nouveaux restaurant au nez et à la barbe des deux principaux producteurs et publicitaires afin de profiter de leurs investissements. Je complète mon équipe par des livreurs de boissons et un cuisinier plus expérimenté afin de produire plus et sur les 3 derniers tours je rafle l’essentiel des ventes, profitant honteusement de la forte demande suscitée par les campagnes de publicité de mes adversaires (je crois ne pas en avoir fait de la partie). Cette stratégie agressive m’a permis de rafler tous les revenus des 2 derniers tours, coiffant tous les joueurs au poteau. Depuis je me suis exilé dans un pays ne pratiquant pas l’extradition pour éviter les représailles de mes camarades de jeu !

Et encore,  j’ai pu assister à plus violent : sur la partie de la table voisine, un joueur, bon dernier toute la partie, l’emporte finalement sur le dernier tour seulement en réalisant des ventes mirobolantes et bien supérieures à tout ce que les autres avaient pu accumuler pendant la partie, également grâce à un positionnement judicieux et une stratégie agressive, mais cette fois-ci axés sur la qualité et un prix de vente supérieure.

food chain magnats

 

Food Chain tient-il toutes les promesses attendues d’un Splotter ?

Ce n’est donc pas un jeu à mettre entre toutes les mains. Les règles ne sont pas si complexes que cela, mais les possibilités énormes, et il est méchant, très méchant. Il peut être jouissif de gagner en 2 tours comme très frustrant d’avoir mené tout le long pour se voir doubler sur le dernier tour car on a mal calculé ses ventes et son placement. Tout le monde n’appréciera donc pas ces twists de fin de partie.

Je dois dire que le jeu rend bien le côté marché agressif du capitalisme implacable. C’est donc un jeu de stratégie complexe à maîtriser au thème bien présent. Alors que c’est le type de jeu qui est dans ma cible, je n’ai finalement pas accroché plus que cela. Et si j’ai voulu refaire une partie, c’est parce que j’avais l’impression d’avoir gagné un peu par hasard à la première. Maintenant après deux parties, je me rends compte que j’ai pas vraiment envie d’y rejouer. La faute à ses incessants calculs sur les ventes. Il n’est pas évident de voir qui va vendre, et j’ai eu l’impression sur chaque fin de partie que tout le monde passait son temps à vérifier qui ferait les ventes après chaque changement (publicité, nouveau restaurant, nouvelle production, etc…). Alors si le plateau est resté aussi sobre pour la fonctionnalité, et bien laissez-moi dire que ce n’est pas gagné, car on compte et on recompte. Impossible, selon moi de voir clairement qui va vendre en un coup d’oeil. D’autant que suivre les routes n’est pas toujours évident avec les ponts très peu marqués. Autant j’aime bien réfléchir à une stratégie, au meilleur coup, autant compter des cases pour mesurer des distances des différents points de ventes aux différentes maisons, y rajouter les discounts des uns et des autres, compter les serveuses, juste pour savoir qui va faire la vente, ne m’amuse pas vraiment. D’autant que si on tombe sur des joueurs voulant bien mesurer au point près leurs actions, le temps de jeu risque de s’allonger au point d’en faire un jeu vaisselle.

Mon impression est sans doute exagérée et il est probable que quelques parties supplémentaires peuvent permettre de gagner en intuition et diminuer l’aspect comptabilité, elle a été cependant partagée par quelques joueurs sur mes deux parties. D’autres ont adoré et cela ne les a pas gêné plus que cela. C’est donc bien une impression personnelle que chacun devra vérifier par lui-même. On verra dans le temps si le jeu ressort régulièrement ou pas au club. C’est le meilleur indice. De mon côté, je suis content de l’avoir essayé car c’est un grand jeu stratégique. Je pourrais y rejouer si on me le propose, mais ce ne sera certainement pas mon premier choix.

> Food Chain Magnate

Un jeu de Jeroen Doumen, Joris Wiersinga
Edité par Splotter Spellen
Langue et traductions : Allemand, Anglais
Date de sortie : 10-2015
De 2 à 5 joueurs
A partir de 14 ans
Durée d’une partie entre 120 et 240 minutes

 

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5 Commentaires

  1. TheGoodTheBadAndTheMeeple 09/02/2016
    Répondre

    retours intéressants, merci !

  2. jtrourke 09/02/2016
    Répondre

    Mon coup de coeur 2015! J’aime bien les jeux impitoyables… là on est servis.

    • Cormyr 09/02/2016
      Répondre

      Effectivement, il est impitoyable et les derniers tours peuvent réserver des surprises.

  3. morlockbob 09/02/2016
    Répondre

    merci pour avoir éclairé ma lanterne. j entendais parlé de ce jeu sans trop savoir de quoi il retournait… Pas sûr que je fasses des efforts pour le trouver mais si l ‘occasion se présente.. avec plaisir

  4. toooooof 09/02/2016
    Répondre

    Impitoyable, certes, mais pas rancunier ! Les situations peuvent parfois se retourner très rapidement.

    Pour ma part, je trouve que c’est un excellent Splotter, réussi sur bien des points hormis la partie graphique évidemment, notamment concernant les tuiles plateau (les cartes sont correctes).

    Pour ceux qui veulent jouer en ligne, on peut y jouer ici :
    http://play.boardgamecore.net

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