Les Demeures de l’Épouvante : les cabanons qui filent les miquettes !

La porte se referme derrière nous en grinçant. Un carrelage noir et blanc, briqué par un domestique zélé, un tableau à la palette inquiétante dans un coin, un porte-manteau beaucoup trop plein de redingotes de tweed…

Les choses ne tournent pas rond. C’est clair.

Neuf coups sonnent à l’horloge, glas creux et froid. Nous avons tous sursauté.

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Les Demeures de l’épouvante seconde édition met des personnages en situation d’exploration dans un manoir (entre autres) et compose une histoire horrifique qui se déroule devant les joueurs. À la pointe de la technologie, le jeu oblige à l’utilisation d’une application, qui, non content de vous indiquer quoi faire pour dérouler le scénario, vous proposera de résoudre des énigmes et gérer les combats. C’est tout juste si elle n’a pas une fonction micro-ondes.

Il s’agit d’un jeu de coopération… qui peut virer à la boucherie en un tournemain : s’il est difficile avec ses joueurs, il peut surtout renverser l’allégeance des personnages… en cours de partie.

 

Le Manoir à Cousin Machin

Les Demeures de l’Épouvante vous donne trois actions par tour, à employer pour vous déplacer, fouiller, attaquer ou réaliser des actions contextuelles, qui peuvent également être fournies par des cartes (trousse de soins, bible, sorts, etc). Autant dire que c’est simple. Une fois que tous les joueurs ont agi, le jeu, avec la phase de Mythe s’anime. Une série de scripts vous indique comment déplacer les monstres, répand des événements terribles sur le plateau (Plus de cultistes ? Quoi ? Tu trouves qu’on n’en avait pas assez ?) et vous mettra bien la pression.

 

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Éléments en relief non fournis dans la boîte.

 

Clairement, le combat est un point important de ce jeu, un peu comme si Lovecraft déclarait son amour pour Zombicide. J’exagère : du cultiste, on n’en tuera pas forcément à la pelle, et au final, les créatures sont si puissantes qu’il sera souvent salutaire de s’enfuir, même si le répit accordé est temporaire. Mais en tout cas, le point de pression vient de là, et l’habillage thématique de l’enquête est mineur par rapport au combat et à l’exploration.

Si les scénarios proposés sont  prévisibles et convenus, ils ne manquent pas de saveur pour autant : l’immersion proposée vient de la menace qui transpire de chaque action, de l’incertitude des conséquences. J’ai trouvé cette urne funéraire et en ai dérangé les cendres. Ai-je bien fait ? Dois-je faire confiance à ce vieil homme qui me fait un signe depuis cette ruelle sale ?

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Les engeances des étoiles sont mimi, non ?

 

Atmosfear, Atmosfear ! Est-ce que j’ai une gueule d’Atmosfear ?

Les ressources (vie, santé mentale) se perdent facilement, et à chaque point perdu, on peut souffrir d’un affre. Chaque petite carte blessure/traumatisme reçue peut être prise face cachée ou visible. Si elle l’est face visible, il se produira toujours un effet. Qui boîtera, perdant l’usage de sa mobilité maximale, qui se souviendra d’un traumatisme d’enfance, qui parviendra à surmonter la douleur…

L’investigateur ne sort pas indemne de son périple, c’est sûr. Si l’on subit trop de blessures pour son personnage, on est blessé. Une deuxième fois ? On meurt.

Et pour la santé mentale, me direz-vous ? Eh bien, on devient fou. On change d’objectifs en cours de route ! Peut-être les émanations maléfiques des grands Anciens vous auront-elles trop perverti. Peut-être serez-vous rattrapé par vos démons.

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Texte d’ambiance vraiment au poil. (et aussi en français !)

 

Avec application, s’il vous plaît !

L’application est tout à fait fonctionnelle. Peut-être un peu gourmande en batterie, cela dit. Qu’apporte-t-elle, cette companion app ? me demandez-vous. Pour faire simple, c’est elle le MJ [NDLR : le maître du jeu] de votre partie de jeu de rôles. Elle retient quelles créatures sont sur le plateau (mais pas où), quelles portes ont été ouvertes, quels endroits ont été fouillés. Elle dévoile le plan de l’endroit où l’on se trouve tuile après tuile, montre les points d’intérêt. 

La phase Mythe est grandement allégée par l’appli. Elle nous dit quelle créature faire bouger, lui octroie un comportement (vaguement randomisé) à appliquer. Nous donne un événement à mettre en œuvre.

Une lueur verdâtre dans un coin réveille une terreur enfouie en vous, une lampe à huile tombe sur un tapis et met le feu à la maison ? C’est possible. Tout est possible. Les différents scénarios auront leur dose d’aléatoire, d’événements thématiques. Cette inconnue permet d’être bien cramponné dans son fauteuil à chaque phase Mythe, et j’ai plusieurs fois serré les fesses en appuyant sur le bouton “aller à la phase Mythe”. Et même en recommençant un scénario, si on a une trame générale similaire, les détails, eux, varient et créent des situations de gameplay assez différentes.

Si l’on avait eu ça plus tôt, qui sait, Heroquest aurait peut-être été totalement coopératif !

 

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Qui avons-nous ?

 

Mais ce n’est pas tout : l’application gère également un système de puzzle dans lequel les joueurs vont verser un peu de leurs points d’action. Oh, ce n’est pas du puzzle game trop complexe, hein : une sorte de Mastermind, des dalles à déplacer pour reconstituer une image, etc. Cependant, la pause est bienvenue et permet de changer d’activité entre deux combats plus exténuants. Une bonne idée !

 

Notons la possibilité de jouer avec la première édition des Demeures de l’Épouvante… si vous avez aussi la deuxième. C’est de bonne guerre, et est même plutôt un bon argument pour craquer sur cette deuxième édition si vous aimez la replay value.

 

Question ambiance, l’appli fait fort, avec une belle restitution de l’univers de jeu, sans pour autant être trop invasive avec moult animations. L’habillage son est très bon, mais trop répétitif. Qu’est-ce que j’aurais aimé avoir une boucle son plus longue ! Les quelques notes de pianos, sons d’ambiance et cordes sont fort bien intégrées au tout, mais deviennent redondantes sur des parties de trois heures.

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The roof is on fire… (Elements 3D autres que les figurines toujours pas dans la boîte de base : les gens customisent à mort !)

Les hics

Quelques ombres noircissent le tableau des Demeures, pour la plupart inhérentes au format du jeu. Le matériel s’étale sur toute la surface de jeu, et est immense ; on peut manquer de place sur la table ! Les parties peuvent être un peu longuettes et certains tours un peu étriqués (je me déplace deux fois, ça y est, j’ai fini, on fait le mythe). Toujours un peu frustrant de passer un tour à louper des choses alors que la pression est forte alentour.
Bref, parfois, on se sentira un tantinet démuni.

Il y a aussi l’application. Elle est absolument nécessaire au jeu et on ne peut pas la remplacer par un joueur humain. De plus, on l’utilisera pour à peu près toutes les interactions du plateau : on fouille ? Appli. On combat ? Appli. Un puzzle ? Appli. Phase mythe ? Encore l’appli. Cela ne me dérange pas outre mesure, cela dit : la réflexion tactique, la manipulation, se fait aussi sur le plateau et on ne vit pas l’aventure dans l’appli, qui sert plus de paquet Legacy/de storybook/de maître du jeu. Même si elle est très présente, elle ne m’a pas ruiné l’expérience, très loin de là ; mais les moins technophiles pourraient râler un peu. Pour ma part, j’ai trouvé l’opacité de l’application source de (bonne) tension : on n’est jamais certain d’être prêt du bout d’une épreuve, au contraire d’une carte toute montée. Par contre, vu la longueur des parties, mieux vaut avoir un chargeur !

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L’armée des cultistes de la Moustache Funeste.

 

Mansion, sweet mansion ?

Oui. Dans les Demeures de l’Épouvante, on est toujours sous pression. Que ce soit par l’environnement général très bien rendu par l’application et le gameplay. On marchera toujours sur des œufs, incertains de tout, et on appréciera chaque triomphe, même contre un cultiste souffreteux.

En revanche, si l’aspect immersif est là, la thématique lovecraftienne n’est pas loin non plus. On n’est pas véritablement dans de l’enquête comme on pourrait en trouver dans les écrits du maître de l’horreur cosmique, mais plutôt dans un genre de wargame avec la santé mentale qui vacille, d’aventure explorative à base de combats et de tentacules. Et pour le coup, la pression, finement dosée, culmine presque toujours dans un affrontement au sommet, une échappée sur le fil, avec une menace vraiment forte, et des retournements de situation via la folie. De quoi raconter de belles histoires, ça oui !

 

Vous avez aimé cet article ? Retrouvez la prose d’Umberling ici.

Les donjons et les overlords, hmm, ok ? => Imperial Assault avec ZeratoR : il a joué !

Des jeux de mots laids et Cthulhu ? => Horreur à Arkham JCE est bien meilleur que son aîné.

Crédits photo :cultistes et Engeances par Fouilloux, emploi des images utilisables de Boardgamegeek.

 

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4 Commentaires

  1. Cormyr 21/12/2017
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    Je trouve la v2 particulièrement réussie et l’application est vraiment un énorme plus. J’ai toujours trouvé que le rôle de l’overlord, dans la v1, était inintéressant. Soit il jouait vraiment méchant et pouvait gagner quasiment à tous les coups, soit il se contentait de gérer la logistique des énigmes et découvertes d’objet. L’application gomme tout cela, rajoute de l’ambiance et permet même de rejouer les scénarios avec une certaine variabilité.
    Deux regrets :

    – l’immersion pourrait être plus grande avec une application contenant plus de son d’ambiance et de textes lus ; il n’y en a pas assez de mon point de vue

    – et dommage qu’ils aient gardé les socles horribles qui sont désormais inutiles et cache le plateau de jeux : j’ai personnellement investi dans des socles transparents et c’est nettement mieux.

    Sinon une question : d’où viennent ces décors 3d que l’on voit sur les photos de l’article ?

     

  2. morlockbob 21/12/2017
    Répondre

    Vraiment convaincu par cette version. L apply n est pas un gadget. Par contre, le jeu et ses extensions sont beaucoup trop chers

  3. fouilloux 21/12/2017
    Répondre

    En effet, très emballé par cette V2. le bémol reste quand même son prix, et celui des extensions/scénarios aditionnel. On a refait un des scénarios, et les changements d’une fois à l’autre ont pas été flagrants malheureusement. E puis, difficile de faire des scénarios à soi du coup.

    Conseil au sujet de l’appli: sur un ordi, c’est pas l’idée du siècle, parce qu’elle focalise l’attention de tout le monde, et on a un peu l’impression de jouer à un jeu vidéo du coup. Nous on trouve que se faire passer un téléphone (tout le temps branché par contre) c’est une bonne méthode.

    Ah oui et les socles je suis d’accord sont bien pourris, surtout pour le rangement une fois les figurines peintes (d’ailleurs, j’ai mis 5min à reconnaître les photos 🙂 )

    PS: petite coquille pas grave au début de l’article: c’est 2 actions par joueurs, pas trois.

  4. PSined 21/12/2017
    Répondre

    Pour ma part, je confirme les propos de Cormyr : la parties figurines est le gros point noir de ce jeu… Pour notre part, entre le socle énorme et le fait que les figurines ne tiennent pas dessus, nous avons eu vite fait de les dégager pour utiliser uniquement les tuiles monstre.

    Une autre zone d’ombre est le nombre limité de scénarii dans la boite de base (4 de mémoire) qui même s’il existe des variantes dans chaque scénario, peut faire vite tournée en rond (surtout quand on apprécie le jeu).

    En dehors de ces deux problèmes, le jeu est bon et je ne peux que trop le conseiller.

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