Dédalus : Avez-vous de la suite dans les idées ?

J’ai découvert un soir le prototype d’un jeu qui s’appelait Thermothus avec son auteur, à l’association du Buena Partida. Le jeu fonctionnait avec un système de chaud-froid (vous savez, on essaie de se rapprocher à tâtons d’une réponse et l’autre vous répond « chaud » ou « froid » selon si vous êtes proche de la vérité ou non). J’avais bien accroché au principe du jeu, je voyais bien son potentiel, par contre ce truc de chaud et froid, c’était encore un peu contre-intuitif. Une petite discussion a eu lieu, et on s’est quittés avec la promesse de se revoir après le festival autour d’un prototype plus abouti. Depuis cette rencontre, nous sommes devenus amis et nous nous revoyons régulièrement pour jouer à Alchimistes ou Dungeon Lords.

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Promesse tenue

Entre temps un illustrateur puis deux se sont joint au projet. Des réflexions ont été menées et nous nous sommes retrouvés devant quelque chose de plus proche d’un produit fini. Le principe de chaud et froid avait mué en jetons de loupes fléchées. Les visuels des cartes étaient devenus bien plus agréables, Loïc Laurent avait bien bossé. Cela n’avait rien à voir avec le jeu de départ, et je dois dire que j’ai été bluffé par les changements. (Si, comme moi, vous aimez lire les journaux d’auteur, je vous conseille de parcourir le sien – lien en bas de page).

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La probable couverture du jeu fait par une artiste Toulousaine.

 

Dedalus de Michael Halimi, est un party game collaboratif, compétitif ou par équipes qui se joue de 2 à 7 joueurs pour des parties de 5 mn à 15 mn et même plus selon la formule choisie par les joueurs. C’est un petit jeu de déduction qui repose sur un principe simple de comparaisons d’idées. On peut, comme dans Concept, jouer avec ou sans les points. Le jeu sera proposé prochainement sur plateforme participative.

Comme dans tous jeux de ce type, il y a toujours une petite part d’inconnu, puisque tous les joueurs ne partagent pas les mêmes références culturelles, les mêmes influences, et ne feront pas les mêmes associations d’idées. Donc on a toujours quelques surprises et c’est bien tout l’intérêt. Souvenez-vous de vos parties de Dixit ou de Qui paire gagne, parfois on est en phase complet avec un joueur et parfois pas du tout, ce qui déclenche des crises de fou rire dans le genre mais tu pensais à quoi là sérieux ?

Rajoutons à cela que vous avez pleins de decks thématiques différents déjà réalisés et d’autres en cours, en gestation dans le cerveau de Mik.

Je vais vous présenter rapidement le concept, puis vous raconter un extrait de partie pour mieux expliquer le déroulement du jeu. Ensuite, nous nous retrouverons pour une petite interview de l’auteur et un débriefing ! Bonne lecture.

 (Nota bene : Nous sommes ici devant un prototype, par conséquent, c’est encore du work in progress et quelques éléments seront surement retravaillés. L’auteur équilibre son jeu, écrème, transforme sans arrêt, même si la mécanique est arrêtée.)

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Comment ça pitch

Dans la version collaborative du jeu, un somnambule fait face à une équipe d’analystes qui va essayer de déduire une « carte-mystère » (l’idée fixe du somnambule) parmi d’autres mauvaises réponses (des idées fausses) en s’aidant d’une chaine d’indices qui sera construite en cours de manche.

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Quelques règles de base en guise de préambule

  •  Le somnambule n’a pas le droit de parler, mais il doit aider les analystes.
  •  Les analystes ont le droit de parler entre eux, mais ne peuvent pas donner de consigne au somnambule.
  •  On pose alternativement un indice puis une loupe.

 

Pour commencer, le somnambule choisit un deck thématique parmi plusieurs disponibles. Il pioche 6 cartes, les regarde rapidement, les mélange, puis les glisse dans une pochette avec un côté transparent de sorte qu’il ne puisse voir que la carte de devant. C’est cette carte qu’il va tenter de nous faire déduire : Ce sera son idée fixe. Les autres cartes cachées derrière seront les idées fausses.

Puis débute la chaîne d’indices constituée de cartes. À chaque tour, les Analystes piochent et posent une nouvelle carte qui vient agrandir la chaîne d’indice.

Dans la foulée, le somnambule pose une loupe (un peu comme une flèche) à cheval entre deux indices pour indiquer, par comparaison, lequel des deux il considère le plus proche de son idée fixe. Les indices sont parfois bien loin du mot à faire deviner, mais c’est ce qui est drôle, on doit chercher un lien, quelque chose qui se rapproche du sens initial pour aiguiller les analystes.

Comme le jeu est coopératif, tout le monde peut discuter avant le vote pour retenir l’indice le plus pertinent.

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Deck Trash

Comment ça marche

Pour comprendre le fonctionnement, quoi de mieux que de faire un tour de jeu ? Je serais le somnambule, et Michael l’analyste. Pour l’exemple on a pris le deck des métiers et patelins (et les bleds existent vraiment, véritable travail de recherche de l’auteur pour trouver une ville qui colle bien au métier).

 

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Pour illustrer notre exemple nous avons pris le deck métier, et voilà la carte que Michael va me faire deviner.

 

Pour faire deviner le mot qui tourne dans sa tête (ici : chef cuisiner), le somnambule va utiliser une loupe (non ce n’est pas une poêle, et ce n’est pas définitif). Il va diriger le verre de la loupe vers la carte la plus proche de son idée fixe selon le bon vieux principe du chaud et froid.

 

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 Là, entre dératiseur et géographe le choix est simple, en tout cas je pense que le lien avec la cuisine est plus évident du côté du dératiseur. On peut notamment penser au film de Pixar, Ratatouille.

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 Ici c’est facile, je renforce le lien avec dératiseur car je ne vois pas vraiment de lien possible avec Miss France !

 

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Ce qui a motivé mon choix : le cuisinier et le fabricant de cierges ont en commun de créer, de transformer quelque chose (un cierge, un plat). De plus, en creusant un peu, le feu est aussi un l’élément commun à leur métier. On peut aussi penser au diner aux chandelles… À côté de ça, trouver des points de rapprochements entre cuisinier et miss France, c’est plus chaud à mon avis… ! Mais toute association d’idées reste subjective et c’est bien ce qui est intéressant dans Dédalus.

Une fois que la chaine d’indices est terminée on passe à…

La mort subite

Le moment le plus intéressant du jeu ! Le somnambule mélange son idée fixe avec les autres cartes (les idées fausses) du deck.

Puis, on retourne la première carte, et les analystes doivent décider de la conserver ou de l’éliminer. S’ils éliminent la bonne, le jeu est fini. Mais petite précision, on doit absolument en éliminer 3 sur les 6. Chaque carte doit être conservée ou rejetée par les analystes.

Pour donner un peu plus de souplesse, les analystes disposent d’un Joker qui leur permet de changer un indice déjà posé, où de remettre une réponse dans le paquet pour en tirer une autre.

Parfois on arrive au moment où on tire la dernière carte et on doit forcément la garder ou l’éliminer, et ça passe ou ça casse. C’est la roulette russe clic clic… Pan !

 

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 Première carte de la mort subite : Éboueur, Les joueurs vont surement la garder à cause de dératiseur et ça risque de les induire en erreur pour la fin de la manche.

 

Un ressenti ?

Ce que j’ai aimé en premier c’est sa simplicité, en 2 mn on pige le truc, ensuite on sélectionne un deck et on y va, on peut choisir les Brèves de comptoirs pour rigoler aux phrases cultissimes des piliers de bar, on peut aussi chercher à se prendre la tête avec les decks Abstractions ou Poésie. Mais j’ai beaucoup aimé le deck des Métiers inventés, dans le style je verrais bien les perles du bac. Si on veut se lâcher, le deck Trash est bien gore, bref, il y en a pour tous les goûts.

Ce qui est marrant c’est la partie « mort subite », où on doit éliminer 3 cartes sur les 6. Parfois on va éliminer la première carte, bam dommage c’était elle ; d’autres fois encore, on n’a pas osé éliminer les cartes précédentes et on on se trouve vite devant un dilemme où on doit virer une carte ou la garder, mais si on ne l’élimine pas et que c’est la carte de l’analyste, c’est la dernière, on perd…

Ce que j’ai apprécié surtout, c’est toutes les discussions qui se génèrent autour. On a fait le deck Chanteur des années 80, sujet où je suis largué, mais les deux autres joueurs connaissaient et c’était marrant de les voir argumenter chaque choix. Moi j’étais juste capable de dire si c’était un chanteur à midinettes ou une voix de casserole. ^^

Après c’est un jeu auquel je joue sans prise de tête, pour me marrer entre potes, je crois pas que je compterais mes points… Mais ça, c’est mon avis personnel.

Attention je vous ai dévoilé ici la version difficile, mais il existe aussi deux autres versions un poil plus faciles donc moins frustrantes. Vous les trouverez dans la règle du jeu sur le site du jeu (lien ci-dessous).

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Et ça sort quand ?

Dédalus sera lancé en financement participatif durant la première semaine de novembre 2015. Dans la boite de base, il y aura les fameuses Brèves de Comptoir, les Métiers et Patelins, et certainement un deck double Abstractions & Sentiments. Les extensions Trash, Métiers imaginaires & Patelins, Arthur Rimbaud, Absurdismes, Amour, et 2 autres decks « doubles », à savoir Jeux de Société et Chanteurs et Chanteuses à Papa seront proposées dans le même temps pour mieux faire varier les plaisirs.

 

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Le Jeton blâme a venir.

 

Interview de l’auteur :

 

– Comment t’es venu l’idée de Dédalus ?

Presque accidentellement. J’ai bossé 9 mois sur un jeu intitulé « Bambino saute sur les rochers », proche du principe de Cards against Humanity. Au final, je n’étais pas content du résultat et j’ai lâché l’affaire. Simplement, beaucoup de gens m’avaient dit que le contenu même des cartes était bien. Je me suis donc demandé comment recycler ces cartes et l’énorme base de donnée que je m’étais construite au fil des mois. Or, comme ces cartes avaient un côté noir, et un côté blanc  – en miroir – j’ai pensé en les regardant que ce noir et blanc pouvait correspondre au principe du « chaud » et « froid », et tout est parti de là… Curieusement, c’est donc le design du proto de Bambino qui a été l’étincelle de la mécanique de Dédalus.

 – Quel sont les problèmes que tu as rencontré ?

Le souci principal c’est l’équilibre des cartes entre elles, j’écrème régulièrement les decks pour qu’il n’y ait pas de doublons qui faciliterait trop le défi, comme Gendarme et Policier dans le deck Métiers par exemple. Inversement, il y a des decks où les cartes contiennent une multiplication de motifs différents qui s’entrecroisent et rend le défi assez ardu également. 
Mais l’entre-deux ne convient pas : par exemple, sur le deck « jeux de société », on peut diviser trop facilement les jeux en grande catégories selon le niveau de jeu (Jeu apéro, familial ou gros jeu). Dans ce cas, pour que le deck fonctionne, il faut spécialiser ce deck, soit en gros, moyens, ou petits jeux, mais surtout pas les trois en même temps. 

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Le deck Arthur Rimbaud.

 

– Tu as dit avoir d’autres idées de decks, alors qu’en est t-il ?

Dédalus sera proposé avec une dizaine de thèmes différents pour répondre aux goûts du plus grand nombre. Les choix sont pratiquement tous bouclés, si ce n’est que je dois aussi tester un deck « amour », qui seront des citations marrantes sur l’amour, comme par exemple Napoléon qui a dit : « En amour, la seule victoire, c’est la fuite ! ».

Je dois aussi tester un deck purement graphique, le seul de tous, sur le thème des images de propagande soviétique.

Je viens aussi de valider un deck « Absurdismes » très particulier, qui ne tourne pas sur un mode de comparaison, mais sur la base de questions-réponses bien débiles, reprise du premier jeu « Bambino saute sur les rochers ». Et à ma grande surprise, j’ai vu que le deck tourne très bien et se révèle assez hilarant.

Enfin, certains decks, au contenu verbal très réduit, seront « doublés », comme si c’était 2 jeu en 1. Pour le deck Jeux de Société par exemple, il y aura un côté « Jeux simples » et l’autre « Jeux complexes ».

-Tu as présenté ton jeu dans différents festivals, quelles sont les réactions des gens ?

Globalement, les gens trouvent le contenu des cartes très créatif et plutôt rigolo. Le deck « trash » et « brèves de comptoir » cartonnent vraiment bien en test. Le deck « abstractions » fait peur au début, mais à l’arrivée, beaucoup trouvent qu’il est hyper-intéressant à jouer, et pas si insurmontable que ça.

Au final, le truc le plus inattendu, c’est que les joueurs adorent changer d’univers d’une manche à l’autre. C’est justement cette réaction-là qui m’a poussé à multiplier les univers proposés.  

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Le deck métier inventé.

 

– En ce qui concerne le financement du projet ?
D’abord, j’ai toujours voulu être indépendant. Comme je n’ai pas de fond propre, je pensais me tourner au début uniquement vers le crowdfunding pour financer le projet. Mais aujourd’hui, j’ai l’opportunité d’avoir une subvention en créant ma propre structure éditoriale. C’est en très bonne voie, et j’espère pouvoir devenir mon propre éditeur à plein temps. D’autant plus que Paille Editions (qui distribue Dixit par exemple) a été très enthousiaste et ultra-réactif sur le projet, pour en assurer la distribution. Au final, le jeu sera d’abord proposé en crowdfunding avec des goodies, puis arrivera en boutique juste derrière au dernier trimestre 2015.
 

– Tu as mis ton jeu en PnP tu n’a pas peur que les gens se contentent de cela ?

Non, pas du tout. Déjà je pense que c’est bien de pouvoir tester un jeu avant éventuellement de l’acheter. Ensuite, j’ai conscience que tout le monde n’a pas les moyens de s’acheter des jeux et je trouverai ça injuste que le manque d’argent soit un motif d’exclusion ludique. En plus, ceux qui font du PnP font vivre le jeu en quelque sorte, et peuvent amener certains de leurs amis à l’acquérir en boutique. Enfin, mon PnP est juste un échantillon de quelques decks (32 cartes sur 6 univers de jeu) au design minimaliste, alors que chaque deck en boutique proposera dans les 80 cartes, plus du matériel supplémentaire. Ceux qui font du PnP rendent en réalité bien plus service au jeu qu’ils ne lui font du tort. C’est une démarche que je soutiens à 100% dans le monde du jeu. 

 –  Merci et à bientôt pour un Dungeon Lord ou autre ! 😉

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Quelques liens utiles :

> Le site du jeu

> Facebook

> Le Print and play

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5 Commentaires

  1. morlockbob 15/09/2015
    Répondre

    Je crois que les articles sur les proto sont mes préférés…Ahh toucher du doigt la création!

    Bonne chance, ça a l’air marrant comme tout

    • atom 15/09/2015
      Répondre

      Merci tu me fais plaisir, toi qui nous sors des articles sur des jeux assez improbables avec des mécaniques intéressantes. Si tu veux essayer il y a le Pnp.
      ça fait longtemps que je suis sur celui la, parce que le jeu a changé un certain nombre de fois au fur et a mesure des tests, donc j’ai vu les balbutiements jusqu’à la nouvelle évolution. Et c’est important de le dire, mais on est devenu ami aprés avoir commencé l’article.

  2. Court-Jus 15/09/2015
    Répondre

    Hey, ça à l’air bien rigolo, ça. Et y’a un PnP en plus, super !

  3. Flemeth 24/09/2015
    Répondre

    Très bon article ! J’ai eu un très bon ressenti lors du festival Alchimie de Toulouse : des decks très variés, beaucoup d’humour noir, des discussions passionnées entre joueurs autour de certaines cartes/décisions à prendre. Beaucoup d’originalité et un créateur très sympa, ce qui ne gâte rien 🙂

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