Deal, gentlemen collectionneurs – y’a quoi dans ta caisse ?

Deal est un petit jeu édité aux éditions de La Donzelle. Lauréat du Ludix d’or 2013 et finaliste au FLIP la même année, il a un beau pedigree qu’on se doit d’apprécier. Pour deux à trois joueurs, sur des durées courtes (10 ou 15 minutes), il propose des négociations ardues, un peu de bluff dû à des infos cachées, mais aussi une lutte contre un système implacable. Alors, de quoi ça parle, vous me direz ?

Nous incarnons des « gentlemen » collectionneurs d’antiquités, en époque plutôt rétro. Notez les guillemets, hein. Chaque joueur dispose un paravent devant lui, et reçoit cinq cartes correspondant à des valeurs en points de victoire, que les joueurs vont attribuer à chacun des cinq types d’antiquités du jeu : joyaux, clefs, statuettes, parchemins et sceptres. Bien entendu, cette information est secrète, et propre à chaque joueur.

Le packaging aux allures de caisse et les paravents mettent bien dans l’ambiance mafieuse des trafiquants d’antiquités du début du siècle. Plutôt agréable et accrocheur, le graphisme est assez personnel, avec sa patte aquarelle/BD. Tout le monde n’accrochera peut-être pas.

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Derrière un paravent, les valeurs si cruciales.

 

Négociation en douceur

Commençons par parler d’une partie à deux.

Lors d’un tour de jeu, on dispose deux cartes face visible, et une cachée, au centre de la table. Les joueurs se mettent d’accord pour se répartir les différentes cartes. Une fois qu’ils ont trouvé un terrain d’entente, ils font le partage et un nouveau tour commence. Si, en revanche, ils ne parviennent pas à un partage qui leur semble équitable, la carte face cachée est envoyée au musée (une pile face cachée hors du jeu) et trois nouvelles cartes sont ajoutées. Deux face visible, une face cachée.

À partir de là, ils sont forcés de trouver un accord, sans quoi le jeu ne progresse pas en faveur des joueurs : si une des parties décide de tout offrir au musée, elle le peut ! Mais normalement, ça doit le faire, car un des joueurs cèdera bien du terrain, tout gentleman qu’il est. (Le rascal. Il veut seulement gratter quelques points).

Lorsque la pile de cartes antiquité est terminée, le jeu s’arrête. Chaque joueur révèle alors les cartes derrière son paravent et compte des points pour chaque brelan, en fonction de la valeur attribuée en début de partie, les cartes surnuméraires ou en sous-nombre ne comptant pas. Simple comme bonjour ? Pas tant que ça.

Vous vous rappelez le musée dont je vous parlais tout à l’heure ? Eh bien chaque carte envoyée au musée vaut 2 points (1 à trois joueurs). Cela veut dire que le musée peut battre les « gentlemen », s’ils ne se sont pas montrés assez galants, justement. « Ça leur apprendra, » vous dira carrément la règle.

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Quelques trésors. Le code couleur fonctionne bien !

 

Variations

À trois joueurs, la négociation exclut toujours un des participants, mais la dernière roue du carrosse sera investi d’une fonction de commissaire-priseur ; veillant à ce que la négociation se déroule bien, il l’écourtera s’il le juge nécessaire, en donnant dix secondes aux deux parties pour trouver un accord. Et si les gentlemen négociateurs sont fâchés, il va récupérer une carte.

Lorsqu’il n’est pas trouvé lors de la deuxième négociation (celle avec cinq cartes), alors la totalité des cartes part au musée. Zou. Bien entendu, cela mettra du stress dans le cocktail plutôt tranquille que propose le jeu, et les scores finaux s’en ressentent : chaque joueur a moins de chance d’avoir les bons brelans, et avoir des valeurs hautes sur les mêmes antiquités s’avérera fatal dans la plupart des cas. Le fair-play (ou l’absence de fair-play) d’un observateur changera aussi la partie. Si les comptes à rebours sont très vite déclenchés, il est possible de devoir conclure des accords très rapidement, et donc de rendre le jeu plus nerveux. En fait, tout est question de comportement général…

De nombreuses variantes permettent de changer la donne, mais le cœur du jeu reste le même : cette âpre négociation avec des objectifs plus ou moins symétriques. Il est donc difficile de ne pas trouver les parties de Deal un brin répétitives. Dommage, car le jeu ne manque pas de richesse.

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Objectifs optionnels. Différents setups sont proposés.

 

Verdict

Je dois l’admettre, je suis un peu déçu par Deal. Même si son format rapide est attirant, que sa diplomatie marche très bien, le côté intimiste le limitera vite, et les variantes ne sont pas suffisamment significatives pour contrebalancer la répétitivité du jeu.

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On vous a dit que c’était joli ?

Je ne dis pas que le jeu est mauvais : loin de là, il mérite largement ses prix pour les sensations qu’il fournit. De la négociation acharnée mais amicale en seulement quinze minutes de temps, c’est quand même un tour de force réussi. Seulement, les parties tendent à se ressembler, et le système de jeu n’aide pas à différencier l’une de l’autre, puisqu’on répète la même action jusqu’à épuisement de la pioche… Mais soyons gentleman et parlons vrai. On a aimé y jouer.

 

>> Fiche de jeu

Un jeu de Florian Sirieix, Etienne Daniault
Illustré par Jérôme Vaspard
Edité par La Donzelle
Langue et traductions : français, anglais, allemand, espagnol, italien
Date de sortie : 10/2014
De 2 à 3 joueurs
A partir de 7 ans
Durée moyenne d’une partie : 15 minutes
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4 Commentaires

  1. TheGoodTheBadAndTheMeeple 08/03/2015
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    Pour un jeu de 10 15 minutes, je ne vois pas le soucis de la répétition perso. Le jeu se calibre sur un jeu d’ambiance rapide et tendu. Qui a dit que Dobble, bazar bizarre ou Jungle Speed étaient rapides ?

    Graphisme engagé, ça c’est sur mais de belle qualité.

    Le jeu fonctionne parfaitement avec tous publics autour de moi et surtout avec les non négociateurs qui y trouvent une sensation de négociation à la fois amicale et compétitive.

    Le jeu est fait pour 3, et le gentlemen est bien celui qui décompte dont le job est de pimenter la négociation sans la briser.

    Je trouve aussi qu’il manque de variantes « expert » pour varier les parties

    • Umberling 08/03/2015
      Répondre

      J’ai beaucoup apprécié Deal, dès le premier contact, mais j’ai eu du mal à le ressortir, car je pressentais la répétitivité. Mais si ça s’est effectivement répété, je me suis quand même vraiment amusé, hein. C’est vraiment un super jeu d’ambiance, mais c’est intimiste, donc limité. Pour moi, c’est un jeu de caractère, fort, mais qui a ses petits travers.

    • LaDOnzelle 09/03/2015
      Répondre

      Le coeur du jeu étant dans la tchatche (c’est un party-game pour 2) changer d’adversaire change RADICALEMENT les sensations de jeu. Précision quand même : il y a une dizaine de variations dans la boîte, chacune changeant la mécanique de collection. Ces variations sont cumulables (donc on dépasse facilement la centaine de variantes).

      Lorsqu’on connaît bien son adversaire, il y a aussi une variante « expert » proposée dans la boîte qui met encore plus d’accent sur la mécanique de collection : on choisit deux ou trois objectifs de scoring qui vont s’appliquer à tous les joueurs en fin de partie. Ces objectifs sont cachés, mais les joueurs ont le droit de négocier le fait de pouvoir les regarder (chacun son tour, avec la permission de l’adversaire). Et là c’est la porte ouverte à la possibilité « d’imiter » l’adversaire plutôt que de payer pour voir, ou au contraire de « rentabiliser » les cartes perdues en échange d’informations sur le jeu…

      • TheGoodTheBadAndTheMeeple 12/03/2015
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        Je n’avais pas vu la variante pour négocier les pouvoirs, très intéressant !

        Personnellement, je préfère de loin jouer à trois. La dynamique est bien pensée et tourne à merveille. Elle permet d’avoir une alternance de phase qui évite la répétition.

        Niveau variante j’aurais aimé voir

        une carte pour booster chacune des 3 différentes civilisations et pas uniquement les maya…
        Un pouvoir qui inverse les valeurs 12345 devient 54321 (excellent pour embrouiller) avec le 3 en pivot
        Un pouvoir qui dit plus de 4-5 cartes dans une famille la réduit a 0
        Un pouvoir qui oblige a négocier de façon muette (thème par correspondance)
        Un pouvoir qui oblige a négocier sans les mains, il faut citer les objets pour dealer (thème téléphonique)
        Un pouvoir qui donne a un joueur un objet spécial à récupérer pour un super bonus. Un espèce de graal personnel (les cartes sont toutes en double si je ne m’abuse ?)

        bref… je me les note personnellement !

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