Codenames – comment est votre blanquette ?

   [NDLR : Cet article vous chronique Codenames dans sa version anglaise, un jeu que Iello a désormais localisé en France. Le jeu VF n’ayant pas changé (hors couverture), ce Just Played est donc valable aussi pour la version française. Bonne lecture !]   

 

Imaginez un jeu de Vlaada Chvatil. Vous voyez, genre Mage Knight, Galaxy Trucker, Dungeon Petz ? Ben… Son dernier-né, Codenames, se joue en 15 minutes. Si si, c’est possible.

Codenames est un jeu à géométrie très variable. Selon le nombre de joueurs, on aura différentes configurations. Jouer contre le jeu à deux, jouer avec deux maîtres espions et un seul agent à trois, … Mais c’est à partir de cinq ou six joueurs que le jeu prend le plus de piment.

Plutôt que de la gestion, Codenames nous plonge dans un monde d’espions, de mots de passe et de langage. Entre ça et le carton qu’a fait Agent trouble à la Gencon, on peut dire que les espions ont le vent en poupe !

 

Les outils d’un bon espion

Le matériel est standard, voire même moche. Les flash cards avec les mots sont à peu près vierges. Notez que l’ergonomie n’est pas à la ramasse puisque les mots sont écrits dans les deux sens et qu’on n’aura pas à pencher la tête pour mieux lire à l’envers – pour ceux qui n’y parviennent pas. Et les cartes à destination des maîtres espions ne sont pas mal, avec leur indication colorée pour déterminer qui commence. Quant aux illustrations, c’est sommaire et un peu moche à mon goût, avec un côté Archer un peu raté. Mais ce n’est pas important, il faut bien l’admettre.

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On reconnait bien Daniel Craig et Pierce Brosnan, hein…

 

CGE propose aussi un sablier pour épicer votre jeu : si ça dure trop longtemps, vous savez quoi faire ! Cela dit, ça reste tout à fait optionnel.

 

Zoom sur les mécanismes

Partons sur une configuration idéale à 6. Deux équipes se font face, les rouges et les bleus. Dans chaque équipe, trois membres : deux agents et un maître espion. Et au milieu de la table, un grille de vingt-cinq mots tirés d’un énorme paquet de cartes double face. Ce champ de bataille sera agrémenté pour les maîtres espions d’une matrice qu’ils se partageront.

La matrice indique quel mot correspond à quelle équipe. Entre 8 et 9 mots par équipe, ce qui nous fera un total de 17 cases colorées, plus 7 cases blanches (innocents) et un nettoyeur en noir.

Pour les maîtres espions, le but du jeu est de faire trouver tous les mots de passe de son équipe aux agents. Pour les agents, bien entendu, il s’agira de comprendre de quels mots il s’agit et de bien capter les indices du maître espion. Car, bien entendu, tout sera très cryptique, un peu à la façon d’un LinQ.

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Grille typique. Ça va donner une partie cryptique à tous les coups.

 

Le tour se découpe en deux phases ; d’abord le maître espion va donner un indice en un mot, et un chiffre correspondant au nombre de cartes qu’il faudra deviner en rapport avec ce mot. Ensuite, les agents essaient de deviner, un par un, les dits mots.

A chaque essai, on a quatre cas de figure :

  • La déduction est correcte. Le maître espion place 1 tuile de sa couleur sur sa carte, et le tour des agents continuer.
  • Les agents sont tombés sur un innocent (blanc). Le tour des agents se termine et une tuile blanche est posée sur la carte.
  • Les agents sont tombés sur un membre de l’autre équipe lors de leur déduction. Le tour des agents se termine et la carte est marquée par les agents adverses.
  • Les agents tombent sur le nettoyeur (noir). L’équipe perd immédiatement la partie, l’autre gagne.

 

Lorsqu’on a atteint le nombre de déductions données par le chiffre du maître espion, il reste un essai supplémentaire optionnel, pour rattraper son retard des mots précédents ou essayer de gagner avant l’autre.

Cela vous semble flou ? C’est pourtant simple.

Imaginons que dans la grille, j’aie à faire deviner :

– Alpes

– Pizza

– Huile d’olive

Je vais dire « Italie en trois », par exemple. Mais imaginez qu’on ait la liste suivante :

– Italie

– Huile d’olive

– Alpes

Je vais dire « Pizza en trois ». Mais j’ai peut-être loupé le mot « Tortue », qui appartient à l’autre équipe. On fait l’association tortue ninja / pizza et on le désigne… et c’est fini pour mon équipe.

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Donc, « fair » est l’assassin. Mais « fair » veut dire « juste », « blond », « fête foraine ». Hmm… Vous voyez ?

 

L’interaction est donc ultra présente, et ce de façon très amusante : en tant qu’agent, on essaie de rentrer dans l’esprit du maître espion et en tant que maître espion, on essaie de trouver des corrélations dans les mots de la grille sans tomber sur les mauvais, et en essayant d’anticiper le raisonnement des agents, en gardant la meilleure de nos poker faces. Louvoyant entre les doubles sens des mots, la culture collective, les mots à ne pas faire deviner, on se plonge dans Codenames comme dans un immense mind palace, et on finit par se prendre pour des cerveaux de publicitaires en plein brainstorming.

Disponible en anglais seulement, il comprend quelques mots rares mais pas beaucoup non plus ; le gros du problème reste les mots possédant des doubles sens, ayant des significations particulières à un argot ou véhiculant des références pas forcément communes. Par conséquent, je recommande d’avoir un anglophone aguerri ou alors un dictionnaire à portée, en attendant la version française. (On nous souffle dans l’oreillette que le jeu arrivera en 2016 en français, mais sous quelle bannière, on ne sait pas encore. Distribué par Iello, ça c’est sûr.) Le tout étant de donner une base exploitable à tous les joueurs.

 

Appli : le gadget du siècle ?

Une appli gratuite sur IOS et Android (et peut-être Windows Phone ?) fait un super boulot pour les maîtres espion. Génération de la matrice, possibilité d’ajouter un timer, et dissimulation de la grille si le portable est en position exposée (écran à l’horizontale) sauf si on appuie sur un bouton particulier : l’appli propose une grande variété de services et le fait de manière hyper efficace. C’est certes un gadget car le jeu peut se jouer sans, mais il faut reconnaître le travail bien fait. Cette application nourrit le jeu, le rend plus fort, et offre des solutions pratiques. En bref, c’est un plus non négligeable.

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La partie se resserre et Fair devient plus facilement choisi… Aïe aïe aïe.

 

Bilan

Bon, alors, ça se sort pour n’importe quel public. Vraiment. Du public occasionnel, certes : le jeu est rapide, s’explique facilement, n’a pas cent trente mille mécanismes intimidants. Pourtant, il émule une réflexion profonde sur le langage avec beaucoup de finesses : on essaie de contourner les doubles sens des mots, trace des chemins de déduction et des chaînes logiques qui n’ont rien d’évident. Du coup, les joueurs chevronnés trouveront leur bonheur dans Codenames eux aussi. Jeu passerelle ? Peut-être, peut-être pas : ça n’introduit pas non plus un public occasionnel vers plus des mécanismes plus complexes, il s’agit simplement d’un jeu à plusieurs niveaux de lecture.

Codenames est donc un excellent jeu que je vous recommande vivement, si la barrière de la langue ne vous fait pas peur : il reste relativement complexe pour qui n’a pas une excellente maîtrise de l’anglais. Sinon, attendez 2016 pour une version française. [NDLR : c’est désormais chose faite !]

 

Codenames

Un jeu de Vlaada Chvatil
Edité par Czech Games Edition
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie : 09/2015
De 4 à 12 joueurs
Durée d’une partie entre 15 et 20 minutes

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5 Commentaires

  1. Kenran 21/09/2015
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    On peut aussi y jouer en ligne avec une traduction Fr disponible.

    http://ninjabunny.github.io/KodeNames/

    • Umberling 21/09/2015
      Répondre

      Oh, je ne savais pas. C’est plutôt cool ! Cependant, c’est de la trad automatique, et je trouve qu’on perd pas mal du fun du jeu : dans le jeu officiel, certains mots sont un peu random, mais beaucoup jouent sur des double sens. Tant qu’un vrai travail de trad & d’édition n’est pas fait dessus, ça va être un peu faible par rapport à l’expérience originale.

  2. TSR 23/09/2015
    Répondre

    C’est quand la VF de la version physique ?

  3. Zuton 04/06/2016
    Répondre

    Découvert hier (à la soirée de la ludothèque de Fontaine-38 très accueillante au passage) en tant qu’agent puis maitre espion et il faut avouer que le jeu est bien plus palpitant dans ce second mode, à l’instar de Mysterium quand on joue le fantôme. J’ai trouvé le jeu sympa mais pas révolutionnaire, il a le mérite de rassembler tout public autour de la table pour un moment convivial !

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