Autopsie d’une cover #3 – Smash Up

Puisque Shanouillette s’est attelée aux traits épurés d’Andor et à la toile d’araignée des destins de Dead of Winter, j’ai choisi pour cette troisième autopsie une couverture d’un tout autre genre, Smash Up. Déjà, vous devez le savoir, le jeu lui-même est bien différent, puisqu’on n’y parle pas du tout de coopération, et qu’on se foutra sur la tronche assez joyeusement. Au bureau, on a tous un petit faible pour Smash Up, d’ailleurs.

Donc, pour la peine, on va analyser la couverture française de Smash Up, soit la couverture de la deuxième édition américaine.

 

Texte & typo

D’abord, concernant l’aspect combinatoire, il est annoncé par le titre lui-même, mot-valise condensé de « mash up » (mélange absurde) et smash (« écraser »). Le pitch et le système de jeu sont d’ores et déjà affirmés par ce simple jeu de mots.smashcover_éclaté

On observe un dégradé de deux couleurs sur le texte du titre. Blanc et vert alien/fluo. Pourquoi ces couleurs ? Le nom de l’auteur, indiqué juste au-dessus du titre, sonne comme un rappel, écrit dans ce vert si particulier. Notons que la typo blanche utilisée dans la boîte américaine (mais pas la boîte française) nous indique les qualités du jeu : le mash-up génial & débile & amical (avec le terme awesomeness (« génialitude »), que l’on n’utilise que très peu à l’écrit). La punchline étant un dispositif de communication très anglo-saxon, on comprendra facilement pourquoi on l’a retiré du dessus de la boîte française, même si elle apporte beaucoup. Par contre, quand on regarde du côté de la couverture japonaise, on a trois punchlines ! La localisation d’un produit ne s’arrête pas à sa traduction : on l’adapte à la culture dans laquelle on rapporte le jeu… et ce n’est pas aussi enfantin qu’il y parait ! Je vous en reparle dans la suite de l’article.

Ce dégradé va du vert au blanc si l’on suit le sens de lecture, et cet ordre en dit long sur le jeu puisqu’il annonce d’ores et déjà l’aspect combinatoire, comme si ce que proposait l’auteur allait être transformé, sublimé, par les joueurs et l’expérience de jeu.

On notera aussi une police moderne et sans empattements, en relief, qui indique la fraîcheur du jeu. On n’est pas dans une aventure médiévale, ni dans un cadre de science-fiction, ou dans un affrontement mythologique. Non, le cadre est neutre et moderne, c’est tout. On notera facilement l’aspect intra-diégétique de la police, qui est recouverte par un dinosaure et un robot, comme si le titre (et donc le pitch) était une donnée du jeu, rien de plus. Le jeu, rien que par ses polices fantaisistes, sonne comme accessible, familial et fun. Pas trop de sérieux.

 

Chaos et profusion

L’image semble confuse au premier abord. On distingue des formes emblématiques dans un champ de bataille. Un alien tout droit sorti de Mars Attacks, un robot, un T-rex avec un canon sur le dos, un pirate, un ninja. La plupart des regards convergent vers le centre de la boîte, comme s’il existait un point de fuite (qui n’est pas repris par le titre, d’ailleurs). Ces figures emblématiques sont facilement identifiables à un stéréotype, et les regards belliqueux qui se rencontrent indiquent le type de jeu auquel on se frotte : ce sera donc de l’affrontement, du combat frontal et sans merci. Mais ce bordel est-il organisé ? Voilà une bonne question.

Dans le fond, on peut distinguer des zones et de vagues silhouettes représentant des bâtiments. De ces zones émergent des lumières tantôt vertes, tantôt bleues, tantôt de la brume, tantôt orange (pour la centrale). Ce fond flou, désuni, parle beaucoup. Les règles du j  eu semblent changeantes, comme pour rappeler que chaque base aura ses spécificités, et chaque pôle de lumière pourrait représenter une base. Sinon, que feraient ces ptérodactyles qui ne semblent absolument pas préoccupés par le combat d’en bas ?

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Boîte FR.

En tout cas, la profusion et la diversité des ennemis viendront vous signifier le changement permanent du jeu : un tour, ce seront les dinos qui vous poseront problème et un autre, les ninjas ou les robots.

La base centrale, aux couleurs chaudes, indique le feu de la bataille. Encore un témoin des règles du jeu : les bases peuvent exploser lorsque suffisamment de troupes sont présentes ! D’où le bordel et la bataille rangée. En fait, c’est un peu comme si la boîte voulait nous apprendre à jouer ! Quant aux autres bases, elles présentent des couleurs et des aspects différents : tantôt vert alien tirant sur le jaune, tantôt brumeux comme au coin inférieur gauche ou luminescent bleu et tellurique dans le coin inférieur droit. Là, on vous indique aussi que les bases ont des effets différents… Enfin, je crois.

 

Style et couleurs

Les couleurs vivent indiquent la diversité de l’ensemble. Que ce soit le rouge de l’œil du robot, le bleu électrique du bâton de l’archimage ou le vert « alien » qui s’étend du t itre aux bases en passant par l’extraterrestre lui-même (en plus de son arme), on a une redondance qui donne un véritable effet de mosaïque. Il est du coup assez difficile de définir un code couleur spécifique. Le bleu du fond, le rouge repris sur maints accessoires, le vert ? Dur à dire. Ce flou dans « qui est contre qui » nous empêche d’identifier clairement des camps, et cela nous éclaire sur la rejouabilité du jeu, qui se complait à mélanger les factions au fur et à mesure des différentes parties. On insiste peut-être aussi sur la modularité, sur la complémentarité des factions, car peu d’éléments jurent vraiment dans ce chaos.

Dans ce joyeux bordel, tout semble à sa place ! Une vraie petite photo de classe, avec les petits devant (remarquez le lutin et le kobold, et les gros patapoufs derrière. En fait, on pourrait presque croire que, malgré leur attitude dynamique et belligérante, tous ces beaux messieurs (bouh, la couverture est macho) posent pour vous donner une idée du contenu de la boîte.

Le style est clairement référencé, stéréotypé. Que ce soit Hook/Capitaine Crochet, Mars Attacks ou Dumbledore d’Harry Potter, on sait clairement identifier les différentes factions présentes dans le jeu, dès le premier coup d’œil. L’improbable mélange est donc construit méticuleusement, pour servir le principe du jeu et le rendre accessible. On notera de petits clins d’oeil, comme ce Necronomicon qu’on ne saurait voir dans la main du seigneur zombi.

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Petit air de famille.

 

Versions

Smash Up est un jeu ayant connu un certain succès. Il est donc normal que ce titre ait connu des versions différentes… mais des boîtes différentes ? Aussi. Jugez plutôt : voici la boîte italienne et la boîte allemande. Les deux intègrent des punchlines différentes de la version américaine. Jugez plutôt : « Plein de factions. Un seul destin. » en italien, et « L’incroyable jeu de mash-up de decks ».

Mais plus que ça, ce qui semble flagrant, c’est le changement total du look de la boîte (et de format aussi, probablement). La version italienne propose un éclaté des différentes factions avec un personnage emblématique, pas tiré de la couverture originale, mais qui provient des cartes elles-mêmes. Les illustrations sont liées entre elles par des séparations s’apparentant à des cases de BD ! Quoi de mieux pour représenter l’esprit déjanté du jeu ?

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Quant à la couverture allemande, elle propose une version plus épurée de la boîte de base, où l’on retrouve des personnages appartenant à l’illus de la boîte mais aussi aux cartes. Le fond provient de l’illustration, mais le conflit est montré de façon moins évidente ; peut-être une marotte allemande que d’éviter trop de conflit direct (ce qui se retrouve, d’ailleurs, dans les jeux à l’allemande). Enfin, on note un changement de format de boîte, avec un objet plus oblong et probablement plus petit, avec un liseré encadrant les bords. Cette composition encadre le jeu de façon très austère, et donne un caractère sévère au jeu (et un peu suranné par rapport aux standards français), comme pour rappeler qu’il doit y avoir du conflit à l’intérieur du jeu, mais que ça doit s’arrêter là.

 

C’est tout pour Smash Up !

De l’ordre au chaos, donc, la couverture de Smash up, qui, en apparence, déborde, finit par acquérir un aspect didactique amenant le joueur directement au jeu, tout en donnant le ton un peu foufou qui traverse le jeu de part en part.

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Boîte japonaise, avec trois slogans et trois point d’exclamation pour être bien génial comme il faut.

 

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2 Commentaires

  1. Antony 17/05/2015
    Répondre

    Excellent ! Je ne regarderai plus la boite de ce jeu de la même manière.

    Bravo. Ton analyse est pertinente et nous en dit plus sur les choix visuels de cette couverture (qui diffèrent selon les pays).

    Sans compter, même si ce n’est pas réellement le sujet, qu’une bonne couverture a son importance car elle aide grandement à bien vendre un jeu.

    P.S : Un lien, en fin d’article, vers les « Autopsies  » précédentes auraient été pratiques.

  2. DaP 19/05/2015
    Répondre

    Mon très chère ami, il va falloir réviser ta Comic Sans …

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