Above and Below, Caverna narratif ?

Above and Below est un jeu du célébrissime Ryan Laukat. À la fois auteur, illustrateur et éditeur, cet Américain ne manque pas de talent, on lui doit Un Monde Oublié, Reliques & Co et Huit Minutes pour un Empire (et bientôt son grand frère traduit, Dix-huit Minutes pour un Empire). Et du coup, avec sa société, Red Raven, il a publié Above & Below il n’y a pas si longtemps. De quoi s’agit-il, me direz-vous ? Eh bien, d’un jeu de gestion d’ouvriers et de développement qui aurait pu s’appeler Caverna (mais sans les nains) parce qu’on va explorer des grottes et tout un empire souterrain, ça oui ! Mais on peut aussi se développer en surface, et se prévoir une colonie florissante sans trop s’aventurer dans l’en-dessous. Et, fait non négligeable, le jeu propose un système narratif très développé avec un carnet, à la manière de Tales of the Arabian Nights. D’ailleurs, le p’tit père Ryan nous en parlait ici.

Point import : Pas de texte sur le matériel ! Cela pourrait être jouable si le livret de narration n’était pas tout en anglais. Il vous faudra au moins deux bilingues pour jouer à Above & Below et faire la narration en dynamique. Mais bonne nouvelle, la VF arrive chez Lucky Duck pour octobre 2020 !

 

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Le mug de café était nécessaire pour installer le jeu.

 

Un nouveau départ

Le pitch m’a beaucoup fait rire : notre village est pillé par des barbares, alors on part en emportant son bébé et sa meilleure canne à pêche. True story. Après maintes tribulations, on trouve un endroit calme et on découvre vite un vaste réseau souterrain.

La partie se jouera donc en sept tours, pendant lesquels nos ouvriers, représentés par de jolies tuiles, accompliront des actions. Ils peuvent :

  • travailler pour de l’or (le pis-aller)
  • récolter des ressources (si dispo dans nos bâtiments)
  • construire (s’ils ont l’icône marteau, et sous réserve de payer le coût associé)
  • recruter/entraîner un nouveau villageois (s’ils ont l’icône plume, en payant le coût indiqué par la rivière)
  • Explorer avec au minimum 2 villageois. L’exploration se fait avec des dés et le livre de narration.

 

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Début de partie avec mon plateau personnel-aide de jeu.

 

Cela n’explique pas qu’est-ce qu’on doit faire dans ce jeu, vous me direz, et vous avez tout à fait raison. Dans Above & Below, le but est donc de développer son village le plus possible. Des points de victoire (surprenant !) marqueront le développement. Comme dans un certain nombre de jeux de gestion, les façons de gagner sont multiples. D’abord, les bâtiments offrent des points de victoire. Ensuite, les ressources que vous récolterez pourront être investies dans votre village pour marquer des points et gagner plus de sous pendant la partie. Enfin, les cavernes ne sont pas vides et les habitants souterrains vous permettront de gagner des PV supplémentaires pour peu que vous ayez une bonne réputation – il faudra donc les aider pour bénéficier de ce type de bonus.

Chacune de nos actions va fatiguer le villageois qui l’accomplit. Nous placerons donc les villageois de la partie « prêt » à la partie « fatigué » (il existe aussi une partie « blessé »). En fin de tour, nous pourrons reposer nos villageois en les plaçant dans un lit. Chaque joueur commence avec trois lits. Un lit permet de bouger un personnage d’un cran, et un personnage ne peut se servir que d’un lit par tour. Autant vous dire que dès que l’on commence à recruter, les lits deviennent un bien de première nécessité et on se jettera sur les bâtiments qui en attribuent… à condition d’avoir le pécule pour les construire. Du cidre revigorera nos gaillards et quant aux blessés, ils pourront boire une potion de soins pour changer de statut sans se reposer. De quoi manipuler un peu la donne.

 

L’exploration

Parlons un petit peu de ce la séquence d’exploration. Elle est importante dans le jeu pour plusieurs raisons. D’abord, explorer une caverne donne le droit de construire un avant-poste, plus fort que les bâtiments en surface. Ensuite, surmonter un obstacle octroie des récompenses, en or, en ressources, en réputation ou même en villageois : il y a des surprises un peu partout.

Lorsqu’une exploration commence, on lance un dé, demande à un joueur de nous lire le paragraphe indiqué. En général, on nous mettra face à un choix. Voici un exemple créé de mes propres mains :

Un vieil homme blessé vous appelle à l’aide.

  • AIDER LE VIEIL HOMME : Exploration 3 (une potion), Exploration 6 (une potion, +1 réputation)
  • VOLER LA BESACE DU VIEIL HOMME : Exploration 5 (-1 réputation, 2 or, 1 améthyste)

 

La personne lisant le paragraphe au joueur actif va toujours omettre les récompenses entre parenthèses, mais mentionnera toujours les seuils de réussite de chaque choix. Le score d’exploration est lié à des lanternes qui sont apportée par les personnages engagés dans l’action. Certains personnages vaudront plus ou moins de lanternes et leur score exact sera défini par un jet de dé.

Si vous choisissez « aider », vous avez besoin de faire au moins 3 points d’exploration pour « libérer » la carte et avoir le droit de vous en servir comme avant-poste. Sinon, la carte est perdue.

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Comme un petit air de Livre dont vous êtes le héros ?

 

La narration est assez simple et efficace, et on découvre peu à peu un petit monde sympathique mais pas renversant de cohérence non plus. L’univers n’est certainement pas le plus développé qu’on puisse trouver, ni le plus profond. Néanmoins, certains choix sont assez intéressants car ils vous feront bien entendu baisser en réputation : soyez méchant, et vous aurez pleiiiiin de sous pour vous payer des trucs en surface ! Les différentes rencontres paraissent équilibrées, mais certains choix vont quand même être plus valorisés que d’autres, ou certaines rencontres influencer la partie de façon assez forte. Gagner un nouvel ouvrier en explorant sera très bien lors des premiers tours, mais au dernier, on s’en fichera un peu, alors que des ressources… Bref, c’est la circonstance et comment nous avons orienté notre village qui va déterminer l’efficacité d’une rencontre. On ne peut pas satisfaire tout le monde !

L’alliance de la narration et de la construction/gestion est véritablement au cœur d’Above & Below, et donne aussi un certain intérêt à rester pendant les actions des autres : on veut savoir quel choix ils vont effectuer, dans quelle direction ils vont aller, et aussi ce qu’ils vont découvrir. Intéressant parti-pris !

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Quelques bâtiments disponibles en cet instant T.

 

Lacunes

Above & Below souffre de quelques lacunes ; une aide de jeu pour le scoring et la phase de repos n’aurait pas été de refus, par exemple. Ensuite, certains traits auraient pu être identifiés d’un pictogramme. Par exemple, les hommes-poissons (des villageois que nous pouvons recruter) ne sont pas clairement décrits comme tels. Ce bonhomme à face de crapaud en est-il un ? Ah, et puis la boîte manque cruellement de rangements. Quelques sachets pour les cartes et jetons n’auraient pas manqué.

Le système de commerce et d’échange entre les joueurs n’est pas non plus très satisfaisant : on sait très bien que l’on vend des ressources aux adversaires pour leur propre développement, et on renâclera si souvent à le faire que dans les deux parties qu’il m’a été donné de faire, on n’a vendu qu’une seule ressource en tout et pour tout. Autant vous dire qu’on n’était pas tellement incités à le faire.

Enfin, au niveau du scoring, le développement du village avec des ressources est absolument indispensable. Dans ces conditions, difficile de le négliger, même si on a des velléités de développement en surface. Les ressources servent à assurer des revenus plus hauts en cours de partie, mais aussi à marquer plus de points une fois venue la fin. En gros, on ne peut pas y couper. Même si notre stratégie peut plus ou moins s’orienter dans cette direction, il faudra tout de même essayer d’en glaner le maximum possible. On notera les différents axes de stratégie, cependant :

  • Surface : stable, mais trop cher pour qu’il soit possible de ne faire que cela ;
  • Exploration + avants-postes : plus aléatoire, mais aussi plus fort que la stratégie de surface pure. Moins de bâtiments cependant, donc moins de scoring avec eux (mais cavernes). Hasardeux.
  • Recrutement de villageois + lits : les multi-actions vous permettront de faire pas mal de folies (explorations à 3 ou 4 villageois, actions pour avoir des sous, etc). Ne garantit pas de rentabilité, trop lent.
  • Ressources : la priorité est mise sur l’acquisition de ressources de toutes les manières possibles, en panachant avec d’autres actions situationnelles (un ou deux recrutements, un lit). Le but des constructions et des explorations va clairement aller vers les ressources. Exponentiel, gain de sous en cours de partie : le pied.

 

Toutes les lacunes précédemment évoquées ne sont pas nuisibles à l’expérience de jeu, mais existent et peuvent freiner la première partie.

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Villageois de base en haut, en bas villageois achetable. A droite, ceux qu’on obtient en explo.

 

Bilan

Above & Below a donc les allures d’un Caverna sans en avoir l’abyssale profondeur, pour son développement en surface ou dans les grottes. Le côté narratif – thématique, diront certains – apporté par le carnet d’explorations est ma foi bien agréable dans un type de jeu où le mécanisme est trop souvent roi. Je note cependant que les textes sont parfois un peu anecdotiques, peu palpitants ; si Ryan Laukat a fait appel à des talents extérieurs pour l’écrire, il aurait pu passer un peu plus de temps pour construire un univers plus immersif et intrigant. En gros, c’est un peu léger sur ce plan-là, mais j’ai toujours la dent dure de ce côté.

La sensation est donc rehaussée par rapport à un jeu de gestion classique : on s’y croit un peu plus, on est plus curieux, mais justement, la partie développement souffre d’un hic avec une stratégie prépondérante. C’est un peu dommage, même si ça n’enlève pas beaucoup au charme aérien de ce titre original. En tout cas, un certain goût de revenez-y s’installe, surtout pour l’exploration, mais aussi un peu pour le côté stratégique.

Bref, si vous n’avez besoin que de chiffres et de stratégies absolues pour prendre votre pied, Above & Below n’est probablement pas fait pour vous. Si en revanche vous n’êtes pas contre une petite escapade ludique, ce titre de Ryan Laukat saura probablement vous séduire !

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Reposer ses villageois : dilemme de planification : que ferai-je le tour prochain ?

 

Above & Below,

Un jeu de Ryan Laukat
Illustré par Ryan Laukat
Edité par Red Raven Games
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie VO : 10-2015

Date de sortie VF : octobre 2020 

De 2 à 4 joueurs
A partir de 13 ans
Durée d’une partie entre 90 et 120 minutes

 

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22 Commentaires

  1. morlockbob 22/04/2016
    Répondre

    C’est tout le problème de Laukat, il reste perpétuellement en surface, les idées sont là, mais une fois que ça fonctionne à peu près, il ne peaufine pas. C’est dommage.

    Mais vu les scores de ses KS, c’est peut être lui qui a raison…

  2. fouilloux 22/04/2016
    Répondre

    « il reste perpétuellement en surface », « ni le plus profond »: c’est con avec ce thème là!

    Sinon ça donne assez envie.

    • Meeple_Cam 22/04/2016
      Répondre

      What ? Fouilloux intéressé par un jeu type « Caverna » ? donc un jeu type « Rosenberg » ? ça, je vais me le garder dans un coin de tête 😀

      • fouilloux 22/04/2016
        Répondre

        Ah non mais moi c’est de rajouter une partie narrative que je trouve cool.

        • Umberling 22/04/2016
          Répondre

          Alors, c’est sûr que ça rajoute une couche d’immersion bien agréable hein 🙂

          Ça ne change pas le type de jeu, certes, mais c’est frais et on est engagé dans le tour des autres joueurs parce qu’on lit/suit leurs expéditions, et qu’on attend avec impatience de savoir s’ils foirent 😀

  3. atom 22/04/2016
    Répondre

    Je trouve ça intéressant, mais si ça sort en français. Est ce que Iello compte le traduire ?

  4. Wraith75 22/04/2016
    Répondre

    Atom, j’avais demandé à Matthieu Bonin peu après la GenCon, où le jeu avait rencontré un énorme succès, et il m’avait dit non.
    A moins qu’ils aient changé d’avis depuis…

    • atom 22/04/2016
      Répondre

      Malheureusement ça ne m’étonnes pas, trop de travail de traduction, a moins que des fans fassent le boulot, un peu comme dans les Mille et une nuit.

      • Umberling 22/04/2016
        Répondre

        J’allais le dire : le boulot de trad n’est pas titanesque (ce n’est pas un jeu de rôle) mais est tout de même très conséquent. Le livret d’explo contient 250 paragraphes. Le truc, c’est qu’une bonne trad, c’est cher. Et pour le nombre de copies que ça demanderait, c’est mort. Aujourd’hui, si KS peut faire de la figurine, il pourrait faire du narratif et de la trad (comme avec D&D open source). Mais pour ça faudrait que le p’tit père Laukat s’en mêle, et que iello fasse du financement participatif. C’est mort à mon avis. 😀

  5. mattintheweb 22/04/2016
    Répondre

    On va essayer de se repencher dessus et voir si on change d’avis… 😉

  6. M3th 23/04/2016
    Répondre

    Sympathique.  Avec une traduction le jeu pourrait rencontrer son public et donc son succès car il est tentant.  Et le graphisme laukat passe toujours aussi bien. Merci pour l article.

  7. morlockbob 23/04/2016
    Répondre

    iello a surement eu un franc succès avec 8 minutes empire, qu’en est il des autres Laukat ? j’ai pas l impression que « monde oublié » ait crevé le plafond, « reliques » peut etre plus ?

    • mattintheweb 23/04/2016
      Répondre

      C’est plutôt l’inverse : Un Monde oublié a été en rupture assez vite, tandis que Reliques & Co s’écoule un peu plus doucement (malgré des retours  majoritairement positifs). Mais le potentiel de ces jeux sur le marché francophones restent quand même assez limité : ça parle à quelques milliers de connaisseurs, et c’est difficile à promouvoir au-delà (puisque sur une traduction on ne gagne pas assez pour dégager un gros budget comm’). Donc si on décide de le traduire, on est à peu près certain de faire une opération blanche ou presque.
      Mais bon, je vais essayer de motivé les collègues pour qu’on réessaie le jeu, et si ça nous plaît, on verra ce qu’on peut faire. 😉

  8. reveur81 23/04/2016
    Répondre

    Selon les stats BGG, il y a 2 fois plus de gens qui possèdent Above and Below que de gens qui possèdent un Monde Oublié.

  9. phenice 24/04/2016
    Répondre

    J’aime beaucoup les idée de cet auteur, j’ai trois de ces jeux. Mais l’auto-prod fait que ces jeux ne sont pas à mon sens totalement abouti. Il y a toujours un goût de « dommage cela aurait pu être un super jeu ». Perso j’hésite maintenant à les acheter à cause de cela.

  10. alfa 11/09/2020
    Répondre

    Une VF 5 ans après… merci lucky duck

    j´attends la critique de NEAR AND FAR également , il me plaira peut-être mieux

    • OlivR 12/09/2020
      Répondre

      Je confirme : merci Lucky Duck. Depuis le temps que je désespérais de ne pas avoir de VF pour ce jeu.

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