► E.D.I.T.O : de 7 à 77 ans – L’âge sur les boîtes

Un débat a fleuri dernièrement – comme il en existe tant chaque jour qui s’épanouissent pour disparaître aussitôt dans les vastes plaines de The Internet.

Celui-ci reposait sur la question des mentions d’âge sur les boîtes.

Le tout est parti d’un billet d’humeur posté par l’ami Acariâtre, grâce lui soit loué, et lien en soit rendu.

La question, qui mérite sans doute d’être posée mais vous en jugerez vous-même, se formule en ces termes : estampiller les boîtes de jeux de société avec un âge minimum (4+, 7+, 10 +, 14 +, etc) ne relèguent-il pas ces derniers éternellement à la famille des loisirs “pour enfants” ? Formulons la chose autrement : Quand un adulte sort une boîte notée “à partir de 7 ans” et essaie d’expliquer dans la foulée que “ce n’est pas pour les enfants”, ne se sent-il pas un peu pris en flag de mauvaise foi ? Faut-il s’inspirer des codes existants déjà dans le cinéma ou le jeu vidéo pour changer la donne et offrir à notre passion des allures un peu plus matures, dans le but non avoué d’accéder ine fine à la reconnaissance culturelle ?
Est-un levier pertinent ? 

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Au cinéma, un film est interdit aux moins de 12, ou 16 ans, quand la Commission de classification considère que l’oeuvre présente des séquences susceptibles d’être inadaptées, et la Commission explique son choix. Il en va de même dans le jeu vidéo, où les éditeurs utilisent une classification PEGI normée et des pictogrammes précis qui permettent de cibler le public. Chacun peut comprendre à qui s’adresse le produit. Un peu de la même façon, certains joueurs de j2s revendiquent le fait que l’on pourrait partir du principe qu’un jeu est déconseillé sous un certain âge car il utilise, par exemple, beaucoup de textes sur son matériel, ou parce qu’il use d’illustrations violentes. 

 

À partir de quel âge peut-on s’amuser ?

 

Définir l’accessibilité d’un jeu s’avère une tâche somme toute compliquée. Bien sûr, il convient de mentionner la barrière de la lecture, sorte d’obstacle immuable, concret, quasi “objectif”. On admet généralement que l’enfant de 7 ans sait lire, au moins des phrases simples, mais bien sûr, c’est une généralisation, autrement dit, déjà une contre-vérité dans de nombreux cas particuliers. Ainsi, la précision sur l’usage du texte semble bien utile, afin que chaque parent se fasse sa propre idée sur la praticabilité d’un jeu.  

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On voit déjà ici ou là, des éditeurs mettre en place des codes qui leur sont propres sur la complexité. Mais sans homogénéisation des picto, difficile d’y trouver sens. Cette boîte d’EXIT est mentionnée comme étant d’un « niveau confirmé« , mais comment savoir à quoi s’attendre sans autres références ? 

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S’ajoute à cela le fait que l’appréhension de la complexité est une chose bien variable selon le public, quel que soit l’âge (certains concepts paraîtront évidents pour Juliette quand ils resteront abstraits pour Xavier alors qu’ils ont le même âge, le même niveau d’étude, le même background ludique). Tout dépend des personnes, mais aussi du contexte d’apprentissage. Le jeu de société, c’est un peu comme la musique. Si vous avez des passionnés sous la main pour vous transmettre les règles de façon spontanée (vive la tradition orale !), vous aurez vite envie de jouer. Diriez-vous d’une chanson de Brel qu’elle est “PEGI 7” ? (Pourtant j’ai déjà vu des petits CP entonner des oeuvres du Grand Jacques…). Le contexte de transmission est déterminant (c’est pour cela que nous avons une section « contexte » dans nos tests d’ailleurs !). Un jeu qu’un ami vous a narré avec passion vous paraîtra plus attrayant et accessible qu’un jeu dont vous ne savez rien et dont il vous faut vous farcir le livret from scratch. Le jeu de société est “de société” jusque dans son apprentissage. Aussi, s’ériger des grandes barrières basées sur des généralités a bien souvent peu de sens dans tous les cas singuliers que chacun peut expérimenter. C’est pourquoi plus on pourra être précis sur l’âge des boîtes (surtout pourquoi cet âge), plus chacun sera à même de se faire sa propre opinion. Bien entendu, l’idéal serait (à l’instar du système PEGI) de s’en tenir à une convention reconnue et utilisée par tous les éditeurs. Autant dire que ça n’arrivera pas de suite… si cela arrive un jour…   

 

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…Et bien sûr, cela devrait sans nul doute s’accompagner tout de même d’une annotation concernant les risques liés au matériel. En effet, jusqu’à l’heure actuelle, le matériel des jeux relève de la législation des jouets, et les j2s doivent donc répondre à certaines normes (sur la résistance des matériaux, l’inflammabilité et la volatilité des particules, etc). Jusqu’à maintenant, mais c’est en train de changer, certains éditeurs notaient “14+” sur leurs boîtes afin de ne pas avoir à fournir les certificats de conformité liés aux produits pour les enfants. En effet tous les tests en laboratoire sont payants et à la charge de l’éditeur. En général, le tarif est de l’ordre de 1000 $ mais le prix dépend du nombre de matériaux différents, du nombre de pièces et surtout de l’âge inscrit sur la boîte.

Mais quel dommage de segmenter ainsi sa cible pour de mauvaises raisons ! “Aujourd’hui certains éditeurs estampillent même “18+” pour être certains de ne pas être embêtés sur ce sujet.” nous explique Vincent Vandelli, secrétaire de l’Union des Editeurs de Jeux de société, et représentant de la société Whatz Games (jusqu’en février 2018) en tant qu’intermédiaire et conseil en fabrication.

L’UEJ est justement en train de travailler à l’élaboration d’un livret blanc qui à terme sera disponible pour tous les éditeurs. L’objectif est principalement de rappeler point pour point les lois et obligations pour éviter les zones de flou. “Cela devrait être prêt courant d’année.” nous précise Vincent.

Autant dire qu’avant d’obtenir une pratique généralisée et homogène sur les pictogrammes, on a encore un peu de temps !

 

 

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7 Commentaires

  1. Grovast 16/05/2018
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    J’avais omis de signaler au Sieur Acariâtre que son dernier journal de bord était particulièrement pertinent, voilà la chose réparée sans que j’aie quoi que ce soit à faire : parfait.

  2. Arnauld VM 17/05/2018
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    Dans un des derniers épisodes du podcast Proxi-Jeux (https://podcast.proxi-jeux.fr/2018/05/n97-bars-ludiques-le-nid-et-la-revanche/), on peut entendre un gérant de bar à jeux expliquer qu’il y a souvent une grande différence entre le niveau des jeux auquel un adulte est capable de jouer après qu’on les lui ait expliqués, et le niveau des jeux qu’il est capable de comprendre par lui-même en lisant les règles.

  3. TheGoodTheBadAndTheMeeple 17/05/2018
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    Oui c’est un sujet trop classique, les éditeurs collent à la norme pour coller à la norme. Ça n’a pas beaucoup d’autre intérêt que la sécurité des enfants.

     

    Une charte inter éditeur serait utopique il faudrait qu’elle soit menée par un major tel Asmodée ou Hasbro. Si tant est que cela ait un intéret comme bien dit, en fonction de l’initiaiton de la personne et de la personne qui initie on pourra jouer bien plus tot que l’age indiqué !

    C’est insoluble pour moi et tant mieux pour le conseil oral du vendeur qui sera toujours plus pertinent.

    • fouilloux 18/05/2018
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      Pourquoi se serait utopique? L’article indique que l’UEJ travaille déjà sur le sujet?

  4. acariatre 18/05/2018
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    Merci Shanouillette pour cet article, parfaite synthèse du sujet et des enjeux !

  5. Mortilas 25/05/2018
    Répondre

    La première barrière immuable que j’aie rencontrée en initiant ma fille aux jeux de société n’était pas celle de la lecture mais celle du … calcul ! Heureusement cet obstacle a rapidement été converti en atout, compter les points, c’est amusant 😉

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