Una Vittoria Impossibile : Siamo tutti antifascisti !

Nous sommes tous antifascistes !, ça fait du bien de le rappeler en ces temps un peu obscurcis. En 1922, les citoyens de Parme résistent courageusement contre la montée du fascisme. Le premier août des milliers de chemises noires assiègent la ville. Les citoyens vont résister, barricader la ville et repousser les Squadristi. Une victoire impossible acquise pourtant au prix d’une résistance acharnée.

Cent ans plus tard, trois auteurs, Paolo Mori, Simone Serrao et Francesco Sirocchi, ont décidé de leur rendre hommage en réalisant ce jeu. Il est édité chez Orso Ludo, une librairie indépendante, dans une première édition avec un tirage à 500 exemplaires. Je l’ai commandé sur un site internet italien et reçu quelques jours plus tard. Voici de quoi il retourne. 

Nous retournons à cette date, le fameux premier août 1922, au moment où les chemises noires débarquent dans la ville de Parme. Nous allons résister ensemble durant quatre jours aux assauts des Squadristi. La ville est découpée en deux districts, celui de Navigli et celui de Oltretorrente et nous allons naviguer d’un quartier à l’autre pour organiser la résistance.

Una Vittoria Impossibile propose un mécanisme extrêmement simple : nous avons des cartes en main et nous devons en dépenser au moins une (ou plusieurs) afin de réaliser une action parmi les cinq possibles. 

 

 

Plus on joue de cartes et plus on lancera de dés et aura de chance de réaliser des succès. On peut très bien être aidé par nos camarades présents dans un des quartiers de la ville de Parme. Pour chaque multiple de cinq, c’est un succès. Par exemple, on vient tous en commun de réaliser deux rations de nourritures qui vont nous être utiles pour la suite. Pour construire une barricade c’est la même chose, mais la valeur de construction augmente durant la partie.

Avant ou après notre action, on peut se déplacer et amener avec nous une des « ressources » du jeu, mais uniquement dans le même district. Quelles sont-elles ? Des rations pour augmenter la valeur des dés, des munitions pour tirer sur les chemises noires, ou des citoyens que l’on peut mobiliser pour renforcer nos rangs. 

Une fois que l’on a réalisé notre action, on va refaire notre main. Plus on a joué de cartes et plus on va piocher, mais aussi faire avancer la journée, un peu comme dans Pandemic, avec le risque de voir la menace se rapprocher. Parmi les cartes tirées, sont en effet présentes des cartes Squadristi. Si une de ces cartes est tirée, on lance un dé et on place un pion noir Squadristi devant l’un des six quartiers du jeu. La menace s’applique.

Deux possibilités : si une barricade est présente, elle reste en place, et l’escadron fasciste n’a pas réussi à passer. mais le pion noir reste, seule l’action repousser des escadrons permet de les éliminer. Si un citoyen est présent, le combat a été rude, et un citoyen a donné sa vie pour la cause. Il est défaussé, et le Squadristi reste à la périphérie du quartier. Si jamais il y a deux pions noir, ça dépendrait du nombre de barricades et de citoyens. Si jamais ils réussissent à passer, tout ce qu’on avait laissé dans le quartier est détruit (munitions, rations) et on avance le marqueur de défense de la ville, si celui-ci arrive au bout de la piste, c’est la défaite immédiate, on perds aussi si l’on ne peut plus placer de pion fasciste.

 

 

Et plus la partie avance et plus il y a de pions noirs sur le plateau. Si au début nous avons trois cartes Squadristi dans le deck, à chaque journée on en ajoute une, la tension sur les quartiers de Navigli et Oltretorrente se fait de plus en plus forte. Il peut très bien arriver que l’on en pioche une ou deux d’affilée et pile au mauvais endroits, là où on est mal préparés. 

 

Arditi Popolo

Tout d’un coup on est submergés et le marqueur de résistance avance non pas d’une, mais de deux ou trois cases. Si vous êtes amateur de jeu coopératif, vous avez sûrement déjà vécu ça. Lors de ma dernière partie de Pandemic : Chute de Rome (d’un des auteurs), la première carte piochée fut une révolte. Deux pillages dans le même tour coup sur coup. Ouch. 

Ce hasard peut irriter, mais c’est aussi ce qui ajoute de la tension. Dans Una Vittoria Impossibile, on n’a pas de temps à perdre, les fascistes sont aux portes de la cité. D’un côté, quand on en a pioché trois d’un coup, on sait que c’est fait et qu’ils vont nous laisser tranquilles au moins jusqu’au prochain jour et que l’on peut organiser la riposte.

 

Le dernier jour, on résoudra une ultime attaque avec deux nouvelles troupes fascistes. Si l’on a tenu bon jusque là, les chemises noires repartiront la queue entre les jambes. La ville pansera ses blessures et commémorera ses citoyens morts pour la cause. C’est ainsi que s’est déroulée l’histoire avec un grand H, les fascistes ont subi de lourdes pertes, alors qu’ils étaient plus nombreux et mieux équipés. Malheureusement, ils reviendront plus tard, et cette fois, ils l’emporteront… 

On a été marqués dans Una Vittoria Impossibile par la narration légère qui se tisse de par la mécanique et les choix des auteurs. On est jetés dans le bain sans se mouiller la nuque. Les cartes personnages n’ont qu’un léger texte mais cela leur donne une présence humaine certaine, je me suis même demandé si ces personnages avaient existé. Cécilia réussit à transporter plus d’une ressource, soit parce qu’elle connaît les coins et recoins de Parme, soit parce que l’on ne soupçonne pas une bambina, ou peut être un peu des deux, en tout cas notre personnage est bien caractérisé. Wilma c’est la femme de caractère, solide, déterminée, et d’ailleurs sa présence a la même capacité qu’une barricade.

J’aurais pu vous parler du Padre Pio homme de foi qui galvanise ses ouailles et nous permet de remplacer des victuailles ou des munitions par des citoyens, ou Bianca, jeune fille résolue à éliminer du fasciste. Six personnages bien trempés par le coup de crayon de Karyna Maleieva – avec l’air de rien une parité bien méritée, et oui les femmes n’ont pas de seconds rôles ici, ce qui correspond à la réalité historique. Comme disait Porco Rosso, la moitié des hommes sont des femmes 🙂 

 

 

Les choix éditoriaux mettent tout cela en valeur mais de manière sobre. On est loin de la débauche matérielle actuelle, ce qui sied bien au propos grave du titre. Le plateau central ressemble à une carte de ville où les habitants auraient griffonné les contours dans des discussions tactiques autour de quelques verres de vin rouge, des traces de ronds de verre en attestent. Elle semble avoir du vécu.  

Les cartes d’actions ne comportent aucun texte. Elles sont dominées par une seule couleur, l’illustration dit le reste. J’aime beaucoup les visuels des personnages, des camarades courageux que l’on a envie d’incarner. Côté matériel toujours, des jetons en bois, ce qui a son charme et tout en efficacité, j’aime bien que les fascistes ne soient pas représentés avec des Meeples, mais des pions noirs pour bien différencier le tout, ce qui facilite la lecture. Ce sont des choix militants, réfléchis et ergonomiquement, tout est logique. J’adore le travail de Karyna Maleieva, c’est d’ailleurs à mon sens la plus belle boite de ma ludothèque actuellement, elle dégage quelque chose de très particulier. 

 

 

Il existe une variante expert avec des missions à réaliser, seules ces cartes ont du texte. J’ai trouvé sur BGG une version traduite en anglais que j’ai “traduit” en français. Ces missions doivent être réalisées avant la fin de la journée, les réussir nous donne un bonus important, à l’inverse ne pas y arriver c’est ajouter de nouveaux problèmes. L’air de rien, ces missions changent le gameplay car pour y parvenir il faut s’y consacrer et ça veut dire qu’on va laisser quelques trous dans la raquette dans la barricade. 

 

 

Je pensais avoir affaire à un jeu militant bien réalisé et sympathique, mais c’est plus que cela. Una Vittoria Impossibile est un jeu d’une extrême élégance, où rien ne dépasse, porté par des choix éditoriaux respectueux du propos et bien réfléchis. Les parmesans de Orso Ludo ont fait les choses bien. Les règles sont suffisamment simples pour le proposer à quiconque appréciant le thème et les coopératifs. Un coup de cœur où la mécanique sert le sujet et vice versa. Un opus à part dans ma ludothèque. 

 

Le giornate dell’agosto 1922 a Parma.

Pour en savoir plus : 

 

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3 Commentaires

  1. armelle il y a 17 jours
    Répondre

    un jeu que je recherche !! pas facile à dénicher !

    • atom il y a 16 jours
      Répondre

      Il faut passer par internet, je l’ai trouvé sur un site italien et je l’ai reçu en quelques jours.

  2. Shanouillette il y a 17 jours
    Répondre

    un coopératif épuré et engagé. en tout cas ça donne envie d’aller visiter cette boutique…

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