SOLO IS BEAUTIFUL #15 [MARACAIBO ; ROBINSON CRUSOE]

Ça y est, alors que l’on sort doucement des chaumières, l’été pointe son nez et crame le notre. Il y a comme une envie d’aventure qui flotte dans les cœurs et dans l’air. « L’aventure » dans un jeu de société n’est pas forcément narrative, elle se construit dans notre imaginaire, d’actions en événements puis de combos en jets de dés. Et lorsque les mécaniques servent la thématique, c’est là qu’elle se vit !

C’est donc le bon moment pour sortir une petite chronique sur des jeux en solo qui nous font vivre une aventure ! Au programme de ce nouveau Solo deux jeux qui ne sont presque plus à présenter pour la communauté soliste !

 

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 MARACAIBO

3.5 sur 4

  • Auteur : Alexander Pfister
  • Illustrateurs : Fiore GmbH, Aline Kirrmann, Andreas Resch
  • Editeurs/Distributeurs : Game’s Up, Super Meeple
  • Joueurs : 1 à 4
  • Sortie : 2019 (VO), 2020 (VF)
  • Mécanique de solo : battre un automa
  • Durée : 30 minutes + 20 minutes d’installation
  • Thème : commerce et colonisation dans les Caraïbes du 17e siècle
  • Place sur la table : 90×90 environ
  • En résumé : gestion de main, contrats, course à points
  • Prix : 65 € en boutique

 

Et voici la star du moment.
Dans Maracaibo, vous incarnerez un capitaine de navire et vous naviguerez avec vos adversaires autour des Caraïbes en quête de gloire et de richesses. S’inscrivant dans la lignée de Great Western Trail, ce jeu de stratégie de type « eurogame » consiste à remporter le plus de points de victoire possible en saisissant les meilleures opportunités qui s’offrent à vous.

Pour faire court, Maracaibo c’est l’aventure, mais avant tout la liberté. Cette liberté d’action est en partie due au faible niveau d’interaction entre les joueurs. Chacun peut monter ses projets avec des risques d’entraves présents mais relativement limités. Mais aussi, on comprend à la vue du plateau largement agrémenté d’icônes que les possibilités de jeu pour marquer des points sont nombreuses. Vous pourrez user des différentes voies possibles, en vous spécialisant plus ou moins, et en mariant intelligemment l’achat de vos cartes pour faire fleurir les combos.

 

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Vous gérerez de l’équipage ou livrerez des ressources à travers votre main de cartes, mettrez vos armes au service des nations en pleine colonisation, explorerez la forêt tropicale à la recherche d’un eldorado et accomplirez même des quêtes pour augmenter votre renommée ! Que de diversité dans le gameplay donc.

Et bien sûr, le jeu est servi avec un mode solo très plébiscité ! Mais avant de l’aborder, je vous invite à découvrir Maracaibo à travers ce Just Played, où les mécaniques et sensations de jeu sont très bien expliquées par Atom.

 

La découverte du mode solo

Commençons par un point qui fâche. L’installation est loooooooooongue. 15 à 20 minutes au compteur, le temps de disposer le plateau et ses nombreux cubes, le plateau joueur et ses nombreux marqueurs, de mélanger des paquets de cartes géants, d’extraire un certain des cartes de chaque paquet, de les rassembler puis de mélanger à nouveau le paquet géant nouvellement formé… ouf ! Cela fait, la mise en place du jeu en solo prendra quelques minutes supplémentaires avant de pouvoir savourer votre partie.

En solo, vous affronterez Jeanne, une capitaine de navire rivale, qui vous défiera dans une course navale et commerciale autour des Caraïbes. Elle sera incarnée par un automa constitué d’un plateau et d’un paquet de 5 à 7 cartes duquel vous piocherez une carte par tour de jeu.

Les règles du jeu solo sont conséquentes et occupent 2 pages ½ du livret. On est ici en présence d’un mode solo solide et non pas d’un post-it décoratif permettant d’ajouter un « 1 » au nombre de joueurs sur la boite.

Si le livre de règles est clair et bien illustré dans son ensemble, la partie solo fait exception. Certaines informations manquent, laissant des interrogations sur quelques points, ce qui a le don de me faire grincer des dents. Une demi page supplémentaire n’aurait pas été de trop pour éviter quelques frustrations. Cela dit, Alexander Pfister (l’auteur) est on ne peut plus actif sur les forums BGG pour répondre aux questions. Pour ma part, il a couvert toutes mes questions, auxquelles j’ai trouvé les réponses en tapotant sur Mr Google. Un souci avec l’automa sur la piste d’exploration ? tapez « Maracaibo Jean exploration » et vous trouverez tout votre bonheur (NDLR votre adversaire s’appelle bien « Jean » en VO).

 

Les mécaniques du solo

Trois petits paquets de cartes contiennent les actions possibles de l’automa. 5 niveaux de difficulté (de Très Facile à Très Difficile) vous sont proposés et vous indiqueront le nombre de cartes à piocher aléatoirement dans chaque paquet. La constitution aléatoire du paquet automa donnera le ton de la partie, avec des tendances plus ou moins prononcées vers l’exploration, l’influence auprès des nations, le commerce ou l’amélioration du navire. Ce principe est garant d’une grande rejouabilité.

 

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À chaque tour donc, vous piocherez une carte du deck automa et exécuterez les actions listées de haut en bas, en commençant par le déplacement. Le plateau Automa va présenter une ligne de petits disques de bois, que vos défausserez à chaque fois que Jeanne s’arrêtera sur une ville pour livrer une ressource ou à chaque fois que la carte Automa vous le demandera. Chaque disque retiré de son plateau augmentera le revenu de Jeanne en points de victoire à la fin de chaque manche.

Première constatation : le jeu en solo est fortement contraint par le jeu de l’automa. En effet, Jeanne gagnera de gros points excédentaires chaque fois que vous la laisserez vous devancer sur une ou plusieurs des 3 voies : exploration, accomplissement de quête et amélioration du navire. Le tarif annoncé sur le plateau automa est très punitif. Par exemple, si elle accomplit 3 quêtes de plus que vous en fin de partie, elle vous enverra 30 points « in da face », ce qui est pour ainsi dire un Game Over. Autant dire qu’il faudra surveiller ses agissements et ne pas jouer seul dans son coin. En fonction du deck que vous lui aurez constitué lors de la mise en place, vous donc serez donc forcés de suivre sa stratégie afin de ne pas la laisser vous dépasser sur une ou plusieurs voies. 

Autre fait notoire, l’automa va foncer à toute vitesse. Cela peut décevoir ceux ou celles qui préféreraient naviguer et construire leur vie paisiblement en présence de l’automa. Ici ce n’est pas le cas, vous voudrez lui mettre la tête sous l’eau et la sensation de course sera au rendez-vous !

Le jeu solo diffère donc du jeu multijoueur, où il n’y a pas de telle contrainte imposée par le scoring de fin de partie et où le rythme de déplacement imposé par les adversaires sera rarement aussi élevé. En multijoueur, on est dans un jeu plus ouvert. Maracaibo en solo n’est donc pas un jeu « sandbox » à 100%, mais bien un jeu de course et d’opportunisme, où vos chances de vaincre Jeanne dépendront essentiellement de votre analyse de la situation présente. Quelles sont les orientations les plus lucratives ? Vers quoi va-t-elle se diriger et comment la contrer ? Voilà les bonnes questions à se poser.

Ce qui est très surprenant, c’est que malgré cette contrainte, l’impression d’être bridé dans mes choix m’est absente. Le panel d’opportunités est certes réduit, mais il demeure vaste et le sentiment de liberté, véritable carte d’identité du jeu, reste toujours présent. Le mode solo présente un jeu différent que celui en multi et personnellement cela me plait, même si je n’aurais pas été contre la possibilité que l’automa soit plus lent quitte à être plus dangereux.

 

J’avais 4 cases d’avance mais en un seul tour elle m’a quand même mis un gros vent… Sur les points de victoire également (en haut). Je vais devoir foncer !

J’avais 4 cases d’avance mais en un seul tour elle m’a quand même mis un gros vent… Sur les points de victoire également (en haut). Je vais devoir foncer !

 

Les niveaux de difficulté

Autre point positif, le jeu est bien équilibré en solo. Chaque public trouvera son compte, avec les 5 niveaux (de Très facile à Très difficile) proposés. Le score de l’automa ne variera pas grandement entre les parties et le challenge sera de niveau équivalent.

Le niveau Normal est déjà corsé mais quelques parties suffiront à le maîtriser si vous cherchez à marquer des points. Le niveau Difficile est proche du Normal et propose une bonne courbe de progression lorsque l’on s’est fait la main. Très Difficile sera réservé aux joueurs amateurs de challenge, qui ont compris les rouages du jeu et qui sont conscients de toutes les options stratégiques possibles. Lorsque l’on « en veut », c’est le niveau idéal et il est à mon goût bien dosé, comme les précédents. Il arrive malgré tout que des parties soient destinées à être perdues en Très Difficile, lorsque le deck automa se spécialise trop. Il paraît impossible alors de lutter contre la vague de points quêtes, d’influence, ou d’exploration que Jeanne va cumuler.

Plus le niveau de difficulté augmente, plus fréquentes seront les cartes qui feront accélérer l’automa. À partir de Difficile, les manches seront pliées en 3 ou 4 tours. Je le répète, cela peut être frustrant pour les joueurs qui aiment prendre leur temps d’aller jusqu’au bout de leur projet. D’autres comme moi, vont beaucoup aimer ce challenge. Ici pas question de pouvoir satisfaire toutes vos envies stratégiques, mais bien d’aller au plus essentiel pour marquer un maximum de points en un minimum de temps, sinon c’est la défaite assurée !

 

La recette du succès : une équipe de choc, des relations, des espions...

La recette du succès : une équipe de choc, des bonnes relations, des espions…

 

Le mode Histoire (multi/solo)

J’ai parcouru la campagne de 11 scénarios de bout en bout. Comme Atom n’a pas eu l’occasion de la tester dans son Just Played, j’en fais ici une revue complète afin que vous vous forgiez votre avis. Cet avis est donc aussi valable pour le mode multijoueur.

À ma grande joie, Maracaibo ouvre le bal des jeux Legacy ne modifiant pas le jeu de manière définitive. On pourra être pour ou contre, mais quelle satisfaction pour moi de pouvoir enfin faire évoluer un jeu d’une partie sur l’autre parties sans l’altérer, puis pour tout réinitialiser d’un claquement de doigt.

Ici, il n’y a rien à coller ou à déchirer, le mode histoire est composé d’un lot de 23 tuiles héritages pouvant se greffer sur le plateau de jeu, ainsi que de 77 cartes narratives comprenant une dizaine de personnages pouvant rejoindre le paquet de cartes projets que vous allez piocher dans vos parties. Le tout est facilement sauvegardé en étant rangé dans un sac zip. C’est donc une part importante du jeu, qui vous tiendra en haleine au moins sur une quinzaine ou vingtaine de parties. Niveau contenu, il y en a pour notre argent.

 

Une nouvelle cité à été découverte dans la jungle. Il y a fort à y gagner, mais le détour prend du temps.

Une nouvelle cité à été découverte dans la jungle, près de Cumana. Il y a fort à y gagner, mais le détour prend du temps.

 

En multijoueur ou en solo, le mode Histoire aura le même fonctionnement et le même impact. Il ne s’agit pas de scénarios bien séparés, mais d’une histoire que l’on pourra faire avancer en accomplissant des quêtes venant s’ajouter sur le plateau. L’histoire avancera au maximum une fois par manche, soit 4 fois par partie (il faudra la faire avancer une quarantaine de fois au total).

Il est également possible de passer outre et de faire stagner l’histoire durant plusieurs parties. Chaque avancée pourra vous offrir un choix narratif, allant impacter la suite de l’histoire et donc possiblement modifier des zones du plateau. Des vents contraires pourront vous freiner, de nouvelles opportunités de commerce ou d’exploration pourront émerger ou disparaître. Tout cela vient dynamiser vos parties, en offrant des configurations variables tout le long du parcours.

Il n’y a pas de vainqueur ou de vaincu, l’histoire avance simplement dans le sens et au rythme choisis, sans donner d’avantage contrôlé à un joueur ou un autre. Ainsi, en solo comme on en multi, on n’a pas vraiment le sentiment de prendre part à l’histoire mais plutôt de la suivre en arrière-plan, de manière un peu molle. Si on aurait aimé un peu plus d’implication ou de challenge avec le mode histoire, l’aspect modulable du plateau entre les parties reste plaisant pour ma part !

 

En résumé

Maracaibo était annoncé comme le jeu solo de l’année 2020 et il a de très bons arguments pour prétendre à ce titre. Tous les ingrédients sont réunis pour en faire un jeu solitaire plaisant, addictif et avec une longue durée de vie.

Il est à noter que le jeu en solo diffère du jeu multijoueur, car il est fortement contraint par le rythme rapide imposé par l’automa et par ses orientations stratégiques (exploration, quêtes, amélioration du navire…). Vous ne serez pas totalement libres de vos choix et devrez agir en fonction de lui, ce qui peut frustrer certain·e·s avides de liberté. Pour être victorieux en solitaire, le maître mot sera donc l’opportunisme !

Pour ma part, c’est un jeu que je ne suis pas près d’oublier et je compte bien y jouer encore un moment !

 

 

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ROBINSON CRUSOE 

2.5 sur 4

 

  • Auteur : Ignacy Trzewiczek
  • Illustrateurs : Tomasz Bentkowski, Mateusz Bielski, Vincent Dutrait, Jerzy Ferdyn, Mateusz Kopacz, Mateusz Lenart, Maciej Mutwil, Zhao Run Quan, Rafał Szyma, Piotr Słaby, Ignacy Trzewiczek, Michał J. Zieliński
  • Editeurs/Distributeurs : Portal Games, Edge, Asmodée
  • Joueurs : 1 à 4
  • Age : 14+
  • Sortie : 2013 (1ère éd. VF), 2018 (2e éd. VF)
  • Mécanique de solo : aucune
  • Durée : 60-120 minutes + 10 minutes d’installation
  • Thème : Survie, Île déserte
  • Place sur la table : 90×100 environ
  • En résumé : jeu coopératif, pose d’ouvriers, gestion de ressources, objectifs de scénarios
  • Prix : 60 € en boutique

 

Robinson Crusoe est un jeu que l’on ne présente plus. Pour celles et ceux qui débarquent dans l’univers ludique, il s’agit d’un jeu coopératif pour 1 à 4 joueurs, dans lequel vous allez à la fois tenter de survivre sur une île sauvage et tenter d’accomplir les objectifs d’un des 7 scénarios. C’est aussi un titre que l’on mentionne souvent au sein de la communauté de joueurs en solitaire. Pour une découverte rapide, je vous propose ce Ludochrono ou ce Just Played d’époque signé Shanouillette.

Alors, peut-on dire qu’il brille par son mode solo ? Vaut-il la peine d’être acheté dans ce but ?
Contrairement à ce que l’on lit souvent (je cite : « achète, trop bien, super ! »), ces questions n’ont pas de réponse objective. Tout dépend de quel type de joueur vous êtres et de ce qui vous fait vibrer dans un jeu. Vous pourrez l’adorer comme y rester insensible. Je vous livre ici mes arguments qui expliqueraient pourquoi vous pourriez accrocher à Robinson Crusoe de manière générale, puis ce que représente le mode solo, afin de vous aider à trancher sur la question !

 

La découverte du matériel

Un petit paragraphe pour dépoussiérer les boîtes. Robinson Crusoe, c’est une histoire qui commence en VF en 2013. Cette première édition présentait un livre de règles confus, pouvant rendre sa lecture pénible et parsemer le jeu de questions bloquantes, un sérieux obstacle pour apprécier l’expérience. Pour celles et ceux qui auraient mis ce jeu de côté pour ces raisons à cette époque, lisez la suite…

Depuis, une seconde édition en VF est sortie en 2018 chez Edge (boîte carrée) et on ne peut que saluer le travail apporté sur ce nouveau livret, totalement réécrit, aéré et joliment illustré. Les règles sont désormais claires, on découvre le jeu paisiblement. Lors des premières parties, on a peu de mal à répondre à toutes les « petites questions » qui émergent, grâce aux encadrés puis aux règles additionnelles et aux annexes qui constituent le dernier tiers du bouquin. C’est maintenant un plaisir d’apprendre à y jouer.

Le soin du livre de règles s’associe au soin du matériel qui est de qualité (mais ce n’est pas propre à la V2). Quel bonheur d’ouvrir une boite lourde et remplie de nombreux éléments bien agencés, classés dans des sachets, du carton épais pour le plateau et de nombreuses cartes bien fournies en texte et illustrations.

Mais ne rêvons pas trop, si le livret est plus clair, le jeu ne se passe pas de ses petites règles et exceptions, que vous devrez vous approprier avec le temps pour pouvoir y jouer !

 

Le scénario « les Robinsons », jamais réussi à ce jour. Ça va faire mal…

Le scénario « les Robinsons », jamais réussi à ce jour. Ça va faire mal…

 

Pourquoi aimer Robinson 
Sens des priorités et goût du risque

Ce qui fait bon jeu d’aventure ou de stratégie, ce sont les choix difficiles, et Robinson Crusoé répond à merveille sur ce point. À chaque situation de jeu, de nombreuses solutions s’offrent pour gérer les problèmes et pour s’acheminer vers l’objectif du scénario. Tout est question de mesurer les bénéfices à tirer face au risque encouru.

Une part d’aléatoire est présente et c’est justement ce qui fait son charme :

  • Dès la mise en place, les inventions que vous pourrez fabriquer sont piochées aléatoirement et le choix de leur construction va être déterminant pour l’issue de vos parties.
  • Les actions « risquées » (voir plus loin dans l’article) sont résolues aux dés.
  • Des événements à chaque début de tour sont piochés, certains étant plus handicapants que d’autres
  • Le courroux de la météo et des bêtes sauvages à la fin du tour est également tiré aux dés
  • Les bêtes sauvages rencontrées ou les trouvailles sont évidemment piochées au hasard.

 

Certain·e·s vont regretter cet aspect. On peut répondre sur deux points. Premièrement, les bons choix stratégiques seront très majoritairement récompensés. Un groupe de survivants tirant trop sur la corde se verra bien souvent puni, et inversement, un groupe agissant trop dans la sécurité perdra trop de temps face à l’objectif final, c’est d’ailleurs la raison principale de l’échec de beaucoup de débutants. Il est rare que des parties soient condamnées à la réussite ou à l’échec quoi que vous fassiez, même si cela reste toujours possible.

 

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Deuxièmement, la notion de risque et d’aléatoire collent parfaitement à la thématique. Que serait une aventure de survie sur une île maudite si tout était modélisable et calculable à l’avance ? Un amateur de Robinson Crusoe a justement envie d’affronter l’inconnu, d’évaluer le risque, mais aussi d’être surpris ! Si déjà ces mots vous font faire la moue, passez-donc votre chemin et sautez directement au jeu suivant !

 

Pourquoi aimer Robinson
Pouvoir refaire l’histoire

Les 7 scénarios ne sont pas basés sur de la narration, mais plutôt des configurations de jeu différentes. Après avoir brièvement présenté le contexte, ils fixent des règles du jeu et les objectifs (construire un talus pour mettre feu et attirer les bateaux, fuir une île en proie à un volcan en éruption, poser des croix pour exorciser des zones maudites, secourir une jeune femme piégée sur un rocher, …).

Les thèmes sont très différents et recherchés, des mécaniques originales et spécifiques sont créées, les éléments du jeu très bien recyclés dans chaque scénario. De nombreux symboles présents sur les éléments du jeu se réfèrent à la fiche scénario : par exemple un même jeton ou un même symbole sur une carte auront des significations différentes d’un scénario à l’autre.

En joignant des scénarios au caractère aléatoire dans la configuration des parties, Robinson Crusoe n’apparaît donc clairement pas comme un jeu à usage unique, mais ayant au contraire une grande rejouabilité.

 

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Maintenant que vous avez un aperçu de l’essence du jeu, abordons deux questions importantes pour son intérêt en solo !

 

Analyse du mode solo
Un manque de dialogue dans les moments forts en chocolat

Pour résumer très grossièrement le principe du jeu, chaque scénario vous impose un nombre de tours limité pour réussir ses objectifs. Chaque tour se divise en 5 phases : Événement, Moral, Production, Actions, Météo et Nuit. Tout le gameplay du jeu ou presque repose sur la phase Actions, dont la mécanique est une pose d’ouvrier.

Chaque personnage possède deux pions Action et son propriétaire les place comme bon lui semble avec le principe suivant : deux pions sur une action garantissent son succès, un seul pion l’expose au risque d’échec, de blessure et de mésaventure. En multijoueur, cette phase est aussi la plus riche en échanges. C’est dilemme sur dilemme, sacrifices et incertitudes. L’essence du plaisir de jouer vient de ce moment de négociation, qui peut durer.

 

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« Quelle est la meilleure action à réaliser ? Mieux vaut-il collecter de la nourriture pour contribuer à l’objectif final ? Ou explorer avec le chien une nouvelle zone qui nous donnera peut-être le moyen de construire des inventions utiles ou même des trouvailles inattendues (ou même directement de la nourriture) ? Mais si nous partons explorer, qui va construire le toit du camp et qui ira collecter de quoi manger ? Ou alors, tentons de faire tout cela à la fois, mais cela implique de prendre des risques… »

 

En mode solo bien entendu, tout se passe dans votre tête. Il manque du coup la saveur de l’échange avec ses compagnons de fortune. Ceci n’est pas propre à Robinson Crusoe, mais à tous les jeux coopératifs dans lesquels l’interaction entre joueurs est assez forte. En l’occurrence, c’est le cas pour Robinson Crusoe. Lorsque je joue à un jeu de survie tel que celui-ci, je recherche justement l’échange avec l’autre pour peser le pour et le contre des différents choix, mais aussi échanger de nouvelles idées.

En discutant avec d’autres « solistes », je m’aperçois qu’une bonne partie d’entre vous ne sont pas sensibles à cela. Si vous connaissez This War of Mine, il est proche de Robinson Crusoe en termes de gameplay : survie et pose d’ouvriers. Même si j’ai de l’affection pour ce jeu, je n’aime pas y jouer seul, car j’ai besoin d’échange avec un·e complice de fortune. Si cela ne vous manque pas, alors c’est un bon point pour aimer Robinson Crusoe en solo !

 

Analyse du mode solo 
Les mécaniques

C’est là le deuxième point que j’ai tendance à regretter en solitaire : il n’y en a justement pas. En solo, deux personnages non joueurs viennent vous prêter main forte : Le chien (ajoute simplement 1 pion action Exploration ou Chasse au groupe) et bien sûr le fidèle Vendredi (ajoute 1 Pion d’action, mais possède des points de santé, il peut donc périr).

 

Vos fidèles compagnons

Vos fidèles compagnons

 

Thématiquement, ils sont parfaits. Mécaniquement, ils augmentent vos capacités d’action mais ne changent pas le gameplay. Au final, pourrait-on se dire : « pourquoi ne pas jouer deux personnages ? » (Ce qui reviendrait globalement au même). À vous d’en juger, mais hormis ces personnages non joueurs, aucune mécanique originale ne vient compenser le manque de compagnons autour de la table : vous gagnez simplement +2 actions.

Encore une fois, c’est un principe que l’on retrouve dans la plupart des jeux coopératifs jouables en solo. Je le mentionne car il divise les joueurs : certains apprécient simuler un jeu à deux joueurs (le fameux mode « solo schizo »), d’autres comme moi, un peu moins. C’est encore à vous de vous y projeter !

 

En Résumé

Robinson Crusoe est assez connu et plébiscité de la gente amatrice de jeux en solitaire. En ce qui me concerne, je l’affectionne particulièrement en multijoueur car il induit des interactions fortes entre les joueurs par les choix difficiles qui leurs sont imposés. Cependant, lorsque je me décide à jouer seul, je lui fais un clin d’œil mais il reste toujours sur son étagère, principalement pour deux raisons.

Premièrement, il n’a pas de mécanique propre au mode solo. Deuxièmement, je ne saurais dire pourquoi dans ce jeu plus qu’un autre, l’absence de partenaire avec qui débattre et décider de la répartition des actions se fait sentir.

C’est pourquoi, aussi prenant soit-il en équipe, il n’est pas un jeu que je recommande d’acheter en priorité pour jouer en solitaire. Mais si les deux raisons données ci-dessus ne vous évoquent rien de dramatique, il pourrait tout à fait vous convenir et même devenir votre référence (ajoutez 1 étoile à sa notation).
J’espère dans tous les cas que cet article vous aura permis de vous positionner !

 

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10 Commentaires

  1. ocelau 30/06/2020
    Répondre

    bel article.

    Robinson j’y ai pas mal joué en multi , mais effectivement je n’ai pas trop souvenir d’y avoir joué en solo.

    Pour Maracaibo, la mise en place est effectivement un poil longue, quelques astuces adoptées pour accélérer ça :

    – pour le plateau de l’automate, je ne pose pas les 24 jetons. J’en mets qu’un seul dont je me sers comme curseur. A l’occasion je prends un disque en réserve s’il doit se placer sur un lieu sur lequel je suis susceptible d’aller (mais généralement je me débrouille pour jouer devant lui, plus efficace).

    – le paquet de cartes je ne le refais pas à chaque partie. La pioche est grosse en solo et il y a trop d’éléments variables pour ressortir une même stratégie.

    • Groule 30/06/2020
      Répondre

      Merci, sympa de partager tes astuces.

      Je n’avais pas pensé au curseur. Gare à ne pas le bousculer sinon cacahuète 😉

      Pour le paquet de cartes, je le refais perso, mais je ne mets que la moitié des cartes demandées (on en utilise même pas le tiers en solo, c’est vrai ).

      • ocelau 30/06/2020
        Répondre

        pour le paquet de cartes , c’est vrai qu’on n’a pas besoin de tout. Par contre ne pas garder la proportion (toutes les marrons+40 beiges) peut déséquilibrer la répartition : les marrons sont en plusieurs exemplaires chacune et correspondent à différentes stratégies types. Bon en même temps je dis ça mais rapidement j’ai mis toutes la dizaine de cartes Histoires + la mini extension Armada sans trop m’en soucier 🙂 .

        Dernière petite astuce : j’utilise des sacs en tissu pour les jetons combat et quête, ça évite de former des piles inutiles et qui en plus ont tendance à se renverser (pour les quêtes c’est un peu moins pertinent car il faut toujours penser à laisser une tuile face visible. Détail important qui permet en fin de manche d’anticiper les symboles objets nécessaire pour la quête entrant dans la prochaine manche

  2. Skyvince 01/07/2020
    Répondre

    Ouverture du bal des jeux Legacy qui ne détériorent pas le matos ? Pourrait-on considérer qu’It’s a Wonderfull World ait aussi eu cette vertu quelques temps avant avec ses 2 campagnes ? (peut-être d’autres encore, mais je pense en particulier à celui-là)

    Merci pour l’article 🙂

    • Groule 01/07/2020
      Répondre

      Tu as raison, il y en a d’autres qui ont utilisé ce concept (Maracaibo et la campagne d’It’s a Wonderfull World sont tous deux sortis en 2019). J’ai parlé « d’ouvrir le bal » dans le sens où ce mode Legacy non destructif a vraiment fait le buzz pour Maracaibo, au contraire des jeux du moment, pour lesquels cela a été plus discret.

  3. keerka 01/07/2020
    Répondre

    Super chronique comme d’hab, il va falloir que je me penche sur Maracaibo 🙂

    D’habitude je n’aime pas jouer 2 persos dans les jeux solo, mais pour Robinson Crusoe je trouve que ca rend le jeu plus intéressant sans pour autant alourdir la réflexion. Je n’ai pas trop accroché en multi par contre, car je trouve que ce jeu souffre trop du joueur alpha. J’y ai joué avec des joueurs moins expérimentés, et soit je les frustrais en leur disant ce qu’il fallait faire, soit je me frustrait en ne disant rien et en voyant leurs erreurs (et en général je choisis cette seconde option 😉 )

    • Groule 01/07/2020
      Répondre

      Merci Keerka. Tu fais donc partie de ceux qui peuvent apprécier une large gamme de jeux en solo !

      Tu as tout à fait raison (que de gens qui ont raison aujourd’hui !), Robinson est un jeu typique à joueur Alpha, comme la plupart des jeux coopératifs. Pour savoir les identifier, une seule chose à regarder : si le jeu est entièrement dévoilé à tous (cartes en main, informations, etc.), alors la cage aux Alphas est ouverte !

      • atom 01/07/2020
        Répondre

        je mets mon grain de sel, mais Spirit Island même en cartes dévoilée (on le fait parfois pour les gens qui découvrent) le joueur Alpha est un peu brimé, sauf s’il prend les cartes en main et qu’il décide, mais bon la c’est plus le probléme du jeu ^^

      • Shanouillette 01/07/2020
        Répondre

        c’est chouette ces journées où y a que des gens qui ont raison 🙂

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