Northgard – Viking of the Hill

Northgard est d’abord un jeu vidéo, un RTS pour être précis. RTS : stratégie en temps réel. De l’école des Warcraft, Starcraft et autres Command & Conquer, mais dans un univers viking. Ce que propose Adrian Dinu dans cette adaptation en jeu de société, c’est tout simplement de porter l’expérience vidéoludique en expérience physique. Exit le temps réel, on passe au tour par tour. Instant confession : je n’ai pas joué à Northgard le jeu vidéo. Par contre, le jeu de société, ça oui.

 

Chaque joueur a son clan viking, qui vise donc la domination totale. Et ceci peut se faire de deux façons : soit par l’édification de trois bâtiments de grande taille, soit, en fin de septième manche, par l’accumulation de points de victoire. Petite précision sur la première condition de victoire : les bâtiments doivent se trouver dans des zones fermées (et donc entièrement explorées). Et puis, qui a dit qu’il fallait nécessairement les avoir construits soi-même ? Ah, ouais ; ça pourra donc castagner sévère.

 

 

Carré magique

Au cœur du jeu, quatre actions : le recrutement (placez une unité dans un de vos territoires), l’exploration (piochez une tuile et placez-la sur un bord du territoire, et marquez quelques points si vous fermez la zone), le déplacement (déplacez des troupes d’une zone à une autre, attaquant potentiellement dans le cas d’une zone occupée), et la construction (dépensez du bois pour occuper un emplacement de bâtiment libre avec un petit ou grand bâtiment, les constructions octroyant des bonus passifs à qui les contrôle, et potentiellement la victoire). Et. C’est. Tout.

 

Chaque joueur dispose d’un paquet de cartes portant ces actions, mais aussi des actions joker. Et incarne un clan, histoire de créer un peu d’asymétrie. À votre tour, jouez une carte (ou plusieurs si vous avez des éclairs), ou améliorez vos paquets grâce à du savoir (les runes). Si d’aventure vous veniez à passer, c’en est fini de votre stratégie proactive pour la manche en cours : vous ne faites que subir. Mais en retour, vous récupérez la part du lion pour le prochain tour ! En effet, au début de chaque manche sont révélées des cartes venant construire votre paquet. Et lorsque vous passez, vous en choisissez une ! Ces cartes sont, de façon assez évidente, déséquilibrées, et cela a un intérêt notable : impossible de négliger le moment où vous passez, sans quoi vous noyez votre paquet avec une carte moins bonne que celles de vos adversaires. Passez tôt et acceptez de subir, avec un contrepoint intéressant : vous aurez un prochain tour explosif, avec toutes les cartes en main. On pourrait être tenté de ne rien faire pour tout donner aux derniers tours, mais se développer est toujours bénéfique : on prend position, on empêche les autres de gagner, on snipe un peu de production de ressources.

 

Un paquet de base

 

Car les zones, c’est trois ressources : le savoir (runes) qui permettent d’améliorer votre paquet, le bois servant aux constructions et la nourriture, qui a le bon goût de vous permettre de subvenir aux besoins de votre armée, mais aussi de booster sa force en cas de coup dur. Et puis des points lorsqu’elles sont fermées.

 

Parlons conflit

La bataille dans Northgard est simple : la force de chaque unité (un pour les normales, deux pour les chefs) est totalisée, et chaque unité peut consommer une nourriture pour un bonus de +1. On lance chacun un dé ajoutant des haches et des pertes, et puis c’est tout.

L’idée derrière ce dé est de ne jamais rendre une attaque tout à fait innocente : en effet, il y aura toujours des pertes, ou pas loin : même si vous êtes certain de gagner, vous y perdrez un pouillème de force, vous rendant plus vulnérable.

Vos forces vaincues peuvent battre en retraite, rendant la défaite moins amère… quoique. Perdre quelques troupes, perdre une position, peut créer une spirale désagréable dans laquelle on se sent sur la pente descendante, sans vrai système de rattrapage. Certes, une grosse armée coûte cher à entretenir en fin de saison. Sauf que dans les faits, vous avez plus de zones, plus d’emplacements de bâtiments, etc. Et quand vous avez tout perdu, vous êtes à la merci de tous : vos maigres ressources peuvent intéresser un joueur tiers, qui a tout intérêt à vous mettre une bonne raclée.

 

Rouge a beau avoir misé de la nourriture pour booster sa force, il perd dans les grandes largeurs : 3 morts (2 dé + 1 bâtiment), donc hop, la bataille est pliée pour lui. À forces égales.

 

À deux ou trois, si l’on souhaite éviter l’interaction, on peut explorer, gérer au mieux, se répandre de zone en zone. En revanche, à quatre ou cinq, le conflit est inévitable et dès que vous commencez à subir l’agressivité de la table, vos chances s’en retrouvent amenuisées. Dommage qu’il n’y ait pas un petit système de rattrapage pour régler le problème : Northgard se veut accueillant, avec un système simple et une édition qui, en plus de flatter l’œil avec un parti pris cartoony sans histoire, est bien pratique par ses rangements et son ergonomie. (On notera tout de même des aides de jeu un peu incomplètes.) Mais pas d’accueil pour le ou les gens qui auraient le malheur de perdre des combats, alors qu’on ne mérite pas forcément sa défaite.

 

Les cartes ne se valent pas toutes, et sont éminemment satisfaisantes.

 

Et pourtant. Northgard se nourrit du conflit, c’est même lui qui donne au développement sa gravité, son poids. C’est lui qui permet au jeu d’être tendu et plein d’événements, d’émotions. Car sa partie gestion, elle, va à l’efficace, et ne pose peu ou pas de dilemmes sans cet élément majeur qu’est le combat et le contrôle de territoire. Car, si la partie doit s’achever aux points, c’est le contrôle des zones qui permet d’en accumuler (en plus de la fermeture de zones), bonifiée si vous contrôlez le bon bâtiment.

 

Extensions et financement participatif

Le jeu a divers modules et extensions, permettant ainsi d’avoir un chef de clan avec un pouvoir, une figurine et une carte spécifiques, donnant de l’asymétrie et une prise plus ferme sur le plateau. Ceci est bienvenu et ne rajoute qu’une couche minime de règles ; l’essayer, c’est l’adopter.

Quant aux monstres et à l’extension Wilderness, qui en rajoute de sacrément difficiles, eh bien je n’en raffole pas et je n’ai même pas tenté le coup. Mais à y songer, j’en décèle l’intérêt à deux ou trois joueurs, lorsque la carte est un peu trop « vaste ». Ces draugr et autres monstruosités nordiques permettent de créer des points de pression, des emplacements plus difficiles d’accès, comme si les joueurs étaient simulés par leur truchement.

 

Conclusion

Northgard attrape le RTS et le convertit en jeu efficace. Il crée des sensations similaires, proposant aux joueurs un dilemme constant, entre agressivité et envies de long terme, et, surtout, un deckbuilding offrant une fenêtre tactique assez inégalée. Les mécanismes autour de la gestion de cartes sont LES bonnes idées du jeu,  jeu qui pour autant joue sa partition sans hic majeur. En revanche, dans les crescendos des conflits, on laisse sur le carreau les petits clans vikings qui n’ont pas bien affûté leurs haches… Nul doute que ça va chouiner dans le grand Nord, car les vikings ne sont pas partageurs !

Faut-il pour autant honnir Northgard ? Non point, si vous êtes prévenus que la gestion est légère et que la tactique est suprêmement opportuniste, et que le conflit ne fait pas de fleurs. Certains joueurs aiment ce genre d’expériences : grand bien leur fasse ! Personnellement, malgré les qualités du deckbuilding et l’aise avec laquelle on se coule dans les mécanismes de jeu, j’ai du mal à me dire que je vais enchaîner les parties à beaucoup de joueurs, car, à la vérité, il y a toujours un dindon de la farce qui sait qu’il va passer quatre vingt dix minutes un peu trop longues sans possibilité de revenir dans la course.

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5 Commentaires

  1. Loic 08/09/2022
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    Personnellement je trouve ce jeu excellent (je n’ai jamais joué à 5 joueurs). La mécanique est hyper fluide, les retournements fréquents (à part à 5 apparemment), l’ergonomie très bonne. Je te rejoins pour les extensions, la warchief est top, les créatures supplémentaires sont à réserver pour les fans.  Tu as omis de parler du mode 2vs2 qui est très intéressant à jouer même si il rallonge la partie.

    • Fabien 08/09/2022
      Répondre

      C’est dans la lignee de smallworld je trouve comme feeling, et ca tourne tres bien.

  2. frédéric ochsenbein 09/09/2022
    Répondre

    Même retour. Revendu après 3 parties car sur 2 des 3 parties un joueur a pu quitter la table. Faut être averti, l’édition est superbe, les mécaniques très sympas, fluides, mais pour moi un jeu doit avant tout être un plaisir plus qu’une victoire et ca me dérange quand qq autour de la table devient passif et attend juste que le temps passe. Dommage 🙁

    • kaiser sauze 10/09/2022
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      Ça peut arriver effectivement comme dans tous mes jeux de conquête et territoires comme Got, Fief, Mare Nostrum… L avantage de Northguard c est qu il est plus court.

  3. Groule 11/09/2022
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    Merci, j’ai pu répondre à toutes mes interrogations sur ce jeu et comprendre qu’il n’était pas fait pour moi. Trop de castagne, pas assez de catch up !

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