La Lune et Douze Lotus [Jdr]
La lune et douze lotus est un jeu de rôle de John Grümph disponible en pdf et en dur sur Lulu pour 6€ et 12€ respectivement. Il fait partie de sa collection Chibi, des petits formats bien épais à couverture souple (10.8×17.5cm).
C’est un ouvrage complet de 276 pages, contenant règles et univers, bourré à craquer d’illustrations de l’auteur. Son thème ? La Sword & Sorcery.
Ce genre littéraire, avec les aventures de Conan ou de Fafhrd et le Souricier gris comme bons exemples, se distingue clairement de l’heroïc fantasy qu’on nous sert plus souvent. Il n’y a pas de définition exacte, mais dans les grandes lignes :
– Il n’y a pas d’elfes, nains et autres gnomes, que des humains (plus quelques héritiers d’anciennes races ayant tendance à maîtriser la magie, ou au contraire des peuplades dégénérées), et la technologie est souvent proche de l’antiquité (pas d’armure de plate au programme donc) ;
– La magie, c’est rare, sale et ça fait peur. Ce sont de longs rituels pour invoquer une créature d’outre monde, pas des boules de feu qui traversent le salon.
– Il n’y a pas de groupe de héros, mais des individus qui s’associent pour un temps. Parfois deux, rarement trois, jamais plus. Et en fait, ce ne sont pas vraiment des héros… Ces individus solitaires, aux motivations bassement terrestres ( pouvoir, gloire, richesses, amour passionnel du moment,…), sont souvent marginaux vis-à-vis de la société dont ils n’apprécient pas les chaînes, et ils ne sont certainement pas déterminés à sauver le monde. Mais s’il s’avérait que des scènes par trop injustes se déroulaient juste sous leurs yeux, ils réagiraient – ça touche quand même une corde sensible enfouie sous les muscles et les cicatrices. Un peu comme Ken le survivant : il ne cherche pas les ennuis, mais si on affame des enfants devant lui pour construire une pyramide à la gloire d’un despote, il est poussé à l’action et se rebelle contre l’oppresseur.
Un dernier point, dont les écrits d’Howard pour Conan sont encore le meilleur exemple, c’est la non linéarité des exploits : on ne suit pas notre aventurier de son point de départ jusqu’à son apogée, mais on découvre des bribes de sa vie à différentes périodes. Tantôt il est roi à la fin de sa vie, tantôt on le retrouve voleur débutant au début de sa carrière, chef pirate avec sa dulcinée sur la côte noire, général ayant les faveurs d’une reine…
Et ce dernier point est particulièrement bien rendu par les règles de LLEDL via deux éléments essentiels de la fiche de personnage (sur trois) : la Réputation et la Ligne de vie. C’est grâce à cela qu’on jouera le personnage à plusieurs époques différentes de sa vie. Pour les curieux, le troisième élément, c’est la classe d’armure du héros, on en reparle très bientôt. Tiens, voilà à quoi peut ressembler les caractéristiques d’un personnage en condensé :
Dans cet exemple, « esclave shamarite évadé…. » c’est la Ligne de vie du personnage: quelques noms et adjectifs, quelques petites phrases qui renseignent sur les différentes occupations qu’il a eu au cours de sa vie. Après avoir joué un peu un personnage, ou si on fait un bond dans le temps pour retrouver le personnage une décennie plus tard, son joueur pourra compléter cette ligne avec l’accord du MJ. Peut-être qu’il sera devenu « Favori du Calife », « Libérateur des esclaves de la ville d’Umär » ou même « Héritier du chef de la guilde des marchands ».
La Réputation, c’est le chiffre derrière le R. Ici, avec une Réputation de 3, Tsherbah est encore jeune et a bien des choses à vivre, tout en étant pas né de la dernière pluie, car la Réputation est représentée par un chiffre qui part de 1 pour atteindre son apogée à 10. Aux niveaux 3, 6 et 9 de Réputation vous choisirez un nouveau Talent, comme Brutal, un puissant avantage pour votre personnage, et partir du niveau 9, tout le monde connait votre nom ou votre tête, et il sera bien difficile de passer inaperçu. Tel est le prix de la compétence et de la réussite !
Les Points de vie, notés pv18 dans l’exemple, représentent l’endurance du personnage face aux dangers mortels qu’il va rencontrer (armes de l’ennemi, poison, magie,…). Ils augmentent à chaque gain de Réputation.
La Classe d’armure (un terme bien connu de ceux qui connaissent Donjons et Dragons), ici notée CA5 pour Tsherbah, reflète d’une part l’armure du personnage, mais surtout sa témérité : est-ce qu’il fonce face au danger (CA 9) ou est-ce qu’il est prudent (CA 3) ? Plus il est prudent et couvert d’armure, plus il sera difficile à toucher par un ennemi, mais moins il sera efficace pour la course, l’escalade ou même réagir rapidement. C’est un choix important, mais le personnage pourra changer d’attitude avec le temps et le gain de Réputation, devenant par exemple moins fougueux et plus attentif aux dangers qui l’entourent avec le temps.
Reste encore à évoquer les dégâts, qui sont directement liés aux armes maniées par le personnage, et à d’éventuels Talents. Les armes sont très simplement réparties en trois catégories (un peu comme les armures), légères, moyennes et lourdes (à deux mains), et existent en version corps-à-corps et à distance. Simple et efficace.
Intéressons nous maintenant aux règles de résolution des actions. Vous aurez besoin d’1d20, d’1d8 et d’1d4… Bon, prenez 2 ou 3d8, des fois que comme Tsherbah, votre personnage soit lui aussi Brutal et réduise ses adversaires en purée.
Quand vous tentez une action dont l’issue est incertaine et intéressante, vous jetterez 1d20. Il n’y a que 3 possibilités :
- Vous faites 20 ou plus : c’est un échec. Vous admettrez que ça ne devrait pas arriver souvent !
- Vous faites 19 ou moins : c’est une réussite mineure. C’est pas parfait, mais vous avez réussi dans les grandes lignes.
- Vous faites un résultat inférieur ou égal au Seuil de maîtrise : c’est une réussite majeure, tout comme vous vouliez, le perfect !
Toutes les actions possibles rentrent dans une des trois catégories suivantes, dont les modalités de calcul du Seuil de Maîtrise diffèrent, mais toutes ayant pour base votre Réputation :
- Attaque : le Seuil c’est votre Réputation plus l’armure de l’ennemi. Plus sa CA est élevé (parce qu’il fonce ou est mal protégé), plus vous avez de chances de lui en mettre plein dans les dents.
- Prouesse physique : le Seuil c’est votre Réputation, plus votre armure. Plus votre CA est bas (parce que vous n’avez pas envie de vous prendre des coups), plus vous aurez du mal à réussir vos escalades de murs et autres saltos par-dessus les nids de serpents virulents.
- Compétences : le social, l’intellectuel, les perceptions, bref tout ce qui ne relève des muscles d’aciers et des réflexes félins, rentrent dans cette catégorie et la formule est Réputation+4
Reprenons pour l’exemple notre Tsherbah en plein action :
Pour trouver la bonne entrée par les égouts et pénétrer dans la tour aux diamants, c’est un test de compétence, donc Réputation+4. En jetant le d20, j’échoue sur un 20, je trouve le bon souterrain avec un résultat de 7 ou moins, et de 8 à 19, j’ai trouvé le bon souterrain mais il est gardé ou la porte est scellée…
…ou peut-être que j’ai trouvé l’entrée de la porte de la tour voisine. Aucune traces des diamants dedans… arrivé au dernier étage, Tsherbah se rend compte de son erreur et se décide à sauter de la tour où il est monté pour atterrir dans le jardin voisin, celui où se trouve la tour aux diamants ! Rassurez-vous, il y a des grands arbres et il pense amortir sa chute avec les branches (le joueur de Tsherbah a vu Rambo récemment). C’est une prouesse physique, son Seuil de réussite sera donc Réputation + CA, soit 8. Un 20 c’est un échec, 8 ou moins une réussite parfaite et de 9 à 19, je m’en sors à peu près. Peut-être que mon arc est resté coincé dans les branches en haut, que je me suis un peu blessé au passage…
… ou peut-être que je ne fais pas attention à la hyène de garde qui essaye de me sauter dessus. C’est un test de combat, le Seuil de maîtrise de la hyène est sa Réputation (1)+ ma CA, soit un Seuil de maîtrise de 6. Echec sur un 20, plein dégâts sur un résultat égal ou inférieur à 6 et des dégâts très légers pour un résultat de 7 à 19.
On vient de voir le plus gros des règles, les personnages peuvent parfois être contraints, ce qui limite leur Seuil de maîtrise, et être en danger, ce qui augmente leurs chances d’échouer en faisant 20 ou+. En combat ça se pimente un peu. L’initiative (un autre facteur qui tient compte de votre niveau d’armure) détermine qui agit quand et permet même au plus rapide d’agir plus d’une fois. Agir, c’est faire une manœuvre (activer un levier, se relever, se rapprocher d’un ennemi,…) et faire une action entrainant un jet comme détaillé ci-dessus.
Vous pouvez aussi choisir de prendre un risque : il vous donne un avantage de votre choix (une deuxième manœuvre, un coup plus puissant, améliorer votre initiative pour la suite du combat,…) et un désavantage tiré au hasard (le même genre d’effets mais à votre désavantage). Globalement vous avez 3 chances sur 8 d’avoir l’avantage que vous vouliez, sans avoir aucun désavantage, c’est quand même bien tentant. ^^
Mais où sont passés les fameux sorciers de la sword and sorcery ? Devenir sorcier, c’est très simple et c’est à la portée des joueurs, il suffit de sacrifier quelqu’un à la pleine lune en souhaitant intensément devenir sorcier. Cela vous donnera des points de pouvoir, qui permettront d’alimenter vos arts obscurs, aussi nombreux que votre rang de Réputation, mais pour chaque paire d’arts que vous maîtriserez, vous gagnerez une déchéance physique ou mentale. La folie, la puanteur, l’accoutumance aux drogues seront le prix à payer pour vos pouvoirs impies.
Une solution plus raisonnable pour dépasser les capacités humaines, c’est l’usage des 12 lotus dont le jeu tire son nom : il en pousse de toutes sortes dans les différents pays et leur utilisation peut aussi bien concerner les petits tracas du quotidien (lessive, condiment, contraceptif,…) que des applications plus pointues (bonus aux attaques magiques, poison, perception des bêtes astrales,…). Le continent du jeu est parsemé des routes du lotus qui lui permette de circuler partout pour le plus grand plaisir de ses consommateurs, de ses commerçants, mais aussi des pillards et des gardes qui trouveront à se faire embaucher pour voler ou protéger cette précieuse cargaison. Quoi de mieux pour commencer les aventures de vos joueurs ?
Vous n’aurez pas moins de 115 pages pour vous décrire la douzaine de peuplades de ce monde et leurs terres mais rassurez vous, moitié de ces pages seront consacrées aux illustrations qui permettent de tout de suite se mettre dans l’ambiance qu’il s’agisse d’animaux, de tenues, de bijoux ou de bâtisses. Cela fait grossièrement 5 pages de textes pour chaque peuple pour présenter son apparence, sa culture, ses moeurs, son cadre de vie, ses habitations, et son rapport à la sorcellerie, aux bêtes astrales et à l’esclavage.
Les peuples évoquent notre propre antiquité, le système de castes des Eriséens, les Ithaquis qui vous feront penser aux spartiates de 300, les Sarmathes nomades des steppes,… Mais ne vous laissez pas intimider par leur nombre ou l’exotisme de leur culture : commencez par un coin de la carte et contentez vous de trois ou quatre peuples pour commencer à jouer !
Pour ce qui est des histoires à compter à vos joueurs, là non plus pas de panique car un des points forts de la collection Chibi du Grümph c’est de vous inonder de tables aléatoires : un jet de dés et vous avez des suggestions sur lesquelles vous aller pouvoir bâtir une trame. Et c’est là où le genre lui-même devient l’allié du Maître de jeu débutant : les histoires de Sword & Sorcery sont simples et courtes. Si on ajoute à ça le système de résolution simple proposé par le jeu, ça devrait vous laisser du cerveau disponible pour improviser ce qui fera le sel de vos histoires : les rebondissements et les complications qui vont se produire quand les joueurs ne feront que des réussites mineures sur leurs jets !