Libertalia les vents de Galecrest : Le vent nous portera

Libertalia (2012) de Paolo Mori chez Marabunta fait partie de ces vénérables qui nous ont laissé des souvenirs humides. Il avait disparu de la circulation avec la fermeture de Marabunta, le studio d’Asmodée qui visait les joueurs plutôt geek et ‘mature’. Un jeu qui se présentait comme un party game pour adulte, le jeu n’étant pas avare de chaos et de flibusterie. Depuis est sorti Oriflamme, auréolé d’un As d’or d’ailleurs, qui utilise le même ressort, des cartes personnages avec des pouvoirs qui peuvent modifier l’ordre des choses.

Stonemaier Games avait annoncé le rééditer, mais dans une nouvelle version améliorée ou augmentée (choisissez) nommée Libertalia les vents de Galecrest, traduit et distribué en français chez Matagot. Le thème est peu ou prou le même, mais au lieu d’incarner des pirates aux mœurs quelque peu sanguinaires avec des visuels qui peuvent être très tranchés voire glauques, nous avons désormais des pirates de l’air avec des illustrations bien plus grand public.

 

Avis de tempête

Nous voilà donc des pirates de l’air qui cherchent à s’enrichir le temps de trois voyages qui composent les rondes du jeu. Pour cela nous allons faire appel à notre équipage, qui va réaliser ses actions, puis viendra le temps du partage du butin. Piraterie oblige, à la fin, le plus riche remporte la partie.

C’est qu’il y a autant de butin que de joueurs, poussez pas, il y en aura pour tout le monde ! enfin presque, les plus haut rangs, les mieux gradés sont servis en premier quand même. De plus, tous les butins ne se valent pas, loin s’en faut : si un trésor rapporte quatre sous en fin de manche (voyage), une relique maudite fait perdre trois sous, tandis qu’un sabre occis un personnage encore présent sur l’île. 

 

 

Forbans et capitaine !

Libertalia avait marqué le monde du jeu par ses cartes personnages et leurs effets, mais aussi et surtout le système de résolution. Les cartes ont toutes des effets, de jour, de nuit ou de crépuscule, voire de voyage. Chacun de ces effets est résolu à un moment différent. Le tour de jeu est rapide, chaque joueur sélectionne une carte de sa main, on les révèle en même temps, et elles vont être classées par rang, de la piétaille aux officiers. Ce système de cartes Personnage est malin en diable, car certaines vont avoir des effets selon les situations dans la partie : tel personnage rapporte des sous s’il est le plus à gauche, tel autre vole ou tue un personnage. 

Les plus hauts rangs (c’est-à-dire les valeurs les plus élevées) se servent en premier, mais uniquement une fois le crépuscule tombé. La phase de jour elle, sera résolue en premier et dans l’ordre inverse, induisant un peu de chaos, ainsi la Brute (17) va purement et simplement éliminer le plus haut rang. Oups, désolé ! Évidemment, un personnage éliminé n’a pas de butin. Le contrebandier va pouvoir se servir dans les butins de la journée et quitter l’île pour rejoindre le bateau du joueur.

 

 

Après la phase crépuscule, et le partage du butin, on peut activer les personnages de notre équipage s’ils ont un effet nuit, une façon de capitaliser. Ainsi la serveuse qui reste dans notre bateau tout le long du voyage rapporte un sou par nuit, alors plus on la joue tôt et plus on va la rentabiliser.

Mais on ne démarre pas avec n’importe quelles cartes. En début de manche un joueur mélange son paquet, pioche 6 cartes et annonce à la criée les numéros. On aura donc tous les mêmes cartes de départ, du moins sur la première manche du jeu, à la suivante, on en piochera à nouveau 6 à ajouter aux cartes restantes. On n’aura probablement pas joué les mêmes, ainsi l’asymétrie se met en place petit à petit.

Dans la version originale, on démarrait avec 9 cartes, et on jouait six jours, au lieu de quatre dans cette nouvelle version, ce qui devrait justifier cette évolution. Je peux comprendre cette volonté de simplifier, d’autant plus si c’est pour faciliter l’accès au public familial.

Après la première partie, il nous est apparu comme plutôt évident qu’il est nécessaire d’augmenter ce nombre de cartes de départ, car on se retrouve assez vite avec des choix trop limités et évidents. Quand on est six à table et que tout le monde choisit le même personnage, c’est qu’il y a un problème. Il arrive aussi qu’en fin de manche on se retrouve avec des choix trop réduits, une petite absence de dilemme.

 

La mauvaise réputation

Si plusieurs joueurs jouent le même personnage, on résout dans l’ordre de réputation. C’est une petite nouveauté de cette édition, avant les égalités étaient réglées par un système carrément bancal et vécu comme assez injuste. Ici, une haute réputation donne un peu plus de contrôle au jeu, mais à l’inverse une réputation basse donne plus de doublons en début de manche, mais induit de prendre ce qu’on veut bien nous laisser, et souvent on ramasse les miettes ou pire les reliques maudites.

 

 

 

Le chaos se contrôle ?

Les choses ne se déroulent jamais comme on le souhaite, les butins sont dérobés, tel personnage quitte l’île plus tôt, on peut aussi perdre son personnage avant le partage. Ce chaos va diviser, on peut ressentir de l’agacement quand on subit la partie, mais c’est aussi le côté amusant du jeu. Il faut l’accepter ou jouer à un jeu où le contrôle sur les événements est plus fort.

Tous les butins du voyage sont révélés au début du voyage, on sait donc sur quoi on va se battre et à quel moment il faudra passer devant, à quel autre il faudra se contenter des miettes. Libertalia propose surtout du double guessing : on tente de deviner ce que vont jouer les autres joueurs, en se remémorant les personnages déjà joués, quelles cartes on va garder pour les manches suivantes. 

Cette nouvelle édition propose un plateau double face, avec un côté calme à réserver aux gens susceptibles, et une version plus sauvage, plus chaotique. Pour chaque type de trésor, la tuile étant double face, vous pouvez composer la partie comme vous le souhaitez. Une très bonne chose à mon avis.

On parle de réédition, mais les changements sont plus importants qu’il n’y paraît. Nous avons dix cartes supplémentaires, certaines étant assez fortement modifiées, intégrant la notion de réputation. Ainsi la brute élimine un personnage, mais le joueur ciblé gagne une réputation. De même les jetons trésors étaient secrets, ici ils sont publics.

La planche au requin ?

En lieu et place de jetons en carton, nous avons des jetons en Bakélite qui ont le mérite d’être bien identifiables avec leur couleur et leur icône. Tout le matériel est de bonne qualité. Les illustrations sont colorées mais aussi plus quelconques. On pourrait le regretter, mais ça permet aussi de le proposer à un plus jeune public. Cette nouvelle édition est beaucoup plus familiale.

Nouvelle édition qualitative mais quelque peu entachée, d’abord une petite erreur d’impression sur le plateau révèle un symbole soleil au lieu du crépuscule, induisant quelques erreurs ; un autocollant présent dans la boîte règle le problème, sauf si comme moi vous n’avez pas d’autocollants dans la boîte… Autre élément gênant, à deux joueurs nous avons une tuile Aspirant Marine qui n’a pas le même effet dans les règles et sur la tuile (oups), L’erreur est sur la tuile, un errata a été publié, mais c’est très confusionnant.

 

 

Dernier point et non des moindres, si les règles ne sont finalement pas complexes, elles auraient mérité un peu plus de précision dans leur écriture. On a préféré la structure de l’ancien livret, qui prenait le temps d’expliciter les concepts qui sont à l’œuvre dans le jeu. On aurait aimé aussi une FAQ pour définir certaines situations, par exemple, l’apprenti marin utilise la compétence d’une carte dans notre zone de jeu, mais si l’on copie le contrebandier, considère t-on que l’apprenti marin est de facto un contrebandier et à ce titre rejoint notre équipage ? Il aurait suffi d’une phrase qui dise en substance que les règles sur les cartes prévalent.

 

 

Oriflamme ou Libertalia ?

Si les deux titres ont quelques similitudes, ils se distinguent fortement en réalité : Oriflamme est plus technique, nous n’avons que dix cartes et n’en jouerons que sept. On peut à son tour les placer tout à droite ou à gauche. Chaque choix doit être bien pesé. Si on ne le pratique pas assez, on ne percevra pas la courbe de progression. Libertalia est beaucoup plus léger, beaucoup moins agressif, plus pop corn, si j’ose dire. Même si la courbe de progression existe, elle est plus douce, plus accessible. Ce dernier est aussi plus dynamique, et moins sujet à la constipation neuronale grâce à son système de sélection d’actions simultanées.

 

Un vent de liberté ?

Libertalia les vents de Galecrest n’est pas une simple refonte, les ajouts sont significatifs et les changements importants, merci la piste de réputation. On retrouve un excellent jeu de bluff et de guessing pour les joueurs fourbes et manipulateurs qui, je le répète mais c’est important, apprécient la part de chaos. Certains reprocheront le changement d’univers, mais ce n’est qu’affaire de goût. Un party game pour adulte, fun et dynamique.

 

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3 Commentaires

  1. Starfan 04/08/2022
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    Bonjour coucou à toute l’équipe! Très joli article sur ce jeu qui me donnait très envie et qui m’a refroidit après une partie assez laborieuse à 5. J’ai trouvé les règles très mal écrites,il a fallu relire plusieurs fois certains chapitres et regarder une vidéo pour que ce soit à peu près clair. Et surtout,il y a trop de manipulation avec les cartes et la piste réputation,j’ai trouvé ça lourdingue avec ces effets de cartes qui partent dans tous les sens. On peut jouer n’importe quoi,je suis certain qu’on peut gagner haut la main! Le jeu est décrit comme un jeu amusant et familial par la pluspart des chroniqueurs ludiques,je ne pense pas le proposer à Tata Yvonne ou à mon neveu de 12 ans. Bref,assez déçu par le jeu. Le jeu en solo est une blague malgré le sérieux de ses règles et le soin apporté à son élaboration étant donné que c’est un jeu très interactif qui nécessite minimum 4 joueurs pour offrir un peu de fun(un peu car le chaos m’a vite sorti de la partie). Le autres joueurs ont apprécié la partie sans pour autant pousser des petits cris aigus de plaisir ni démolir mon mobilier. Encore bravo pour cet article de qualité

    • atom 05/08/2022
      Répondre

      Merci beaucoup,

      Totalement d’accord avec toi concernant les règles, d’ailleurs j’en parle dans la critique. J’avais la chance d’avoir la boite de l’ancienne édition à mon association et j’ai pu les comparer. Je trouve que la première édition est plus claire. J’aime bien ce système de réputation, mais je comprends que ça soit un peu lourd. Libertalia reste un jeu avec du chaos et c’est aussi ça qui fait qu’on l’apprécie ou pas. À mon asso il y a des joueurs qui détestent ce jeu et d’autres qui apprécient son chaos et son bazar. Dès qu’il y a des effets de cartes ça parait compliqué de le proposer à des joueurs débutants, je dirais plus famille de joueurs.

  2. Starfan 06/08/2022
    Répondre

    En fait,le chaos dans un jeu ne me dérange pas dés l’instant où le jeu n’est pas trop complexe ni long. Je ne refuserai pas d’en refaire une autre partie car le jeu n’est pas mauvais,c’est juste qu’il a trompé mes attentes. Pour l’autocollant de remplacement,j’ai dû patienter un bon mois avant de le recevoir car il n’était pas dans la boite.

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