les tontons éparpillés façon puzzle : j’ai connu une polonaise qui y jouait tous les matins

Les Tontons flingueurs est une comédie policière réalisée par Georges Lautner, sortie en 1963 au cinéma. Scénario d’Albert Simonin d’après son roman, dialogues de Michel Audiard et « gueules » d’acteurs (Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Lefebvre, Francis Blanche…) font de cette histoire d’héritage et de gangsters un film culte.

 

 

Si les produits dérivés sont plus nombreux qu’on pourrait l’imaginer (Le dico flingueur des tontons/L’abécédaire des tontons flingueurs/Les tontons d’Audiard le calendrier…), le jeu restait en retrait. Jusqu’à aujourd’hui. La filiation à l’écrit reste néanmoins solide puisque cette boîte est le prolongement de l’ouvrage du même nom rédigé par Philippe Chanoinat et illustré par Charles Da Costa aux éditions Glénat.

 

 

Le jeu conserve les  caricatures de Charles Da Costa, mais c’est Pascal Bernard, habitué aux adaptations (Arthur et les Minimoys/Plus belle la vie…) qui se charge de la mécanique. Pour se plonger dans la partie, il n’est pas nécessaire de connaître le film, mais, avouons que lorsque la licence nous parle, c’est un plus. La trame s’assoit donc naturellement sur l’univers cinématographique : Louis dit le Mexicain, caïd notoire, est à deux doigts de trépasser (on naît, on vit, on trépasse !), et les candidats à la succession sont nombreux. Mais qui saura faire fructifier le bizeness ? Nous retrouvons alors les personnages principaux du film, de maître Folace, le notaire, aux frères Volfoni, Jean le majordome et bien sûr… Fernand Naudin (huit en tout). Chaque joueur va se glisser dans la peau d’un des protagonistes du film et faire la tournée des lieux appartenant au Mexicain. Le but : récolter un max de grisbi tout en évinçant la concurrence, bourre-pif et tirs de silencieux.

La boîte de format moyen révèle une quantité de matériel de bonne qualité majoritairement composé de cartes lieux, billets épais, fiche d’identité des tontons et bien sûr les attaques multiples lors des différentes phases de jeux. On y trouve également deux règles, ce qui n’est pas toujours des plus pratique au début, donnant une vue parcellaire de la partie. Une mise en bouche, « un guide de prise en main rapide du jeu », sorte de tutoriel en temps réduit avec moins de manches (3), de personnages disponibles (4), et de lieux (9), pour une durée d’une quinzaine de minutes. Et un fascicule  « règlement intérieur complet » développant le jeu sur la durée normale (7 manches) et proposant variantes et cartes supplémentaires.

 

Et toi, qui veux-tu être ?

 

Les cons, ça ose tout

Notre essai terminé, jouons dans la cour des grands ! Nous avons accès à la totalité du matériel : Plus de protagonistes (8), plus de lieux (12). Avec son personnage, chaque joueur prend également un paquet Tempérament dédié contenant dix cartes mélangeant la couleur rouge, verte et jaune en rapport avec les symboles de la fiche d’identité.  De nombreuses cartes sont communes mais selon le métier pratiqué (tueur ou notaire), des différences peuvent apparaître. Par exemple Me Folace, le notaire, n’affiche pas de logo cible rouge (élimination), il ne possède donc pas ce type de carte. Ces logos donnent une idée aux autres joueurs des effets que vous avez en main et, à quel moment, vous pouvez intervenir le plus facilement. Si les cartes ont des couleurs, elles ont aussi des valeurs (les rouges sont plus faibles (1-4) que les vertes (6-8) qui sont plus faibles que les jaunes (9-10)). Chaque couleur correspond à une phase de jeu. Il y en a trois. Elles se déclenchent en ordre croissant quand les gangsters se rendent sur les lieux afin de s’emparer du grisbi.

 

Si Pascal est doué pour le crime, Paul serait plus du côté de la filouterie

 

Avec son personnage, ses dix cartes et trois billets, la partie peut démarrer. Suivant le nombre de joueurs, on dévoile de deux à quatre lieux. Les lieux ont des contraintes (interdit de jouer certaines cartes (la Clinique), pas de faux billets (l’Appartement d’Antoine), don de billets (l’Église)…), et un nombre de coupures à récupérer. Oui, on vous le dit maintenant, certains billets sont faux et n’ont aucune valeur !! Chaque joueur va secrètement choisir sa destination grâce à ses jetons (A pour le lieu A, B pour le lieu B etc.). Dans l’ordre du tour, chacun va révéler sa position et envoyer son personnage sur le lieu de son choix, en file indienne. Le premier joueur, le taulier, place son pion sur un lieu. L’ordre d’arrivée a de l’importance dans le partage, simplement pour avoir plus de choix dans la masse des coupures à récupérer.

 

Du fric, on peut en récupérer partout…ou presque

 

Et c’est le moment où ça se gâte. Car le partage n’est pas à l’ordre du jour. Cela va se faire en trois paliers ou trois phases comme je le disais plus haut.

Il est l’heure de jouer une de ses cartes Tempérament. On débute par le rouge : règlement de compte. De la plus petite valeur à la plus grande. Une sorte d’initiative. Les effets au logo bombe ou cible sont sans équivoque et éliminent ou déplacent dans un autre lieu un pion. Le bouclier répondant au doux nom de « your room is ready sir » contre ces actions. L’enveloppe vous laisse une alternative : payer ou être éliminé. Quant au bourre-pif, il vous assomme et vous loupez le premier encaissement. Vous n’êtes pas obligé d’appliquer les effets (?!).  Ensuite c’est le vert, la Filouterie (échange ou vol de billet), activation toujours dans l’ordre croissant.

Chacun y a été de sa petite méchanceté, nous pouvons passer à l’Encaissement. Le lieu est vide, le cash restera pour le tour suivant. Il n’y a qu’un seul personnage, il rafle tout. Plusieurs tontons sont présents, on prend la monnaie par ordre d’arrivée. À moins que certains fassent tomber des cartes jaunes  comme  « Touche pas au grisbi ! » et court-circuite la distribution.

 

Les coups bas du jeu

 

La manche finie, les cartes Tempérament sont défaussées. Peu à peu, avec un peu mémoire et la comparaison avec la fiche personnage, vous aurez plus de matière à hypothèse sur qui a encore quoi dans son jeu. L’argent gagné est placé dans des enveloppes personnelles. Les lieux visités sont remplacés par des nouveaux et l’on aiguise ses couteaux pour la suite.

Ce cache-cache traîtrise va durer sept manches à l’issue de laquelle le plus riche sera le gagnant.

 

Le grisbi tant attendu

 

Le jeu ne s’arrête pas là et propose une variante Taulier pour gagner le jeton premier joueur en fonction de la place occupée à la fin de la manche et, surtout, une série de cartes supplémentaires L’ami dévoué où nous retrouvons des personnages secondaires du film (Antoine, Patricia, Bastien….) qui pourront venir vous aider contre trois petits billets, une seule fois dans la partie. Et selon leur couleur bien sûr. Une variante que l’on conseille d’intégrer rapidement, ajoutant un rebondissement supplémentaire à la manche et pouvant modifier le cours des événements. Patricia, par exemple, malgré son grand sourire, est d’une redoutable protection contre tous les effets règlement de compte. Ce qui peut vous sauver si vous avez épuisé vos propres cartes.

 

Le terminus des prétentieux

À qui s’adresse ce jeu ? Les tontons sont-ils vendeurs en 2023 ? On a beau dire, si le film est culte auprès d’une génération d’un âge un peu avancé, il ne parle pas à la jeunesse 2.0. Ou alors, elle habite Montauban (qu’on ne devrait pas quitter d’ailleurs).

 

Ville de Montauban

 

Le jeu, s’il se joue avec tout le monde, vise évidemment une cible qui connaît le film, ses acteurs, ses répliques… Bref, les fans. J’avoue avoir ressenti un petit pincement au cœur à la vue de la boîte. Nostalgie et curiosité : incarner un Tonton, le pied ! Le jeu est soigné, bien travaillé avec l’amour du film en point d’orgue. S’appuyant sur le travail réalisé pour le livre, on est plongé dans l’ambiance. Ici pas de licence à la va vite, pas de bémol sur l’hommage des illustrations au texte du livret de règles et des cartes. On aurait aimé des photos pour entrer définitivement dans le film plutôt que des illustrations mais les caricatures tiennent la route et assurent l’ambiance. Au-delà de l’effet souvenir et clin d’œil, le jeu parvient-il à divertir ?

 

Quelques amis et amie, dévoués…

 

Le jeu est un « pan dans ta face » où il faut réfléchir un minimum, du moins suivre ce qui tombe et à quelle type de cartes ont accès les adversaires. Même si au bout du compte, ce côté pseudo calculatoire n’est pas tant exploité. Nous sommes plus sur un jeu de guessing. Ce sera  supputation, appât du gain et, bien sûr, un peu de chance. « Je pense qu’il va mettre ça », «  Il y a trop à gagner ici, tout le monde va y aller… » «… mais si personne n’y allait en se disant que… ». Bien sûr, même avec quelques indices sur des effets déjà utilisés, rien n’est sûr, et le résultat peut surprendre. Le jeu reste peu contrôlable (un peu plus au bout de quelques tours quand des cartes ont été jouées), et on peut se faire éjecter d’un lieu ou éliminer (rarement car il suffit de payer). Le fait d’inclure des faux billets brouille un peu plus la donne et les choix de placement. Faut-il la jouer sécurité en ne pariant que sur des petites coupures, ou risquer le pactole en sachant que les grosses valeurs contiennent parfois des faux billets ? Sauf dans les lieux où la fausse monnaie n’a pas le droit de cité. Des lieux trop attirants de ce fait ? La petite asymétrie des personnages force à planifier sa pose de carte et de lieux selon qui est en jeu. Comme vu dans l’exemple des fiches d’identité, on ne gère pas de la même façon le tueur ou le filou, qui n’interviennent pas à la même phase.

Pas de réel contrôle sur le déroulé, le jeu reste intuitif et tant mieux, il doit être dynamique, sinon les sept manches paraîtraient un peu longuettes. On recommande d’y jouer nombreux, au minimum quatre, et de plonger les deux pieds dans cet univers vieille école. À vous de faire vivre les personnages ! Entre Cash & Guns et Zombies : La blonde, la brute et le truand (aka Lockdown) voire Canardage, les Tontons ont leur place dans ce type de divertissement, mêlant à la fois guessing, bluff et rebondissements dans une ambiance de rigolade.

 

 

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