Les Aventuriers du Rail : Autour du Monde

2016 a été une année faste pour le titre phare d’Alan R. Moon, j’ai nommé le célébrissime Ticket to Ride. Outre une version Mon Premier Voyage à partir de 6 ans et une nouvelle carte/extension Royaume-Uni apportant son lot de petites spécificités, a également vu le jour – on vous en parlait ici – un jeu complet plus largement remanié et annoncé plus costaud que la moyenne : Les Aventuriers du Rail : Autour du Monde.

Alors, vraie adaptation à même de satisfaire le plus grand nombre, complexification inutile ou simple curiosité pour collectionneurs ? Essayons de décortiquer les premières impressions.

La classe affaires

Cette version standalone se présente dans une boîte conforme au design bien reconnaissable de la gamme. Nous sommes d’ailleurs tellement habitués à la patte de Julien Delval qu’on concevrait difficilement un nouvel opus de la série sans ses illustrations une nouvelle fois remarquables.

250 Bateaux, 15 Ports, 165 Wagons

Boostée en épaisseur par rapport à une boite classique, elle contient de fait un matériel plus abondant qu’à l’accoutumée : plus de 400 pions en plastique, quelques 260 cartes, et un plateau géant plié en huit approchant le mètre dans sa grande longueur.

L’absence de punchboard permet – outre le fait d’entrer en possession d’un jeu déjà pré-trié sous sachets – d’avoir un thermoformage impeccable en hauteur, pour un matériel calé comme il faut.

Le Monde, assez axé maritime

Comme le plateau susmentionné a la chouette idée d’être biface, voici donc non pas une mais deux nouveaux théâtres des opérations. D’un côté, Le Monde, qui a la particularité d’être virtuellement rond et donc de communiquer entre ses extrémités Est-Ouest (à la Risk ou encore Pandémie). De l’autre, la région des Grands Lacs nord-américains, à cheval entre le Canada et les U.S.A.

Dans les deux cas, terminé l’exclusivité ferroviaire : les moyens de transport se diversifient avec l’apparition de liaisons maritimes, plus ou moins importantes en proportion selon le côté du plateau.

Les écarts de règles et de mise en place entre ces deux cartes sont très minimes, et pourtant, le choix a été fait de fournir deux livrets indépendants et complets.

Les Grands Lacs, plus majoritairement terrestres

Heureusement, il sera inutile de vous palucher deux fois l’intégralité d’un contenu à 95% identique. Car d’une part, un système d’icone identifie les paragraphes spécifiques à la carte considérée. D’autre part, de bien pratiques aides de jeu intégrées aux plateaux récapitulent la plupart de ces différences de manière immédiate.

Au niveau des cartes Wagon/Bateau, force est de constater que malgré l’icône de rappel (tout petit), leur design aurait pu être davantage discriminant. Visualiser l’ensemble de sa main ne se fait donc pas de manière immédiatement confortable pour l’esprit. D’autant que la taille de cette main ne tarde pas à grandir, grandir (j’y reviendrai). Pourquoi pas carrément une bordure de couleur différente selon le type ?

Point colorimétrique sous éclairage artificiel : le rouge et le rose se sont avérés peu évident à différencier pour certains yeux. Ce choix est assez étonnant alors que le bleu a par exemple été écarté. Peut-être la raison tient-elle à la couleur de fond des mers et lacs. Mais le vert clair est pourtant bel bien là alors que Les Grands Lacs sont à dominante verte.

La nuance de forme entre cases rectangulaires et cases arrondies permet de lever les doutes éventuels sur la nature des routes (ci-contre). Certaines routes un peu entre deux nécessitent cela dit d’y regarder de près pour éviter la confusion, en particulier sur Le Monde.
Toujours côté Monde, la correspondance entre les portions de routes du Pacifique Est qui se prolongent côté Pacifique Ouest (et inversement) n’est pas forcément des plus faciles à visualiser, surtout pour les joueurs positionnés aux antipodes du plateau. De plus, on se retrouve à recoller les morceaux mentalement à de multiples reprises pour déduire le nombre de bateaux nécessaires.

Malgré ces menues bricoles qui ternissent légèrement le topo, l’expérience de jeu se déroule globalement dans de bonnes conditions. Ce n’est pas une copie parfaite, mais l’appréciation reste à mon sens positive en termes de matériel et d’ergonomie.

L’air de rien, ça fait du monde

Le thermo fait bien son boulot

Sur la droite, notez le sachet de « rab » en cas de perte.

À Honolulu, des flèches pour indiquer les liaisons vers Los Angeles et Lima n’auraient pas été un luxe

Jeu des différences

Les pratiquants plus ou moins assidus des Aventuriers du Rail ne seront pas dépaysés, tant les grandes lignes du jeu persistent. Il s’agit encore et toujours de relier entre elles, par un réseau de routes, des villes figurant sur des cartes « Destinations ». Indépendamment de ces objectifs, toute route acquise vaut intrinsèquement un certain nombre de points, selon le barème plus ou moins progressif auquel nous sommes habitués.

La divergence majeure tient à la présence de deux types de routes, associés à deux catégories distinctes de cartes Transport : les Wagons et les Bateaux. Bien qu’elles soient déclinées en seulement 6 couleurs, le total est de 12 types distincts, en comparaison des 8 types de la version classique (une catégorie en 8 couleurs).

Ajoutons à cela deux particularités :

  • tous les Wagons ne se valent pas : seuls un tiers d’entre eux figurent le symbole « Port », et peuvent ainsi participer à la construction d’un port (voir ci-après).
  • les routes maritimes étant pour la plupart très longues, deux tiers des cartes Bateau sont en fait des « double Bateau », c’est à dire qu’elles équivalent à deux tronçons d’une route maritime. À charge de revanche, les symboles Port sont présents uniquement (et systématiquement) sur les simple Bateau.

 

« J’ai commencé à dessiner les routes, et il m’est vite apparu évident que j’allais devoir trouver une solution pour les longues routes maritimes. Les cartes double Bateau étaient cette solution. Cela rendait le paquet de cartes Bateau assez puissant : pour compenser, j’ai choisi de ne pas y mettre de jokers, qui sont tous dans les cartes Wagon. » Alan R. Moon

Pioche et étalage

L’étalage de cartes s’agrandit un peu : il est désormais de 6 cartes face visible (contre 5 en classique). Comme il existe deux piles face cachée (une pour les Wagons, une pour les Bateaux), il y a 8 choix possibles au moment de piocher. Pour le reste, cette action est inchangée : on prend soit deux cartes, soit une seule s’il s’agit d’un Joker face visible.

Une subtilité d’importance tient à ce que la réalimentation de l’étalage face visible se fait au choix du joueur actif : indépendamment de ce qu’il vient de piocher, il peut décider d’exposer, en remplacement, un nouveau Wagon ou un nouveau Bateau.
Bien sûr, la possibilité de pioche « à l’aveugle » face cachée persiste, à la nuance près que seule la pile Wagons a des chances de délivrer un précieux Joker bon marché.

Mon avis : vais-je exposer dans la catégorie qui pourrait m’arranger, sachant que je n’aurais pas la priorité sur les cartes en question ? Ou vais-je plutôt compliquer la tâche des suivants en sortant des Bateaux alors que je sais pertinemment que tout le monde cours après les Wagons à cet instant ? Un des points croustillants de cette version est probablement ici.

Concernant les cartes Destination supplémentaires, en obtenir nécessite toujours d’y consacrer son tour de jeu : on en pioche alors 4 (contre 3 en version classique), parmi lesquelles on doit en conserver au moins une.

Mon avis : plus de choix, c’est mieux. La probabilité d’un tirage entièrement composé d’objectifs irréalisables diminue légèrement. Cependant, cela ne suffit certainement pas à lisser le facteur chance qui reste très présent à ce niveau du jeu. Piocher des destinations concordantes, voire des « cadeaux » avec des destinations déjà reliées est toujours un atout maître qui peut décider de la partie.

Construire un port

C’est une nouvelle action possible à son tour de jeu. Le cout de construction est fixe : deux Wagons plus deux Bateaux de couleurs identiques et comportant tous le symbole Port. On peut alors poser l’un de ses trois jetons Ports sur une ville côtière encore disponible de la carte, à la condition de déjà posséder une route qui y mène.
La gratification consiste purement et simplement en des points de victoire de fin de partie. Il faudra pour cela que la ville en question figure sur au moins une carte Destination réussie, voire plusieurs pour encore plus de points. A noter que chacun des trois Ports non construit vaudra le cas échéant 4PV négatifs lors du décompte final.

Mon avis : certes, les symboles Port ne sont pas nécessairement aisés à réunir, mais avec les Jokers, c’est largement jouable. Côté « Monde », le gain semble disproportionné : 20/30/40PV pour 1/2/3+ cartes Destination en font une manne imbattable. C’est du gagnant-gagnant, car mettre la main sur des cartes Destination comportant la même ville est souvent déjà une belle opportunité en soi pour optimiser son réseau. Dans le pire des cas, ne seraient-ce que 24PV (20PV et -4PV de pénalité qui ne s’appliqueront pas) induisent de toutes façons une rentabilité hors-normes (6PV par carte).

Assez curieusement, le barème côté « Grands Lacs » diverge, avec respectivement 10/20/30PV. À ce stade de la découverte du jeu (rappelons qu’il ne s’agit ici que d’un Just Played), cela semble contradictoire avec la moindre proportion d’emplacements portuaires (environ 70% contre 80%), qui tend à rendre l’exercice légèrement moins aisé. Toujours est-il que dans ces conditions, cette action parait plus équilibrée !

 

À part ça

La mise en place propose un twist intéressant : moduler sa proportion de Wagons/Bateaux en début de partie. Par exemple, sur Le Monde, les joueurs commencent la partie avec exactement 60 pions en tout, dont au minimum 10 Wagons et 35 Bateaux. On a donc une marge de manœuvre sur les 25 pions restants, ce qui n’est pas rien.

Au besoin, une action alternative consiste à échanger en cours de partie autant de pions que souhaité, au ratio de 1 contre 1 et dans la limite du stock personnel resté dans la boite. Il en coute toutefois un tour de jeu complet, ainsi qu’une pénalité de -1PV par pion ainsi échangé.

Mon avis : je manque de recul pour qualifier la dimension stratégique à ce niveau. Il est certainement possible de dresser un plan d’ensemble approximatif en fonction des cartes Destination initiales, et donc d’en déduire une tendance sur la proportion Wagons/Bateaux, mais guère plus. Une chose est certaine, la contre-productive action d’échange est vraiment une rustine réservée aux cas extrêmes. Sauf enjeu majeur sur une carte Destination juteuse, il sera la plupart du temps plus intéressant d’utiliser ses derniers pions pour prendre des routes d’un type ou d’un autre, sans lien avec une carte Destination.

C’est bien payé… si ça passe.

Le côté Monde introduit une autre nouveauté : il s’agit de quelques routes ferroviaires « Paire ». Comme leur nom l’indique, leur un cout d’acquisition est d’une paire de cartes Wagons, c’est à dire deux cartes de la même couleur, pour chaque tronçon. On peut par contre payer avec des paires deux à deux différentes. Dernière spécificité, toujours côté Monde : la présence minoritaire de carte Destination « itinéraires » imposant de relier plusieurs villes dans un ordre précis. Ces cartes sont plus lucratives que la moyenne et proposent une valeur secondaire en cas de réussite partielle, c’est dire que les villes sont reliées mais dans le désordre. S’il manque ne serait-ce qu’une seule ville dans le parcours, le joueur marque les points inscrits en négatif, particulièrement punitifs sur ce type de carte.

Mon avis : bien que relativement discrètes, voilà deux petites fantaisies plutôt bien senties. Les routes Paire, surtout, sont une jolie façon de recycler des reliquats de Wagons d’une série avortée ou piochés à l’aveugle. À quand la route payable uniquement avec des cartes de couleurs différentes ?
Je suis un peu moins fan des Itinéraires, sympathiques dans l’esprit, mais dont la réussite tiens plus que jamais à l’absence de perturbation adverse dans le secteur. Or, cette donnée est toujours difficilement anticipable.

 

Bilan de la croisière

Il serait disproportionné d’affirmer que Les Aventuriers du Rail : Autour du Monde est un mauvais jeu dans l’absolu. Toutefois, il est difficile de l’évaluer autrement que dos à dos avec les versions classiques. C’est en tous cas dans cette logique comparative que tout le monde attend le verdict. Plusieurs situations se présentent :

  • Je possède déjà le jeu (voire plusieurs extensions), est-ce suffisamment intéressant pour justifier l’achat ?
  • J’apprécie le jeu à l’occasion mais ne possède encore aucune boite, est-ce un bon point d’entrée pour la gamme ?
  • Je suis un joueur expert qui trouve Les Aventuriers du rail trop léger, est-ce la version qui va me faire changer d’avis ?

 

Malheureusement, ma réponse à ces trois questions est : non, probablement pas.

Force est de constater que l’accessibilité est un cran en dessous d’un Aventuriers du Rail classique. Sans atteindre un niveau de complexité insurmontable, les petits ajouts cumulés, la décomposition en deux types de transports rajoutent des couches superflues pour une découverte. La durée de partie est s’étire copieusement, jusqu’à environ 120 minutes dans la configuration maximum de 5 joueurs. Tout ceci l’éloigne donc d’un public néophyte.

Ce constat n’est pas une surprise et ne fait que confirmer ce qui était annoncé par l’éditeur. Il ne serait pas gênant s’il s’accompagnait d’un intérêt nettement supérieur au niveau du gameplay. C’est là où le bât blesse selon moi.

La gestion de la main tourne à l’exercice malaisé. Plusieurs facteurs conduisent à une accumulation d’une multitude de cartes : le nombre accru de types différents, la fréquente pénurie à l’exposition qui incite à piocher face cachée (la plupart du temps pour obtenir une carte que vous n’aviez pas encore), les Ports qui encouragent à thésauriser tout au long de la partie. Avec des grandes paluches, une bonne vue pour discerner les icones et/ou un peu d’organisation, ce problème est malgré tout supportable.

Parlons des pénuries : dans les configurations supérieures, en particulier à 5 joueurs, elles sont quasiment inévitables. Côté Monde, par exemple, chacun commence la partie avec 7 Bateaux. Ce qui laisse seulement 25 Bateaux en circulation dans la pioche initiale. Si d’aventure (et c’est plus que probable) plusieurs joueurs visent d’emblée de longues routes maritimes d’une même couleur, plus personne ne réinjecte de Bateaux de cette couleur dans le circuit, et la paralysie pointe rapidement le bout de son nez. Il faudra se résoudre à passer par des Jokers pour débloquer la situation.

Reparlons des Ports : comme évoqué plus haut, je reste très sceptique. Ils sont des passages obligés au vu des points qu’ils rapportent. Mais leur optimisation est liée à un tirage favorable de Destinations proposant des villes identiques. Finalement, ils récompensent encore plus la chance d’avoir des objectifs concordants.

Encore plus difficile à avaler, l’ensemble n’est guère plus contrôlable que les versions classiques. Il se trouvera certainement des spécialistes pour analyser que tout se maîtrise, mais désolé, à ce stade je reste sur l’impression qu’une partie – d’autant plus à 4/5 joueurs – se gagne globalement plus en profitant de circonstances de jeu favorables que par des coups savamment orchestrés. L’obtention des Destinations qui vont bien, l’absence de concurrence dans le secteur géographique ciblé ne se décrètent pas.
Evidemment, il est possible de plus ou moins bien gérer ses affaires. Prendre des risques inconsidérés, jouer avec le feu en retardant la prise de routes visiblement critiques, rester la tête dans le guidon hypothèquera certainement vos chances. A contrario, ne pas faire d’erreur n’est pas non plus une garantie de s’en sortir correctement. Certaines situations « coupe-gorge » avec plusieurs joueurs à la lutte pour les mêmes villes sont juste impossibles à prédire. A vous d’avoir la réussite pour passer entre les gouttes.

Ce côté aléatoire (voire parfois injuste) n’est pas nouveau ni spécifique à cette version. J’ai envie de dire que c’est l’essence même des Aventuriers du Rail. Mais autant cela semble adapté pour un jeu familial joué en 1h, autant cela me pose problème sur un titre de plus longue haleine comme celui-ci.

Pour finir, si vous pensiez démarrer la licence par cette boite et l’agrémenter avec des cartes supplémentaires par la suite, sachez que ça ne sera pas possible. Le nombre de couleurs (6) le rend en effet incompatible : c’est un standalone indépendant et non pas une nouvelle boite de base potentielle.

Bien qu’il ne soit pas intrinsèquement désagréable, Autour du Monde échoue à muter en un jeu « Gamer ».

L’aléatoire est tout aussi présent que dans le jeu classique, et dans ces conditions, la durée de partie à rallonge devient un contre-argument. Les différents ajouts ne sont pas inintéressants, en particulier le choix de la proportion Wagons/Bateaux. Mais en l’absence d’une plus grande prise sur sa partie, la sauce est inutilement rallongée de mon point de vue.

Considérant le tarif à l’aune de la quantité de matériel, cette boîte ne saurait être un investissement à la légère. J’aurais donc beaucoup de mal à la conseiller à d’autres qu’aux fans absolus de la licence, aux acharnés du titre en configuration basse (2/3 joueurs).

Dommage, car jouer sur la carte du Monde a son charme, et les Grands Lacs proposent un changement d’air non moins séduisant.

 

 

Un jeu de Alan R. Moon Illustré par Cyrille Daujean et Julien Delval
Edité par Days of Wonder Pays d’origine : Etats-Unis
Date de sortie : 2016
De 2 à 5 joueurs
Durée constatée : 90 à 120 min
A partir de 10 ans
Prix constaté : 69€ environ

 

 

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3 Commentaires

  1. atom 24/01/2017
    Répondre

    Ah enfin tu parles de jeux sérieux ^^. Blague a part je n’ai jamais trop accroché aux aventuriers du rail, pour les raisons que tu évoques.  J’ai souvent remarqué que commencer en piochant un max, ça donne de bonnes solutions pour la suite, comme tu n’a pas de limite de main tu peux aisément en avoir 15 ou 20 en mains.
    Le doute que j’avais sur son coté hasardeux c(‘est qu’il y a des tournois et des champions (même si parfois ils trichent un peu). En jeu familial je préfère proposer Takenoko.

  2. morlockbob 24/01/2017
    Répondre

    Complètement d’accord, le prix n’est pas à la hauteur du jeu

    L’auteur s’est mieux débrouillé avec les avions (AIRLINES Europe), qu’avec les bateaux.

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