Jouer sur table ou en numérique, quel Dilemme de roi !

The King’s Dilemma (Dilemme du roi) est un jeu Legacy sorti un peu avant la crise Covid, dont nous vous avions parlé ici (JP) et là (Test). Sa suite, The Queen’s Dilemma, a été lancée en financement participatif il y a peu.

Et pourtant, c’est bien du premier opus dont nous allons reparler aujourd’hui, car il vient d’être adapté par le studio Big Trouble en version numérique (Steam), et j’ai eu tout le loisir de l’essayer pour vous.

Pour rappel, The King’s Dilemma est un jeu dans lequel les joueurs incarnent les représentants d’une maison noble et membres du conseil d’un royaume imaginaire dans un univers médiéval-fantastique.

En tant que membre du conseil du royaume d’Anclisse (ou Ankist en anglais je le précise, ça servira à une vanne plus tard), il faudra faire des choix face à des évènements qui arrivent dans le royaume, les fameux dilemmes.

Ces choix, les joueurs les feront en votant avec de l’influence et pourront corrompre leurs adversaires avec de l’argent pour qu’ils votent comme eux. À court terme, on fera ainsi bouger des marqueurs sur des pistes (militaire, moral, etc) qui représentent l’état du royaume. Ces marqueurs pourront précipiter la fin du règne du monarque actuel et leur position en fin de partie détermine les scores des joueurs en fonction de leurs objectifs personnels. À long terme, on influence la physionomie du royaume et le chemin que celui-ci va prendre.

Tout ceci se dénouera dans un grand final, où l’on affrontera un évènement qu’on avait vu poindre depuis un moment, et où il faudra choisir notre camp. Oui, on surfe sur une ambiance très Game Of Thrones.

 

Le jeu n’a rien perdu de son style mature

 

Une aventure en solo

Que nous propose donc cette adaptation, nommée The King’s Dilemma Chronicle ? Et bien déjà, ce qui ne change pas, c’est l’histoire du jeu. C’est exactement la même que celle de la boîte carton. La dynamique globale ne change pas non plus : on a des successions de dilemmes, qui font bouger les pistes et on enchaîne les règnes des monarques les uns après les autres.

On commence la partie par le choix de sa maison : pas de panique, on ne va pas lire le descriptif de tous, on répond à quelques questions, et le jeu nous propose celles qui correspondent le mieux à nos choix, puis  on décide parmi deux. J’ai beaucoup aimé.

La différence majeure, c’est qu’on est ici en solo ! Pas de multijoueurs prévu, vous êtes seul au clavier.

Première conséquence à cela, les votes : avant, nous étions sur une espèce d’enchère, avec des négociations, une récupération d’influence – ce qui faisait que le jeu pouvait parfois traîner un peu en longueur. Ici c’est beaucoup plus simple et direct : Les autres maisons votent avant vous, et vous faites le choix final. Si vous votez comme la majorité, cela ne vous coûte aucune influence, sinon, cela vous en coûtera autant que la différence des votes. Basique, efficace, avec le petit changement qui fait qu’un règne peut aussi se terminer si vous n’avez plus d’influence.

Alors, qu’est ce qu’on fait ?

 

Chaque règne vous demande donc de gérer votre influence pour peser sur les dilemmes qui vous semblent les plus importants. Cette gestion, c’est un peu le cœur mécanique du jeu puisque c’est elle qui doit vous permettre, à la fin de chaque règne, d’amasser un maximum de « couronnes » qui représentent votre réussite.

C’est donc simple et rapide mais aussi … assez peu palpitant en réalité. Cette gestion n’est jamais vraiment tendue, et parfois, on est même bien content de mettre vite fin à la partie : si les marqueurs sont aux bons endroits, pourquoi faire durer le règne plus longtemps et ne pas encaisser les points ? Certes, on aura un bonus si le règne dure suffisamment, mais bon.

Néanmoins, petit plus de la version en ligne : on choisira nos dilemmes. On a une espèce de carte, avec 3 niveaux de zoom (palais, royaume, monde) sur laquelle apparaissent les dilemmes et on choisit auquel on va répondre. On sait alors à quel arc narratif un dilemme appartient, quels sont les marqueurs qui vont être impactés, et on a le début de la description du dilemme (trop vague pour qu’on se fasse une idée cela dit). C’est plutôt chouette comme idée car on peut ainsi monter un peu une stratégie, mais surtout suivre les différentes trames de l’histoire dans l’ordre de notre choix. On maîtrise ainsi la vitesse à laquelle on avance dans la trame de chaque arc narratif, et on choisit à quel point on veut faire des quêtes annexes. Il y a un côté très intéressant car ainsi on ne se perd pas dans les différentes intrigues et on peut suivre le film du royaume sans trop de problèmes. À l’inverse, le côté aléatoire de la version carton avait quelque chose de plus naturel, et on sentait un peu mieux l’écoulement du temps… Mais on se perdait aussi dans les fils narratifs. C’est donc un mal pour un bien.

l’évolution des pistes narratives

Une réalisation critiquable

Par contre, la réalisation laisse un peu à désirer : certes, le côté carte est très sympa pour mieux « sentir » où se passent les évènements sur lesquels on intervient. Sauf que sans pouvoir zoomer ou se déplacer, en réalité on ne voit rien. On a juste une vue de là où se place le dilemme, mais on ne voit pas réellement où c’est dans le royaume. Ainsi, la navigation d’un onglet à un autre, qui aurait pu permettre de l’immersion, ralentit en réalité le jeu. Dommage. Jeu qui n’est d’ailleurs, pas super rapide.

La vue « carte »

 

Un des intérêts d’un univers comme celui-ci, c’est la lutte de pouvoir, la corruption et l’affrontement entre les maisons. Ce système là est présent dans le jeu : en effet, on a une ressource monétaire que l’on peut utiliser pour faire changer le vote d’une maison, de façon à dépenser moins d’influence pour faire basculer le vote. Ainsi, cet élément permet de nuancer la gestion de l’influence, si jamais on en manque où que l’on ne souhaite pas finir le règne en cours, on peut passer par là. C’est un peu dommage car ça rend beaucoup plus simple la gestion de l’influence, encore une fois le cœur mécanique du jeu. Mince.

Cette monnaie est d’ailleurs nécessaire pour débloquer certains dilemmes. Cela permet de… eh bien je n’en sais rien. Très honnêtement, je ne comprends pas cet élément de gameplay, je ne connais pas son objectif, et n’en ai pas vu l’intérêt. Là, une fois ou deux je me suis juste dit « ah zut, ce dilemme n’est pas accessible encore, tant pis. Après tout, c’est aussi le cas de tous ceux que je ne vois pas encore… »

 

Lapin compris

La monnaie sert aussi pour en savoir un peu plus sur les autres maisons : on peut les exclure du conseil, connaître leur ambition secrète et en faire des alliés. En effet, lorsque l’on vote, on améliore nos relations avec les maisons avec qui on est d’accord, on empire celles avec lesquelles on disconvient. On aura ainsi des alliés et des ennemis jurés. Et là aussi… je ne sais pas quelles en sont les conséquences sur le jeu. Mais vraiment je n’en ai aucune idée. Au début je pensais qu’on pouvait plus facilement faire changer d’avis ceux qui sont nos alliés, mais il semblerait que non. Voilà qui est dommage, on a l’impression que ça a de l’importance, mais je n’ai pas vu d’impact à tout cela et ça n’a absolument pas affecté mon expérience de jeu.

Et malheureusement, il y a aussi une autre fonctionnalité que je n’ai pas comprise, celle des récompenses à l’issue des parties. En effet, en fonction des positions des marqueurs, on va gagner des couronnes blanches et des couronnes noires. Celles-ci vont servir à faire des constructions dans la capitale. Ces constructions vont vous permettre d’avoir plus de couronnes ou plus de pièces. Dans le premier cas, l’intérêt me laisse vraiment perplexe : on dépense des couronnes pour gagner plus de couronnes. Dans le second, cela augmente notre capacité à mieux maîtriser le rythme des règnes, et donc à … gagner plus de couronnes. Autant dans le jeu de base, ces couronnes et votre classement avait un impact sur votre rôle dans le dénouement final, autant ici je n’en ai pas la moindre idée.

Alors, là où j’exagère, c’est que ses constructions ont bien un effet, elles vont rajouter des dilemmes dans le dénouement final. Problème, ces nouveaux dilemmes peuvent vous êtres très préjudiciables : sans trop en dire, disons que dans ma partie, avoir ces dilemmes en plus, dont le dénouement m’a souvent semblé très aléatoire, m’a mis plutôt en difficulté au lieu de m’aider : c’est pourtant censé être ma récompense ! L’objectif du jeu, ce que l’on cherche à faire pour gagner, m’a donc laisser très froid et assez perplexe. Je ne sais pas comment bien jouer et quoi faire pour gagner. C’est tout de même un peu problématique.

On regrettera aussi la disparition des mini-évènements (la guerre, le tournoi) que l’on rencontrait dans la version papier et que j’avais beaucoup aimés. Reste le labyrinthe, qui tire vraiment profit de la dimension numérique du jeu. C’est agréable (même si la logique de ce labyrinthe m’échappe totalement, mais là je veux bien que ce soit ma faute).

 

Et pourtant

Bref, si je fais le bilan des nouvelles fonctionnalités et changements apportés par cette version numérique, je suis, à minima, dubitatif. Et puis surtout, au vu du gameplay, je ne comprends pas que le jeu ne soit pas un jeu mobile ! Au vu de ce que me demande le jeu, j’ai plus envie d’y jouer de temps en temps, de faire un règne pendant que j’attends le bus, et pas uniquement devant mon ordinateur. Reigns, par exemple, l’a bien compris – et c’est d’ailleurs . On regrettera aussi des erreurs dans les textes.

Ok là c’est juste une faute de frappe, mais bon.

 

J’ai donc pas mal de reproches à faire à cette adaptation. La mécanique est aussi enkysté (Ankist ? La vanne du début ? Vous l’avez ?) que dans la version carton, et les adaptations pour du solo ne font pas mouche.

Et pourtant, il y a des chances que je recommande plutôt cette version pour découvrir le jeu. Parce que s’il a gardé les défauts, il a gardé le cœur du jeu : son histoire et son ambiance. En effet, celle-ci est tentaculaire, on fait énormément de choses, le royaume évolue très différemment et j’ai eu plaisir à prendre de nouveaux embranchements pour voir évoluer mon royaume. La campagne est aussi beaucoup plus courte en temps de jeu, et on peut y revenir pour faire d’autres choix ! Certes, le final sera globalement le même mais n’est ce pas le chemin qui importe ?

En résumé, si ce genre d’univers vous parle, mais que vous lancer dans l’aventure de papier et de carton vous fait peur (ou si vous n’avez pas les joueurs pour, d’autant que c’est un jeu qui se joue à partir de trois, et mieux à partir de quatre, souvenez-vous), je ne saurais que vous conseiller d’essayer cette version numérique, qui vous permettra de découvrir l’univers et l’essence de The King’s Dilemma.

 

On lui dit : » Tu Haret tes recherches ou pas ?! »

 

 

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1 Commentaire

  1. frédéric ochsenbein 24/07/2023
    Répondre

    Le jeu de plateau Dilemme du Roi est une des plus marquantes expériences ludiques de ma vie (après This war of mine et la découverte de mon premier Lacerda ^^). Seulement le trip du jeu pour moi venait de son côté « jeu de rôle », des négociations avec les autres joueurs, coup en traître, ambition caché,…j’avoue que j’ai du mal à tripper sur une version solo de ce jeu 🙂

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