Jeu et pédagogie ou pédagogie par le jeu : pourquoi il faut jouer toute l’année en classe (et ailleurs)

Vaste sujet me direz-vous ? Et vous auriez raison. Je pense qu’on pourrait y consacrer quelques livres. Pour me présenter en quelques mots sur le plan professionnel : enseignante en élémentaire et intervenante en orthopédagogie (quel mot bizarre…). J’ai créé une structure d’accompagnement pédagogique portant le nom d’HeuréCAP. Autrement dit, mon truc à moi, c’est d’accompagner les enfants en difficulté voire même en souffrance scolaire, avec ou sans trouble(s) des apprentissages.

Sur Ludovox, on aime jouer, on aime partager, on aime découvrir, on aime inventer… Et bien si je vous disais, qu’en classe ou en cours individuel, les enfants et les ados adorent ça aussi ! C’est en discutant avec Shanouillette et mon geek préféré, il y a 3 ans en arrière que je me suis rendue compte que dans le monde du jeu, j’avais certainement des pistes plus qu’intéressantes. En fait, en plus d’être intéressantes, ces pistes étaient efficaces. (Ce que je ne savais pas à l’époque, c’est que j’allais également attrapé le virus bizarre du jeu :D, mais ça c’est un autre sujet ) !

                Jouer en classe, c’est possible
 

« Jouer aux dés n’a aucun intérêt en soi. C’est à l’enseignant de trouver quel intérêt le jeu peut avoir, de se demander : qu’est-ce que le jeu va pouvoir apporter à mes élèves ? Je reprends ton exemple des dés. Le jeu seul n’a pas d’utilité. Mais si l’enseignant s’en sert pour faire apprendre les additions, ou si deux joueurs opposent les notions de « plus » et de « moins » en comparant les résultats, nul doute que le jeu a sa place en classe. C’est l’enseignant, en assignant un objectif au jeu (et en le transformant au besoin), qui transforme la futilité en pédagogie » (Platon)

A l’heure de la rentrée des classes, nous pouvons voir fleurir sur un bon nombre de blog d’enseignants divers jeux de leur création. Des jeux pour travailler le vocabulaire, des jeux pour apprendre des mots d’anglais, des jeux pour compter… Et ça de la maternelle au CM2 (j’avoue ne pas regarder ce que peuvent faire les profs du secondaire) ! Personnellement, j’ai choisi d’intégrer le jeu dans mes classes dans un but bien précis : une sorte de remédiation ! Kesako ? Et bien vous, grands joueurs invétérés, vous n’imaginez pas tout ce que peut faire votre cerveau lors d’une partie de Fief ou de Shogun (j’ai découvert ce jeu lundi, je suis encore un peu marquée) ! Et oui, il s’avère que beaucoup de choses se développent. La planification, ça vous parle ? Exactement, on fait ça aussi pour un problème de math ou bien pour une rédaction. Il faut s’organiser. Si vous jouez à Dungeon Lord avec notre Sha-man international, il appréciera que votre donjon soit bien organisé et bien rangé. Bien sûr je n’ai pas amené Dungeon Lord à des CE1.

Le jeu intelligent (smartgame)

Cependant, il y a un tas de jeux extraordinaires que nous pouvons utiliser dans nos classes. Je pense à la collection Smartgame. Toute une game évolutive très bien conçue. Autrement dit, l’élève qui galère va pouvoir se pencher sur les premiers niveaux de ces jeux, et l’élève qui s’ennuie (parce qu’il comprend tout tout de suite) va pouvoir se frotter à un niveau expert. Que font travailler ces jeux ? Diverses capacités cognitives je dirais. La planification (je dois m’organiser, je ne peux pas faire les choses dans n’importe quel sens), le sens de l’observation, l’attention (ahhhhh vous devez en voir des reportages sur ces enfants horrrriiiiiibles, qui ne se concentrent pas et qui sautent partout ; et je suis sure que vous vous dites, chez moi JAMAIS ! Mais c’est bien plus complexe que ça !). Cela éveille aussi la curiosité, le partage et l’échange. J’ai entendu des enfants échanger sur des stratégies. Et que serait l’apprentissage sans l’envie de le partager. Une personne qui n’a pas l’envie de partager, ne peux pas apprendre efficacement. Et bizarrement, on partage plus autour d’un jeu que 2×2=4.

Temps d’atelier

ATTENTION, je ne renie pas les tables ni tout ce qui est fait en classe, j’ai des collègues absolument extraordinaires. Je dis juste qu’en élémentaire, on peut s’accorder des temps pour voir les choses autrement. Ces temps, je les avais appelés « temps d’atelier ».

Alors, là aussi, je vous attends au tournant : mais c’est cher tout ces jeux. Oui c’est vrai. C’est pour cela que dans ces temps d’atelier, il y avait aussi des jeux imprimés créés par des collègues, des jeux inventés, bref, ce n’est pas insurmontable.

Autre piste, quand nous avons la chance d’avoir 2 ou 3 ordinateurs dans la classe : Internet. Et oui, si nous sommes la génération Y (née entre 1978 et 1994), ces petits loulous font partie de la génération Z (une cyber génération). Même si je pense que la manipulation a un GRAND intérêt dans la plupart de ces jeux, il faut savoir que smartgame offre la possibilité de jouer à ces jeux de stratégie en ligne (ça peut être une idée pour tous ceux qui ont des petits gnomes!)

                Et concrètement, on joue à quoi ?

Concrètement, dans une classe de CE1/CE2 : le mardi à 15h30 après la récré, c’était atelier. Chaque élève avait un petit cahier d’atelier (j’aimais bien prendre des cahiers à carreaux blancs, comme ça, quand les jeux n’étaient pas disponibles, ils pouvaient faire de la reproduction sur quadrillage). Au début de ce cahier, les élèves avaient tous une petite fiche avec les noms des jeux et les différents niveaux. Au plus ils montaient dans les niveaux, au plus ils obtenaient des blasons (coccinelle, baleine, lion… L’idée des blasons ayant été trouvée sur des sites de collègues enseignants). Les jeux disponibles étaient « Code couleur », « L’aventurier », « Anaconda » puis divers jeux créés par moi ou glanés sur des sites (jeu du tapis sur le site de lutinbazar par exemple, un mémory, des dominos etc.. .). J’utilisais également des jeux de cartes « cats’family ».

Code couleur chez Smart games : on superpose les plaquettes pour parvenir à recréer la figure

Quand on joue, l’erreur devient un pas vers la réussite.

– Je pense à un de mes élèves « multi dys » (dyslexique, dyspraxique + trouble de l’attention). Nous étions en train de travailler les formes géométriques et le vocabulaire spatial. Autant dire que « devant », « derrière », « à gauche », « à droite », étaient des notions assez complexes pour lui. Après avoir fait un travail corporel en sport, nous avons sorti le jeu « code couleur » pendant un atelier. Ce jour là, cet élève était prioritaire sur ce jeu, et je me rendais disponible à ses côté. Le principe de ce jeu est de reproduire un dessin à partir de différentes plaques de couleurs.

Cet élève, que je vais appeler Jean, commence l’activité. Jean n’avait pas du tout conscience qu’en superposant les plaques, un dessin pouvait en cacher un autre par jeu de superposition. Nous avons donc travaillé cet aspect en priorité. Par la suite, nous avons fait tout un travail d’observation car il n’avait pas non plus conscience que l’on pouvait tourner la pièce afin de lui donner une nouvelle orientation. Nous avons commencé par chercher différentes stratégies. Jean s’est tout d’abord appuyé sur les couleurs. Ensuite, nous avons travaillé sur la comparaison des formes.

Ce qui était assez génial pour lui, c’était que l’erreur avait une place différente que sur son cahier. Premièrement l’erreur n’était pas marquée en rouge. Deuxièmement, l’erreur lui ouvrait tout un champ de réflexion (à la limite du CE1, nous sommes bien d’accord). L’erreur n’était finalement qu’un pas vers la réussite. Il a fallu quelques séances avant qu’il puisse réaliser quelques formes en autonomie. J‘ai pu observer des répercussions positives dans le tracé de ses formes géométriques (non pas dans la précision du tracé, mais dans son placement dans l’espace).

– Dans l’édition cats’family, il y a un jeu de cartes que j’affectionne particulièrement pour faire travailler les consignes : « Ne mange pas la consigne ». Pendant que certains étaient en autonomie, je travaillais avec un petit groupe d’élèves. Je pense ici à un élève, sans troubles particuliers, qui mélangeait très souvent « souligner » et « surligner » par exemple ou bien « entourer » et « encadrer ». Je lui ai donc proposé de venir dans mon groupe sur ce jeu. En un jeu de cartes, vous avez 6 règles différentes.

A la fin de l’atelier, cet élève est venu me voir en me disant « C’est bon maîtresse, j’ai compris, je mélangeais des choses, mais j’ai compris. » Il a rajouté : « Je pourrais faire les autres jeux après ? ». ll avait effectivement bien compris ce que j’attendais de l’atelier pour lui, et il a pu faire les autres jeux 😉 !

« S : Il serait stupide de faire cours puis d’attendre qu’un moment se dégage pour pouvoir jouer. Il faut jouer à la place du cours traditionnel, et non pas en plus. Car, écoute bien, si le jeu remplace le cours, c’est bien parce que le jeu est le cours. C’est sous la forme d’un jeu que le cours sera mené par l’enseignant. Le jeu n’est pas la cerise sur le gâteau : il est le gâteau.
N : Mais rien dans Homère ne dit qu’il faille jouer. Les programmes des écoles de toutes les cités ne le demandent pas !
S : Heureusement que les programmes des écoles ne le demandent pas ! Sinon, ne crois-tu pas qu’on verrait fleurir des démagogues et des sophistes qui multiplieraient les exhortations à jouer, sous peine d’être maudit par les dieux ? Laissons aux programmes ce qu’ils demandent et accordons à l’enseignant le soin de choisir à quel moment il jugera opportun de jouer ou pas. » (Platon)

Autant vous dire, que les enfants adorent ces temps d’atelier et qu’en plus d’être ludiques, cela leur permet de développer des capacités dont ils ont besoin. Jeu et pédagogie font donc bon ménage !

« Ne crois-tu pas que c’est précisément le métier de l’enseignant que d’aller vers l’enfant, de trouver le moyen le plus intelligent pour l’emmener vers de plus nobles univers ? C’est précisément le sens du mot « pédagogue », celui-là même que tu emploies pour tes enfants : il prend tes enfants par la main pour les emmener à l’école, chaque jour. Et si tu as l’occasion d’assister à une de ces séances où des enfants jouent en classe, tu t’apercevras que c’est une des rares fois où ils ne décrochent pas. Mieux, on me dit que certains délaissent leur récréation pour terminer leur jeu. » (Platon)

                Jouer en séance de remédiation pédagogique

En individuel, je me place plus sous l’angle « pédagogie par le jeu ». J’ai investi dans divers jeux pour mon cabinet orthopédagogique : « Code couleur », mais aussi « antivirus », « gagne ton papa », « kamisado », « bubble talk »…

En séance, on peut vite voir quels sont les jeux que les enfants réussissent, quels sont les jeux où ils développent des stratégies, et surtout observer : que font-ils pour réussir ? S’ils peuvent réussir ici, alors ils peuvent réussir ailleurs. Et si tout est complexe, qu’allons-nous prévoir en axe de travail afin que les capacités cognitives se développent. Un enfant en grande souffrance scolaire va revenir me voir plus facilement si je lui montre le des jeux avec plein de jolies pièces à manipuler, plutôt que si on sort le cahier de texte d’entrée. Bien-sûr, je ne leurre personne, il y a forcément un moment où on sortira le cahier de texte, et où on appliquera quelques stratégies sur un problème de maths !

– Concrètement, je les utilise vraiment en tant qu’outils de remédiation. Prenons l’exemple du « Gagne ton papa » : le but du jeu étant de remplir un espace avec des pièces de différentes formes. Dès que l’espace est rempli, il faut défaire ce qui a été fait afin de reconstruire dans un espace plus grand et avec une pièce supplémentaire. Le fait de défaire pour refaire est déjà un travail de remédiation en soit pour certains élèves. Pour construire dans un espace plus grand, il faut prendre une nouvelle pièce pouvant recouvrir à elle seule 5 carreaux. Je pense à un élève qui au début prenait une pièce recouvrant 1 ou 2 carreaux. Le travail de remédiation portait donc au départ sur ces notions, qu’il travaillait avec les fractions en classe. Cela a rendu les choses plus concrètes, et il a pu accéder à la compréhension. 

Pistes pour les parents

Bien sûr en tant que parents, l’approche ne sera pas la même. Vous ne vous direz pas : « Tiens, là, nous travaillons sur les fonctions exécutives » (je suis fière d’arriver à placer le terme de fonction exécutive sur ludovox !). Et j’ai envie de dire, heureusement que vous ne vous direz pas ça. Cependant, il se passera des choses quand même. Au plus l’enfant va jouer, au plus il va développer des stratégies cognitives  et du bien être. Combien de parents me disent : « les devoirs c’est l’enfer, on ne fait plus rien, on ne partage plus rien ». Et bien peut-être qu’une piste est là. Ralentissez sur les devoirs et prenez du temps pour jouer avec eux. Si vous êtes comme moi, les petits chevaux ça va bien 5 minutes, après vous aimez autant faire du repassage (non peut-être pas quand même ^^), mais il existe pas mal de jeux qui vous feront passer de bon moments.

Bref : JOUEZ !

Mais jouez aussi avec vos enfants, neveux, cousins, petits cousins, voisins, copains, lutins, petits gnomes… Vous qui voyez des dés 20, des dés 100, sachez que certains petits bouts de chou connaissent tout juste le dé 6 ! Et on commence à apprendre à compter avec les constellations de points qu’il y a sur les dés (les petits chevaux avaient tout compris) ! Quand je vois les collections merveilleuses chez Haba pour les petits, Kayanak (mon préféré je crois) à partir de 5/6ans… Mais bon, je prêche des convaincus. 🙂 Tout ça pour dire, que vous n’imaginez pas tout ce que vous leur apportez… Ou peut-être imaginez-vous un peu mieux maintenant.

>> Pour finir, vous pouvez allez philosopher avec Socrate : le pédagioas de Platon. Je me suis amusée à vous en donner quelques extraits, mais il vaut le détour. 

Bonne lecture à tous 😉 !

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13 Commentaires

  1. Neuro 15/09/2014
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    Salut, merci pour ton article !

    Ayant bossé en ludothèque, et ayant mené différents projets ludiques en intervention dans des classes allant de CP à CM2, que ce soit par la ludo ou plus récemment dans un cadre associatif, je ne peux que soutenir de telles initiatives.

    En revanche, avec le recul, je trouve qu’elles sont un peu vaines (d’une manière générale, car la tienne semble porter un particularisme et une pérennité que n’ont pas les projets « classiques »). Tant que l’éducation nationale n’aura pas intégré le fait qu’elle travaille mal, et qu’elle doit remettre en cause la majeure partie de son approche de l’éducation, c’est foutu. Sans vouloir amener le débat ailleurs, le jeu est à mon sens un vecteur majeur d’apprentissages en tous genres, et ce pour une raison évidente : l’enthousiasme. Aimer ce qu’on est en train de faire nous permet de décupler nos facultés de mémorisation, de reconnaissance, d’intellectualisation.

    J’aime aussi un autre aspect de l’enthousiasme et du jeu : si on laisse un enfant entre 4 et 12 ans (environ) libre de ses journées, que va-t-il faire ? Jouer. Jouer est une réponse naturelle, fondamentale, un comportement que l’évolution a donné à notre espèce ! Le jeu est naturel, universel, si tant est qu’on le laisse se produire. Pour permettre aux petits humains de grandir, la nature a mis le jeu au menu. L’éducation nationale propose un fast-food à la place, plein de gras, peu varié et…ah on me signale une métaphore tirée par les cheveux.

    Une de mes maximes préférées : « Hormis les jeux éducatifs, tous les jeux sont éducatifs ». La première citation de Platon me hérisse le poil. Le jeu de dés est valable en soi. Il n’est pas « futile ». Ce qu’on en apprendra est valable si on y joue, si on cherche à le détourner pour en extraire de la pédagogie, il y aura tromperie, et naturellement les joueurs s’en apercevront et abandonneront le jeu ! Jouer au dés aide à savoir compter, introduit aux probabilités, au bluff etc…contentons-nous de le savoir, de l’analyser, ok, et jouons aux dés !

    Pour l’anecdote, mes enfants sont instruits en famille (6 et 10 ans). Ils jouent depuis le berceau, ils savent lire, compter, converser, bricoler, dessiner, planifier et bien d’autres choses. Personne ne leur a appris, ils ont appris tous seuls parce qu’ils en avaient envie !

    • Alex G 08/11/2018
      Répondre

      Tu organises comment tes journées par rapport aux programmes ?

  2. Angie 15/09/2014
    Répondre

    Merci… Quand je disais qu’on pourrait faire un livre. C’est vrai que je n’ai pas abordé le fait que ce soit naturel, et c’est vraiment important.
    Par contre la futilité du dé‹ je l’avais perçu autrement. Si on n’explique pas à quoi il sert et que son lancé va permettre d’avancer de 1 à 6 cases part exemple, cela n’a pas d’intérêt. Mais une fois que les enfants ont compris le principe ils n’ont rien de futils. Mais j’ai peut-être voulu lire ce que j’avais envie d’y trouver ;)… En tout cas merci pour ces remarques

  3. Neuro 15/09/2014
    Répondre

    Oui c’est vrai c’est mon interprétation, mais comme ça collait avec l’idée que je voulais développer, je m’en suis arrangé 😀

  4. Sha-Man 15/09/2014
    Répondre

    J’ai supprimé le commentaire en doublon.

    Merci pour ce bel article Angie et Neuro pour tes commentaires.

    Pour ma part, je pense qu’il faut comprendre la citation de Platon dans le sens que le jeu en lui-même peut sembler futile dans son « objectif » (définition : qui est frivole, qui est de peu de conséquence…), il ne produit rien d’efficace à première vue dans une société organisée.

    Mais ce qu’il apporte d’un point de vue humain : relationnel et développement, est puissant et peut être utilisé au service de la pédagogie.

    La subtilité avec laquelle on saura manier la pédagogie dans l’usage du jeu pour justement le garder ludique donnera toute sa force à l’apprentissage.

    Petit raccourci : il vaut mieux apprendre en jouant que jouer à apprendre 😉

    • Neuro 15/09/2014
      Répondre

      Je trouve qu’une société organisée se trompe quand elle pense que le futile n’a pas d’importance. L’humain ne devrait être au service de rien 🙂 (je sais que ce n’est pas ce que tu voulais dire hein)
      Ceci dit ton raccourci est magique, je le garde.

      [Mode HS : On] Pour illustrer mon propos, si je te propose de faire un Descent pour travailler ta sociabilité et tes facultés d’adaptation tactique, tu vas me dire WTF ? Si je te propose un Descent tout court, on sait bien que tout ça sera sous-jaçent, on jouera sans attentes particulières et tout sera bien. Mais le fait de rechercher un effet connexe du jeu, à tout prix, va le dénaturer forcément. Placer cet effet, ce truc pédagogique au-dessus du jeu est une erreur fondamentale à mon sens. Dans tous les projets ludiques avec des écoles ils te demandent les « effets » recherchés avec le jeu. Ils placent ça au sommet de leur pyramide de valeur, ils te font tartiner des pages de dossier précisant la sociabilisation et la cohésion de groupe et les mathématiques ; Et en oublient de jouer. Ils oublient et ferment les yeux sur l’aspect le plus important : leurs élèves vont avoir envie de jouer, vont passer un bon moment, vont être attentifs et vivants. Surtout, ils vont être acteurs de leurs propres apprentissages. Et dans la plupart des écoles, ça déroute, parce que le par-coeur, la discipline, le format, les horaires ont cassé ça depuis des années !

      J’ai animé des ateliers « jeux du monde », « jeux coopératifs », « jeux modernes », « jeu et handicap » dans tout un tas de structures (écoles, associations, foyers ESAT), et je me suis aperçu que la notion de pédagogie, l’attente de résultats, vient avant tout le reste. En gros, ils n’ont pas compris que faire des maths pour avoir une bonne note à un examen ça n’a aucun sens. Faire des maths ça sert à comprendre l’univers, et c’est fun. Quand il y a le fun, on comprend, et on a envie d’en faire encore. C’est dans ce sens-là que ça peut marcher le mieux.

      Faire un atelier jeux dans une classe, c’est cool parce que les enfants vont être enthousiastes, vont avoir envie, vont « apprendre » ou être mis en situation d’apprentissage, et vont jouer. Ils vont faire un truc naturel, que l’évolution a prévu pour eux afin qu’ils grandissent. Faire un atelier jeux pour faire progresser les enfants en maths c’est mettre la charrue avant la poule. Faire progresser des enfants en maths ne devrait jamais être un objectif, c’est une chose naturelle qui arrive nécessairement quand un enfant est bien dans son environnement. Alors c’est sûr ça diffère pour chaque gosse, certains vont prendre leur temps, parfois des années, mais ça viendra !

      Il faut en finir avec cette éducation qui tente de développer des compétences et apprentissages à la place de celui qui en est l’acteur. Chaque être humain a cette capacité intrinsèque, il faut juste lui donner un environnement et des outils favorables afin qu’il l’exprime. Mais ça, on en est loin, on en est encore aux notes et aux devoirs du soir ! La préhistoire !

      (Hé merde on dirait un putain de hippie)

      [Mode HS: Off]

  5. MeepleGaut 15/09/2014
    Répondre

    Excellent article qui met pas mal de trucs en résonance chez moi: 

    je suis kinésithérapeute dans un centre d’éducation motrice pour enfants cérébrolésés, et les ergothérapeutes et orthophonistes sont très investis dans l’utilisation des jeux comme média d’apprentissage, d’éducation/rééducation cognitive ou motrice. Il y a quelques années, j’ai fait cette petite vidéo sur une journée jeux qu’elles avaient organisé: ici, on est hors cadre de rééducation donc pas d’objectif hormis se faire plaisir!

    Ma femme étant institutrice, je la vois aussi très souvent récupérer/détourner/adapter différents jeux (pas du Descent, hein!) afin d’avoir un truc fonctionnel à utiliser en classe, pas tout le temps, mais ça permet de renouveler pas mal sa pédagogie. Loin des théories éducatives, je remarque que comme beaucoup d’autres instits et malgré les contraintes imposées (rythme, programmes, évaluations), elle tire son épingle du jeu du assez chouettement, ce qui me fait dire que ce n’est pas tant la politique éducative qui a son importance, mais bien la façon dont chacun s’en saisit.

  6. ziold 16/09/2014
    Répondre

    Dire que tout ça est en partie de ma faute…

  7. TheGoodTheBadAndTheMeeple 18/09/2014
    Répondre

    Un sujet extremement intéressant merci !

    De mon coté, je suis un converti, et je vois notre société comme une société qui privilégie 2 choses :

    – L’efficacité

    – La rationalisation (explication de chaque chose, extraction des concepts, explication)

    Le jeu peut parfois faire figure de « perte de temps » pour la plupart des partisans de ce modèle. Cependant, ce n’est pas modèle unique, comme on nous l’inculque.

    J’ai fait pas mal de voyages dans differents pays du monde, beaucoup moins « civilises » que nos societes dites « occidentales ». Le mode de vie des gens la bas est bien different. Il ne place pas plus le jeu au centre de l’education que chez nous mais il fait reflechir sur les valeurs sus dites.

    Dans une société ou la performance n’est pas au centre de la vie, chacun prend son temps, et l’approche au jeu est particulierement differente.

    J’ai l’habitude de tester un jeu simple : Can’t stop (ou le jeu des cochons). Ce sont des jeux de dés et de push your luck. Il révèlent très facilement des comportements typiques de la société dans laquelle ils/je vis.

    Je joue personnellement avec les probabilités pour optimiser, et j’aime tenter des petites poussées de push your luck pour faire rager mon adversaire. J’ai vu des personnes du monde réagir différemment et foncer directement dans le mur, jusqu’au bout. Pourquoi ? pour le simple plaisir grisant de lancer les dés sans s’arreter ! Le pire c’est que cette stratégie peut permettre de gagner avec un peu de chance. J’adore vivre ces moments, halluciner devant ces façons de jouer qui refletent une façon de vivre si différente, si ouverte aux « aléas du destin »…

    Pour vous donner une idée, j’ai joué avec des berberes, des boliviens, des peruviens, des islandais, des danois….

  8. Angie 18/09/2014
    Répondre

    Merci pour tous ces retours, ça apporte des ouvertures intéressantes :)…

  9. Shanouillette 26/01/2015
    Répondre

    Attention les citations de Platon présentes ici sont en fait tirées d’un pastiche écrit il y a des années par Denis Sestier & Yvan Hochet pour le site du réseau Ludus qui défend l’utilisation du jeu en classe d’histoire-géographie. Citations reprises plusieurs fois, et avec la magie internet, ont fini par être dépossédées de leurs véritables auteurs.

    Toutes nos excuses.

  10. Angie 26/01/2015
    Répondre

    Merci. Je m’excuse malgré des recherches je n’avais pas trouvé cela. B le point de vue reste néanmoins intéressant.

  11. Cerry521 16/02/2015
    Répondre

    Merci beaucoup pour cet article clair et précis sur la question. Etant enseignante en collège/lycée, j’aime profiter des j2s afin de varier le type d’enseignement (jouer à concept avec des notions vues en cours…) je pense qu’il va falloir regarder du côté des cardline…bref, je suis entrain de réfléchir à tout cela ! Pour l’instant je vais imprimer ton article, pour l’afficher en salle des profs…

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