ISS 1998 – ballet d’astronautes

Qu’est-ce qui pèse plus de 450 tonnes, pour 400 m3 habitables, et qui est situé au-dessus de nos têtes, à environ 400 kilomètres d’altitude ? Bien deviné, c’est la station spatiale internationale (ISS : International Space Station), qui gravite autour de la Terre, à un rythme de 15,7 orbites par jour. Fruit métallique de la collaboration de plusieurs pays dont la France, elle est un agencement de modules, de poutres et de panneaux solaires, le tout dédié à la recherche, raison essentielle de son existence. Et aujourd’hui, ce n’est rien de moins que de participer à sa création que nous vous proposons. En route pour l’ionosphère.

ISS 1998 est un jeu de placement d’ouvriers de Looping Games, distribué en France par Origames. Il fait partie de la fameuse série des 19xx, dont j’ai eu l’occasion de chroniquer quelques opus tels que 1942 USS Yorktown et 1923 Cotton club. Une série qui n’a cessé de me surprendre par sa capacité à faire de grands jeux dans de toutes petites boîtes, dont le thème n’est jamais une couche plaquée sur une mécanique mais un véritable liant. Un défi pour cette nouvelle proposition dans l’espace.

Construire une station spatiale est un peu plus compliqué que l’assemblage de Lego. Cela nécessite des astronautes, de l’équipement, et évidemment, des fusées pour envoyer tout cela à quelques centaines de kilomètres d’altitude (et de l’argent, beaucoup d’argent, ce qui n’est pas abordé dans 1998 ISS). Fort heureusement, nous ne commençons pas de zéro dans ce jeu. Quelques modules sont déjà présents (Zveda, Destiny, Canadarm2) pour débuter la partie.

Bien que 1998 ISS soit un jeu compétitif, c’est conjointement que nous allons développer la station spatiale internationale.

 

Pour en savoir plus : La station spatiale internationale a été lancée en 1998 par l’agence russe Roscomos, à l’aide d’une fusée Soyuz, avec le premier module « Zarya ». Puis ont suivi le module « Zveda » en 2000 qui a rendu l’ISS habitable, le module « Destiny » et son Laboratoire de la NASA en 2001, et le « Canadarm 2 », bras robotisé de la station (avant utilisé sur les navettes américaines) installé en 2001.

 

Chaque joueur va devoir gérer ses astronautes et ressources pour les envoyer en orbite au rythme du décollage des navettes russes et américaines qui cadenceront la partie. Le jeu va se faire à deux niveaux : La préparation au sol (ce qu’il faut envoyer dans l’espace), et l’expérimentation dans la station (avec ce qu’on y a envoyé).

Ainsi les joueurs choisiront à tour de rôle jusqu’au lancement de la dernière navette parmi 8 actions, soit des terrestres, soit orbitales. Il faudra monter matériel et astronautes dans la station, puis faire diverses expérimentations une fois notre personnel à bord.

Lanceur Soyuz

Pour en savoir plus : Le Soyuz est un lanceur russe, assez ancien et rustique, mais beaucoup utilisé pour sa fiabilité et sa capacité à transporter jusqu’à 7 tonnes de charge utile. Entre 2011 et 2020, ce fut le seul engin capable d’envoyer des astronautes dans l’ISS. Les nouvelles fusées à propulseur à propergol, telle que la fusée Atlantis, sont la nouvelle génération d’engins spatiaux. Leurs moteurs permettent de voler à 5000 km/h pendant … 2 minutes

Chaque fois qu’un joueur réalise une action, il transfère son cube d’action sur le module faisant face à l’action, puis il doit faire avancer le compte à rebours d’une des deux fusées au sol, soit l’américaine, soit la russe. Faire avancer ce décompte permettra de la faire décoller, avec équipements et astronautes chargés à bord. Le tempo du jeu se fait au rythme de ces décollages.

 

En effet, si l’équipement vient gonfler vos ressources sur place, les astronautes, eux, font une rotation d’équipe.

C’est à dire que les nouveaux viennent remplacer tous ceux qui étaient dans la station. Seuls ceux en mission « longue durée » seront exemptés de redescente sur Terre. Il va donc falloir être très vigilant sur la fréquence d’arrivée des fusées, pour toujours avoir des hommes disponibles dans la station.

 

 

Toujours au moment du décollage, un module partira rejoindre l’ISS pour y être assemblé. C’est celui avec le plus de cubes qui aura la chance de rejoindre les cieux. Et pour compléter cette phase, celui qui aura mis le plus de cubes sur le module envoyé sur l’ISS se verra gratifié d’une action gratuite de son choix, à utiliser au début de n’importe lequel de ses tours. Une petite course à la majorité qui vient ainsi compléter les choix d’actions.

Nous allons donc jongler pendant toute la partie sur les allées et venues de nos astronautes, avec pour objectif de réaliser des expérimentations scientifiques, raison même de la station spatiale.

 

Etudes sur atomes, les rayons solaires X-ray, observation de l’espace, test sur la gravité. En plus d’être des techniciens compétents, nos astronautes ont toutes les qualifications pour réaliser diverses recherches. Les expérimentations se font grâce à vos ressources disponibles dans la station (qu’il faudra éventuellement transférer en externe), de vos astronautes et de types de module adéquat. Encore un autre tempo du jeu : chaque module propose des infrastructures pour réussir vos expérimentations. Il vous faut monter des modules avec le type de technologie adéquat (laboratoire, bras articulé, communication, …), et bien vous assurer que ces modules aient été assemblés à l’ISS.

Le cœur de la station spatiale

La fin de partie se déclenche après le décollage de la dernière navette américaine ou russe. La victoire est acquise à celui qui a le plus de points. Ceux-ci seront obtenus par le matériel encore en orbite, les jetons ayant permis d’assembler un module, ceux d’une piste si vous avez fait beaucoup de missions « longue durée », les fusées que vous avez fait décoller, et les expérimentations scientifiques que vous avez menées. Se rajoutent aussi des objectifs communs qui reviennent à celui qui les atteint en premier, comme être le premier à mettre quatre astronautes dans une navette. Une petite salade de points mais ce sont bien les expérimentations qui feront la différence. Le gagnant remporte un voyage sur une navette SpaceX.

 

 

Le placement d’ouvrier au service de la recherche

Ne le cachons pas plus longtemps, comme ses prédécesseurs, 1998 ISS est une petite pépite ludique dans une petite boîte. Encore une preuve qu’on peut faire un Grand jeu dans un petit format. Le jeu fourmille de petites idées efficaces qui donnent aux parties un rythme qu’il faut apprivoiser.

Si le plateau peut sembler un peu touffu au début, ressemblant à un enchevêtrement de modules, il devient rapidement lisible. Les contours de la station se forment, les modules s’assemblent, les fusées sont prêtes à lancer les gaz pour amener le matériel indispensable aux recherches. La cinématique des actions se prend en main sans difficultés.

Actions et modules

Le thème est très bien retranscrit, la patte graphique de Pedro Soto n’y étant pas pour rien. Au fur et à mesure de la partie, nous voyons cette station se compléter avec de plus en plus de modules. Chaque module est d’ailleurs nommé et correspond à un véritable module « connecté » à l’ISS. 

Plusieurs éléments mécaniques du jeu s’imprègnent complètement dans la thématique. Tout particulièrement le compte à rebours des fusées. On s’entendrait presque dire « 3..2..1..Ignition« .

Tous les joueurs voudront avoir du matériel dans les soutes des fusées, il faudra donc bien anticiper leur chargement. On verra vite que les Américaines seront plus efficaces que les Russes pour le chargement humain, mais n’utiliser que celles-là pourrait mettre fin au jeu, avant la réussite de nos expérimentations. Les fusées russes ont à leur avantage un décollage plus rapide, souvent sans astronautes, donc sans rotation d’équipe. Il y a ici un équilibre savoureux sur le lancement de ces engins spatiaux, avec une forte pression sur la rotation d’équipe, alors que nos astronautes sur place ont tant à faire !

Tout est question de tempo dans 1998 ISS. Avoir les astronautes à bord au bon moment, avoir ce qu’il faut de ressources sur place, gérer les activités de nos astronautes, tout en anticipant l’arrivée de la prochaine équipe, donc le niveau d’avancement des comptes à rebours des fusées

Seul le but des recherches scientifiques réalisées disparaît un peu derrière la mécanique, car on se soucie peu de ce qu’on a accompli d’un point de vue scientifique, par rapport aux points que cela nous rapporte. 

Une dédicace, c’est toujours sympa

L’interaction est présente en permanence. Nous l’avons vu sur l’envoi des navettes, mais on la retrouvera sur les majorités de cubes pour définir quel module partira, ou qui aura une action gratuite, sur qui utilisera un module de la station en premier pour son expérimentation, le bloquant pour les autres avant la prochaine rotation d’équipe, sur qui squattera le module de mission « longue durée » en premier, …

Les joueurs voudront être sur tous les tableaux, mais il faudra faire des choix, et surtout bien anticiper les prochains coups.

Pas de place à l’opportunisme dans 1998 ISS.

 

 

Pas de temps mort non plus, sauf si on a mal géré ses astronautes. Ne pas avoir d’hommes sur la station, c’est se priver de la moitié des actions, et se cantonner à charger la prochaine navette. Le joueur dans cette situation aura tout intérêt à faire décoller une navette rapidement. 

Seul petit bémol sur la fin de partie qui arrive parfois de manière trop abrupte, avec un dernier tour peu utile car nous ne disposons pas du matériel requis pour finaliser une ultime expérimentation. 

Sans être un jeu complexe, 1998 ISS amène suffisamment d’éléments pour faire carburer nos petits cerveaux, tout en restant sur une durée tout à fait raisonnable (une petite heure). Accessible, il est tout de même à conseiller à des joueurs appréciant ce genre de jeux. Looping games réussi encore une prouesse à rendre immersif un thème qui aurait pu être froid et plaqué. Que cela soit l’effort fait sur le matériel du jeu, ou les mécaniques utilisées, on vit pleinement ce ballet d’astronautes, on scrute les comptes à rebours, on lorgne les modules à envoyer. Si Thomas Pesquet retourne sur l’ISS, il faut qu’il emmène une boîte de ce jeu dans sa besace (quoi que jouer sans gravité …)

 

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Pour en savoir plus :

L’ISS n’est pas la première station spatiale. Dés 1971, l’Union soviétique avait lancé le Saliout, suivi du Skylab par les américains. Puis en 1986, la fameuse station Mir fut assemblée en orbite, et ce jusqu’en 1999. Les américains voulaient eux aussi lancer une nouvelle station nommée Freedom, mais tout cela coûte cher et l’administration Cliton proposa alors à la Russie, ainsi qu’à d’autres pays, de mutualiser leurs forces pour la création de l’ISS.

La désorbitation de la station spatiale internationale est planifiée pour 2031 par la NASA, particulièrement en raison de l’émergence du secteur privé dans la course à l’espace.

Conseil lecture : Si vous n’avez pas encore lu la bande dessinée racontant la vie des astronautes de l’ISS via les yeux de notre héros national, Thomas Pesquet, je ne peux que vous y encourager, c’est riche d’informations et tout à fait accessible .

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7 Commentaires

  1. Ihmotep 27/04/2023
    Répondre

    Le jeu a l’air génial, et j’adore le thème qui semble en plus bien retranscris. Vu le thème c’est presque dommage que ce ne soit pas du coop ^^.

  2. 6gale 27/04/2023
    Répondre

    Excellent jeu !

  3. Olivier 27/04/2023
    Répondre

    Oui, ISS 1998 suit bien son thème avec les simplifications qui s’imposent pour un jeu de société… Ainsi, on peut envoyer des modules avec le Soyouz (ou Soyuz en translittération du russe en anglais) dans le jeu, mais ce n’est pas vraiment le cas dans la réalité. Seuls quelques petits modules ont été envoyés ainsi. Les modules russes principaux ont été envoyés sur orbite avec le lanceur Proton bien plus puissant (il y a d’ailleurs une grosse erreur à ce sujet dans le texte « historique » de la règle, c’était un Proton, pas un Soyouz, qui a envoyé le premier module de l’ISS). Les modules des autres pays (USA, Europe et Japon avec le bras robotique du Canada) sont partis avec les navettes spatiales US. En revanche, je ne saisis pas du tout votre texte « Pour en savoir plus ». Atlantis n’est pas une fusée, c’était l’une des navettes spatiales en service de la NASA. Les navettes ne volent plus depuis 2011 (d’où le Soyouz comme seul véhicule habité pour l’ISS de 2011 à 2020). Depuis 2020 et pour les vols habités, la NASA utilise (via un contrat commercial) les capsules Crew Dragon de SpaceX qui décollent au sommet du lanceur Falcon 9 de cette firme privée. Mais celui-ci n’est pas non plus une des « nouvelles fusées à propulseur à propergol ». Les propulseurs Merlin du Falcon 9 consomment du kérosène et de l’oxygène liquide, une recette qui était celle des moteurs F1 du premier étage de la Saturn V lunaire. Pour la vitesse de « 5000 km/h pendant … 2 minutes », c’est un peu juste. Pour arriver sur orbite, un Falcon 9 ou un Soyouz doit être capable d’envoyer le vaisseau habité à 28000 km/h, la vitesse de satellisation. Et c’est fait en moins de 10 minutes ! Le spatial peut être un domaine assez non-intuitif. Voyez mes remarques comme constructives et bienveillantes.

    • Meeple_Cam 29/04/2023
      Répondre

      Merci Olivier pour tes précisions et tu fais bien de me corriger sur ces quelques points. J’avais pris une partie de mes sources dans un magazine qui a déjà quelques années, ce qui a provoqué quelques méprises de ma part, car la technologie, surtout dans ce domaine, évolue très rapidement. Dans tous les cas, quand un jeu amène à se renseigner sur le thème qu’il aborde, c’est la preuve que l’objectif thématique est atteint.

      • Olivier 29/04/2023
        Répondre

        Je suis bien d’accord, si un jeu amène à s’intéresser à la thématique qu’il aborde et pousse les personnes à lire pour en savoir plus, c’est un plus évident.

  4. Ihmotep 20/06/2023
    Répondre

    J’ai ma première partie de prévu ce soir ^^. Dans le livret il est noté que l’ISS ne peut transporter que 8 matériaux maximum. Je suppose que c’est par joueur ?

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