Hoyük – De la casse à la casbah !

Hoyük, c’est un peu une légende, un monument ancien qu’il faut restaurer mais qu’on n’ose pas toucher de peur de casser quelque chose. Deux ans après son arrivée dans les boutiques, neufs ( !) ans après son trophée au FLIP en 2007, Ludovox s’y aventure enfin. Cap sur les plateaux herbeux de l’Anatolie néolithique, où Höyük, la plus vieille cité du monde, nous attend…

Cité bien étrange, où les maisons sont construites en s’appuyant sur les murs des bâtisses plus anciennes, et où la notion de rue n’existe pas. On circule sur les toits et on accède aux bâtiments grâce à un orifice servant également de cheminée et de puits de lumière. C’est dans l’une de ces cavernes faite de main d’homme que nous reçoit Çatal, l’urbaniste le plus en vue de la mégalopole antique. Ce petit vieillard râblé et hirsute nous dévisage d’un air soupçonneux. Posons lui quelques questions !

 

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 Höyük la Vieille, Höyük la Grande, la mère de toutes les cités, qui a décidément bien du mal à tenir debout.

 

Ludovox : Çatal, bonjour.  Nous sommes là pour parler du jeu Hoyük. Est-ce que vous pourriez nous présenter la ville en quelques mots ?

Un beau merdier ! Ça vous va, comme description ? Hoyük, c’est la loi du plus fort, du plus mesquin,  la loi du premier-arrivé-premier-servi. Vous voulez faire quelque chose de grand, beau et harmonieux ? Jouez à autre chose ! (Il crache dans le feu, ce qui a l’air de le calmer un peu.)
C’est un city-builder, d’accord ? Vous devez construire la ville… enfin, la ville… vous devez construire des maisons pour votre clan, en tout cas. Des clans, il y en a entre 2 et 5 qui se partagent la cité, et ils veulent tous prouver à leurs voisins que ce sont eux les bosses du quartier. Votre voisin a deux enclos à bétail ? Il vous en faut trois. Il a trois maisons ? Il vous en faut quatre, même si vous n’avez personne pour les habiter. C’est la règle numéro un à Hoyük : tout ce que vous faite n’a pas besoin d’être grand, ou utile. Par contre il faut que vous en fassiez plus que les autres, sinon vous n’existez pas. Voilà comment on se retrouve avec une ville-champignon qui pousse dans tous les sens.

Mais je ne vous apprends rien, vous savez déjà jouer, non ?

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Hoyük, c’est la loi du plus fort, du plus mesquin,  la loi du premier-arrivé-premier-servi.

 

Ludovox : Euh… oui. On a déjà couvert les règles du jeu au moment de sa sortie. Mais un rapide rappel ne fera pas de mal.

Les règles… Peuh ! V’nez pas me tanner les bottes avec les règles, hein ? Il y en a tellement, avec à chaque fois plein d’exceptions et de litiges à trancher à la hache ! De quoi constiper un buffle, ces règles ! (nouveau crachat).

Je vais vous donner l’idée générale. Tous les jours, il se passe la même chose. Les clans commencent par construire des trucs : des maisons, des enclos, des fours de potiers, des totems… tout ça pour montrer que c’est eux qui en ont la plus grosse dans leur quartier. Après ça, une catastrophe tombe sur la ville et va détruire une partie de ce qui a été construit. À la fin de la journée, on compte ce qui tient encore debout dans les différents quartiers et ceux qui mènent se la racontent grave jusqu’au lendemain. Puis quelqu’un construit une nouvelle bâtisse juste sous leur nez, et tout recommence. 

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 Les phases de jeu dans un tour d’Hoyük : début – construire – détruire – gagner des points – fin. A chaque tour suffit sa peine !

 

Ludovox : L’essentiel du jeu, c’est donc de construire des bâtiments. Ça a l’air plutôt simple ?

Oh ça oui, c’est simple ! Chaque joueur tire 2 tablettes en début de tour, qui contiennent chacune une liste d’éléments à bâtir. Généralement, c’est deux maisons et un aménagement quelconque. Le joueur place ces éléments sur le plateau et tadaa ! Boulot terminé, merci les copains, chacun rentre chez soi. Simple, hein ? C’est ce que vous vous dites ?

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Ci-dessus, les tablettes de construction : chaque table te permet de construire deux maisons, et un aménagement. Ici, la première tablette permet de construire un autel, la deuxième permet de construire un élément au choix parmi quatre différents. Plutôt bonne pioche, alors au boulot !

 

Et bien non, espèce de jean-fichtre ! C’est tout sauf simple ! On ne va pas s’attarder sur les règles d’urbanisme, celles qui disent qu’on peut construire à côté d’une autre maison mais pas en diagonale, sauf dans le cas d’un enclos. Ou encore le fait qu’on puisse construire dans plein de quartiers à la fois, mais pas à deux endroits différents du même quartier, à part si notre bloc de maison a été séparé par des effondrements. Oublions tout ça, tout ça c’est trop simple !

La vraie difficulté, c’est de construire là où il faut pour rester en haut de la chaîne alimentaire. C’est un jeu de majorité, rappelez-vous. Il n’y a pas de deuxième place, il faut être premier tout le temps, sur une multitude de fronts. Et ça, ça demande du doigtée. De la ruse. De la férocité.

Vous savez pourquoi je suis le meilleur ? Parce que je travaille les clans rivaux au corps. Ils construisent une petite maison dans un coin de prairie ? Paf ! Avant qu’ils aient pu poser une brique de plus, je les entoure d’un pâté de maison si dense qu’ils n’ont plus nulle part où se développer. Ils essayent d’avoir plus de fours ou de bétail que moi ? Je leur colle des étages, des étages plein la vue ! Ils ne voient pas le rapport tout de suite, et ils passent à d’autres chantiers. Mais en vrai celui qui a le plus d’étages gagne toujours les égalités dans n’importe quel domaine. Je les rattrape en un tour et je les tiens, les imbéciles !

 

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Ci-dessus, petit cas d’école pour urbanisme en herbe : dans ce village, un oeil non averti pourrait croire que la famille bleue mène, puisqu’elle possède le plus de maisons. Mais les rouges possèdent une majorité d’enclos et de maison à étage. Comme les étages départagent les égalités, les rouges sont également considérés comme ceux qui disposent du plus de totems (en blanc) alors qu’ils en ont autant que les violets. Les violets, eux, possèdent le plus de fours (en gris), et même s’ils n’ont qu’un seul enclos ils sont les seuls à avoir du bétail dedans. On a donc une majorité pour les bleus, trois pour les rouges, et deux pour les violets.

 

Les joues rouges d’excitation, Catal, plonge la main dans une vasque et en tire une lanière de viande fumée, dont il arrache de grosses bouchées hargneuses sans nous quitter des yeux. Cet en-cas nous permet de passer à la question suivante.

 

Ludovox : Après la phase de construction, vous aviez évoqué une phase de catastrophes. Comment ça se passe ?

Oh… Plutôt bien, à vrai dire. Déjà, ça se passe tout seul. On tire une carte, qui indique quels quartiers vont être affectés (celui qui a le moins de maisons, celui qui a le plus de fours, etc.) Puis elle indique les dégâts qui s’y passent : tout le monde perd du bétail, des maisons, des totems… Il faut alors choisir quels bâtiments sont touchés et retirer tout ça du plateau. Des fois c’est un peu agaçant, c’est sûr. Mais ça permet de voir tout ce que perdent les autres et ça, ça… ça n’a pas de prix. Imaginez un peu ! Vous voyez s’écrouler sous votre nez la maison de votre voisin, qui contenait sa famille, son totem, et l’accès à ses enclos avec toutes ses bêtes dedans. Toute cette richesse ensevelie sous les gravats ! (Une larme émue lui perle au coin de l’œil.)

 

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Ah, enfin un peu d’action ! Avec cette carte, chaque joueur perd une maison dans le village avec le plus d’enclos. Et craaaac !

 

Alors il ne faut pas que ça se retourne contre moi, bien sûr. Mais avec un peu d’organisation, ça se passe très bien. Lorsque je construis, je prends garde à concentrer au maximum les richesses sur une ou deux maisons, et à en laisser d’autres démunies. Comme ça, si par malheur une catastrophe frappe, je sais lesquelles sacrifier sans perdre ma tunique.

C’est pas la seule façon de protéger, remarquez. Les autres essayent de se ménager les bonnes grâces du shaman pour éviter les catastrophes. Quels pigeons ! Le shaman se fait engraisser à l’œil et reste chez son hôte le temps d’une nuit ou deux. Puis il va voir ailleurs et le quartier redevient vulnérable. C’est un bon petit racket, hein, mais très peu pour moi.

 

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 Le même quartier après la catastrophe. Les bleus avaient tellement de maisons qu’ils ont pu en sacrifier une sans valeur, sans rien changer à leurs atouts. Les violets ont du perdre leur unique totem, laissant le monopole indiscuté aux rouges. Les rouges avaient également une maison sacrifiable, et tant mieux pour eux ! La prochaine maison qui s’écroule dans le quartier leur coûtera également d’un de leurs précieux étage, un four ou un totem et tous les enclos raccordés, soient au moins deux majorités ! Il serait peut-être temps de faire appel au shaman…

 

Mmmmh… Très bien. Et du coup, comment on gagne ?

Ah ! La vraie question, la seule qui compte : comment gagner ! Hé bien, c’est à ça que sert la phase d’Aspects.

La vraie difficulté, c’est de construire là où il faut pour rester en haut de la chaîne alimentaire.

Des aspects il y en a 7 en tout : le nombre de fours, de totems, d’enclos, de maisons, de maisons à étage, de bétail, et de citoyens ++ (c’est comme les autres habitants, mais eux ils méritent d’être représentés par un jeton). Pour chaque quartier, on regarde quel clan possède le plus d’éléments de chaque aspect, et celui-là tire une carte. Bon, là aussi, il y a quelques subtilités : les cartes forment des séries, il faut choisir quand scorer et quand réinvestir… mais te prends pas la tête avec ça. Ce que tu dois retenir, c’est que plus de majorités égal plus de cartes égal plus de score.

 

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 Les fameuses cartes d’aspect. Chacune peut servir soit à construire quelque chose, soit à marquer des points. En clair : avoir plein de cartes, c’est le bien. Alors il faut prendre des majorités. Toi compris ?

 

Donc tout ce qui se passe pendant les phases de catastrophe et d’aspects est la conséquence de ce qui s’est passé durant la phase de construction.

Exactement. Une fois que t’as construit pour la journée, le reste du tour passe tout seul. Du moins en théorie. Parce qu’en vrai, n’importe qui peut l’interrompre à tout moment pour construire un nouvel aménagement avec ses cartes, donc ça fait ramer un peu la partie.

À la fin, lorsqu’il n’y a plus de maisons à poser ou plus d’espace libre, on fait un dernier décompte et celui qui a le plus de maisons dans chaque quartier gagne un nombre de points proportionnel. Et c’est plié ! On sait quel est le clan qui a fait mieux que les autres, les chefs se donnent des grandes claques dans le dos et tout le monde va se bourrer la gueule.

 

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 Ben oui, parce qu’avoir mis une maison d’avance dans l’oeil du voisin, ça mérite bien un sanglier ! Profites-en avant que le ciel te tombe sur la tête, bonhomme !

 

Et ça prend longtemps ? J’ai entendu dire qu’on pouvait moduler la partie comme on voulait.

Ah ! T’es du genre à croire que la partie dure une heure parce que c’est marqué sur la boîte, hein ? Et ben non, gamin ! C’est trois heures, la partie ! Trois ! Alors oui, tu peux jouer avec 15 ou 20 maisons par clan plutôt que 25, ça t’enlèvera de un à trois tours de jeux (donc peut-être une grosse heure). Ça se fait plutôt bien, parce que chaque tour se ressemble et que tu ne perds pas grand-chose à abréger.

T’as aussi la possibilité de jouer à des niveaux différents. En gros, au lieu de jouer avec 7 aspects, tu peux n’en garder que 5, voir 3. Comme ça tu te prends moins le chou à chaque tour, t’as le choix entre moins de choses. Ben laisse-moi te dire : c’est pas ouf. Les règles sont pas plus simples d’un chouia, et les tours sont largement moins intéressants. Au niveau le plus simple, ça revient à construire des bicoques au hasard et à espérer tirer la tablette qui va te donner une majorité à ce tour. À pleurer de tristesse. Non, le vrai sport, c’est au niveau expert. Là, ça pardonne pas !

 

Et bien ça fait envie ! Laissez-moi résumer, alors. Hoyük est donc un jeu de placement de tuiles de 2 à 5 joueurs où il faut gérer finement le plateau pour remporter un maximum de majorités dans plusieurs quartiers. C’est sournois, méchant, avec des petits coups d’accélération pour bloquer vos adversaires. Il y a plein de facteurs à prendre en compte, les règles sont complexes et les stratégies variées. Dans l’ensemble, les parties sont plutôt longues. Un jeu pour gros joueurs tenaces, quoi.

Mais non, laissez les nouveaux venus essayer, il faut bien que jeunesse se fasse ! (Il part d’un rire de mauvais augure).

 

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Aller, une dernière astuce de pro parce que je suis de bonne humeur : prévoyez la collection de sacs plastiques quand vous dépunchez votre boîte, parce que toutes ces tuiles en vrac à trier en début de partie, ça va vous flinguer votre mise en place !

 

Hoyük

Un jeu de Pierre Canuel
Edité par Mage Company
Distribué par ATALIA
Langue et traductions : Anglais, Français
Date de sortie : 10-2014
De 2 à 5 joueurs
A partir de 12 ans
Durée moyenne d’une partie : 60 minutes

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13 Commentaires

  1. morlockbob 19/07/2016
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    C ‘est bien de revenir sur ce jeu , passé inaperçu – le design lugubre de la boîte y est sûrement pour quelque chose – Le principe de marquer des points si les autres sont présents est une bonne idée. Ca se joue assez rapidement passé la première partie (3 h me semble exagéré).

    A noter que des extensions sont sorties mais pas en France

  2. fouilloux 20/07/2016
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    Tssss des sachets zip, c’est has been 😉

    Bon chouette article, qui m’a bien fait rire, et m’a convaincu que ce jeu n’était pas pour moi!

    • El Cam 20/07/2016
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      Pas de sachets en plastiques ? T’utilises quoi toi ?

      • Shanouillette 20/07/2016
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        @Fouilloux je veux pas cafter mais j’en connais un qui n’a jamais lu tes articles de pimpeur fou ;p

        • fouilloux 20/07/2016
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          Comment je suis hyper vexé!

          Bon en vrai pas du tout. Clairement les sachets zips c’est une des meilleurs solutions pour ranger/trier. Du coup je kiffe bien quand les éditeurs en mettent dans leur boite. C’est parfois mieux que le thermofromage.

          Mais sinon, j’avoue que depuis que je pimpe mes boîtes au carton plume, je me rend compte que y’a moyen de  faire mieux que les sachets, mais ça demande beaucoup (beaucoup) plus de temps.

          • atom 20/07/2016

            ça dépends si c’est du thermofromage au lait cru ou au lait thermisé.

          • fouilloux 20/07/2016

            Merci! C’est la 3ème fois que je fais cette vanne, t’es le premier à la relever. Ca me fait chaud au coeur!

  3. atom 20/07/2016
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    Oh moi tu sais dès qu’il faut faire des jeux de mots foireux je réponds présent

  4. morlockbob 20/07/2016
    Répondre

    Fouilloux fait de la vanne discrète, Atom révèle les saveurs au grand jour…  !!!

  5. fouilloux 20/07/2016
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    « Fouilloux fait de la vanne discrète » J’en connais qui doivent s’étouffer en lisant ça.

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