Historia : Pas de temps à perdre

L’air de mine de rien, Essen 2014 approche à grands pas, et il est donc temps de s’intéresser plus en détail aux projets qui y connaitront leur aboutissement. Parmi eux, Historia, cette alléchante boite, déjà brièvement présentée sur Ludovox.
Il s’agit de la nouvelle création de l’auteur italien Marco Pranzo (Upon A Salty Ocean), édité par le non moins italien Giochix.it (De Vulgari Eloquentia entre autres). Le portage VF est par ailleurs assuré par Gigamic, et ça, c’est tout bénéf’ pour nous autres joueurs francophones.

Un ADN de jeu de Civ’

Dans la plus pure tradition des jeux de Civilisation, Historia vous donne les rênes d’un peuple à travers les Âges. La plupart des poncifs du genre sont au programme : développement de technologies et de capacités militaires, choix de Leaders, construction de Merveilles, bonus de Gouvernement, déclaration de Guerre… Pas de doute, nous voici face à un héritier de TTA ou encore du plus récent Nations.
Les 7 civilisations qu’il est possible d’incarner ne sont pas tout à fait symétriques, et possèdent leur spécificité au travers d’un deck de cartes particulier, les Conseillers, venant en complément des Actions communes. Nous y reviendrons.

Si le périmètre proposé est donc assez large, une certaine épure est toutefois de mise. Les plus attentifs d’entre vous n’auront en effet pas manqué de noter que la durée de jeu annoncée est de 25 minutes par joueur, ce qui est assez raisonnable pour un jeu de cette ambition. La configuration allant de 1 à 6 joueurs a d’ailleurs de quoi mettre la puce à l’oreille.

Un peu de géographie

Pour simplifier un jeu de Civ’, comme en témoignent les deux jeux pré-cités, une solution est de se passer de carte du monde. Alternative dans laquelle l’auteur Marco Pranzo s’est empressé de ne pas s’engouffrer. Le fait que ladite carte soit d’un aspect quelque peu rudimentaire et n’ait eu droit qu’à un petit quart du plateau est d’ailleurs trompeur : le positionnement géographique est tout sauf anecdotique dans notre affaire.

D’une part, les interactions, mêmes bien intentionnées, avec vos partenaires de jeu (et néanmoins amis) sont conditionnées à la notion d’adjacence. On est adjacent à une civilisation lorsqu’on partage un même territoire ou une frontière avec elle. D’autre part, chaque civilisation remporte à intervalle régulier les PV indiqués sur les Territoires qu’elle occupe seule. Raisons qui incitent à regarder à deux fois avant de choisir où s’installer.

Bleu et Vert vont pouvoir se mettre sur la gueule commercer.

Entrez dans la matrice

La particularité notable qui crève les yeux quand on regarde le plateau, c’est la matrice, ou « Tableau de développement ». Elle permet de visualiser de manière immédiate :

  • à la verticale, le niveau Militaire de sa civilisation
  • à l’horizontale, son niveau de Technologie

Initialement placé dans la case inférieure gauche, le marqueur à la couleur du joueur est déplacé vers le haut pour chaque avancée militaire, et vers la droite pour un progrès technologique. Il est par contre interdit de sortir du tableau, dont la forme impose de fait un minimum de découvertes scientifiques avant de savoir bien se battre, et réciproquement.

Les apports de chaque avancée dans un domaine sont indiqués, de manière fort ergonomique, à gauche de la ligne ou en bas de la colonne concernée. Ils sont donc fixes. Historia va à l’essentiel et ne propose pas d’arbre de technologies ou choix d’orientation à ce niveau.
Par exemple, le niveau de technologie n°8 correspond toujours à la découverte de la Navigation. Cette dernière permet à l’intrépide civilisation qui en dispose de franchir la barrière des océans lors de ses diverses pérégrinations, ce qui, comme nous le verrons, peut s’avérer bien pratique.

Autre information immédiate, la couleur de la case sur laquelle se trouve le marqueur de civilisation indique le gouvernement actuellement en vigueur. La conséquence mécanique en est l’obtention d’un bonus plus ou moins important à la fin de chaque Tour. Ainsi, être encore à l’état de nomades ne donne droit qu’à un malheureux PV, pendant que les civilisations ayant atteint l’Idéalisme empocheront 7PV.

Du concentré de pouvoir en cube

La ressource centrale qu’il faut gérer, c’est le cube Pouvoir, représentant à la fois richesses, et population. En premier lieu, certaines actions nécessitent l’utilisation d’un ou plusieurs cubes, qui deviennent alors indisponibles tant qu’ils n’auront pas été repositionnés devant le joueur par une action ou un effet spécifique.
Parallèlement, toute expansion sur un territoire supplémentaire nécessite d’ajouter un cube sur la carte, lequel sera donc immobilisé à cette fin.
Le déroulement du jeu simule la montée en puissance en accordant cycliquement un cube supplémentaire à chaque civilisation. Ce cube est toutefois ajouté dans la zone « de défausse » comme s’il avait été utilisé.

L’Histoire en marche

Le jeu se déroule en 3 ères, composées chacunes de 4 tours, soit 12 tours en tout.

Au début de chaque ère, entre autres manipulations de maintenance, chacun choisit une carte Leader pour cette ère, parmi un pool commun et dans l’ordre inverse du tour. Ces leaders n’ont pas d’impact pour le moment, mais ils rapporteront des PV à la fin de l’ère selon les conditions qu’ils indiquent. De quoi vous montrer la voie, en somme. Dans une belle démonstration d’ingratitude, ils sont ensuite défaussés au profit d’un successeur plus à la mode pour l’ère suivante.

César rapporte 3PV si au moins 3 Merveilles sont construites, et/ou 6PV si le niveau 7 en Militaire est atteint.

Tournons en rounds

Un tour d’une ère est lui-même divisé en rounds ou tours d’action. Les joueurs ont en main en début de partie 8 cartes Action identiques (2 autres cartes Action étant rendues disponibles par des avancées technologiques), ainsi qu’une carte Conseiller spécifique à sa Civilisation, piochée aléatoirement parmi 5.
Les joueurs commencent chaque round en sélectionnant simultanément une ou plusieurs cartes de leur main, en fonction de leur niveau technologique : 1 carte de base, jusqu’à 2 cartes à partir du niveau 5 (invention de la roue) et jusqu’à 3 cartes à partir du niveau 13 (médecine).

Lorsque tous les joueurs ont choisi leur(s) carte(s), elles sont révélées et résolues dans l’ordre du tour. Toute carte sélectionnée doit être résolue, même si les conditions ne sont pas ou plus réunies. Elle est ensuite placée dans la colonne de défausse du joueur. L’ordre des cartes y est important puisque qu’on est amené à y récupérer les cartes les plus récentes ou, en général les plus anciennes. Une fois toutes les actions résolues, un nouveau round débute, sauf si au moins un joueur a joué l’action Révolution, auquel cas le tour se termine.

Développons nous gentiment

 Militaire : le joueur utilise 1 cube Pouvoir pour gagner un niveau militaire.
À partir du niveau 4 en Technologie (travail des métaux), cette action peut être jouée en version « avancée » : utiliser 3 cubes pour gagner 2 niveaux en militaire.

 Technologie : le joueur utilise 1 cube Pouvoir pour gagner un niveau en technologie.
A partir du niveau 11 en technologie (science), cette action peut être jouée en version « avancée » : utiliser 3 cubes pour gagner 2 niveaux en technologie.

 Art : le joueur utilise 1 cube Pouvoir pour constuire une des cartes Merveilles parmi celles exposées en début d’Ère.
A partir du niveau 6 en technologie (écriture), cette action peut être jouée en version « avancée » : utiliser 3 cubes pour constuire 2 Merveilles.
Les merveilles, une fois placées devant soi, peuvent être activées une fois par tour. Cette activation donne le droit à un effet à un instant précis ou si on remplit une condition indiquée.

L’université d’Oxford permet de récupérer un cube Pouvoir au moment de jouer une action Technologie
Le Sphinx demande la majorité dans le nombre de merveilles construites pour gagner 1PV.

 Exploitation : vous manquez de cubes ? il est temps de secouer un peu votre populace. Le joueur reprend deux cubes Pouvoir devant lui, parmi ceux qu’il a utilisés ou depuis la carte. Cette seconde possibilité, qui revient à abandonner un territoire, est sanctionnée d’une perte en PV à hauteur de ce qui est indiqué sur le territoire en question.
A partir du niveau 9 en technologie (machine à imprimer), l’exploitation peut être jouée en version « avancée » : perdre 1PV pour reprendre 4 cubes Pouvoir.

 Expansion : vous vous sentez à l’étroit chez vous ? c’est le moment de voyager. Le joueur place un cube Pouvoir dans un nouveau territoire, adjacent à l’un de ceux où il est déjà présent.
A partir du niveau 5 en technologie (roue), l’Expansion peut être jouée en version « avancée » : reprendre 1 cube Pouvoir utilisé avant de poser sur la carte. A partir du niveau 9 en technologie (navigation), on peut s’étendre sur n’importe quel territoire, puisqu’ils sont tous maritimes.

Tiens y’a des gens à côté ?

 Echanges : votre voisin a l’air vachement intelligent ? C’est le moment de conclure un partenariat. Le joueur qui déclenche l’action Échanges gagne 1 niveau de Technologie, si il existe une civilisation adjacente qui possède un niveau supérieur au sien. Cet érudit voisin est récompensé de 2PV pour le coup de main.
A partir du niveau 9 en technologie (navigation), on peut échanger avec n’importe quelle autre civilisation, qui n’obtient en plus de ça qu’1 seul PV au lieu de 2.

 Raid : cette action nécessite de choisir une cvilisation adjacente (ou avec laquelle on partage un territoire) d’un niveau militaire inférieur au sien. L’attaquant reprend un cube de Pouvoir devant lui et gagne 1PV. La cible ne subit aucun désagrément.
A partir du niveau 10 en Technologie (Poudre à canon), l’effet du Raid est doublé : reprendre 2 cubes et gagner 2PV.

 Guerre : cette carte action n’est prise en main par un joueur que lorsqu’il atteint le niveau 2 en technologie (agriculture). Le joueur ayant sélectionné cette action est dans l’obligation de déclarer la guerre à une civilisation partageant un territoire avec lui, s’il en existe. La civilisation avec le plus haut niveau militaire remporte la guerre soit 2PV. Le perdant retire son cube Pouvoir du territoire contesté et le défausse comme s’il avait été utilisé. Exception : le dernier cube Pouvoir d’un joueur sur la carte ne peut pas être retiré.
Si l’attaquant a atteint le niveau 14 en technologie (énergie nucléaire), la guerre peut être jouée en version « avancée » et rapporte alors 4PV au lieu de 2 au vainqueur.

Pendant ce temps là…

 Tourisme : cette action n’est prise en main par un joueur que lorsqu’il atteint le niveau 12 en Technologie (Industrie). Le joueur gagne 1PV pour chaque groupe de 4 merveilles qu’il a construites.
À partir du niveau 15 en technologie (Internet), le tourisme peut être jouée en version « avancée » et rapporte alors 1PV par groupe de 3 merveilles.

 Révolution : cette action ne peut être sélectionnée au début du round que si au moins 3 cartes sont présentes dans sa colonne de défausse. Son effet est alors de reprendre en main la dernière carte posée dans la colonne de défausse (généralement la carte Révolution elle-même), plus une carte de son choix. Le round en cours sera le dernier du tour.

Le Temps reprend ses droits

Après avoir résolu toutes les actions du dernier round, le Cercle du temps indique un certain nombre d’effets automatiques qui sont à appliquer. Selon les tours, il se passe donc plus ou moins de choses. À savoir, systématiquement :

  • obtenir son bonus de gouvernement
  • redresser les cartes merveilles utilisées
  • récupérer les deux premières (plus anciennes) cartes de sa colonne de défausse
  • réévaluer l’ordre du tour, dans l’ordre inverse du score (en PV) actuel

 

Un tour sur deux :

  • obtenir les PV indiqués sur les territoires que l’on contrôle seul
  • injecter un nouveau cube Pouvoir pour tous
  • récupérer un cube Pouvoir utilisé pour chaque territoire sur lequel on est présent

L’avis du conseiller d’orientation

En utilisant notamment la sélection simultanée de cartes Action, l’auteur semble avoir réussi son exercice de style, c’est à dire un jeu de civilisation complet, jouable à 6 joueurs dans une durée de partie maîtrisée. L’ensemble est épuré mais consistant et cohérent. Le côté gestion est très présent et les interactions ne sont pas anecdotiques.
Les effets des attaques directes ont cependant été volontairement limités : le raid est totalement bénin pour sa cible, et une guerre perdue n’est pas forcément le début d’une longue spirale de défaites puisqu’elle n’entame pas les forces vives. De plus, l’auteur indique il est possible de remporter la victoire en occupant un unique territoire et en se contentant des avancées militaires minimum.

Les puristes regretteront, peut être, la linéarité des technologies qui sont immuables à chaque partie. Il est vrai que le renouvellement, simplement assuré par les spécificités des civilisations, merveilles et leaders, ne semble à première vue pas le point fort d’Historia.
La règle contient à ce propos une variante pour corser le jeu avec des événements négatifs affectant l’ensemble des joueurs, et prévoit par ailleurs de simuler des civilisations. Il est donc possible de jouer seul ou à plusieurs contre des « CivBots », dont on peut régler le niveau de difficulté.

Aux pinceaux, on retrouve Marina Fischetti et un certain Miguel Coimbra, lequel n’est probablement pas étranger à cette superbe illustration principale ni à ces personnages en ligne claire agrémentant les cartes de leaders et conseillers. Le design du plateau n’est malheureusement pas du même tonneau, notamment cette carte du monde qui fait un peu cheap, et le Cercle du temps plutôt fouillis.

Initialement, était uniquement annoncée une version multilingue, dont le français. L’initiative de Gigamic pour prendre en charge la VF est donc une excellente nouvelle quand on connait les difficultés rencontrées par Giochix dans cet exercice. Nous aurons ainsi le droit à une traduction de qualité supérieure, ainsi qu’à un rappel synthéthique des (nombreux) symboles et une FAQ intégrée en fin du livret de règles. Ce genre de partenariat, déjà expérimenté avec Keyflower, ne peut qu’être salué : merci Gigamic!

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5 Commentaires

  1. vince_jeux 08/09/2014
    Répondre

    Encore un excellent article. Merci Grovast. 

     

     

  2. DarkCruz 08/09/2014
    Répondre

    Choix des actions en simultanés, interaction entre les joueurs existantes mais pas trop aggressive, des mécaniques intéressantes… Surement un jeu de civilisation qu’il va être facile à sortir.

  3. eolean 08/09/2014
    Répondre

    Excellent article ! 

    Wishlist + 1       T_T

  4. Lordsavoy 10/09/2014
    Répondre

    en attendant le tout est très austère, mention spéciale au tableau qui pique les yeux 😉

    Un Nations (ou un clash of cultures) sont deja nettement + attirant 😉

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