Essen 2023 : Les retours de El Duderino: Nucléeum, General Orders : World War II, Iron Blood, Snow & Mud, Quartermaster General : East Front, Rivals, Triomphe à Marengo

Ce Spiel 2023, le deuxième auquel je me suis rendu, était plus court et mouvementé que le premier, et la fatigue du trajet était également bien présente. C’est pour cette raison que, contrairement à l’an dernier, je ne me suis pas amusé à faire le guet aux tables des jeux qui buzzaient. J’étais au contraire bien déterminé à profiter de ce festival pour jouer et pour découvrir des titres auxquels je n’aurai sans doute pas l’occasion de rejouer de sitôt.

J’ai donc adopté le principe suivant : je saisissais les occasions qui se présentaient et je n’hésitais pas à provoquer quelques occasions en me rendant dans des secteurs un peu plus calmes. Bon, le samedi j’ai compris qu’il fallait adapter ma définition de « secteurs calmes » à l’affluence du jour, mais dans l’ensemble j’ai réussi à faire sept parties en seulement deux jours et demi de présence sur les lieux, et sans me stresser ou courir outre mesure.

Je ne vous cacherai pas que, même s’il y avait tout plein de titres, en particulier du côté des jeux de gestion, qui me faisaient de l’œil, les foules ludiques agitées devant les dernières boîtes rutilantes m’ont rapidement persuadé de chercher mon bonheur ludique ailleurs. C’est ainsi que – Überraschung, Überraschung (ça veut dire surprise, en allemand) – je suis parti me réfugier chez mes confrères et consœurs, les fans de jeux d’histoire.

Pas d’inquiétude pour autant : j’ai quand même eu l’occasion de faire quelques tours de jeu de Nucleum (la dernière création de Luciani et Turczi) et même de sortir de ma zone de confort en jouant à Rivals, mélange de battle royale et de deck-building dont le KS s’est terminé le 12 octobre.

Alors, venez, on entre dans la Messe et on s’embarque dans la rétrospective de ce Spiel ’23 – attention, aucune Evacuation n’est possible, faute de place. Bonnes découvertes !

 

 

 

Nucleum – ou l’art de Brasser des Barrages ?

 

Et si l’énergie atomique avait été découverte en Saxe, au 20e siècle, par une femme nommée Elsa von Frühlingfeld (littéralement : Elsa du Champ de Printemps) ? C’est l’histoire alternative et, au vu des illustrations, un brin dystopique que nous présente Nucleum, la dernière création de Simone Luciani et David Turczi. En termes mécaniques, la promesse est celle d’un mélange de Brass, pour la construction et l’utilisation de réseaux, et de Barrage, pour la gestion de ressources (assez) contraignante et la nécessité d’optimiser pour produire le plus d’énergie et se développer.

Dans les faits, connaître Brass et Barrage permet peut-être de se faire une idée d’ensemble du jeu, mais il faudra tout de même comprendre les règles et surtout l’articulation entre les différents mécanismes du jeu. Je n’y ai joué que pendant une heure et demie (explications comprises), je ne peux donc vous en livrer que quelques impressions. La première, c’est qu’il s’agit d’un jeu à investissement qui va probablement demander de sacrifier la première partie pour comprendre l’enchevêtrement des différentes actions. La deuxième, c’est que cet enchevêtrement est complexe : pour réaliser certaines actions, il faudra donc s’y préparer pendant plusieurs tours de jeu.

Nous sommes donc sur un eurogame pour joueurs experts qui ne rechigneront pas à jouer quelques parties pour saisir vraiment le fonctionnement du jeu et ainsi pouvoir optimiser leurs actions et exploiter les réseaux d’électricité existants de façon efficace. À mon avis, Nucleum récompense cette assiduité et cette persévérance, c’est pour cela que, si j’en ai l’occasion, je serai curieux de rejouer au moins une partie complète. Mais cela veut dire aussi qu’il n’est pas à mettre entre toutes les mains.

 

 

 

Rivals – ne traînons pas dans l’espace

 

Rivals est un jeu d’affrontement – plus précisément de battle royale – et deckbuilding dont Cyril nous avait déjà parlé pendant qu’il était en financement participatif. Il s’agit d’une création de Baptiste Roux, Léonard Ebel, Maxime Schio et Sami Jaafar qui ont fondé la maison d’édition Unkind Games pour le publier. Les règles sont simples puisque, à son tour, chaque joueur dispose de deux Points d’Action pour se déplacer, récolter ou encore jouer une carte. Le gagnant est le joueur qui atteint le premier cinq points, par l’élimination de ses adversaires, l’échange de ressources ou la négociation avec des Sponsors qui apparaissent sur le plateau pendant la partie.

Il faut tout d’abord que je précise que ni la battle royale ni le combat tactique sont mon genre de prédilection et, si je ne me trompe pas, il s’agissait même de la toute première fois que je jouais à un jeu de battle royale : mon avis est donc à prendre avec de doubles pincettes. Je l’ai testé à quatre joueurs et nous n’avons pas fini notre partie. Personnellement, j’ai trouvé qu’elle s’éternisait et qu’il manquait de la tension pour rester toujours attentif et impliqué à la table. Cependant, mes camarades de jeu prenaient aussi le temps de discuter entre eux et de réfléchir, et nous étions tous en train de découvrir Rivals. Probablement, avec un tempo plus soutenu et des joueurs plus réactifs, la tension sera plus présente. C’est pour cela que, si vous aimez les jeux d’affrontement tactique, je vous conseille d’y jouer pour vous faire votre propre idée.

 

 

General Orders – World War II : placement d’ouvriers sous les bombes

 

General Orders – World War II est le dernier titre de David Thompson et Trevor Benjamin, les auteurs de la série Inflexibles (Undaunted). Il s’agit d’un wargame de plateau pour deux joueurs, les pays de l’Axe et les Alliés, qui s’affrontent dans les montagnes italiennes ou sur une île du Pacifique. Le gagnant peut être déterminé de deux façons : ou bien un joueur parvient à conquérir le QG de la faction adverse, ou bien, à la fin du quatrième round, on compte les points de victoire représentés par des étoiles sur les hexagones du plateau.

Les règles sont simples, ma partie n’a pas dépassé la demi-heure et la mécanique de placement d’ouvriers est bien intégrée : être le premier à réaliser une action apporte des avantages non négligeables, sans pour autant que le placement soit complètement bloquant. Il faut également remarquer que le contrôle de certains hexagones se répercute sur les actions que nous réalisons puisqu’ils donnent droit à des bonus. Le cœur du jeu réside donc dans le lien entre l’affrontement et le contrôle de territoires d’une part, et la pose d’ouvriers d’autre part.

À noter que certaines offensives sont résolues par des lancers de dés, tandis que les combats sont résolus par soustraction des unités. Les cartes permettent de gagner des bonus instantanés qui peuvent se révéler particulièrement utiles. Dans la mesure où les bonus sur le plateau se renouvellent en partie et qu’il y a deux théâtres de guerre, General Orders a probablement une certaine rejouabilité. Cependant, du fait de la simplicité des règles, celle-ci sera probablement limitée et, dans l’ensemble, le hasard est assez présent dans le jeu.

 

 

Quartermaster General East Front : le Front de l’Est piloté par les cartes

 

Quartermaster General : East Front est le dernier jeu conçu par Ian Brody, l’auteur de la série à succès Quartermaster General et de La Guerre de l’Anneau : le jeu de cartes dont vous entendrez parler très bientôt. Il s’agit d’un wargame de plateau pour deux joueurs dont les parties durent environ deux heures. J’ai eu l’occasion de le tester après une journée de jeu intensif et j’ai réalisé une manche complète (quatre tours). Quartermaster General est un jeu piloté par les cartes qui se déroule sur le Front de l’Est pendant la 2e Guerre mondiale. Les pays de l’Axe affrontent l’URSS et le gagnant est le joueur qui, à la fin de la quatrième manche, a marqué le plus de point de victoire.

J’ai joué l’Axe contre l’URSS et j’ai eu le sentiment que East Front était très scripté, en cohérence avec les événements historiques représentés : l’Axe doit avancer et l’URSS doit lui résister et le contrer autant que possible. D’autre part, soit parce que mon adversaire découvrait le jeu (mais c’était aussi mon cas) soit parce qu’il n’a pas eu de chance en tirant les cartes, il m’a semblé que l’URSS manquait de moyens pour représenter un véritable obstacle, ce qui a rendu l’avancement de l’Axe assez facile. La possibilité de réagir à une attaque de façon efficace repose en effet sur la possession de la carte avec le pictogramme correspondant.

Dans la mesure où les combats se résolvent par simple comparaison des forces en présence, l’issue d’un combat dépend surtout du hasard de la pioche et cela semble avoir pénalisé mon adversaire. J’ai également eu le sentiment que, avec les deux phases d’action et de mouvement, le jeu devenait un peu trop laborieux et répétitif : vu la simplicité de la stratégie et le caractère un peu procédurier des actions, il m’a semblé que la partie traînait. Là encore, ce ne sont que des impressions dans un salon de jeu bondé, après une journée bien fatigante et en ayant joué seulement une manche. Le mieux, c’est toujours de l’essayer pour vous en faire une idée.

 

 

Iron, Blood, Snow & Mud : jouer aux dés sur le Front de l’est – encore lui !

 

Avec Iron, Blood, Snow & Mud, c’est encore le Front de l’Est et l’opération Barbarossa lancée par Hitler en 1941 que nous retrouvons sur le plateau. Il s’agit d’un wargame au niveau opérationnel de Guglielmo Duccoli, publié par Phalanx (il est actuellement en train d’être livré aux backers). Là encore, l’Axe affronte l’URSS de Staline pendant des parties qui ne dépassent pas l’heure de jeu. Malgré l’asymétrie des deux camps, j’ai trouvé les règles faciles à appréhender et les tours de jeu très fluides.

En effet, nous suivons la même séquence de jeu comportant le placement du soutien aérien, le mouvement, le combat, les offensives contre les résistants, et ainsi de suite. Les combats sont résolus en lançant autant de dés que d’unités impliquées dans le combat. Ils sont remportés par le joueur qui obtient le résultat le plus élevé aux dés. Pour remporter la partie, l’Axe doit contrôler la ville où se trouve Staline ou détruire une forteresse et contrôler certaines zones du jeu avant la fin de la partie. Le joueur Soviétique doit parvenir à contrôler une zone de l’Axe ou empêcher celui-ci de gagner avant la fin de la partie.

Iron, Blood, Snow & Mud est un wargame simple (comparable, en difficulté, à 300 ou à Saladin) dans lequel on retrouve quelques mécaniques traditionnelles du genre : les différences de terrain et de saison, l’arrivée de renfort, le soutien aérien et naval ou encore le plateau à hexagones et les différentes capacités de mouvement des unités. Les résultats des combats dépendent des lancers de dés, ce qui peut être une limite des stratégies offertes par le jeu. À mon avis, plusieurs stratégies sont possibles, mais la rejouabilité pourrait être limitée par le format du jeu – mais demandons-nous aux jeux d’être rejouables à l’infini ?

 

Triomphe à Marengo – wargame à bloc(s) !

 

Triomphe à Marengo est la réédition de Bonaparte at Marengo de Bowen Simmons, un auteur de wargames connu notamment pour The Guns of Gettysburg. Les unités sont représentées par des barrettes et le niveau de moral des deux camps par des disques. La bataille représentée est celle du 14 juin 1800 à Marengo, dans le Piémont. Tôt le matin, les troupes autrichiennes lancent une offensive devant laquelle l’armée française est impréparée et prise au dépourvu. Inférieure numériquement, l’armée de Napoléon est rapidement débordée par les Autrichiens qui, dans l’après-midi, estiment avoir remporté la victoire.

Alors que la situation semble désespérée, le général Desaix et ses neuf milles soldats lancent une contre-attaque qui renversera le sort de cette bataille et permettra aux Français de gagner.  C’est cette bataille, entre Français et Autrichiens, que Triomphe à Marengo modélise, avec des mécaniques à la fois accessibles et profondes d’un point de vue stratégique. Le plateau représente la ville de Marengo et la campagne environnante, avec ses axes routiers, ses rivières, ses marécages et ses forêts.

Les unités se déplacent en groupe et ont une capacité de mouvement décroissante, à mesure qu’on les active. Les batailles sont résolues par comparaison de la force des unités (infanterie, cavalerie et, dans une moindre mesure, artillerie). On ne joue donc aucune carte et on ne lance aucun dé. On obtient une victoire décisive si l’on parvient à retirer tous les jetons de moral au camp adverse et une victoire marginale, si les Autrichiens parviennent à dépasser la ligne d’objectif. S’il n’y parviennent pas, ce sont les Français qui gagnent.

Les règles tiennent en douze pages, mais il m’a semblé que la profondeur stratégique était bel et bien là et je ne regrette pas d’avoir raté les enchères du stand de GMT Games pour poursuivre ma partie. Si vous suivez mon travail, vous savez que les batailles napoléoniennes ne font pas partie de mes centres d’intérêt. Néanmoins, si on me proposait d’y rejouer et de faire une partie complète, j’accepterais avec plaisir – d’ailleurs, je vais guetter le marché de l’occasion pour The Guns of Gettysburg.

 

 

Et c’est la fin de cette rétrospective sur les jeux que j’ai essayés à Essen. Mais je ne vous ai pas tout dit : j’ai aussi joué à Pax Illuminaten et à Thorgal : le jeu de cartes. Je vous en parle dans la prochaine Actu du Participatif !

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2 Commentaires

  1. ihmotep 27/10/2023
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    J’ai pu m’essayer à Nucleum hier soir. Bien que je déteste Brass (trop alambiqué le système de transport de matières premières) et Barrage (je n’arrive pas à visualiser et anticiper l’écoulement des gouttes d’eau), j’ai bien aimé Nucleum. Bien qu’aussi touffu que ces ainés, le système de réseau m’a paru beaucoup plus clair. Toutefois je n’investirais pas pour 2 raisons : la première c’est qu’une fois l partie bien avancé le jeu perd beaucoup en lisibilité de l’avis général autour de la table (ce n’est pas d’un simple coup d’oeil que nous verrons quel bâtiment est alimenté, à quel famille il appartient,…). Ca j’aurai pu m’en accommoder mais la seconde raison c’est que sur ma table de salon 6 places le jeu ne tient pas, il occupe plus d’espace sur une table que mes Lacerdas.

    • El Duderiño 27/10/2023
      Répondre

      Merci beaucoup pour ton retour. Honnêtement pour l’avoir juste essayé pendant une heure, j’aimerais bien y rejouer pour m’en faire une idée plus précise. On verra si j’en ai l’occasion 😉

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