Ecos Continent Originel – L’évolution se joue au bingo

Un commencement est un moment d’une délicatesse extrême.

Sachez donc que l’on est en l’an -125 000 000. La Terre est gouvernée par les invertébrés, nos ancêtres. À cette époque, la plus précieuse substance de la Terre est le Jeton Symbole. Et oui. Le Jeton accroît la surface terrestre. Le Jeton amplifie l’herbe de la savane. Le Jeton est vital au déplacement sur terre. Le Jeton a fait des invertébrés des mammifères après des millions d’années d’usage. Ah oui ! J’oubliais de vous dire… Ce Jeton n’existe que dans un seul jeu de tout l’univers ludique.
Un peu aride, ce jeu possède de vastes tuiles. Et caché dans la boîte de ce jeu vit un peuple connu sous le nom de pions animaux, qui depuis longtemps prophétise la venue d’un joueur, d’un messie, qui les conduirait vers la véritable liberté. Ce jeu, c’est l’animo-bingo 2.0, connu aussi sous le nom de Ecos Continent Originel.

 

 

Nous sommes au début de la conquête de la Terre par les animaux, dans la suite des invertébrés puis des dinosaures. En tant que grand architecte darwinien, à vous de développer le tout premier continent avec ses océans, sa faune, sa géologie.

Ecos de John D. Clair s’avère un mélange de diverses mécaniques ludiques, ce qui fait son originalité. Il y a deux manières de le présenter :

  • Ecos est un jeu où vous allez faire évoluer un continent en fonction de vos objectifs, en jouant astucieusement sur la tectonique des plaques et la migration de la faune sauvage, aussi bien terrestre qu’aquatique. Saurez-vous être le meilleur artisan de cette terre en devenir ? (Approche thématique) ;
  • Ecos est un cousin éloigné du bingo/loto où vous allez placer des tuiles et déplacer des animaux. Serez-vous le plus chanceux à avoir vos jetons tirés du sac et la joie de crier en premier « ECOS » ? (Approche mécanique)

 

Dans Ecos, chaque joueur va influer sur un continent nouvellement créé pour mener une course jusqu’à 80 points de victoire.

Pour cela, il va falloir placer (ou déplacer) des tuiles de trois types différents (mer, désert, prairie) et des jetons animaux de diverses espèces, mais aussi des forêts et des montagnes. Un écosystème qui finira par grandir, et permettre des configurations qui marquent des points.

Chaque joueur dispose d’un deck de départ de cartes, tous différents, ce qui donne des orientations de déploiement et de scoring distinctes. Certains decks seront plus orientés sur les habitats des animaux, d’autres sur l’aspect géologie du territoire construit.
Mais voilà, il va falloir activer les cartes pour permettre toutes ces actions. Et c’est là que le bingo rentre dans la création du monde !

 

Et au 7ème tirage, Dieu créa les éléphants

De beaux Jetons SymboleToute la tension du jeu va se jouer autour du tirage de Jeton symboles d’un sac en toile. Ces symboles sont en quantité variable et chaque joueur attendra, avec une certaine appréhension, celui qui sera tiré. Complètera-t-il une carte posée devant nous ? Ou sera-t-il inutilisable en tant que symbole et servira alors à d’autres fins ?

Chacune de vos cartes est constituée d’un ensemble de symboles, plus ou moins nombreux et plus ou moins rares, selon la puissance des actions à débloquer. Un joueur va donc tirer dans un sac un jeton symbole : Si le symbole correspond à celui d’une des cartes, le joueur a l’opportunité de placer un cube dessus.

Le tirage continue jusqu’à ce qu’une carte d’un joueur soit complètement remplie. Le propriétaire de la carte crie alors « ECOS ! » et va pouvoir activer sa carte. Cela peut d’ailleurs arriver à plusieurs joueurs en même temps.

Les cartes vont proposer une suite d’actions, à résoudre dans un ordre défini. Cela commence, pour une majorité de cartes, par une action de placement : Placer une tuile terrain, avec parfois une contrainte de pose ; placer des arbres ou des montagnes sur une tuile existante, avec aussi des contraintes ; ou placer un type d’animal sur une tuile, en respectant sa contrainte d’habitat (soit par rapport à un terrain, soit par rapport aux arbres/montagnes). Jusqu’à 14 espèces d’animaux différentes pourront coexister sur le continent.

Certaines cartes permettront de déplacer les éléments du continent. En général, cela sera des migrations d’animaux d’une tuile vers une autre adjacente.

Enfin, plusieurs actions viendront compléter l’évolution du continent :

  • Gagner de nouveaux symboles qui permettront de compléter d’autres cartes, voire de provoquer des combos par activations successives,
  • Activer quelques pouvoirs spécifiques,
  • Et surtout marquer des points de victoire, soit directs, soit en fonction de la configuration du continent ou de la pose préalable d’un jeton. Par exemple, poser un rhinocéros et gagner trois points par montagne adjacente.

 

Enfin, si le gain d’un symbole n’est pas possible ou que le joueur n’en veut pas, il aura la possibilité de tourner un cadran personnel. Ce cadran va permettre au joueur des actions pour améliorer son jeu. Vous pourrez gagner des cubes à poser sur ses symboles de cartes. En effet, nous n’en avons que 7 au début, ce qui s’avère très insuffisant pour compléter plusieurs cartes en parallèle. Autre option, récupérer de nouvelles cartes dans sa main, qui complèteront le deck de départ. Sinon, vous pourrez poser des cartes de votre main afin qu’elles soient accessibles pour activation. Mais attention à ne pas trop « commencer » de cartes en même temps, cela nuira à votre vitesse d’activation.

À noter que chacune de vos cartes à activer pourra l’être plusieurs fois, selon la puissance de la carte. Une carte accomplie se ré-initialise en enlevant tous les cubes dessus et sort de votre espace de jeu une fois sa limite d’activation atteinte.

Le jeu continue jusqu’à ce qu’un jeton avec un symbole Joker soit sorti. Dans ce cas, on termine le tour en cours avec d’éventuels « ECOS » lancés, et on regarde si un joueur ou plus ont atteints les 80 points de victoire. Si c’est le cas, la partie s’achève par la victoire de celui qui aura le plus de points. Sinon, tous les jetons sont remis dans le sac et c’est reparti pour une séance de tirage de jetons.

 

L’évolution : coup de chance ou stratégie darwinienne ?

Ne vous y trompez pas. Ecos est un jeu qui se mérite. Au premier abord, on pense à un jeu un peu hasardeux, qui se définit selon le bon vouloir des jetons qui sortent du sac. Il n’est pas sans rappeler Augustus de Paolo Mori, jeu familial de 2013 qui est revenu dernièrement sous une nouvelle édition, Via Magica. Lors des premières parties vous entendrez les mêmes phrases : « Ah mais ce n’est toujours pas le jeton que je veux qui sort ! » ou « Ah, mais Michel a trop de veine, il réussit à remplir plein de cartes lui ! ».

C’est vrai, il y a une part de hasard dans le tirage des symboles. Mais s’arrêter à un jeu de « stop ou encore » aléatoire serait une grosse erreur. En effet, les cartes sont nombreuses, avec des pouvoirs divers et variés, qui peuvent se combiner. Tous les decks de départ sont différents et il faudra les apprivoiser pour les maîtriser. La règle le précise d’ailleurs : « Il est tout à fait possible de gagner uniquement avec le deck de départ, sans aucun achat de cartes supplémentaires, pour peu qu’on le joue correctement« .

Il faut donc ne pas s’arrêter à la première impression. De toute manière, cela se ressent très vite. Dès la fin de la partie découverte, on se dit tous : « Ah mais si j’avais joué ça en premier… » ou « Je connais mon deck maintenant, je ferai mieux la prochaine fois ». Plutôt bon signe !

 

 

J’ai été en revanche moins convaincu par les illustrations et le matériel du jeu. Nous avons une impression d’austérité. Même si cela se rapproche de l’idée que l’on peut avoir d’une savane désertique, l’ensemble est assez fade et assez peu avenant. Les pions animaux sont trop petits, les jetons montagnes sont un peu grossiers et les tuiles paysages manquent cruellement de vie. Au fur et à mesure que le plateau se complète, on constate aussi un manque de lisibilité générale. AEG aurait pu faire mieux. Les jetons symboles à piocher sont par contre eux de bonne facture.

 

Simultané mais quelques longueurs

Quant au tour de jeu, il faut constater qu’il est fluide. Gros avantage : pas de temps mort, vu que nous jouons en simultané. Comme dans Augustus, il peut y avoir un peu d’attente si plusieurs joueurs ont des objectifs réalisés en même temps, mais cela dérange peu. Cela dit, le jeu m’est apparu un peu long. Indiqué jusqu’à six joueurs, les parties durent déjà près de deux heures à quatre joueurs. Plus de joueurs ne m’a pas semblé être la configuration optimale, je conseillerais plutôt d’y jouer à trois. Je précise que la version ici testée était en anglais, avec du texte sur les cartes portant parfois à confusion chez nous. Mais sachez que le jeu arrive traduit en français très bientôt, d’ici fin novembre.

Notez qu’il est assez difficile de suivre le jeu des adversaires, en tout cas au début. Déjà, parce qu’on est concentré sur son jeu, qui se complexifie au fur et à mesure que nous avons des cartes devant nous, mais aussi parce qu’il y a tellement de pouvoirs différents qu’on est bien en peine de suivre ceux des autres. Il fut compliqué sur mes premières parties de contrer les stratégies adverses sans ralentir mon propre déploiement. Cela dit, plusieurs pouvoirs de cartes permettent de modifier le continent existant. De bonnes occasions de s’avantager au détriment des autres joueurs. Bref, cela nécessitera du temps.

La rejouabilité est quant à elle assurée à plusieurs niveaux. D’une part, via le paysage en construction qui ne sera pas le même d’une partie sur l’autre, or, cela est déterminant pour de nombreux objectifs à points de victoire. D’autre part, via le choix des animaux qui conquerront le continent – cela influera aussi sur les objectifs à réussir.

Cette rejouabilité se suffirait à elle-même, mais elle est complétée par les decks de départ de chaque joueur. Six sets de départ sont suggérés pour une première partie. Mais il est possible d’en obtenir six autres en combinant les cartes différemment (cela se fait à partir de symboles sur les cartes). Enfin, pour les joueurs confirmés, il est même possible de drafter les cartes de deck de départ. Il y a de quoi gagner en compétences.

 

Au final…

Cet Ecos est un titre particulier. Il s’avère difficile à catégoriser. Sur une mécanique simple et familiale ressort un jeu profond et assez complexe à maîtriser. Bien moins accessible que Augustus, il propose une profondeur accrue. L’expérience est intéressante et le jeu vaut un bon apprentissage pour en profiter. Cependant, après mes quelques premières parties, il ne m’a pas laissé un goût de « reviens-y » prononcé. Je crois que je lui aurais presque préféré une version plus light au final. Mais qui a dit que l’évolution était un processus simple ?

 

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7 Commentaires

  1. cidrixx 20/11/2020
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    Excellente introduction de l’article (et le reste aussi d’ailleurs) !!!

    J’adore la référence… 🙂

  2. morlockbob 20/11/2020
    Répondre

    Je suis assez partagé sur ce jeu. Et je suis d’accord sur le fait qu’il en fait trop. Les parties peuvent être fluides ou pesantes. IL est parfois difficile de lancer son moteur. Ravi de des mes parties découvertes mais le jeu est trop incertain.

    • MeepleCam 20/11/2020
      Répondre

      Sur 2 de mes parties, un joueur a fait un mauvais départ, sans pouvoir mettre en place un moteur. Il s’est retrouvé à la traine tout le jeu. Grisant pour lui…

  3. Kikrok 23/11/2020
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    J’ai 2 parties à mon compteur, une à 6 et une à 4.

    4 est le grand maximum auquel je recomandrais le jeu, à 6 il est long et pesant et en plus la configuration du terrain change tellement vite à cause de vos 5 adversaires que toute planification devient hasardeuse.

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